mercredi 17 décembre 2008

Sermon du dimanche 14 décembre 2008 -3ème dimanche de l'Avent


Texte : Mt 11 . 2-11

Chants proposés :

Saint Envoyé du Père, notre éternel espoir LlS 38 : 1+4-7
Quel est cet astre radieux LlS 36 : 1-3
Béni soit à jamais (Cantique de Zacharie) LlS 25 : 1+7-11


2 « Or, dans sa prison, Jean avait entendu parler de ce que faisait Christ. Il envoya deux de ses disciples lui demander :
3 "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?"
4 Jésus leur répondit : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez :
5 les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.
6 Heureux celui pour qui je ne représenterai pas un obstacle !"
7 Comme ils s'en allaient, Jésus se mit à dire à la foule au sujet de Jean : "Qu'êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ?
8 Mais qu'êtes-vous allés voir ? Un homme habillé de [tenues] élégantes ? Ceux qui portent des tenues élégantes sont dans les maisons des rois.
9 Qu'êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète,
10 [car] c'est celui à propos duquel il est écrit : Voici, j'envoie mon messager devant toi pour te préparer le chemin.
11 Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'est venu personne de plus grand que Jean-Baptiste. Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui." »



Chers frères et sœurs en Christ,
appelés à être « grands » dans son Royaume !


Il y a des périodes où notre moral n’est vraiment pas au beau fixe. Notre quotidien peut être sérieusement secoué, voire ébranlé, par la maladie ou le décès d’un proche. Des espoirs non réalisés peuvent nous plonger dans de grandes déceptions. Des difficultés financières peuvent être la cause de notre découragement. Des coups durs – qui plus est, qui nous prennent à l’improviste – peuvent ébranler nos existences. Et, dans le domaine spirituel, notre péché et notre culpabilité peuvent ronger insidieusement et saper notre bonheur et notre tranquillité intérieure.
Des doutes peuvent alors menacer d’assombrir notre existence : Dieu est-il vraiment avec moi ? Et si oui, peut-il réellement changer quelque chose pour mon bien ? Où est-il ? Qu’attend-t-il pour intervenir en ma faveur ?

Jean-Baptiste, ce préparateur du chemin du Messie, semble avoir connu un tel moment de doute, dans sa prison. Connaissait-il un tel flottement ? Il n’était, finalement, qu’homme lui aussi ! Ou alors était-il à bout d’arguments pour convaincre ses disciples ?

« Dans sa prison, Jean avait entendu parler de ce que faisait Christ. Il envoya deux de ses disciples lui demander : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" » (v. 2-3)
Jésus ne s’offusque pas de ce moment de faiblesse de son précurseur, le Baptiste. Au contraire, il lui vient en aide avec sa parole d’Evangile.

De la même façon, tout comme il le fait avec Jean-Baptiste, Jésus se préoccupe et s’occupe aussi de nous : il attire aussi notre regard sur lui, le Messie, et nous montre qu’en lui nous devenons même

PLUS GRANDS QUE LE GRAND BAPTISTE !

Sans non plus nous offusquer des questions posées par Jean-Baptiste, ou par d’autre d’entre nous, voyons que

1. Poser des questions
c’est là le propre de notre condition.
2. Répondre aux questions
c’est là une des fonctions de Jésus.
3. Faire de nous des grands dans son Royaume,
voilà ce qu’il vise avec nous.

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Poser des questions, c’est le propre de notre condition.

