mercredi 31 mars 2010

Sermon du dimanche 28 mars 2009

DIMANCHE DES RAMEAUX

JEUDI SAINT

(Institution de la Cène)

Texte : Lc 22.19-20

19 « Ensuite, il prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le leur donna en disant :

"Ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites ceci en souvenir de moi !"

20 Après le souper, il prit, de même, la coupe et la leur donna en disant :

"Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous."

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, qui s’est donné pour nous pour le pardon de nos péchés !

Le choix de ce texte pour un Dimanche des Rameaux vous surprend peut-être. Je l’ai fait parce que nous n’avons pas de culte du Jeudi saint, jour anniversaire de l’institution de la Cène par notre Seigneur Jésus-Christ. Je l’ai fait ensuite parce que nous somme le dimanche qui précède cette commémoration et que nous célébrons aujourd’hui la Cène.

Nous sommes « la nuit où le Seigneur Jésus a été arrêté » (1 Co 11.23). Un jeudi soir. Les heures avant son arrestation au Jardin de Gethsémané, Jésus les a passées avec ses disciples à Jérusalem dans « une grande pièce aménagée à l’étage » (Lc 22.12). C’est là qu’il a institué la Sainte Cène.

C’était « le jour des pains sans levain où l’on devait sacrifier l’agneau pascal » (Lc 22.7). Jésus et ses disciples font en cela ce qui se fait ce soir-là dans toutes les familles juives.

Dieu lui-même a institué ce repas la veille de la délivrance du peuple d’Israël de l’esclavage en Egypte (Ex 12). Là-bas – c’était du temps de Moïse – les Israélites ont dû tuer « un agneau sans défaut » et badigeonner les montants et le linteau de la porte d’entrée avec son sang. Les Israélites ont rôti la viande de l’agneau, puis l’ont mangée tout en restant debout, prêts à partir.

Durant cette nuit, l’ange de l’Eternel a passé et frappé les familles égyptiennes, mais il a épargné les familles israélites qui lui ont fait confiance en badigeonnant le tour de leurs portes comme Dieu l’avait demandé.

Devant cette démonstration de puissance de l’Eternel, Pharaon, le roi d’Egypte, avait cédé et laissé partir les Israélites : 600 000 hommes, avec leurs femmes et leurs enfants.

Mais Dieu a voulu que son peuple commémore cette libération miraculeuse par une fête annuelle. Chaque année, dans chaque famille, le repas pascal devait mettre en scène ce puissant acte libérateur de Dieu.

C’est ce repas du souvenir que Jésus prend à Jérusalem avec ses disciples dans cette « grande pièce aménagée à l’étage ». La première Cène, Jésus la célèbre donc à l’occasion de son dernier repas pascal. Il remplace ainsi le repas pascal de l’Ancienne Alliance par le repas de « la Nouvelle Alliance en son sang » (v. 20).

C’est là l’un des moments les plus solennels et les plus décisifs de tous les temps. Dorénavant ses disciples peuvent entrer en communion avec leur Seigneur d’une façon qu’ils n’ont pas connu jusque-là. Quelle bénédiction pour ceux qui assistent à cet événement !

Qui sont-ils ? Nous y voyons Pierre, Jacques, Jean et les autres. Mais Jésus ne voit-il pas bien plus de personnes que la petite douzaine qui se trouve avec lui ?

Te voit-il peut-être aussi ?

Y ETAIS-TU

QUAND JESUS A INSTITUE LA CENE ?

Tout à fait, car en instituant la Cène

1. il pense déjà à toi ;

2. il te destine déjà les bienfaits de la Cène.

3. Aussi, viens et reçois-les de lui-même !

X X X 1 X X X

Oui, là-bas, dans « la grande pièce aménagée à l’étage », il songe à toi. Ce qu’il fait durant ces jours et ces heures intenses et tragiques jusqu’à sa mort, tout cela il le fait en songeant à toi aussi, il le fait même parce qu’il songe à toi aussi.

Au cours du repas pascal, lisons-nous, « il prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le leur donna en disant : "Ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites ceci en souvenir de moi !" Après le souper, il prit, de même, la coupe, [« remercia Dieu » (Mt 26.27)] et la leur donna en disant : "Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous." » (v. 19-20)

Le miraculeux, le voilà : sous l’espèce du « pain » il donne son « corps » ; sous l’espèce du « vin », il donne son « sang » !

