mardi 26 février 2008

Sermon du 17 février 2008 - Reminiscere

Texte : Heb 11.1-3+8-16


1 « Or la foi, c'est la réalité de ce qu'on espère,
l'attestation de choses qu'on ne voit pas.
2 C'est par elle que les anciens ont reçu un bon témoignage.
3 Par la foi, nous comprenons
que les mondes ont été formés par une parole de Dieu,
de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est manifeste.
8 C'est par la foi qu'Abraham obéit à un appel
en partant vers un lieu
qu'il allait recevoir en héritage :
il partit sans savoir où il allait.
9 C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger,
habitant sous des tentes avec Isaac et Jacob,
héritiers avec lui de la même promesse.
10 Car il attendait
la cité qui a de solides fondations,
celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur.
11 C'est par la foi aussi que Sara elle-même,
malgré sa stérilité et son âge avancé,
fut rendue capable d'avoir une descendance,
parce qu'elle tint pour digne de confiance
celui qui avait fait la promesse.
12 C'est pourquoi d'un seul homme
– et d'un homme déjà atteint par la mort –
sont nés des descendants aussi nombreux
que les étoiles du ciel
et que le sable qui est au bord de la mer,
qu'on ne peut compter.
13 C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts,
sans avoir obtenu les choses promises ;
cependant ils les ont vues et saluées de loin,
en reconnaissant publiquement
qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.
14 En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie.
15 S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée,
ils auraient eu le temps d'y retourner.
16 Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste.
C'est pourquoi Dieu n'a pas honte
d'être appelé leur Dieu ;
car il leur a préparé une cité. »


Chers frères et sœurs,
« étrangers et résidents temporaires
sur la terre, »,
car citoyens d’une « patrie supérieure, »
de la « patrie céleste » !


Qu’est-ce qui nous caractérise, nous, les chrétiens ? Peut-être une manière plus morale de nous comporter au travail, dans le voisinage, dans la vie ? Un amour du prochain qui recherche le bien réel de l’autre plutôt que notre intérêt ? Mais il y a aussi des incroyants qui mènent une vie extérieurement honorable et exemplaire.

Qu’est-ce qui nous caractérise alors ? C’est simple : notre « foi » en Jésus-Christ (v. 1). Elle, les incroyants ne l’ont pas. Elle est vraiment notre signe distinctif.

Et cette foi, croire dans le Dieu des promesses, croire en Jésus-Christ, ce n’est pas quelque chose de théorique, de passif ; c’est une dynamique poussée en avant par la « dynamique » ou « puissance » de « l’Evangile » (Rm 1.16) ; une dynamique tournée vers l’avenir. En ce sens, elle est intimement liée à « ce qu’on espère » (v. 1).

Mais la foi est avant tout « foi en Jésus-Christ » (Ga 2.16). Elle regarde donc aussi en arrière, sur les grandes œuvres accomplies par Dieu en Jésus-Christ. Notre foi en Jésus-Christ se nourrit donc de « la connaissance » que la Bible nous apporte « de Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur, » (2 P 3.18).
Et finalement, notre foi regarde le présent, et elle le fait avec « confiance » (v. 11) et assurance.
« Connaissance » du passé, « confiance » dans le présent et « espérance » pour l’avenir, voilà les trois facettes de « la foi » chrétienne. C’est aussi ce que nous apprenons en méditant l’exemple de
LA FOI D’ABRAHAM

Avec Abraham, nous voyons
1. comment la foi débute ;
2. comment elle résiste ;
3. comment elle aboutit.

--- 1 ---


Avec Abraham, nous voyons comment la foi débute.

L’histoire d’Abraham nous montre que la grâce de Dieu précède toujours la foi. Dans sa grâce – de façon tout à fait imméritée – Dieu s’approche de nous pour nous attirer en sécurité auprès de lui.

L’archéologie est en accord avec le récit de la Bible. Avec les jeunes de la paroisse, nous avons visité le département des antiquités mésopotamiennes du Musée du Louvres à Paris. Les objets exposés au Louvres – et plus spécialement celles en provenance d’Ur, la ville où Abram a vécu – ces objets font comprendre de façon saisissante qu’Abram vivait dans un environnement riche et idolâtre.

C’était pareil à Charan où il avait déménagé avec son père, Térach. C’était aussi une ville aussi idolâtre que culturellement riche.

