mardi 10 juin 2008

Sermon du 8 juin 2008 - 3ème dimanche après la Trinité

Texte: Rm 4.18-25

Chants proposés :

Dans ton temple, ô mon Sauveur, LlS 2
Ta gloire, ô notre Dieu, brille dans la Parole LlS 150
Ta Parole, Seigneur, est ma force et ma vie LlS 151
Jésus-Christ, dans sa grâce, racheta les pécheurs LlS 164

18 « Espérant contre toute espérance, il a cru et il est ainsi devenu le père d'une multitude de nations, selon ce qui avait été dit : "Telle sera ta descendance."
19 Sans faiblir dans la foi, il considéra son propre corps déjà atteint par la mort – il avait près de cent ans – et le ventre mort de Sara.
20 Mais face à la promesse de Dieu il n'hésita pas, dans un manque de foi ; au contraire, rendu puissant dans la foi, il donna gloire à Dieu,
21 pleinement convaincu de ceci : ce que Dieu a promis, il a aussi le pouvoir de le faire.
22 C'est aussi pourquoi cela lui fut compté comme justice.
23 Mais ce n'est pas à cause de lui seul qu'il est écrit : "Cela lui fut compté",
24 c'est aussi à cause de nous, à qui cela va être compté, nous qui croyons en celui qui a réveillé d'entre les morts Jésus, notre Seigneur,
25 qui a été livré pour nos fautes et réveillé pour notre justification. »
[1]

Chers frères et sœurs que le Seigneur a amenés à placer votre foi en lui !

La liberté de parole et de conscience est inscrite dans la Constitution de notre pays. Et c’est un don pour lequel nous ne pouvons pas assez remercier Dieu. Pour la petite histoire : Rabaut Saint-Etienne, pasteur cévennol et délégué du Tiers-Etat, en a été le rédacteur principal. Mais comme ailleurs, là aussi on abuse souvent de quelque chose qui, en soi, est un bien inestimable.
J’aime écouter un de nos humoristes, très présent à la télé, à la radio et sur les planches, à cause de sa finesse, de son à-propos, de sa vitesse de réaction à l’actualité. Bien entendu, tout n’est pas toujours à mon goût, mais là, il y a trois semaines, j’ai eu un choc. Il a lourdement glissé dans le blasphème, il a ridiculisé notre Seigneur Jésus-Christ.

Cela m’a beaucoup attristé. Lui aussi fait partie de ceux pour qui « la parole du Christ est folie », insensée (1 Co 1.18+23). Lui aussi est à plaindre, car il ne sait pas tout ce que notre Seigneur apporte à ceux qui placent leur foi en ses mérites.

A l’opposé, Abraham nous montre de façon très bouleversante ce qu’est

LA FOI EN DIEU

par opposition à
la confiance dans les hommes

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Que d’espérances ne place-t-on pas en l’homme ! Nous ne pouvons pas vivre sans espoir. « L’espoir fait vivre » dit-on communément. Nos contemporains sont devenus pessimistes, ont peur de l’avenir, ne croient plus trop dans la continuité d’un progrès sans fin, ont peur pour la survie de notre environnement, voire de notre planète. Mais il faut bien vivre. Alors on se remonte le moral avec des cataplasmes du genre : « Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir ! »
Mais c’est quoi, cet espoir répandu dans le monde ? Au fond, ces espoirs, nous les partageons aussi, même si ce ne sont pas les seuls que nous ayons, et surtout pas les plus importants. On pourrait résumer ces espoirs avec les mots que Luther emploie pour expliquer la 4ème Demande du Notre Père :
« La nourriture, le vêtement, la demeure, le champ, le bétail, l’argent et les biens, une famille pieuse, des employés honnêtes, des supérieurs justes et intègres, un bon gouvernement, des saisons favorables, la paix, l'ordre, la santé, l'honneur, des amis fidèles, de bons voisins, et en général tout ce qu’il faut pour vivre décemment. » (Martin Luther, Petit Catéchisme)
Ce sont des espoirs que nous partageons et pour lesquels Jésus nous demande de prier. Mais le monde, sur quoi fonde-t-il ces espoirs ? Sur lui-même, sur les forces, les ressources et les possibilités qu’il trouve en lui-même ; sur les forces de la nature, pour découvrir ensuite qu’elles sont polluées ; sur l’intelligence et la raison de l’homme, pour constater ensuite qu’il est comme possédé par l’envie de détruire la paix et l’environnement ; sur les découvertes de la science et de la technique, pour être pris de panique quand il voit que ces découvertes sont souvent utilisées contre le bien de l’homme et de la nature.