L’étonnant, l’incompréhensible même, c’est qu’il « donne » ce même « corps » qui, dans quelques heures, sera cloué en croix ; il « donne » ce même « sang » qu’il va incessamment « verser pour le pardon des péchés » (Mt 26.28).

Cela dépasse tout ce que nous pouvons comprendre. Le Seigneur se trouve parmi eux dans cette salle en chair et en os, donc avec son « corps » et son « sang », et en même temps il nous assure avec force qu’en recevant le pain et le vin dans la Cène, les siens reçoivent en même temps – de façon surnaturelle et incompréhensible, certes, mais non moins réellement – son vrai « corps », celui qui sera cloué en croix, son vrai « sang », celui qui coulera de la croix !

« Cela », nous devons le « faire » continuellement « en souvenir de lui » (v. 19). Cela montre aussi, que dans cette salle de Jérusalem, Jésus ne voit pas seulement les douze et ne songe pas seulement à eux, il voit ses disciples de tous les temps, il nous voit nous aussi et le fait pour nous aussi.

Dans les heures sombres que ses disciples traversent à l’époque, ils ont tout particulièrement besoin qu’on leur rappelle combien Dieu les aime et les retient dans sa communion. Ce n’est pas rien que de voir son Maître bien-aimé être arrêté et exécuté, puis de ne plus pouvoir le voir à partir de son ascension.

Que pouvait-il leur donner de meilleur pour les encourager et les assister alors qu’il les envoie dans le monde hostile pour l’évangéliser ? – Rien de meilleur et de plus fort que son vrai « corps » et son vrai « sang » qu’il va offrir pour eux sur la croix.

Chaque fois qu’ils célébreront la Cène, cela leur rappellera – comme cela nous rappelle quand nous la prenons – que nous ne sommes pas seuls et abandonnés dans le monde.

Aujourd’hui, comme si souvent, vous vous approchez de nouveau de la Table du Seigneur « en souvenir de » ses souffrances et de sa mort. Soyez assurés qu’il a pensé à vous, là-bas à Jérusalem, à vous qui répondez à son invitation aujourd’hui à Châtenay-Malabry.

Il t’avait en vue en instituant la Cène, toi qui reconnais ton péché et crois en Jésus,

X X X 2 X X X

Il te destine aussi les bienfaits de sa Cène aujourd’hui.

Au fond, Jésus n’apprend rien de neuf à ses disciples dans cette « grande pièce » à Jérusalem, en tout cas rien qui ne soit dans le complet prolongement de ce qu’il a toujours dit. Ne leur a-t-il pas dit précédemment, par exemple : « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10). « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mt 20.28). « Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, […], qu’il soit mis à mort et qu’il ressuscite trois jours après » (Mc 8.31).

Tout cela, le Seigneur le leur avait déjà maintes fois expliqué patiemment. Ce jeudi saint, il leur dit encore que son corps va être donné et son sang répandu « pour eux » (v. 19), « pour le pardon des péchés » (Mt 26.28).

C’est là de l’Evangile pur, la merveilleuse nouvelle : la mort de Jésus nous procure le pardon de nos péchés ! C’est là « la Nouvelle Alliance » qu’il a établie entre le Dieu trois fois saint et nous les pécheurs coupables, « la Nouvelle Alliance » qu’il fonde avec « son sang »,qu’il érige sur « son sang ».

C’est là aussi exactement ce que les prophètes avaient déjà annoncé dans l’Ancien Testament. Songez au merveilleux chapitre 53 du prophète Esaïe.

Mais avec la Cène, Jésus a ajouté quelque chose à la parole d’Evangile. Dans la Cène, il ajoute un gage à ses promesses de grâce, une sorte de garantie de son amour sauveur ; et ce n’est rien de moins que son vrai « corps » et son vrai « sang ».

Nous savons ce qu’est un gage ou un certificat de garantie. L’anneau nuptial est le gage et le signe de l’amour fidèle dans le mariage. De façon analogue, le corps et le sang du Christ nous sont donnés dans la Cène – et doivent être donnés aux croyants « jusqu’à ce qu’il vienne » à la fin du monde (1 Co 11.26) – pour servir de gage de l’amour fidèle de notre Seigneur.

Quand vous recevrez tout à l’heure, dans la Cène, le pain et le vin, vous recevez en même temps comme gages de votre salut son vrai « corps » et son vrai « sang » avec lesquels il vous a rachetés.