C’est hors de là que Dieu l’a appelé, alors qu’il avait 75 ans. Dieu lui a manifesté sa grâce, Dieu lui a fait une faveur imméritée, en l’appelant hors de l’idolâtrie dans laquelle il baignait en Mésopotamie.

« Par grâce… » (Ep 2.5) Dans sa grâce, Dieu accompagne puissamment l’appel qu’il adresse aux pécheurs que nous sommes.

Les paroles de Jésus avaient le pouvoir d’accomplir ce qu’il disait. C’est ainsi qu’il a appelé à lui ses futurs apôtres. L’appel de Jésus a toujours été : « Viens et vois ! » (Jn 11.34), viens et laisse-toi surprendre !

C’et ainsi aussi que « l’Evangile, puissance de Dieu pour sauver » (Rm 1.16), a poussé Abraham à échanger la vie dans le luxe avec une vie nomade, à braver les difficultés et les dangers du désert, pour aller se réfugier auprès de ce Dieu débordant de grâce.

Nous aussi, Dieu « nous a appelés par la grâce du Christ pour passer » auprès de lui, dans sa communion sécurisante (Ga 1.5). Nous aussi il nous « a appelés par l’Evangile » (2 Th 2.14) pour nous faire passer « des ténèbres » de la perdition « à son étonnante lumière » (1 P 2.9)

Et dans sa grâce, il nous a maintenus dans cette foi, il a fait que nous gardions confiance dans le salut que son Fils nous a procuré.

« Par grâce… » (Ep 2.5) C’est ce que nous confessons avec ces paroles que nous avons apprises, enfants, à catéchisme : « Je crois que je ne puis, par ma raison et mes propres forces, croire en Jésus-Christ, mon Seigneur, ni aller à lui. Mais c’est le Saint Esprit qui m’a appelé par l’Evangile, éclairé de ses dons, sanctifié et maintenu dans la vraie foi. » (Martin Luther, « Petit Catéchisme », 3ème Article de la Foi)


--- 2 ---


Avec Abraham, nous voyons comment la foi résiste , comment elle résiste aux assauts du doute et des épreuves.

Fallait-il que les promesses imméritées de Dieu l’aient subjugué au plus haut point pour qu’il échange sa vie cossue pour une vie nomade ! « Abraham obéit à un appel […] : il partit sans savoir où il allait ! » (v. 8)

Il n’avait ni carte Michelin ni guide touristique, pas non plus de GPS, pas de photos de là où il devait se rendre ; il n’a pas fait d’enquête préalable sur « le lieu qu’il allait recevoir en héritage » (v. 8)

Le bon sens appelle cela de la folie – surtout, aux yeux de ses compatriotes – : quitter les idoles aux temples richement ornés pour suivre un Dieu invisible et sans lieu de culte précis !
Mais la foi fait confiance à la Parole que Dieu lui adresse. « La foi, c'est la réalité de ce qu'on espère, l'attestation de choses qu'on ne voit pas. » (v. 1)

Quand on croit en Dieu, quand on fait confiance à sa Parole de grâce, on fait taire les sens là où ils contredisent la Parole de Dieu. Oh ! ce n’est pas toujours facile de faire taire les objections de la raison, mais « la réalité de ce qu’on espère » dépasse tellement tout entendement qu’on glorifie ce Dieu qui nous en fait la promesse.

Et entre le moment de l’appel et celui où on touche au but, pendant cette période intermédiaire qui est celle de notre vie ici-bas, c’est souvent l’aventure. Un peu comme Pierre qui a dit à Jésus : « Sur ta Parole » (Lc 5.5), j’y vais, même si ma raison s’y oppose.

Revenons à l’exemple d’Abraham. En suivant l’appel de Dieu, les dangers et les privations sont devenus son lot quotidien. Maintenant il habite « une tente » (v. 9) au lieu d’un palais. « C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger » (v. 9), des territoires souvent hostiles aux étrangers, hostiles aussi à sa foi.

