mercredi 30 juillet 2008

Sermon du dimanche 20 juillet 2008 - 9ème Dim. après la Trinité

Chants proposés :

Seigneur, tu nous appelles AeC 212:1-3
Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, AeC 181:1-2
Tu me veux à ton service, AeC 427:1-3


Texte : Mt 25.14-30

14 « Il en sera comme d'un homme qui, sur le point de partir en voyage, appela ses esclaves et leur confia ses biens.
15 Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon ses capacités, et il partit en voyage.
16 Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla les faire valoir et en gagna cinq autres.
17 De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres.
18 Celui qui n'en avait reçu qu'un alla faire un trou dans la terre et cacha l'argent de son maître.
19 Longtemps après, le maître de ces esclaves arrive et leur fait rendre compte.
20 Celui qui avait reçu les cinq talents vint apporter cinq autres talents et dit : "Maître, tu m'avais confié cinq talents ; en voici cinq autres que j'ai gagnés."
21 Son maître lui dit : "C'est bien ! Tu es un bon esclave, digne de confiance ! Tu as été digne de confiance pour une petite affaire, je te confierai de grandes responsabilités ; entre dans la joie de ton maître."
22 Celui qui avait reçu les deux talents vint aussi et dit : "Maître, tu m'avais confié deux talents, en voici deux autres que j'ai gagnés."
23 Son maître lui dit : "C'est bien ! Tu es un bon esclave, digne de confiance ! Tu as été digne de confiance pour une petite affaire, je te confierai de grandes responsabilité ; entre dans la joie de ton maître."
24 Celui qui n'avait reçu qu'un talent vint ensuite et dit : "Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n'as pas semé, et tu récoltes où tu n'as pas répandu ;
25 j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici ; prends ce qui est à toi."
26 Son maître lui répondit : "Esclave mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé et que je récolte où je n'ai pas répandu ?
27 Alors tu aurais dû placer mon argent chez les banquiers, et à mon arrivée j'aurais récupéré ce qui est à moi avec un intérêt.
28 Enlevez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents."
29 – Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on enlèvera même ce qu'il a. –
30 Et l'esclave inutile, chassez-le dans les ténèbres du dehors ; c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents." »


Heureux esclaves de Jésus-Christ étonnamment graciés, différemment dotés ou doués et infiniment capables !


« En voilà une façon de s’adresser à nous ! Qu’on fasse valoir que nous sommes doués, voilà qui fait plaisir ! Et qu’on nous considère comme des personnes capables, cela flatte notre ego. Mais… que vient-on nous parler d’esclavage ? Qui peut bien se sentir honoré d’être considéré comme un « esclave » ? Tout le monde veut commander, être le chef, être indépendant. Voilà ce qu’on considère comme un but, un accomplissement, la réussite dans la vie ! »


Laissons de côté le débat à propos de ce qu’est la réussite sociale ou professionnelle. Ce n’est pas là notre sujet. Dans notre texte, Jésus parle d’autre chose. Il y parle – comme souvent – du Royaume de Dieu, de son Royaume et de ses sujets, de leur état et de leur activité.
Cette parabole, Jésus l’a racontée à ses disciples la semaine où il allait être crucifié. Ces paroles sont dites alors qu’il songe à sa mort imminente, à son départ imminent. C’est dans ce contexte qu’il dit : « Il en sera comme d'un homme qui, sur le point de partir en voyage, appela ses esclaves » (v. 14) pour régler avec eux différentes choses importantes avant son absence qui devait se prolonger.


« Longtemps après, le maître de ces esclaves arrive et leur fait rendre compte. » (v. 19) Rappelons-nous : Jésus s’adresse ici à ses disciples pour leur faire comprendre qui ils sont pour lui, comment il les a dotés et préparés pour le temps qui va s’écouler jusqu’à son retour au Jugement Dernier, et ce qu’il attend d’eux en son absence.


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Des « esclaves » de Jésus-Christ,
voilà ce que nous sommes, dit notre texte.


Des « esclaves » appartiennent à leur maître. Ce qu’ils sont et ce qu’ils possèdent, tout cela appartient à leur maître. Et le fruit de leur travail aussi.


Nous savons comment nous le sommes devenus, esclaves de Jésus-Christ : notre Seigneur Jésus-Christ – confessons-nous – « m'a sauvé, racheté et acquis, moi perdu et condamné, en me délivrant du péché, de la mort et de la puissance du diable ; non pas à prix d'or ou d'argent, mais par son saint et précieux sang, par ses souffrances et sa mort innocentes, afin que je lui appartienne et que je vive dans son Royaume, pour le servir […]. » (Martin Luther ; « Petit Catéchisme »)
Cet extrait du 2ème Article de la Foi chrétienne dans le « Petit Catéchisme » de Martin Luther, nous ne le récitons pas comme n’importe quel autre texte appris par cœur. Et encore moins avec la tête courbée comme si nous venions d’être acquis par un nouveau maître sur le marché aux « esclaves ».


Ces paroles jaillissent de notre cœur comme une confession joyeuse et une louange reconnaissante, car celui qui est devenu notre Maître a vraiment donné du sien et payé fort cher pour que nous puissions lui appartenir.


Rappelons-nous : Qu’étions-nous avant de lui appartenir ? Nous n’étions pas non plus libres ! Nous étions lourdement enchaînés sous la domination de Satan ; nous étions perdus pour l’éternité. Pour assouvir sa profonde haine contre Dieu et se venger de lui, le diable voulait nous entraîner avec lui dans les peines éternelles de l’enfer.


A l’époque, quand nous appartenions au royaume de Satan, nous étions exposés à la colère de Dieu, il n’y avait pas moyen d’aller vers Dieu et d’avoir part à sa vie, notre existence était sans espoir, sans issue, il n’y avait pas moyen de nous libérer de notre état mortel d’esclaves de Satan, même pas d’y améliorer notre sort.
Mais Jésus est intervenu. Il nous a arrachés à la tyrannie de Satan et nous a mis en sécurité sous sa Seigneurie à lui. Certes, dans son Royaume, nous ne sommes pas non plus nos propres maîtres – de toute façon, cela, aucun être humain ne l’est ! – mais le Maître auquel nous appartenons maintenant décrit ainsi son règne : « Mon joug est bon, et ma charge légère, » (Mt 11.30), le « fardeau » dont je vous charge est si « léger »[1] qu’au lieu de vous écraser, paradoxalement, il vous tire vers le haut, vous soulage et vous remplit de paix et de joie ! »
Nous l’avons échappé belle ! Dieu nous a fait grâce, il s’est mis en quatre pour nous mettre en sécurité auprès de lui. Nous avons maintenant un Maître qui ne nous tient pas rigueur de nos péchés, qui les a même expiés à notre place. Il nous a évité le châtiment mérité.


Nous avons un Maître qui se soucie plus de notre bien-être que du sien – puisqu’il s’est sacrifié pour nous ! – un Maître qui ne nous punit pas selon nos mérites mais nous fait grâce et a veillé à ce que nous soyons


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des « esclaves » comblés de dons.


Cela prouve d’ailleurs qu’il nous fait confiance. Le maître de la parabole « confia ses biens. » à ses « esclaves » (v. 14). Pareillement, Jésus nous a « confié » – à nous les « esclaves » qu’il s’est acquis à un prix si élevé – il nous a « confié sa fortune »[2] pour que nous l’administrions et la gérions sur terre.
En effet, il a fait de nous des esclaves richement dotés, pas tous pareillement, mais de façon complémentaire. « Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon ses capacités, et il partit en voyage. » (v. 15)


Jésus ne donne que trois « esclaves » en exemple. Il y en a bien entendu infiniment davantage dans son Royaume. Mais trois exemples suffisent pour nous faire comprendre ce qui lui tient à cœur.
Dans son Royaume, Jésus distribue ses dons de façons diverses. Il ne s’agit pas ici du pardon, de la vie et du salut : ceux-là, il les donne sans distinction à tous ceux qui croient en lui. « Celui qui met sa foi dans le Fils a la vie éternelle » (Jn 3.36), un croyant comme l’autre. Dans ce domaine, il n’y a pas de différence entre les « esclaves » de Jésus-Christ.


Mais dans d’autres domaines il y a bel et bien des différences. Il est difficile de ne pas s’en rendre compte. Nous ne sommes pas tous pareillement riches. Les uns sont plus doués intellectuellement, d’autres plus manuellement. Les uns on un esprit plus théorique, d’autres plus pratique. Les uns sont doués pour la musique, d’autres pour le bricolage. Les dons des uns sont plus développés pour être lecteurs, voire diacres, les dons d’autres sont plutôt dans le domaine du jeu d’orgue ou d’autres instruments. Les uns ont plus de facilités pour être trésorier, d’autres pour être monitrice d’école du dimanche. Chez les uns le don d’organisation est plus développé, chez d’autres celui du témoignage. L’un a une santé à toute épreuve, un autre plus de temps pour le bénévolat.


Je vais m’arrêter là, bien que le réservoir de dons de notre Seigneur soit infini : nous en avons reçus bien plus que ceux que je viens d’énumérer.
Tout cela pour dire que nous, les croyants, n’avons pas été fabriqués sur une chaîne de montage d’où chacun sortirait semblable à l’autre, tels des sosies. La vie en église serait vraiment monotone si c’était le cas.


Non, Dieu répartit ses dons différemment entre nous. C’est la raison pour laquelle il n’attend pas non plus la même chose de chacun de nous. Notre responsabilité consiste à être « bons » et « dignes de confiance » (v. 21 et 23), « bons et fidèles »[3] dans la gestion des biens et des talents que Dieu nous a confiés, et non de faire des comparaisons avec les autres qui ont été dotés différemment.
Le maître de la parabole dit pareillement aux deux premiers serviteurs : « C'est bien ! Tu es un bon esclave, digne de confiance ! » (v. 21 et 23), « C’est bien, bon et fidèle serviteur ! »
[4] Le maître fait le même compliment aux deux. Pourtant, le deuxième n’a « gagné » que « deux talents » (v. 22), alors que le premier en a « gagné » « cinq » (v. 20), donc plus du double ! Mais il avait aussi reçu au départ plus de dons.
Dieu n’attend pas de nous de faire l’impossible. S’il attend quelque chose de notre part, il nous en a aussi rendus capables. La seule question que chacun de nous devrait se poser à ce sujet est la suivante :


« Qu’est-ce que je fais avec les dons que Dieu m’a donnés ?
Est-ce que j’y reconnais des "biens" reçus de Dieu, qui ne m’appartiennent pas en propre, à moi, son "esclave" et que je dois faire prospérer dans son Royaume ?
Ou suis-je un "esclave mauvais et paresseux" (v. 26), "mauvais et paresseux" dans l’emploi des dons reçus au service de la paroisse et l’Eglise, dans la famille et au travail ou quel que soit l’endroit où le Seigneur m’a placé dans la vie pour "faire valoir" ses dons ? »
Ce qui frappe dans la parabole, c’est que Jésus n’oppose pas ici le « bon et fidèle serviteur » à quelqu’un qui, comme le fils prodigue, a dilapidé les dons reçus de Dieu. Certes, ce fils dilapidateur est encore pire que le troisième « esclave » de notre parabole, c’est évident.
Mais ici Jésus veut nous faire comprendre quelque chose que nous avons parfois du mal à saisir. Nous avons du mal à voir quelque chose de « mauvais » dans le comportement du troisième « esclave ». Comment peut-on l’appeler « mauvais » ? N’a-t-il pas rendu à son maître ce qu’il avait reçu ?


En raisonnant ainsi, on oublie quelque chose de fondamental : les dons de Dieu ne sont pas des dons inertes. Dieu les a pourvus d’une capacité de productivité et de rendement qu’il serait coupable d’ignorer et de ne pas utiliser.


Le troisième "esclave" représente ceux qui, extérieurement, font partie de l’Eglise, mais qui restent inactifs, qui n’utilisent pas les dons reçus de Dieu pour participer à l’édification du Royaume de Dieu.
Peut-être que beaucoup de chrétiens n’en sont pas conscients, mais, dans sa grâce, notre Seigneur a fait de nous


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des « esclaves » capables de rendement.


Il nous suffit d’utiliser les dons qu’il nous a faits pour sa seule gloire. Ce qui est important, ce n’est pas la nature de mes dons – il est donc complètement déplacé de jalouser les autres – ; ce qui est important, c’est que je ne « cache » (v. 18) pas les dons que le Seigneur m’a faits, mais que je les utilise.
Ce qui est important, c’est que tu fasses confiance au Seigneur : s’il t’a confié certains dons, c’est qu’ils sont utiles et propices à ton épanouissement comme au déploiement du Royaume de Dieu.
Voyez-vous ! croire en Jésus-Christ et en son expiation, ce n’est pas seulement la condition nécessaire pour être pardonné, racheté et sauvé, sans foi en Jésus-Christ, il n’y a pas non plus de vie chrétienne, de vie à la suite et pour la gloire du divin Ressuscité.


Celui qui ne croit pas que Dieu répartit les dons correctement, celui qui ne croit pas que les dons qu’il a reçus peuvent contribuer au développement harmonieux du Royaume de Dieu, celui-là ne fera pas non plus usage de ses dons, celui-là ne portera pas non plus de fruits.
Il est vrai, il arrive que nous connaissions des échecs dans la mise en œuvre de nos dons, en tout cas des échecs apparents. Que cela ne nous décourage pas ! Il n’appartient à personne de porter un jugement sur le niveau de réussite à avoir. Ce jugement appartient au Seigneur seul, lorsqu’il reviendra de son voyage, au Jugement Dernier, lorsqu’il « fera rendre des comptes » (v. 19).
Et là, nous pourrions avoir des surprises : le travail patient et dévoué, apparemment effacé, de l’un se trouvera peut-être avoir eu plus de rendement que les actions d’éclat de personnes plus en vue.
Que chacun de nous se demande donc :


Ø Ai-je déjà découvert les dons et les talents que le Seigneur m’a accordés dans sa grâce ?
Ø Ai-je proposé à ma paroisse de m’impliquer « pour l’utilité commune » (1 Co 12.7) avec ces dons du Seigneur, ou suis-je « paresseux » dans leur application ?
Ø Suis-je reconnaissant aux autres de me conseiller sur la façon dont je puis m’impliquer avec mes dons dans la vie paroissiale, familiale ou autre, pour la gloire de mon Seigneur ?
Ø Suis-je « bons » et « digne de confiance », « bon et fidèle » dans l’usage de mes dons et talents, ou ne peut-on pas me faire confiance ?
Ø Fais-je dépendre mon implication avec mes dons de l’implication des autres ? Est-ce que je sers mon Eglise, ma famille, mon patron, par gratitude envers Jésus-Christ, mon Seigneur, ou pour faire comme les autres ? Autrement dit : Est-ce que je fais dépendre ma vie chrétienne de celle des autres ou de mon Seigneur Jésus-Christ à qui je dois tant, plus que ce que je vais jamais pouvoir lui donner en retour ?


Vous savez : dans une parabole, notre Seigneur n’entre pas dans tous les détails de la vie. Il ne peut qu’y esquisser des vérités importantes. Ainsi, il parle du moment où il confie les talents, puis de son retour pour le Jugement Dernier « longtemps après » (v. 19). Dans cette parabole il ne parle pas du temps de grâce qui s’écoule pour chacun de nous entre ces deux extrêmes.
Mais si nous devions avoir commencé notre temps de grâce comme « le troisième » – ou si, avec le temps, nous devions être devenus « paresseux » comme lui – n’oublions jamais que ce temps est encore et toujours un temps de grâce : si nous nous repentons, si nous demandons pardon à notre Seigneur pour l’amour de son sacrifice expiatoire, sa grâce est assez vaste pour nous pardonner.


Avec ce « long temps » de notre vie ici-bas, il nous offre amplement l’occasion de nous « amender », comme nous le disons dans la liturgie, bref, de nous améliorer, de changer de cap, pour ne pas être « jetés »[5] comme des « esclaves inutiles » « dans les ténèbres du dehors » (v. 30).


Voyez-vous : c’est vraiment une situation singulière que d’être « esclave de Jésus-Christ » (Col 4.12) ! Il nous a « rachetés à un grand prix »[6] (1 Co 6.20). Quant à nous, avec notre changement de Maître, nous avons gagné sur toute la ligne. Il nous a dotés de dons ; nous n’avons qu’à les utiliser, ils porteront alors du fruit car le Seigneur les bénit.


Et le plus inattendu, le plus merveilleux vient à la fin : Comme nous sommes ses « esclaves », tout ce que nous avons, tout ce que nous produisons, lui appartient ; il ne nous doit rien. Et pourtant, que dira-t-il à la fin ? « On donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance » (v. 29) !
Celui qui a porté des fruits parce qu’il a utilisé les dons reçus, celui-là recevra encore des bénédictions complémentaires.
Qu’attendons-nous donc pour utiliser avec foi les dons qu’il nous a confiés, pour les utiliser pour le bien de tous et pour la gloire de notre Seigneur aimant et bienfaisant ?


Amen.
Jean Thiébaut Haessig


[1] Mt 11.30, traduction « Segond 21 ».
[2] Mt 11.14, traduction « Bible de Jérusalem ».
[3] Mt 25.21 et 23, dans version « Segond 21 ».
[4] Mt 25.21 et 23, dans version « Segond 21 ».
[5] Mt 25.30, dans version « Segond 21 ».
[6] 1 Co 6.20, dans version « Segond 21 ».