Des questions, tout le monde en a, y compris dans le domaine spirituel. Ceux qui n’en posent pas, ont des problèmes pour les poser, ou ceux à qui ils voudraient confier leurs problèmes… leur posent problème.
Jean-Baptiste, en tout cas, a des questions à poser à Jésus.
« Dans sa prison, Jean avait entendu parler de ce que faisait Christ. Il envoya deux de ses disciples lui demander : "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" »
Etonnant, non ? Etonnant, mais non pas incompréhensible.
Jean est en prison dans la forteresse de Machéronte, à l’est de la Mer Morte. C’est le général et historien juif Josèphe qui nous l’apprend. Jean y connaît, comme c’est le cas pour les prisonniers de l’époque, des conditions de vie misérables. Il ne peut plus prêcher. Il est empêché de continuer à remplir sa mission de précurseur du Messie.
Jean avait rencontré Jésus pour la première fois – si l’on peut dire – quand sa mère, Elisabeth, allait sur la fin de sa grossesse et que Marie, la mère de Jésus en était au début. Jean allait naître quelque six mois avant Jésus (Lc 1.26+39-57).

La première rencontre entre les deux de leur vivant, du moins la première rapportée par les Evangiles, fut aussi un événement marquant pour tous les deux : ce fut le jour où Jésus se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. Ce jour-là, alors qu’il baptisait le Fils de Dieu, Jean entendit la voix de Dieu le Père et vit une forme symbolique de Dieu le Saint-Esprit (Mc 1.9-11 ; Jn 1.29-34).
C’est dans ces circonstances que Jean a annoncé : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » (Jn 1.29)

Emprisonné dans la forteresse de Machéronte, Jean pouvait, cependant, avoir des contacts avec ses disciples ; il pouvait leur parler. C’est ainsi qu’il les a envoyé poser ces questions à Jésus.
Voulait-il, dans un moment de doute dû aux sévères conditions d’emprisonnement, avoir des preuves que ce que Jésus faisait correspondait effectivement à ce que lui, Jean, avait été chargé par Dieu d’annoncer à propos du Messie ?

Ou songeait-il à affermir la foi de ses disciples qui devaient être passablement ébranlés par l’emprisonnement de leur maître ? Etait-il vraiment l’envoyé de Dieu pour « préparer le chemin » du Messie ? (Lc 1.17+76 ; Mt 11.10) Et ce Jésus, qui laissait croupir leur maître en prison, était-il vraiment le Messie que Jean avait annoncé ?
Les disciples de Jean se demandaient-ils si leur maître avait préparé le chemin à la bonne personne ? Pourquoi ce Jésus de Nazareth était-il si discret ? Pourquoi n’intervenait-il pas dans le cours de l’histoire politique ? S’il était le Fils de Dieu, pourquoi n’intervenait-il pas pour délivrer son précurseur ?

De telles questions sont normales de la part d’hommes comme nous. Depuis l’irruption du péché dans le monde, il a tout détraqué et disloqué : ainsi, nous n’arrivons pas à mener une vie en parfaite harmonie avec la volonté de Dieu ; nous avons du mal à connaître Dieu dans toute sa profondeur, ou nous avons du mal à déceler quelle est sa volonté dans une situation donnée.
Et les questions fusent ! Comment Dieu, sa toute-puissance et sa bonté, sa compassion et sa fidélité, s’accordent-ils avec la façon dont se déroule notre vie ?
Et comment nos vies avec nos imperfections, nos difficultés, nos déceptions, s’accordent-elles avec la volonté de notre Père céleste ?

Heureusement qu’au milieu du doute la foi peut subsister. Nous avons peut-être tous déjà passé par l’état de ce père souffrant de la maladie de son fils et qui a lancé vers Jésus : « Je crois, Seigneur ! Viens au secours de mon incrédulité ! » (Mc 9.24)
Il y a cependant un danger, c’est celui de ne plus être habité que par nos questions, par nos doutes. C’est de ne plus rien entendre d’autre. Alors nos questions peuvent nous conduire à l’incrédulité, à déchoir de Dieu.

Il y a pourtant un chemin pour s’en sortir : c’est de prêter attention aux réponses que Jésus nous donne, car

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Répondre à nos questions c’est une des fonctions de Jésus.