Abraham fait face à d’apparentes contradictions. Dieu lui a promis une nombreuse descendance (Gn 12.2 ; 15.5 ; 17.2), mais Sara, sa femme, est frappée de « stérilité » (v. 11). Seule une confiance inébranlable en la grâce et la fidélité de Dieu pouvait se sortir d’une telle impasse.
« C'est par la foi aussi que Sara elle-même, malgré sa stérilité et son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une descendance, parce qu'elle tint pour digne de confiance celui qui avait fait la promesse. C'est pourquoi d'un seul homme – et d'un homme déjà atteint par la mort – sont nés des descendants aussi nombreux que les étoiles du ciel et que le sable qui est au bord de la mer, qu'on ne peut compter. » (v. 11-12)

Avouons qu’il est parfois difficile d’« attendre » (v. 10), surtout quand c’est pendant aussi longtemps qu’Abraham et Sara ont dû attendre et vivre d’espoir. Oui, il est parfois difficile de « mettre son espérance dans le Seigneur » (Ps 27.14).
Finalement, Sara eut Isaac ; les espérances s’étaient réalisées, Dieu avait tenu parole ; ils ont eu raison de garder foi en lui.

Chers amis, notre vie ici-bas se déroule, pour nous tous, dans ce genre d’attente. Nous avons des attentes diverses, certaines pour cette vie, d’autres pour l’au-delà.

Réconfortons-nous avec la certitude que ces paroles adressées plus tard à Abraham – « Dieu est avec toi dans tout ce que tu fais ! » (Gn 21.22) – elles font aussi partie des promesses que Dieu nous a faites avec son alliance du Baptême. Les promesses d’amour et de fidélité que Dieu nous adresse inlassablement dans sa Parole sont sans nombre.

Alors, oui, nous sommes, comme Abraham, « étrangers et résidents temporaires sur la terre, » résidents passagers, gens de passage, « voyageurs sur la terre » (trad. Segond 21).
Nous non aussi, nous avançons dans la vie « sans savoir où nous allons » (v. 8). Sans doute préparons-nous notre avenir par des études, un plan de carrière, des projets personnels, de couple, de famille, mais ça ne veut pas dire que cela se passera comme prévu.
Ainsi les anniversaires sont des occasions de regarder en arrière sur les chemins par lesquels nous sommes arrivés jusque-là : dans le détail, ce ne sont sans doute jamais ceux que nous avions projetés. Mais nous pouvons voir la main de Dieu qui s’est étendue sur nous, qui nous a réconfortés, qui nous a guidés, et parfois carrément portés hors d’une passe difficile. « Dieu était avec nous. »

Et, particulièrement lors d’un anniversaire, nous regardons en avant et nous nous en remettons avec « foi » en Celui qui non seulement connaît l’avenir, mais qui le maîtrise aussi « pour notre bien » (Rm 8.28).
Nous nous en remettons à Celui qui nous aime autant que son Fils, puisque c’est là le prix qu’il a payé « pour que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1 Jn 3.1) Remettons-nous en à ses promesses de grâce et de fidélité. Ainsi nous lui permettons de nous guider à chaque instant, même quand nous ne savons pas, dans le détail, par quels chemins il va nous mener.
En tout cas, nous savons où, en fin de compte, il veut nous conduire.


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Avec Abraham, nous voyons comment la foi aboutit.

Abraham connaissait les bons côtés de la vie, et y a amplement goûté. Certes, il a été « étranger et voyageur sur la terre » – pas seulement du point de vue spirituel, aussi du point de vue matériel –. Mais bien que nomade, il était tellement riche que le nombre de ses serviteurs a suffit pour battre une coalition de trois roitelets de l’époque. Du point de vue matériel, malgré sa vie errante, il était bien pourvu.

Mais la richesse n’empêche pas que la foi puisse être mise à rude épreuve. Abraham a dû garder foi en Dieu quand il y a eu pénurie d’herbages pour ses troupeaux. Il a dû garder foi en Dieu face à des batailles pour l’eau – tiens, déjà à l’époque ! – entre ses bergers et ceux de Lot. Il a dû garder foi en Dieu en période de famine qui l’a poussé à aller en Egypte où pharaon a failli lui piquer sa femme Sara. Il a dû garder foi en Dieu quand une coalition de rois du coin eurent enlevé Lot et sa famille et qu’il a dû livrer bataille pour les délivrer. Il a dû garder foi en Dieu au milieu de son imbroglio conjugal, coincé qu’il s’est trouvé par sa propre faute, entre les querelles de sa femme, sans enfants, et de sa servante, Hagar, dont Sara avait voulu qu’il eut un fils. Eh ! oui, les patriarches aussi n’étaient que des hommes, des pécheurs qui ne vivaient que de la grâce de Dieu. Abraham pas moins que les autres. (voir Rm 4.3)

Et enfin, quand il eut avec Sara l’unique enfant – Isaac – que Dieu leur avait permis d’avoir à un âge vraiment avancé, Abraham a encore dû garder foi en Dieu quand celui-ci lui demanda ce fils unique en sacrifice !