De cette manière il vous assure tout à fait individuellement et personnellement de son pardon. C’est plus parlant, réjouit, console et affermit davantage que si on ne fait que vous parler de l’amour de Dieu.

Ici, dans la Cène, tu expérimentes : Dieu t’aime, toi, malgré tes péchés. Dans la Cène il agit tout à fait personnellement avec toi

Jésus déclare : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. […], mon sang qui est versé pour vous. » En nous donnant ainsi son vrai « corps » et son vrai « sang », il nous reçoit dans une étroite et intime communion avec lui, mais aussi entre nous. Le Maître de l’univers te fait la grâce de venir à toi, pécheur coupable, d’une façon incompréhensible sous les espèces du pain et du vin. « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion au sang de Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion au corps de Christ ? » (1 Co 10.16)

Cette communion intime avec lui, Jésus nous l’offre pour affermir notre foi dans le pardon de nos péchés et notre salut, comme pour nous donner plus de punch pour vivre chrétiennement. C’est aussi une façon de confirmer sa grande promesse : « Voici je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ! » (Mt 28.20)

Vous vous trouvez dans cette communion bénie parce que le Seigneur a aussi pensé à vous lorsqu’il a institué la Cène là-bas à Jérusalem.

Aussi

X X X 3 X X X

Venez et recevez aujourd’hui aussi sa bénédiction particulière dans la Cène !

Bien des années se sont écoulées depuis que les futurs apôtres ont été invités à la première de ce repas céleste. Depuis lors – depuis près de 2000 ans ! – des millions de croyants ont trouvé réconfort et affermissement dans cette bienheureuse communion.

« La grande pièce aménagée », tout croyant l’a trouvée, la trouve et la trouvera jusqu’à la fin des temps. Cette semaine, c’est, par exemple, la chambre de Mme […] à la maison de retraite qui a été cette « grande salle aménagée ». Aujourd’hui, c’est notre lieu de culte, et d’innombrables autres à travers le monde.

Et partout et chaque fois que la Cène est célébrée, nous nous trouvons face au même hôte divin : « Christ, le Seigneur » ! (Lc 2.11)

Et chaque fois, ses disciples se pressent autour de lui. Aujourd’hui, ici, c’est nous, ses disciples, nous qui croyons en ses paroles prononcées il y a 2000 ans : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. […], mon sang qui est versé pour vous. »

« Pour vous ! » Combien nous sommes reconnaissants pour ces mots ! Nous savons et reconnaissons que nous sommes pécheurs, donc coupables devant Dieu. Chacun de nous sait le mieux où il pèche contre la sainte volonté de Dieu : comme parent, comme enfant, comme conjoint, comme voisin, comme employé ou employeur, comme élève ou étudiant, comme paroissien, comme citoyen, …

Si notre Seigneur ne nous invitait pas avec insistance, s’il ne nous promettait pas si chaleureusement son pardon et sa paix dans le sacrement de la Cène, nous hésiterions sans doute à nous y présenter, par peur de la colère de Dieu contre le péché.

Mais comment pourrions-nous douter du pardon de celui qui est allé jusqu’à « donner son corps » et « répandre son sang » pour rétablir la paix entre Dieu et nous ?

En pensant à cet amour sans borne pour nous, comment ne pas jubiler avec Paul :

« Ainsi donc, déclarés justes sur la base de la foi, nous avons la paix avec Dieu par l'intermédiaire de notre Seigneur Jésus-Christ ; c’est aussi par son intermédiaire que nous avons accès par la foi à cette grâce, dans laquelle nous tenons ferme, et nous plaçons notre fierté dans l'espérance de prendre part à la gloire de Dieu. » (Rm 5.1-2)

« Vous n'avez pas reçu un esprit d'esclavage pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions : "Abba! Père !" L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui afin de prendre aussi part à sa gloire. » (Rm 8.15-17)

Une des expériences les plus amères dans la vie, c’est de se sentir traité en parent pauvre, de se sentir la victime de passe-droits. On peut endurer bien des choses, mais être repoussé par les autres, cela fait mal. Rien ne peut remplacer le fait d’être reconnu ou accepté par les autres, ni l’argent, ni l’érudition, ni rien d’autre.

Dieu a fait de nous des êtres sociaux, pour vivre ensemble. Etre reconnu par ceux avec lesquels nous vivons, c’est nécessaire à notre épanouissement.