Car Jésus répond à nos questions. Il n’en est pas outré. Il ne nous blâme pas et ne se moque pas de nos questions.
Seulement, il ne faut pas craindre l’effort d’aller à la recherche de ses réponses. Elles ne sont pas toujours évidentes, elles ne se trouvent pas toujours sur la première page de la Bible que nous ouvrons.

Pour Jean, emprisonné à Machéronte, ce n’était pas simple non plus d’obtenir les réponses à ses questions. Il a dû se donner la peine de trouver des personnes prêtes à aller trouver Jésus pour lui poser ces questions. Mais la peine que Jean s’est donnée a été récompensée.
Voyez comment les réponses de Jésus balayent nos doutes ! « Jésus répondit [aux envoyés de Jean-Baptiste] : "Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres." »
Jésus répond en faisant allusion à des textes du prophète Esaïe (Es 35.5-6 et 61.1). Il vient de ressusciter un jeune homme, fils unique d’une veuve, à Naïn. N’est-ce pas ce qu’Esaïe a annoncé à propos du Messie à venir ?

Jésus donne à réfléchir aux envoyés de Jean : « Prêtez attention "à ce que vous entendez et à ce que vous voyez" ! Prêtez l’oreille à ma Parole ! Regardez les fruits que porte mon ministère de la parole et mon ministère de guérison ! Des vies sont transformées comme Dieu l’avait annoncé par le prophète Esaïe ! »
Chers amis, cette puissance divine de Jésus est encore à l’œuvre parmi nous aujourd’hui pour changer des vies. Cela ne se passe pas exactement comme à l’époque, car Jésus ne se promène plus de façon visible, dans l’état d’abaissement, parmi nous. Mais il est toujours – même plus que jamais ! – au centre de nos vies, même au centre de l’histoire du monde, lui et le rôle central qu’il y joue.

« Heureux » – dit-il ici – « celui pour qui je ne représenterai pas un obstacle ! » (v. 6) « Heureux » es-tu si tu ne trébuches pas sur ma personne et ma façon d’agir et si tu ne chutes pas de la foi dans l’incrédulité !

« Heureux » es-tu si tu continues à placer ta foi en moi et en ma Parole, car tu seras ainsi préservé des conséquences du doute et de l’incrédulité, tu demeureras à l’abri auprès de moi, à l’abri des véritables malheurs que sont la colère et la damnation de Dieu.
« Heureux » seras-tu aussi, si tu persévères dans ta foi en moi, car alors mon Père est réellement réconcilié avec toi et te bénit dès cette vie. « Tout contribue » alors « à ton bien » (Rm 8.28), même les phases difficiles dans ta vie.

Nous, aujourd’hui, Jésus nous invite à « entendre » et à « voir » dans son Evangile comment sa vie et son œuvre sont l’accomplissement de l’Ancien Testament, comment Dieu a répondu à nos problèmes et à nos questions par l’envoi de son Fils, né en ce monde à Noël, livré à la mort le Vendredi Saint et ressuscité en gloire le jour de Pâques.
C’est en Jésus que la gloire salutaire de Dieu se révèle à nous, c’est en Jésus qu’elle agit pour notre salut, conformément aux prédictions d’Esaïe (Es 35.1-10).
Les disciples envoyés par Jean-Baptiste ont pu « contempler la gloire » du Messie à l’œuvre. Sont-ils aussi arrivés à la conviction de cet autre disciple du Baptiste, entre-temps devenu disciple et futur apôtre de Jésus : « Nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père » (Jn 1.14) ?

Cette gloire de Jésus, nous pouvons encore la voir et la contempler aujourd’hui si nous nous donnons la peine d’aller la chercher dans sa Parole.

Alors il pourra

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Faire de nous des grands dans son Royaume, car c’est ce qu’il vise avec nous !