Il faut bien reconnaître : à partir du moment où Abraham a suivi l’appel de Dieu, sa foi a bien souvent été mise à rude épreuve.

Notre foi en Dieu connaît aussi ce genre d’émotions, des moments où on a du mal à concilier ce qu’on est en train de vivre avec l’amour et la fidélité de Dieu. Aussi est-ce auprès de lui, dans sa Parole, qu’il faut aller chercher l’apaisement et la paix.
Nous y découvrons que les épreuves que Dieu nous envoie ont un pouvoir de purification. Dans l’épreuve, notre foi en Dieu apprend à faire la part des choses. A la lumière de la Parole de grâce, les choses prennent une autre valeur. L’essentiel se détache mieux de l’aléatoire, le primordial du secondaire.

Que nous dit le Seigneur ? « Tous ceux que j’aime, moi, je les reprends et je les corrige » (Ap 3.19). Cette reprise en main par notre Seigneur peut parfois secouer, du moins sur le moment. En fait c’est pour « corriger », pour rectifier le cours des choses et mieux nous remettre sur le chemin de la foi en sa fidélité, sur le chemin aussi de l’espérance inséparable de notre foi.
Le but à atteindre, la destinée de son voyage à travers ce monde, était clair pour Abraham. « Il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur. » (v. 10)
Il savait sur quel chemin Dieu l’avait placé par son appel. Il savait sur quel chemin il avançait. Il n’en connaissait pas les détails, mais il faisait confiance à celui qui l’y dirigeait et accompagnait, et il savait où cela le menait.

Les apôtres présenteront plus tard Abraham comme « le père des croyants » (voir Rm 4.12+16 ; Ga 3.7+29). Avec lui et après lui, bien des hommes et des femmes ont placé leur foi dans le Dieu de la promesse et ont suivi son appel. Notre texte nous dit d’eux :
« C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts, sans avoir obtenu les choses promises ; cependant ils les ont vues et saluées de loin, en reconnaissant publiquement qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.

En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie. S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu le temps d'y retourner.
Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste. C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu ; car il leur a préparé une cité. » (v. 13-16)
Tous les croyants des temps passés – de l’époque de l’Ancien, puis du Nouveau Testament, comme tous les croyants depuis lors – « ont obtenu les choses promises » (v. 13) en passant de cette vie auprès de Dieu.

C’est ce qui nous console en pensant aux frères et sœurs en la foi qui nous ont précédés dans ce voyage.
C’est aussi ce qui nous anime et nous fortifie au cours de notre traversée de cette vie.
Comme croyants, notre « nostalgie » (v. 15) nous pousse à regarder en avant et vers le haut, pas vers le passé, si ce n’est pour nous souvenir des bénédictions dont le Seigneur nous y a comblés et des consolations qu’il nous y a prodiguées.
Notre cap est résolument fixé : c’est « la cité […] dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (v. 10) et qu’il nous a préparée au ciel ; c’est « la patrie supérieure, c’est-à-dire céleste » (v 16) qui nous attend, parce que Jésus nous y a procuré le droit de cité.
« C’est par la foi » (trad. Segond 21) dans les promesses de Dieu cimentées par la croix de Golgotha, c’est dans cette foi en Christ que nous osons suivre l’appel de Dieu, que nous avançons à la voix de Dieu.

Et « c’est par [cette] foi » que nous gagnons finalement – parce qu’il n’y a plus rien à gagner pour le croyant : Christ a tout gagné pour nous, par pure grâce !

Amen.
Jean Thiébaut Haessig, pasteur


Chants :

Bénis l’Eternel ô mon âme, LlS 20 : 1-4
A Dieu seul j’abandonne ma vie et ma personne, LlS 228 : 1-5
Seigneur, dirige tous mes pas LlS 305 : 1-3
ou :

Confie à Dieu ta route AeC 616 : 1-4
A Dieu seul j’abandonne ma vie et ma personne AeC 634 : 1-4
Il est, pour le fidèle, au-delà du tombeau, AeC 640 : 1-4


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