Mais plus important encore est d’être reconnu par Dieu. Il n’y a pas de plus grande terreur que de se croire abandonné, rejeté par Dieu. C’est cela l’enfer.

Jésus, notre Seigneur, a dû subir les deux. Il a été abandonné et rejeté par les hommes, mais aussi par Dieu à la croix (Mt 27.46). C’est justement cet abandon de Jésus qui a amené Dieu à nous accepter, à nous adopter même comme ses enfants. Jésus s’est fait rejeter à notre place. Tu n’as donc pas besoin d’être tiraillé par la peur que Dieu ne voudrait pas de toi qui acceptes avec foi le sacrifice de son Fils.

Oui, Jésus pensais aussi à toi, quand il a institué la Sainte Cène. Il l’a aussi instituée pour toi. Remercie l’en et loue l’en ta vie durant !

Et ancre solidement ton espérance et ta joie sur ces paroles : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. […], mon sang qui est versé pour vous. […] Faites ceci en souvenir de moi ! » (v. 19-20)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Ouverture :

Hosanna ! hosanna ! La foule qui se presse LlS 84:1-4

Après l’Ancien Testament :

Ton peuple heureux et frémissant LlS 85:1

Après l’Epître :

Ton peuple heureux et frémissant LlS 85:2

Après l’Evangile :

Ton peuple heureux et frémissant LlS 85:3

Avant le sermon :

Jérusalem, laisse passer le Roi, LlS 162:1-3

Avant la Cène :

Venez, enfants de Dieu, venez, peuple fidèle, LlS 170:1-6*

dimanche 21 mars 2010

sermon du dimanche 21 mars 2010 - Judica

Texte : Lc 23.1-5

1 « Ils se levèrent tous et conduisirent Jésus devant Pilate.

2 Ils se mirent à l'accuser, disant : "Nous avons trouvé cet homme qui sème le désordre dans notre nation ; il empêche de payer les impôts à l'empereur et se présente lui-même comme le Messie, le roi."

3 Pilate lui demanda : "Es-tu le roi des Juifs ? " Jésus lui répondit : "Tu le dis. "

4 Pilate dit aux chefs des prêtres et à la foule : "Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner."

5 Mais ils insistèrent en disant : "Il excite le peuple à la révolte en enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée où il a commencé et jusqu'ici."

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

si souvent accusé !

Nous avons vu, dimanche dernier, comment, après avoir capturé Jésus dans le Jardin de Gethsémané, ses ennemis l’ont conduit au palais du grand prêtre.

Dans un premier temps, Jésus a été conduit dans l’aile du palais où habitait Anne, le précédent grand prêtre. Là, il dut supporter bien des outrages et des vexations.

Enfin, une fois que tous les membres du sanhédrin – le grand conseil juif – eurent été rameutés pour cette session nocturne, ils firent comparaître Jésus.

Il est étonnant de voir avec quelle rapidité les membres du sanhédrin se trouvèrent réunis. Ils auraient pourtant dû savoir que cette session extraordinaire était illégale en raison de son heure. Il faut savoir qu’au regard de la loi de l’Ancien Testament, Jésus a été accusé et condamné par une assemblée illégale et manipulée par son chef, le grand prêtre Caïphe.

L’occupant romain leur avait enlevé le droit de condamner à mort. Qu’à cela ne tienne ! « Ils se levèrent tous et conduisirent Jésus devant Pilate. » (v. 1)

Voyons d’un peu plus près cette foule de gens qui se rend du palais du grand prêtre à celui du gouverneur romain Ponce Pilate.

S’y trouve le grand prêtre ou souverain sacrificateur lui-même. S’y trouvent ensuite les 70 autres membres du sanhédrin. Mais s’y trouvent aussi des serviteurs en armes et hommes de confiance. En tout sans doute une centaine de personnes … peut-être plus.

En fait, dans l’histoire de la Passion du Christ, il faut que nous distinguions constamment deux histoires parallèles : les faits historiques et la dimension universelle de ce que le Christ est en train de vivre.

Il nous faut donc penser non seulement à la centaine d’accusateurs de l’époque, mais à l’humanité entière impliquée dans l’accusation de cet innocent.

Comme nous le verrons encore, nous sommes tous – nous et l’humanité entière – coupables d’avoir péché en accusant Jésus d’être coupable.