De l’aveu même de Jésus, Jean-Baptiste occupe une place capitale dans le Royaume des cieux. « Je vous le dis en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'est venu personne de plus grand que Jean-Baptiste. » (v. 11)

Son rôle dans l’histoire sainte, dans l’histoire de l’Eglise, a été unique. Jésus dit ici qu’il a été « plus qu’un prophète » (v. 10), car il a été lui-même annoncé par le prophète Esaïe (Es 40. 3 ; Lc 3.4-6), il n’est pas seulement le dernier prophète du Christ, il est lui-même déjà l’accomplissement d’une prophétie.

Jésus rappelle à ceux qui se tiennent autour de lui et des envoyés du Baptiste que ce dernier a accompli un ministère exceptionnel. Il souligne sa fidélité envers le Dieu qui l’a investi d’une mission aussi belle que dangereuse. Il mentionne sa droiture, son détachement de ce monde et sa consécration entière à sa mission, son abandon complet dans la volonté de Dieu, son exemple de foi sans pareil, jusque dans son existence de martyr.

Il ressort de la façon dont Jésus parle du Baptiste que ce dernier n’a pas trouvé en Jésus « un obstacle » à sa foi, une occasion de chute, mais qu’il est demeuré ferme dans la foi en Jésus, au milieu des épreuves, et ceci jusqu’à sa mort en martyr. Il a été un « grand ». Qui voudrait le nier ?
Aussi sommes-nous surpris que Jésus dise maintenant de chacun de nous, aussi insignifiant que puisse paraître notre rôle dans le monde, que nous sommes « plus grands » que Jean-Baptiste ! « Le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui." » (v. 11) Que veut-il dire par là ?
Et bien : nous, nous avons « entendu et vu » l’accomplissement des promesses de Dieu en Christ. Nous, nous avons les écrits du Nouveau Testament – les Evangiles et les Epîtres – qui nous rapportent et nous expliquent comment Jésus a vécu, œuvré et souffert, comment il est mort, mais aussi ressuscité, monté au ciel et comment il siège maintenant à la droite du Père. Tout cela, Jean ne l’a plus « vu ».

Nous avons vu comment « l’Evangile, puissance de salut pour tout homme qui croit » (Rm 1.16), s’est répandu « dans le monde entier » (Mc 16.15) et a « fait des disciples de toutes les nations » (Mt 28.19) – dont nous ! –. Cela non plus Jean-Baptiste ne l’a pas « vu ».
Mais de même que la réponse de Jésus a fortifié Jean dans sa foi, la puissance de Dieu qu’est l’Evangile produit, maintient et consolide en nous la repentance et la foi en Jésus.
Voyez-vous le cheminement indiqué par notre texte ? – Questions – Réponses – Affermissement !

1 Poser des questions :
c’est le propre de notre condition.
2 Répondre aux questions :
c’est une des fonctions de Jésus.
3 Faire de nous des grands dans son Royaume en consolidant notre foi par son Evangile :
voilà ce qu’il vise avec nous.

C’est ainsi que Dieu nous conduit à travers les remous de la vie.

A nous de vivre dans la patience sous sa conduite, dans la foi confiante en la puissance de son amour fidèle et dans l’attente de la venue du Christ en gloire. Prenons en cela les prophètes tels que Jean-Baptiste en exemple :

« Vous aussi, soyez patients, affermissez votre coeur, car le retour du Seigneur est proche. […] Mes frères et soeurs, prenez pour modèles de patience dans la souffrance les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. » (Jc 5.8+10)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

mercredi 10 décembre 2008

Sermon du dimanche 7 décembre 2008 - 2ème dimanche de l'Avent

Chants proposés :
Entonnons un nouveau cantique LlS 30 : 1-4
Viens ? Sauveur de la terre, LlS 39 : 1-5
Ô Berger d’Israël, écoute ! LlS 174 : 1-5
Jérusalem, laisse passer le Roi LlS 162 : 1-3