Voilà où les rêves et les espoirs exclusifs du monde ont conduit ! Là où la médecine a vaincu d’anciennes maladies comme la variole, elle se retrouve désemparée devant de nouvelles maladies comme le SIDA. Là où l’industrie moderne a relevé le niveau de vie et la qualité de la nutrition, on se retrouve avec le sol, l’eau et l’air pollués, sans parler des peuples africains affamés au bord de la révolte.

Et chez nous, les fruits, les légumes et la viande n’ont plus la qualité d’autrefois en raison des pesticides et autres engrais. Là où l’être humain a lutté pour la liberté – dans notre pays, par exemple –, cette dernière a perdu tout contrôle et maîtrise de soi, tous repères et critères moraux. Là où l’homme espérait et se promettait beaucoup de bien, il a souvent moissonné le malheur.
Quand alors les déceptions s’accumulent, il devient pessimiste, sceptique, blasé. Il n’attend plus grand-chose de la vie ; il ne trouve plus grand sens à rien ; la vie devient un fardeau, une vie sans lumière, sans espoir, une vie chargée d’aigreur.

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Et là surgit Abraham, Abraham et sa foi indéfectible en Dieu. Comparé au scepticisme qui nous environne, il fait l’effet d’un extra-terrestre. Comparé au scientisme vulgaire répandu dans le pays, la foi d’Abraham fait plus que déteindre ; elle s’y oppose carrément. « Espérant contre toute espérance, il a cru […] Sans faiblir dans la foi, […] face à la promesse de Dieu il n'hésita pas, […] pleinement convaincu de ceci : ce que Dieu a promis, il a aussi le pouvoir de le faire. » (v. 18-20)
Abraham vivait et se fiait sans broncher à Dieu et à sa Parole, alors que des années durant il n’a rien vu de l’accomplissement des promesses que Dieu lui avait faites, bien au contraire ! Mais il savait : on peut faire fond sur lui, on peut lui faire confiance !

A plus forte raison devrions-nous, nous les croyants du Nouveau Testament, avoir cette confiance inébranlable en notre Dieu bon et miséricordieux ! Abraham vivait environ 2000 ans avant l’accomplissement des grandes prophéties messianiques ; nous, par contre, nous vivons 2000 ans après. Nous savons : la plus importante de ses promesses, Dieu l’a déjà tenue ; la promesse qui lui a coûté le plus, la promesse de l’accomplissement de laquelle dépendent toutes les autres promesses, la promesse de la venue de son Fils pour s’incarner comme véritable descendant d’Abraham.

Cette promesse a trouvé son accomplissement, il y a près de 2000 ans, dans la personne de Jésus-Christ, de « Jésus, notre Seigneur » (v. 24), « vrai Dieu, né du Père de toute éternité, vrai homme, né de la vierge Marie » (Martin Luther, Petit Catéchisme). L’incarnation du Fils de Dieu, le fait que, comme promis, il ait bien voulu devenir homme comme nous – mais sans péché –, c’est là la preuve et la garantie que nous pouvons faire confiance à Dieu.

Il faut se rappeler pourquoi le Fils éternel de Dieu s’est fait homme. Cela confortera notre certitude : oui, Dieu est digne de confiance, on peut s’en remettre à lui, car dans quel but Jésus est-il devenu homme ? – Pour qu’il puisse être « livré pour nos fautes » (v. 25), nous dit Paul ici.
Jésus s’est « livré » lui-même pour que Dieu ne nous refoule, ne nous rejette pas à cause de nos péchés. Pour cela il s’est laissé punir à notre place ; à notre place il a satisfait les exigences que Dieu avait envers nous. Voilà comment il a apaisé la colère de Dieu contre les pécheurs que nous sommes, voilà comment il a changé la colère de Dieu en grâce. C’est parce que Jésus s’est substitué à nous dans le Jugement de Dieu que le Dieu trois fois saint est devenu pour nous « Dieu avec nous » (2 Jn 1.3), « Dieu pour nous » (Rm 8.31)

« Que dirons-nous donc à ce sujet ? » demande Paul. « Si Dieu est pour nous, […] lui qui n'a pas épargné son propre Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce ? » (Rm 8.31-32)

Dieu nous a donné son Fils pour nous sauver ! Dieu nous a ainsi donné la caution de sa fidélité à toute épreuve. C’est là la garantie que nous pouvons lui faire confiance, « nous, qui croyons » ce qu’il nous a apporté par la mort et la résurrection de son Fils.

Quant à la résurrection de Jésus, elle est une preuve supplémentaire que nous pouvons faire confiance à Dieu. « Jésus-Christ, notre Seigneur, » n’a-t-il pas « été […] éveillé » – « ressuscité » – « pour notre justification. » (v. 25)
La résurrection de Jésus est comme une phénoménale absolution publique de la part de Dieu ! En ressuscitant Jésus des morts, Dieu annonce que les péchés de ceux qui placent leur foi dans le Ressuscité ne les séparent plus de lui ; nous pouvons vraiment lui faire confiance : son Fils a démoli et enlevé tout ce qui nous séparait de Dieu – nos péchés et notre culpabilité –, nous n’avons plus aucune raison de craindre Dieu.

Quiconque vient à lui avec foi, dans la foi en l’œuvre de son Fils, celui-là ne doit pas « hésiter » à croire, pas « douter » (v. 20) que Dieu lui accorde sa grâce, son fidèle accompagnement et sa bénédiction.

Bon, d’accord, … mais cela n’est-il pas plus vite dit… et prêché que vécu dans la réalité ? Ne nous retrouvons-nous pas parfois dans des situations que Paul qualifie ici de « contre toute espérance » (v. 18), des situations où il semble qu’il n’y ait rien à espérer ? Ne nous retrouvons-nous pas parfois dans des situations dont personne ne peut nous montrer d’issue, et encore moins nous en faire sortir ?

Chez l’un, ce sont des problèmes familiaux, chez tel autre de graves problèmes de couple, chez celui-ci le refus de se réconcilier, chez celui-là des dettes élevées ; chez d’autres de graves problèmes de santé, les séquelles de l’âge, voire les soucis quant au devenir d’un proche. Mais cela peut aussi être l’oppression injuste d’un gouvernement totalitaire, la guerre civile, le terrorisme, voire le chaos économique et la famine. N’en entendons-nous pas parler chaque jours par les médias ?

« Je n’ai rien à espérer » gémit ce malade, ou cet opprimé. Et effectivement, à vue humaine, on ne voit parfois pas d’issue dans ce monde. C’était aussi le cas d’Abraham quand « il considéra son propre corps déjà atteint par la mort – il avait près de cent ans – et le ventre mort de Sara » Mais malgré tout, « sans faiblir dans la foi », il resta « pleinement convaincu de ceci : ce que Dieu a promis, il a aussi le pouvoir de le faire. » (v. 19+21)

Il est vrai, Dieu avait fait une promesse tout à fait personnelle à Abraham : qu’il allait avoir des descendants. Mais humainement – médicalement – parlant, les chances étaient nulles. Mais « rien n’est impossible de la part de Dieu » (Lc 1.37). Combien souvent n’avons-nous pas eu honte d’avoir douté de lui ? Ici, il nous a guéris d’une grave maladie ; là, il nous a remplis de force et de patience dans des souffrances indicibles. Ici, il nous a délivrés d’une grave crise personnelle ; là, il a fait évoluer une situation apparemment désespérée vers une issue positive.
Bien entendu, nous, personnellement, nous n’avons pas reçu de la part de Dieu une promesse concrète précise comme il en a faite une à Abraham. Certes aussi, le bon sens d’Abraham lui assénait : « Vu ton âge, c’en est bel et bien fini avec l’espoir d’avoir des enfants ! », mais la foi d’Abraham demeura ferme en Dieu : « Espérant contre toute espérance, il a cru. » (v. 18)
Dieu ne nous a promis ni enfants ni santé, ni richesses ni amis, ni croissance numérique de la paroisse ni succès missionnaires, ni travail ni paix dans le pays. Et pourtant il nous a fait des promesses de la plus haute importance : le sang et la justice de son Fils Jésus-Christ doivent nous être « être comptés, nous qui croyons en celui qui a réveillé [– ressuscité –] d'entre les morts Jésus, notre Seigneur » (v. 24).

Or si Dieu nous compte, à nous croyants, la justice de son Fils, s’il nous considère justes comme son Fils, alors l’accompagnement et la fidèle assistance de Dieu nous sont acquis.
C’est là le Dieu merveilleux que nous avons, un Dieu plein de bonté et de sollicitude. Il nous a promis de faire « tout coopérer » ou « concourir à notre bien » (Rm 8.28) à nous qui l’aimons pour son amour sauveur.

Plus nous méditons les prophéties messianiques que Dieu a accomplies, les promesses qu’il a tenues, et plus nous serons « rendus puissants dans la foi » – pour parler avec Paul (v. 20) –, plus notre confiance en Dieu deviendra « inébranlable » (1 Co 15.58 ; 1 P 5.10).
Cela aura encore un autre effet : nous saurons alors aussi de mieux en mieux « rendre gloire à Dieu » (v. 20), partout et en toute occasion, y compris là où, comme dans le cas d’Abraham, nous ne voyons rien de l’accomplissement. Nous savons : là aussi il agit en silence, là aussi il est à l’œuvre, plein de sollicitude, « pour notre bien ».

« Espérant contre toute espérance, » Abraham « a cru. [ ;..] Sans faiblir dans la foi, […] face à la promesse de Dieu il n'hésita pas, […] pleinement convaincu de ceci : ce que Dieu a promis, il a aussi le pouvoir de le faire. » (v. 18-20)

Comme Abraham l’a fait, prenons, nous aussi, Dieu au mot, rappelons-lui ses serments de fidélité et d’amour. « Ainsi tu reconnaîtras », te déclare ton Dieu, « que je suis l'Eternel et que ceux qui comptent sur moi ne seront pas couverts de honte. » (Es 49.23)[2]
Amen.
Jean Thiébaut Haessig


[1] Rm 4.18-25 (Segond 21) :
18 « Espérant contre toute espérance, Abraham a cru et est ainsi devenu le père d'un grand nombre de nations, conformément à ce qui lui avait été dit: Telle sera ta descendance.
19 Sans faiblir dans la foi, il n'a pas considéré que son corps était déjà usé, puisqu'il avait près de 100 ans, ni que Sara n'était plus en état d'avoir des enfants.
20 Il n'a pas douté, par incrédulité, de la promesse de Dieu, mais il a été fortifié par la foi et il a rendu gloire à Dieu,
21 car il avait la pleine conviction que ce que Dieu promet, il peut aussi l'accomplir.
22 C'est pourquoi cela lui a été compté comme justice.
23 Or ce n'est pas pour lui seulement qu'il est écrit que la foi a été portée à son compte,
24 mais c'est aussi pour nous. Elle sera portée à notre compte, puisque nous croyons en celui qui a ressuscité Jésus notre Seigneur,
25 lui qui a été donné à cause de nos fautes et qui est ressuscité à cause de notre justification. »
[2] Es 49.23 (NBS) : « Ainsi tu sauras que je suis le Seigneur (YHWH), et ceux qui m'espèrent ne seront pas honteux. »