Pour bien nous rendre compte de cette terrible réalité, nous allons nous poser la question :

Y ETAIS-TU QUAND JESUS FUT ACCUSE ?

1. C’est quoi, l’accusation, au juste ?

2. Qui sont ses accusateurs ?

3. Qui est réellement l’accusé ?

X X X 1 X X X

C’est quoi, l’accusation, au juste ?

Devant le sanhédrin, le conseil suprême des Juifs, les accusations sont d’ordre religieux. Les accusateurs ont d’ailleurs du mal à produire des témoins. Cela la foutrait vraiment mal s’ils ne pouvaient pas donner un semblant de vérité à leurs accusations.

Ils en produisent finalement deux – d’ailleurs de faux témoins – qui soutiennent que Jésus a parlé de détruire le magnifique Temple construit par Hérode le Grand, et de le reconstruire en trois jours.

C’est là tout simplement une déformation de ce que Jésus avait dit à propos de sa mort et de sa résurrection trois jours plus tard.

Mais l’accusation la plus grave, c’est le grand prêtre Caïphe qui la lance en personne. Curieux, sa façon de faire : de président de séance il se fait accusateur ! Il amène Jésus à reconnaître qu’il se dit Fils de Dieu pour ensuite l’accuser d’offenser Dieu, de blasphémer contre Dieu.

Le dossier du procès contient maintenant suffisamment d’éléments – pensent-ils – pour pouvoir le condamner à mort selon la loi de l’Ancien Testament. La mort est en effet requise par la Loi de Moïse contre un blasphémateur.

Les Romains leur ayant retiré le droit de condamner à mort, ils traînent Jésus dans le quartier où réside Ponce Pilate, le gouverneur romain. Lui seul peut leur donner l’autorisation de condamner à mort et de faire exécuter un condamné.

Devant l’autorité romaine ils changent de tactique. Devant Ponce Pilate, l’accusation prend, curieusement une autre forme : de religieuse qu’elle était devant le sanhédrin, l’accusation devient politique devant Pilate. « Ils se mirent à l'accuser, disant : "Nous avons trouvé cet homme qui sème le désordre dans notre nation; il empêche de payer les impôts à l'empereur et se présente lui-même comme le Messie, le roi." » (v. 2)

Devant le gouverneur romain, les Juifs accusent Jésus de crimes contre l’Etat.

Pas bête, leur tactique, pour arriver à leurs fins. « La fin justifie les moyens » se sont-ils dit. « Nous voulons que Jésus soit condamné par Pilate ? Il faut donc que nous l’accusions de menacer l’occupant romain ! »

Il n’est même pas nécessaire de démontrer que cette accusation est ridicule, entièrement fausse, un savant mélange de mensonges purs et de demi vérités.

Le gouvernement romain ne se laisse pas prendre au piège. Il connaît fort bien les Juifs qui se sont souvent opposés à lui, qui l’ont même accusé devant l’empereur à Rome !

Pilate est intrigué par l’étrange intérêt que les chefs juifs montrent subitement pour le bien de l’Etat romain. Son interrogatoire de Jésus l’éclaire pleinement. « Pilate dit aux chefs des prêtres et à la foule : "Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner." » (v. 4)

Cela ne les décourage pas. Jésus continue d’être accusé par eux, et il continue de l’être à travers tous les siècles. De quels maux ne doit-il pas tous s’être rendu coupable !

Les uns l’appellent menteur ou trompeur, d’autres rêveur. Et dans pratiquement tous les régimes totalitaires il est dénoncé comme dangereux pour l’Etat ! Tenez, comme veulent le faire croire les Juifs à Pilate.

Ces attaques, ces critiques, ces accusations contre Jésus s’écroulent – aujourd’hui comme à l’époque – sous le poids de leur fausseté. Un jour, Jésus avait demandé à ses adversaires : « Qui de vous me convaincra de péché ? » (Jn 8.46) Il n’a pas eu de réponse.

Quant à ceux – comme Pilate – qui doivent prononcer le verdict, même s’ils ne croient pas en lui et n’acceptent pas son enseignement et son offre de pardon et de salut, s’ils sont honnêtes, ils ne peuvent que répéter le verdict du Romain : « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner. »

Nous n’avons pas besoin qu’on nous confirme ce verdict. Son Evangile nous a convaincus de son innocence.

Jetons maintenant un regard sur

X X X 2 X X X

Les accusateurs de Jésus.

Nous y découvrons tout de suite, à leur tête, les souverains sacrificateurs, les prêtres et autres membres du sanhédrin. Ce sont, eux, les vrais initiateurs, les inventeurs, les auteurs des accusations lamentables contre le Fils de Dieu.

Mais ils ne sont pas seuls à l’accuser.

Le péché qui consiste à mettre Dieu et son Fils en accusation est, malheureusement, un péché universellement répandu. C’est un péché de l’humanité entière. Nous y trempons donc aussi d’une manière ou d’une autre.

Adam est le premier à accuser Dieu, là-bas, dans le Jardin d’Eden. Après avoir désobéi, après avoir transgressé la volonté de Dieu, Adam lui reproche d’être responsable de la chute dans le péché. « C’est la femme que tu a mise à mes côtés qui m’a donné de ce fruit, et j’en ai mangé. » (Gn 3.12) Adam n’accusait pas réellement Eve ; en fait, il accusait Dieu : « C’est toi, Dieu, qui m’as mis dans cette situation dangereuse. »

Plus tard, la femme de Job attribue aussi à Dieu la faute pour tous ses malheurs et ses peines. Elle insiste auprès de Job pour qu’il maudisse Dieu, puis meure…

Durant son périple de 40 ans à travers le désert, le peuple d’Israël accuse toujours à nouveau Dieu de ne l’avoir délivré de l’esclavage en Egypte que pour le faire périr dans le désert ; en fait, de le conduire de Charybde en Sillas.

Il oublie complètement comment Dieu les secourt chaque fois qu’ils sont en danger : de l’armée égyptienne en leur frayant un passage à travers la Mer Rouge (Ex 13.17 – 14.31) ; de la mort par la soif, en rendant potable une eau imbuvable (Ex 15.22-25), une autre fois en faisant jaillir de l’eau d’un rocher (Ex 17.1-7) ; de la mort par la faim, en envoyant la manne et les cailles (Ex 16) ; etc.

L’accusation que ses contemporains portent contre Jésus, contre l’Innocent par excellence, est tragique – qui voudrait le nier ? – mais elle n’est en fait qu’une accusation parmi une infinité du même genre. Depuis toujours, les humains essayent d’accuser leur Créateur, d’inculper leur Sauveur.

Quand on s’imagine la scène de Jésus accusé devant Pilate, il faut bien entendu y voir les grands prêtres et leurs acolytes du sanhédrin. Mais il faut aussi y voir Adam, la femme de Job, le peuple d’Israël et bien d’autres.

Question : Y étais-tu, toi aussi, parmi ses accusateurs ?

La pensée ne t’a-t-elle jamais effleuré – ne serait-ce que légèrement, ne serait-ce que furtivement – surtout quand tu te sens malheureux, quand tu es déçu dans tes espoirs, que Dieu ne se conduit pas correctement envers toi – ou envers un autre ?

T’est-il déjà arrivé d’avoir prié intensément et régulièrement pour une chose à quoi tu tenais particulièrement, puis, après une vaine attente, d’avoir reproché à Dieu de ne pas t’avoir exaucé ?

T’est-il déjà arrivé de penser que Jésus attend trop de toi ?

ð trop de temps (pour les cultes de famille, pour les études bibliques, pour les réunions de jeunes, pour ton engagement dans l’évangélisation, pour différents services dans ta paroisse) ?

ð trop de tes talents (pour exercer telle fonction ou rendre tel service dans la paroisse) ?

ð trop de ton argent ?

ð qu’il exige plus de fidélité que tu n’es prêt à lui accorder, parce que tu ne tiens pas à sacrifier trop de choses à quoi tu tiens et à quoi tu devrais renoncer ?

Qu’est-ce là d’autre qu’accuser Dieu ou Jésus d’être incapable ou infidèle, voire un despote ?

Et s’il nous arrive ainsi d’accuser Dieu, en quoi sommes-nous différents de ceux qui font injustement comparaître le Fils de Dieu devant le sanhédrin et le gouverneur romain ?

Si nous accusons Dieu, nous nous trouvons parmi la foule des accusateurs à Jérusalem.

Nous y sommes aussi à cause de nos transgressions répétées, par ex., du 8ème Commandement : « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain ! » (Ex 20.16)

Ce qui blesse injustement notre prochain, blesse aussi le Fils de Dieu. C’est que ce commandement ne se limite pas aux fausses dépositions de témoins véreux devant un tribunal. Luther l’explique ainsi : « Nous devons craindre et aimer Dieu afin de ne pas mentir à notre prochain, le trahir, calomnier ou diffamer. » (Petit Catéchisme).

Pour un seul cas de déposition mensongère devant un tribunal, il y a sans doute au moins mille cas où de méchantes langues disent du mal des autres et les dénigrent, que ce soit au sein de la parenté, entre amis, voire, parfois, dans une paroisse.

Des bruits sans fondement et non vérifiés sont transmis sans réfléchir. Parfois on les arrange ou les complète même. Ce ne sont là que des accusations honteuses. Cela fait partie des péchés qui, à l’époque, ont blessé et tué « Jésus-Christ, le Juste » (1 Jn 2.1).

Et ceux qui écoutent ces accusations sans réagir sont autant coupables que les calomniateurs eux-mêmes.

Chers amis, si nous sommes honnêtes, nous ne pouvons pas simplement nous dresser pour condamner les Juifs qui accusent Jésus devant Pilate. Il nous faut confesser que nous sommes tout autant coupables et que nous faisons aussi, à l’occasion, partie de ses accusateurs.

Après nous être penchés sur les accusations et les accusateurs, voyons encore d’un peu plus près

X X X 3 X X X

Qui est réellement l’accusé ?

Qui voyons-nous ? Un innocent ! Pilate donne finalement l’ordre d’exécuter l’accusé, par crainte du peuple, par crainte d’une émeute s’il acquitte Jésus. Mais Pilate ne reviendra jamais sur son verdict innocentant Jésus. Tout simplement, par calcul politique, il fait exécuter un innocent.

Jésus est bien innocent. D’ailleurs, n’est il pas le Fils de Dieu pur de tout péché ? La situation est tout ce qu’il y a de plus incongrue : celui qu’on accuse et condamne n’est-il pas lui-même « le Seigneur, le juste Juge » de tous les hommes (2 Tm 4.8), « le Juge des vivants et des morts » ? (Ac 10.42) Il ne dit rien d’autre quand il déclare au sanhédrin : « Vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel. » (Mt 26.64)

Il est non seulement le Juge de tous, mais aussi le Sauveur unique de l’humanité. Cela aussi il l’a dit très clairement : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Mt 20.28) Il dépose sa vie – pure, innocente et sainte – sur le plateau de la balance divine comme contrepoids au péché du monde entier, … comme contrepoids à ton péché et au mien aussi.

Heureusement que tous nos péchés – aussi ceux, abjects, de nos fausses accusations contre le Fils de Dieu – ont été effacés par son sang précieux. « En lui – le Fils bien-aimé du Père – nous sommes rachetés, pardonnés de nos péchés. » (Col 1.14)

L’époustouflant dans cette histoire c’est que ce Christ faussement accusé offre à notre foi de saisir sa justice et son innocence. Il sait : c’est le seul moyen, pour nous, de subsister devant le Dieu trois fois saint.

« Voyez quel amour le Père nous a témoigné, » voyez tout ce qu’il a mis en œuvre, voyez jusqu’où il est allé, « pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, » nous, les accusateurs de son Fils ! (1 Jn 3.1)

Face à tant d’amour nous ne pouvons que ressentir de la répulsion pour ce péché, cette tendance à accuser Dieu et son Fils, sous quelque forme que ce soit.

Tenons en bride nos pensées et nos lèvres pour ne pas répandre de calomnies sur le compte de nos prochains et ne pas ainsi blesser Jésus à nouveau.

Efforçons-nous de toujours dire la vérité et d’agir en conséquence.

La vérité – pas la nôtre, celle de Dieu et de sa Parole ! – voilà ce dont nous avons le plus besoin. C’est là la chose indispensable, essentielle, dans nos vies.

Soyons-lui éternellement reconnaissant de posséder en lui cette vérité, car il est « le chemin, la vérité et la vie » ! (Jn 14.6)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Ouverture :

Jésus est notre ami suprême ; Oh ! quel amour AeC 413:1-4

Avant le sermon :

Tel que je suis, sans rien à moi, AeC 420:1-4

Après le sermon :

Tu m’as aimé, Seigneur, avant que la lumière AeC 430:1-2*