Texte : Ps 80.2-7+15-20


2 « Prête l’oreille, Berger d’Israël, toi qui conduis Joseph comme un troupeau ! Interviens dans ta splendeur, toi qui sièges entre les chérubins !
3 Devant Ephraïm, Benjamin et Manassé, déploie ta force et viens à notre secours !"
4 Ô Dieu, relève-nous ! Fais briller ton visage, et nous serons sauvés !
5 Eternel, Dieu de l’univers, jusqu’à quand t’irriteras-tu contre la prière de ton peuple ?
6 Tu les as nourris d’un pain trempé de larmes, tu leur a fait boire des larmes à pleine mesure.
7 Tu fais de nous une source de conflits pour nos voisins, et nos ennemis se moquent de nous
15 Dieu de l’univers, reviens donc ; regarde du haut du ciel et constate la situation, interviens pour cette vigne !
16 Protège ce que ta main droite a planté, le fils que tu as toi-même rendu fort !
17 Ta vigne est brûlée par le feu, elle est saccagée ; ton visage menaçant provoque ta perte.
18 Que ta main soit sur l’homme qui est à ta droite, sur le fils de l’homme que tu as toi-même fortifié !
19 Alors nous ne nous éloignerons plus de toi. Fais-nous revivre, et nous ferons appel à ton nom !
20 Eternel, Dieu de l’univers, relèves-nous ! Fais briller ton visage et nous serons sauvés ! »


Chers frères et sœurs en Christ, éclairés par la splendeur du Dieu de « l’Avent »,

S’il est un peuple qui correspond au Temps de l’Avent, s’il est une situation qui illustre bien ce temps d’attente et de préparation continuelle – d’où la couleur liturgique : le violet – c’est bien le peuple des croyants de l’Ancien Testament.
Cela est si vrai que nous oublions parfois que nous aussi nous sommes un peuple en attente, un peuple dans l’attente constante de la rencontre avec notre Dieu et Sauveur – comme le peuple de l’Ancienne Alliance au milieu duquel sont nés les psaumes, du milieu duquel les psaumes sont montés vers Dieu.

Et comme, nous aussi, nous sommes peuple de l’attente, les Psaumes, ces cantiques des croyants de l’Ancien Testament, formulent souvent exactement ce que nous ressentons.

Le premier livre de la Bible que le réformateur Martin Luther a commenté quand il est devenu professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, ce furent les Psaumes. C’était en 1512. Il le refit en 1517, juste avant l’affichage de ses 95 Thèses qui marquèrent le début de la Réformation.
La plupart de ses chorals – genre qu’il a créé – ont été écrits à partir de psaumes – entre autre « Ein feste Burg ist unser Gott » (« C’est un rempart que notre Dieu ») à partir du Ps 46, et la Réforme en France ne se comprendrait pas sans les Psaumes huguenots.
De tout temps, les Psaumes ont occupé une place primordiale dans la piété de l’Eglise chrétienne, aussi bien dans le déroulement du culte que dans la piété des individus. Combien de réconfort les chrétiens n’en ont-ils pas retiré – après les croyants de l’Ancien Testament !

C’est que les situations spirituelles ne sont pas si différentes, même si les temps avant et après l’abaissement du Messie le sont.

Voyons donc d’un peu plus près

CE PSAUME 80, CE PSAUME DE L’AVENT

1. Qui prie dans ce psaume ? – Toi !
2. Qui y interpelles-tu ? – Dieu !
3. Qu’en attends-tu ? – Tout !

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C’est donc toi qui pries dans ce Psaume.

Bien sûr, ce n’est pas toi qui as rédigé les paroles de ce psaume. C’est un « Psaume d’Asaph ». Douze psaumes lui sont attribués. S’agit-il du chantre qui a contribué à embellir le culte du Temple du temps du roi David ? En fait, peu importe.
Ce qui est clair, c’est qu’il écrit à une période … sombre de l’histoire du peuple de Dieu. Il attend l’intervention de Dieu en faveur d’un peuple qui ne le mérite pas.
Il a l’impression que Dieu se cache, se détourne, se désintéresse de lui, qu’il lui retire sa faveur et sa protection pour lui faire sentir sa colère.

Les malheurs d’Asaph et du peuple d’Israël font jaser les incroyants : on se moque d’eux et de leur Dieu qui, apparemment, se désintéresse d’eux, semble même prendre plaisir à les enfoncer dans la détresse et à les y abandonner.
Et là, Asaph fait cette belle prière où revient à trois reprises cette demande incessante : « Ô Dieu, relève-nous ! Fais briller ton visage, et nous serons sauvés ! » (v. 4, 8 et 20) C’est là plus qu’un cri, plus qu’un appel au secours : c’est une formidable confession de foi, un témoignage fort de l’espérance que le psalmiste place en Dieu, malgré les apparences contraires.

Les apparences ! … Parlons-en. Regardez-vous, regardez-moi, regardons-nous ! Les apparences ne sont pas toujours belles : la maladie, le deuil, les conditions de travail, l’argent qui manque, nos problèmes relationnels avec certains, nos travers contre lesquels nous luttons mais que nous n’arrivons pas à éradiquer …
Ces apparences font souvent jaser les gens – aujourd’hui comme du temps d’Asaph. « Vous êtes de santé fragile ? Mais … si Dieu vous aimait, il vous permettrait de vivre une vie sans problèmes de santé ! » « Votre paroisse a des problèmes d’argent ? Mais … si vous étiez réellement fidèles à Dieu, il vous donnerait tous les moyens dont vous avez besoin pour accomplir fidèlement le travail dans sa "vigne"! » (v. 17)

« Nos ennemis se moquent de nous » faisait déjà remarquer Asaph à Dieu (v. 7). Nous faisons encore la même constatation. Et il n’est pas toujours facile de vivre cette situation.
Et ce n'est même pas le pire. Devant les autres, on peut donner le change. On peut souvent cacher ses problèmes aux autres. Pas à Dieu. Lui « sonde les reins et les cœurs » (Ap 2.23). Lui sonde tout ce que nous nous efforçons – avec plus ou moins de réussite – à cacher à nos proches. Lui connaît nos péchés, nos pensées mauvaises, nos actes honteux, nos travers qui nous font tant de misère.

Alors nous connaissons parfois des moments de découragement, de déprime. Mais où est Dieu ? Que fait-il ? Pourquoi ne nous aide-t-il pas à faire plus de progrès ? Pourquoi nous sentons-nous ainsi abandonnés de lui ? Pourquoi fait-il la sourde oreille ? Pourquoi regarde-t-il ailleurs ? Pourquoi ne vient-il pas, ne fait-il pas irruption dans notre vie avec plus de brio, de « splendeur » (v. 2) et de « force » (v. 3) ?

Dans ces moments – plus qu’à d’autres – nous avons l’impression que les pensées et les paroles de ce psaume sont nées dans notre propre cœur : « Prête l’oreille » (v. 2) « Déploie ta force et viens à notre secours ! » (v. 3) « Fais briller ton visage, et nous serons sauvés ! » (v. 4, 8, 20) « Regarde du haut des cieux et vois ! » (v. 15) « Interviens ! » (v. 15) « Protège ! » (v. 16) « Fais revivre ! » (v. 19)
Nous sommes en attente de l’intervention de Dieu, tendus vers lui. Nous ne l’attendons pas par bravade, mais conscients de notre indignité et de notre culpabilité devant lui. Mais nous sommes surtout tournés vers lui dans la certitude que grâce à son Fils, notre Médiateur, nous pouvons nous adresser à lui avec confiance.

Il va intervenir en notre faveur, enchevêtrés que nous pouvons l’être dans des problèmes personnels dus au péché présent dans le monde, y compris en nous-mêmes.
Il ne va pas nous abandonner quand nous sommes blessés par nos déceptions, perdus au milieu de nos fautes.
S’il est clair que c’est toi qui prie – que c’est nous, les croyants, qui prions – dans ce psaume, le deuxième point est tout aussi évident :

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C’est Dieu que nous interpellons dans ce psaume.

Un seul a la solution au problème que pose notre péché, un seul peut nous indiquer l’issue et nous faire sortir par elle : Dieu. Il le peut – et il le veut – ce qui est un vrai soulagement pour nous. Le psalmiste le sait, et nous – Dieu merci ! – aussi. Aussi nous tournons-nous vers lui avec repentance et foi pour qu’il intervienne, pour qu’il procède à son « Avent », à sa venue dans notre vie.
Cet « avent » – « avent » signifie : « venue », ne l’oublions pas – , cette venue, est à la fois quelque chose que nous attendons et quelque chose que nous vivons déjà à chaque instant. C’est en fait un « avent » continuel, perpétuel. Heureux qui, comme Asaph, se tourne avec son péché et ses problèmes vers Dieu avec repentance et foi en Jésus-Christ ! Celui-là vivra effectivement « l’Avent » de Dieu, celui-là rencontrera Dieu dans sa vie, un Dieu tellement autre et pourtant continuellement proche.

Il n’y a qu’à se rappeler les noms que le Dieu de « l’Avent » porte dans notre prière.
« Eternel, Dieu de l’univers » ! (v. 5) L’ancienne version mettait « Dieu des armées », manière de désigner les divers éléments de l’univers, perçus comme un ensemble d’armées en raison de l’ordre qui les caractérise, ordre créé et maintenu par le Créateur.
Notre Dieu est le Maître de l’univers. Il tient tout sous son contrôle : l’univers des planètes, mais aussi celui de ce monde, l’univers des anges, mais aussi celui des humains, l’univers des croyants, de notre âme, de notre corps, de notre mental, de notre foi, dans ce temps et pour l’éternité.
Le Dieu dont nous espérons « l’avent », la venue, l’irruption dans nos vies, « siège entre les chérubins » (v. 2). Cela nous rappelle l’arche de l’alliance qui se trouvait dans le saint des saints au Temple. Sur son couvercle, deux chérubins en or se faisaient face, et au-dessus d’eux se tenait symboliquement Dieu, un Dieu saint et tout-puissant, mais qui accepte le sang rédempteur versé chaque année sur le couvercle de l’arche pour le pardon des péchés.

Ce sang était l’image prophétique, le symbole annonciateur, du « sang de Jésus-Christ, du Fils » de Dieu qui « nous purifie de tout péché » (1 Jn 1.7).
Celui auquel Asaph s’adresse, celui auquel nous adressons nos prières avec Asaph, s’appelle aussi « le Berger d’Israël » (v. 2), celui qui est continuellement préoccupé de notre bonheur car, conscients de notre état pécheur, nous nous en repentons et allons chercher auprès de lui le pardon et l’absolution. Il est un « Berger » plein de sollicitude pour nous qui sommes allés chercher refuge auprès de lui dans la foi et lui faisons confiance.

Il n’y a pas trente-six solutions pour régler le différend entre le « Dieu de l’univers » et les pécheurs que nous sommes. Nous-mêmes ne pouvons réparer les pots cassés par notre péché : cela dépasse nos possibilités. Nous ne pouvons même pas aller à sa rencontre par nos propres moyens, faire une partie du parcours à sa rencontre « comme des grands ». Mais là, ô miracle ! c’est lui qui vient à nous dans sa grâce. C’est tout le sens merveilleux du mot « avent », venue.

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Qu’attends-tu de son « avent »,

de sa venue et de sa présence parmi nous ? Au début, en annonçant le thème de ce sermon, j’avais répondu, un peu par bravade : Tout ! Par là, je voulais souligner que notre attente de « l’avent » de notre Dieu est aussi grande que variée.

Nous connaissons les attentes de nos enfants et petits-enfants en ce temps précédant Noël. Mais, aussi irrationnelle et démesurée que puisse être l’attente des tout petits, elle n’est que peu de chose en comparaison des cadeaux et bienfaits que nous espérons recevoir de Dieu.
Certes, Dieu nous fait parfois sentir sa colère ; mais alors c’est à des moments où nous ne nous repentons pas, à des moments où nous voulons nous passer de sa grâce et de son pardon. Mais dès que nous l’implorons : « "Prête l’oreille" à nos demandes de pardon », il pardonne. Dès que nous demandons : « "Fais briller ton visage" sur nous », « nous serons sauvés ». Et si nous supplions : « "Affermis-moi" dans ma foi en ta grâce et en ton salut », il vient nous « rendre lui-même forts » (v. 16).
C’est ainsi qu’il vient régulièrement à nous dans sa Parole et ses sacrements, dans cet Evangile qui nous dévoile en Jésus-Christ l’étendue, la profondeur et la beauté sans pareilles de son amour pour nous.
Là, il « fait briller » sur nous « son visage » de Père aimant et fidèle. Là, dans l’Evangile, par cette Bonne Nouvelle, il réchauffe notre cœur par la confirmation de son pardon et de sa bénédiction protectrice et prévenante.
En fait, il vient à nous dans la personne de son Fils, notre Sauveur. C’est lui qui a jeté les ponts entre le Dieu trois fois saint et nous, les pécheurs. Et ce Sauveur, Jésus-Christ, vient les bras chargés de salut et de bénédictions de toutes sortes.
« L’avent » de sa venue, il nous le fait vivre chaque fois que nous le rencontrons dans son Evangile – dans sa Parole et ses sacrements. Nous ne cessons de prier pour cet « avent » : qu’il vienne dans nos vies, qu’il nous confirme nous conduire comme il a conduit le peuple d’Israël en marchant devant lui 40 années durant à travers le désert. Les épreuves n’ont pas disparu pour autant pour eux, mais en lui faisant confiance, en s’en remettant avec foi à sa conduite, ils ont pu surmonter leurs épreuves.

Nous espérons tous la même chose pour nous-mêmes, pour nos familles, nos paroisses, notre Eglise et nos missions : que Dieu vienne nous conduire, nous bénir et nous protéger ; qu’il se conduise avec nous en « Berger d’Israël », en « Berger » qui prend soin de nous, qui nous guide, en « Berger » aussi qui détourne de nous les dangers ou qui nous aide à rester près de lui dans le danger.
Ce à quoi nous aspirons, c’est qu’il vienne continuellement nous faire entendre sa voix de « Bon Berger ». Cette voix nous apaise, car elle nous répète qu’il nous a pardonné, qu’il est réconcilié avec nous, qu’il est notre allié et protecteur, mieux même, notre Père aimant et tout-puissant, et qu’il a lui-même payé le prix exorbitant pour qu’il puisse en être ainsi.
Et plus il fait son « avent » auprès de nous pour nous parler, nous réconforter, nous guider, et plus nous nous mettons à le contempler et à l’adorer dans son amour et sa fidélité, dans la « splendeur » de sa force et de sa grâce.

C’est comme s’il tournait son « visage » bienveillant vers nous et nous disait : « Tu vois, je suis venu à toi. Mon "avent", ma venue, est devenu réalité dans ta vie de pécheur repentant et croyant. Et si j’ai "regardé du haut du ciel", si je suis "venu à ton secours" il y a près de 2000 ans, si, dans l’Evangile, je te suis "apparu dans ma splendeur" de Sauveur fidèle, alors sache que j’ai l’intention de toujours "faire briller mon visage" bienveillant sur ceux qui m’invoquent avec foi. Sois donc assuré – et rassuré ! –: je t’ai sauvé ! »

Puissions-nous vivre cet « avent » et entendre ce message de « l’avent » tout au long de notre vie, jusqu’au moment où, lors de son dernier « avent », de sa dernière venue, il nous prendra avec lui dans la félicité éternelle – selon sa promesse !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig