mardi 10 mars 2009

Sermon du dimanche 8 mars 2009 Reminiscere

REMINISCERE

Texte: Rm 4 . 1-5+13-17


1 « Que dirons-nous donc d'Abraham, notre ancêtre ? Qu'a-t-il obtenu par ses propres efforts ?

2 Si Abraham a été considéré comme juste sur la base de ses oeuvres, il a de quoi se montrer fier, mais non devant Dieu.

3 En effet, que dit l'Ecriture ? Abraham a eu confiance en Dieu et cela lui a été compté comme justice.

4 Or, si quelqu'un accomplit quelque chose, le salaire est porté à son compte non comme une grâce, mais comme un dû.

5 Par contre, si quelqu'un ne fait rien » – mot-à-mot : « celui qui ne fait pas œuvre » (NSB) – « mais croit en celui qui déclare juste l'impie, sa foi lui est comptée comme justice.

13 En effet, ce n'est pas par la loi que la promesse de recevoir le monde en héritage a été faite à Abraham ou à sa descendance, mais c'est par la justice de la foi,

14 car si l'on devient héritier par la loi, la foi est dépourvue de sens et la promesse sans effets.

15 En fait, la loi produit la colère, puisque là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas non plus de transgression.

16 C'est donc par la foi que l'on devient héritier, pour que ce soit par grâce et que la promesse soit assurée à toute la descendance, non seulement à celle qui dépend de la loi, mais aussi à celle qui a la foi d'Abraham. En effet, Abraham est notre père à tous, comme cela est d'ailleurs écrit :

17 Je t'ai établi père d'un grand nombre de nations. Il est notre père devant le Dieu en qui il a cru, le Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui n'existe pas à l'existence." »


Cher ami auditeur,

Dans ta vie spirituelle, es-tu arrivé au point où tu peux dire avec certitude : « Si je meurs aujourd’hui encore, j’irai au ciel ! » ?

Suppose que tu doives mourir cette nuit, que tu te trouves devant Dieu et qu’il te demande : « Pourquoi devrais-je te laisser entrer dans mon ciel ? » que lui répondrais-tu ?

Je peux le dire autrement : « Es-tu sûr de ton salut ? Et si oui, sur quoi fondes-tu ta certitude du salut ? »

Les réponses que les gens donnent à ces deux questions les classent en deux catégories :

LES CRÂNEURS ET LES CROYANTS

X X X 1 X X X

Les crâneurs

Le crâneur essaye – y compris devant Dieu – de faire valoir des excuses, de se présenter sous son meilleur jour, de justifier ses actes. Il pense que personne n’aurait pu faire mieux que lui dans les mêmes circonstances. En fait, il ne se serait finalement pas si mal débrouillé dans la vie. Sûr, il n’est pas non plus parfait – ça, il veut bien l’admettre – mais à sa place personne n’aurait pu faire mieux, sans doute même pas aussi bien que lui.

En fait, le crâneur est satisfait de la façon dont il maîtrise, ou du moins conduit, sa vie. Il en est même fier, un peu comme le pharisien qui faisait son propre éloge au Temple.

Le présomptueux est quelqu’un qui n’est pas capable de voir et de reconnaître ses propres faiblesses. Il sait donner un sens positif à tout ce qui vient de lui. Il a des excuses pour tout, des justifications qui écartent toute possibilité d’erreur et le font paraître sans reproche.

Le vaniteux s’imagine mériter la reconnaissance et le respect de la part des hommes et de Dieu, surtout pour ce qu’il est parvenu à faire dans des moments difficiles où il a tenu bon et s’en est sorti de façon magistrale et exemplaire.

« J’ai toujours assisté aux cultes ; j’ai toujours été un paroissien exemplaire, même dans des temps difficiles, financièrement difficiles par exemple, mais aussi quand cela était difficile à gérer au niveau de la famille ou de la santé. Personne ne peut me reprocher – alors qu’il y en a à qui on peut vraiment le reprocher ! – que j’aie traîné les pieds dans la paroisse : quand il y a quelque chose à faire, j’en suis toujours ! »

Possible. Et puis alors ! N’est-ce pas normal pour un chrétien ? Mais le chrétien ne s’en vante pas. Il ne le servira pas aux autres sur un plateau : il mène sa vie par amour pour Dieu et le prochain. Il se sent attiré par Dieu et ses moyens de grâce (la Parole et les sacrements) et sa vie gravite autour de Dieu et dans la paroisse où il s’épanouit au contact de l’Evangile.

Chez le m’as-tu-vu par contre, tout gravite autour de son ego et de ce qu’il considère être son honneur, sa dignité. Un vaniteux est égo-centrique : au centre de ses pensées, de ses paroles et de son comportement il n’y a pas Dieu, mais son ego, le « Moi ». Il ne voit que lui, ne pense qu’à lui. Il cherche continuellement comment il peut briller.

Non pas qu’un crâneur ne sache pas ce qu’est la justification ! Il en a une idée très précise. Pour lui, la justification signifie : « Je me justifie moi-même par ce que je fais ; mes mérites à eux seuls – en tout cas pour l’essentiel – montrent que je suis juste ; cela doit satisfaire tout le monde, y compris Dieu ; même, tout le monde – y compris Dieu – devrait me témoigner du respect et de l’admiration ! »

Un vaniteux fait comprendre : « Dieu me doit le ciel. Ma vie exemplaire doit m’en ouvrir les portes. »

Mais Dieu n’est pas un homme. Bien entendu que nous devons estimer et apprécier ce que les autres font de bien. Nous devons aussi leur témoigner notre reconnaissance pour ce qu’ils font. Ne pas le faire serait de notre part de l’ingratitude.

Mais les critères de Dieu sont différents. Dieu mesure autrement. Nous pouvons accomplir des choses qui, aux yeux des autres – et à juste titre – sont considérés comme exemplaires en don de soi, esprit de sacrifice, amour du prochain, que ce soit comme parent, partenaire conjugal, comme enfant à l’égard des parents âgés, comme paroissien, comme témoin du Christ dans le monde, et j’en passe.

Mais que le Seigneur nous préserve de nous en vanter ou de croire que ce faisant nous avons marqué des points dans sa comptabilité divine, que nous nous ayons ainsi annihilé à ses yeux les péchés que nous avons accomplis par ailleurs !

Que dit le prophète Esaïe ? – « Nous sommes tous comme des objets impurs et toute notre justice » – tout ce qui est juste et beau aux yeux des autres – « est pareille à un habit taché de sang » jaugée à l’aune de la justice divine ! (Es 64.5)

C’est que Dieu exige la perfection absolue de celui qui veut se mériter son salut. « A celui qui fait oeuvre, » – mot-à-mot, cf NBS) – « le salaire est porté à son compte non comme une grâce, mais comme un dû. » (v. 4) Si quelqu’un veut négocier avec Dieu pour obtenir le « salaire » mérité par ses actes, il découvrira qu’il est dans le rouge dans le livre des comptes divins. Tout ce qu’il peut y additionner, ce sont des dettes parce que nos meilleures œuvres n’atteignent pas la perfection exigée par la Loi de Dieu.

Bien sûr que nos bonnes œuvres font notre joie ! Le chrétien se réjouit et remercie Dieu de lui permettre de mener une vie qui fasse honneur à Dieu. Nous nous réjouissons pour tout acte, pour toute œuvre, pour tout succès d’une vie à la suite de notre Seigneur. Nous y reconnaissons avec joie un fruit de notre foi en Jésus-Christ. Cela nous remplit de gratitude envers le Saint-Esprit d’avoir agi sur nous par l’Evangile de façon à produire de beaux fruits de la foi.

C’est ce qu’a fait Abraham. Paul nous dit : « Sur la base de ses oeuvres, il a de quoi se montrer fier, » ces fruits de la foi faisaient sa fierté, « mais » – précise Paul – « non devant Dieu. » (v. 2)

Aussi exemplaire qu’ait été la vie de foi d’Abraham – et elle nous est effectivement donnée en exemple ici ! – devant Dieu, lui aussi ne pouvait pas faire valoir de mérites, car ses meilleures œuvres étaient, comme les nôtres, encore entachées de péché..

Le prétentieux – celui qui fait valoir des prétentions devant Dieu – recevra effectivement son « salaire ». Mais quel terrible jour de paye, car « le salaire du péché, c’est la mort ! » (Rm 6.23)

Cher auditeur, permets-moi donc de reposer la question du début : Sur quoi fondes-tu la certitude d’être sauvé ? Es-tu un crâneur ou un croyant ?

X X X 2 X X X

lES CROYANTs

Qu’est-ce qui caractérise un croyant ? La réponse de Paul commence ainsi : Un croyant c’est « celui qui ne fait pas œuvre » – (mot-à-mot ; NSB), celui qui n’essaye pas de faire valoir ses œuvres devant Dieu – « mais qui croit en Celui qui déclare juste l’impie ! » (v. 5)

Que signifie cette formulation étonnante : le croyant « ne fait pas œuvre » (NSB). Que veut dire l’apôtre ?

Paul parle beaucoup dans ses épîtres de la façon dont « l’amour de Christ nous presse » (2 Co 5.14) à mener une vie chrétienne faite de bonnes œuvres. Avec nos bonnes œuvres nous voulons exprimer à notre Dieu Sauveur notre joie et notre gratitude de nous avoir sauvés par son Fils.

Mais nous ne faisons pas valoir ces œuvres comme de la marchandise pour laquelle nous voudrions être rémunérés. Nous n’accomplissons pas les œuvres d’une vie chrétienne pour être payés en retour, pour qu’elles nous soient « comptées comme justice ».

Nos œuvres ne peuvent pas servir de moyen d’échange avec Dieu. Pour cela il faudrait qu’elles soient parfaites comme l’a été la vie et l’oeuvre de Jésus. Nos œuvres imparfaites et souillées par le péché ne se prêtent pas à une négociation avec Dieu et – et c’est là le miracle de l’Evangile ! – nous n’en avons pas besoin pour cela : grâce à Jésus, nous n’avons plus rien à nous mériter nous-mêmes !

« Nous savons que tout ce que dit la Loi, c’est à ceux qui vivent sous la Loi qu’elle le dit, afin que toute bouche soit fermée et que le monde entier soit reconnu coupable devant Dieu. En effet, personne ne sera considéré comme juste devant lui sur la base des œuvres de la Loi. » (Rm 3.19-20)

« Où est donc la raison de se montrer fier ? Elle a été exclue. Par quelle loi ? Par celle des œuvres ? Non, par la loi de la foi. En effet, nous estimons que l’homme est déclaré juste par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi » (Rm 3.27-28), par la foi « en Celui qui déclare juste l’impie ! » (v. 5)

« L’impie », au sens propre : l’irrévérencieux, celui qui n’a pas envers Dieu l’attitude qui s’impose, celle de l’adoration et de la foi, « l’impie » est celui qui est coupé de Dieu.

C’est ce que nous serions tous si nous cherchions à amadouer Dieu par nos œuvres, à nous le concilier par d’imaginaires mérites. Les échelles de nos œuvres sont bien trop courtes pour nous mener à Dieu.

Il existe cependant un médiateur qui est assez grand, parfait et saint pour rétablir le contact et les rapports entre Dieu et les pécheurs que nous sommes : Jésus-Christ !

Quiconque lui fait confiance peut subsister devant Dieu, celui-là Dieu l’agrée, l’accepte. C’est que Jésus a fait don de sa justice à tous ceux qui font confiance à l’œuvre qu’il a accomplie pour notre compte en se substituant à nous.

Dieu n’a rien à reprocher à cette justice que Jésus nous a obtenue et accordée : elle est parfaite, car en même temps divine. C’est ainsi que « celui qui ne fait pas œuvre » (NSB) « mais croit en celui qui déclare juste l'impie, sa foi lui est comptée comme justice. » Qui pourrait bien alors encore vouloir être un crâneur ?

Non, nous voulons nous tenir devant Dieu comme des croyants : pleins d’humilité et de contrition, mais aussi pleins de foi et de confiance dans l’œuvre du Christ, en croyant fermement qu’avec sa vie parfaite, aussi par « ses souffrances et sa mort innocentes » (Martin Luther, Petit Catéchisme), il m’a procuré la justice et la sainteté qui me manquaient pour pouvoir subsister devant Dieu.

« Mon Seigneur bien-aimé, je ne veux pas crâner devant toi. Je reconnais avec humilité mais aussi un immense soulagement et autant de joie que je te dois tout. Merci de m’avoir offert ta justice avec laquelle ton Père m’accepte dans cette vie comme dans l’éternité ! »

Avec cette disposition d’esprit nous nous trouvons dans la même situation qu’Abraham. Comme lui nous vivons « de la foi », de ce que nous plaçons notre foi en l’œuvre de rachat de Jésus, de ce que nous nous en remettons au pardon et à la grâce de Dieu fondées sur l’œuvre expiatoire de Jésus-Christ.

Abraham a mené une vie consacrée à Dieu, une vie riche en bonnes œuvres. En cela aussi il reste un exemple jusqu’à la fin des temps. Pourtant « ce n'est pas par la loi que la promesse de […] l’héritage a été faite à Abraham […], mais c'est par la justice de la foi, » (v. 13)

Il n’a pas obtenu le salut au moyen de sa vie de piété, mais « par la justice » du Messie promis, « justice » qu’il a obtenue parce qu’il a eu « foi » en ce que Dieu lui promettait.

Comme Abraham, nous aussi nous voulons vivre exclusivement « par la justice » du Christ promise à celui qui place sa « foi » en lui.

Pour nous, croyants, il n’y a pas de doute : « C’est par la foi que l'on devient héritier, pour que ce soit par grâce et que la promesse soit assurée. » (v. 16). Si notre salut n’était pas fondé sur « la grâce en Jésus-Christ » (1 Co 1.4), mais sur nos mérites, nous ne pourrions pas être sûrs de notre salut. Mais s’il est accordé « par grâce » à cause de l’œuvre parfaite de Jésus, nous n’avons pas de craintes à avoir : notre salut a un fondement solide.

Dieu merci ! nous pouvons êtres sûrs qu’il pardonne aux croyants que nous sommes, qu’il inscrit la justice de son Fils à notre compte et nous accorde la vie et la félicité éternelle, car il est « le Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui n'existe pas à l'existence. » (v. 17)

Cher ami qui places ta foi en Jésus-Christ, réjouis-toi ! Tu peux être assuré de ton salut car tu ne crânes pas devant Dieu avec tes propres mérites, mais tu fais confiance aux mérites du Christ portés à ton compte !

Soli Deo gloria ! A Dieu seul soit la gloire !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Il faut, grand Dieu, que de mon coeur LlS 232 : 1-3

Par grâce, ô Dieu, par ta clémence LlS 223 : 1-2+4+6

Le salut nous vient du Seigneur LlS 220 : 1+3+6-7*

lundi 2 mars 2009

Sermon du dimanche 1er mars 2009 - Invocavit

INVOCAVIT

Texte : Mt 16.21-26

Chants proposés :

C’est un rempart que notre Dieu LlS 139 : 1-4

Ta Parole, Seigneur, LlS 151 : 1-5

Ecoutez tous une bonne nouvelle LlS 213 : 1-5

Jésus-Christ, dans sa grâce, LlS 164 : 1-13

21 « Dès ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il devait aller à Jérusalem, beaucoup souffrir de la part des anciens, des chefs des prêtres et des spécialistes de la loi, être mis à mort et ressusciter le troisième jour.

22 Alors Pierre le prit à part et se mit à le reprendre en disant : "Que Dieu t'en garde, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas."

23 Mais Jésus se retourna et dit à Pierre : "Arrière, Satan, tu es un piège pour moi, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes."

24 Alors Jésus dit à ses disciples : "Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive !

25 En effet, celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la retrouvera.

26 Que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perd son âme? Ou que pourra donner un homme en échange de son âme ?" »

Chers amis frères et sœurs à cause de Jésus-Christ crucifié !

« Pour ma part, frères et soeurs, lorsque je suis venu chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le témoignage de Dieu, car j'avais décidé de ne connaître parmi vous rien d'autre que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Co 2.1-2) Ainsi parle le plus savant, le plus érudit de tous les apôtres, l’apôtre Paul.

Il était né à Tarse en Asie Mineure, et citoyen romain de cette ville universitaire grecque. Il y avait entendu de grands philosophes. Et il avait étudié à Jérusalem auprès du professeur juif le plus célèbre de l’époque, Gamaliel.

L’apôtre Paul était donc un homme versé dans les connaissances de deux cultures, la grecque et la juive. C’était un homme au grand savoir.

Pourtant, ce n’est ni à Tarse ni aux pieds de Gamaliel qu’il a appris la science la plus élevée et la plus importante. Pour l’érudit et savant de son temps qu’est Saul de Tarse devenu l’apôtre Paul,

LA SCIENCE – c.à.d. LE SAVOIR –

LE PLUS IMPORTANT

consiste à connaître « Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ».

Aussi voulons-nous considérer, nous aussi, comme le plus important de connaître Jésus, son œuvre et sa croix. Les autres connaissances, les autres savoirs, les autres sciences ont, certes, leur importance et peuvent apporter leur bénédiction dans des domaines très variés, mais aucune ne peut nous obtenir notre salut.

Justement, notre texte – un texte proposé pour ce premier dimanche de la Passion du Christ – veut souligner les grands bienfaits, les bénédictions exclusives qui résident dans le fait de connaître le Christ.

C’est en effet là la science

1. la plus nécessaire,

2. la plus mystérieuse, et

3. la plus salutaire.

X X X X X X X X X X X X

CONNAÎTRE LE CHRIST EST

LA SCIENCE LA PLUS IMPORTANTE

CAR

X X X 1 X X X

LA PLUS NECESSAIRE DE TOUTES

Connaître Jésus-Christ crucifié, c’est non seulement la science, le savoir le plus important, mais aussi le seul savoir nécessaire pour être sauvé. Voilà pourquoi Jésus se donne tant de peine pour transmettre cette connaissance à ses disciples.

« Dès ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il devait aller à Jérusalem, beaucoup souffrir de la part des anciens, des chefs des prêtres et des spécialistes de la loi, être mis à mort et ressusciter le troisième jour. » (v. 21)

C’est ici la première fois que nous voyons Jésus annoncer à ses disciples ses souffrances, sa mort et sa résurrection imminentes. En quelques traits vigoureux il leur trace les grandes lignes de son ultime combat pour sauver l’humanité des conséquences du péché.

Les disciples devaient être préparés au drame dans lequel ils allaient être entraînés, pour que, le moment venu, ils ne succombent pas à la tentation et ne se mettent pas à douter de l’identité et de la mission de Jésus de Nazareth. Jésus leur montre que tout se déroulera selon le plan dressé par Dieu lui-même : souffrances, mise à mort, puis résurrection. Il indique aussi qui seront les exécutants du plan de Dieu, sans le savoir – « des anciens, des chefs des prêtres et des spécialistes de la loi. » – et l’endroit où cela se passera : à « Jérusalem » où ils étaient en train de se rendre.

Simon Pierre venait juste de confesser : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16.16) On pourrait penser que, maintenant, les disciples ont tout compris. Le Seigneur, lui, sait qu’il n’en est rien, qu’ils se faisaient encore de fausses idées de son Royaume et de ses fondements. Il savait qu’ils étaient encore influencés par leurs désirs naturels, même par … « Satan » (v. 23). Ils espéraient toujours un royaume de ce monde où ils auraient des places d’honneur.

Combien la réalité allait être différente de leurs rêves ! Ils allaient devoir les rectifier de 180° ! Non pas des honneurs, mais la honte les attendait à Jérusalem. Non pas l’admiration, mais le rejet, le mépris, la haine. Non pas des acclamations – sinon celles trompeuses de l’entrée à Jérusalem (Mt 21.8-10) – mais la persécution, l’arrestation et l’ignoble exécution de leur Maître.

Pour les réveiller de leur rêve, Jésus a souvent répété ce qui allait se passer. Dès son premier passage à Jérusalem, il avait déclaré aux chefs du peuple : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai ! » A l’époque, personne ne l’avait compris. Ce n’est qu’après le miracle de Pâques que les disciples comprirent : « Il parlait du temple de son corps. » (Jn 2.19-22)

Une autre fois, il parla en parabole des nombreuses âmes qui allaient être sauvées par sa résurrection : « L'heure où le Fils de l'homme va être élevé dans sa gloire est venue. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12.23-24)

Une autre fois il s’est comparé à Jonas : « De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans la terre. » (Mt 12.40)

Devant Nicodème, il se compare au serpent d’airain : « Tout comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut aussi que le Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit en lui [ne périsse pas mais qu'il] ait la vie éternelle. » (Jn 3.14-15)

C’est en ces termes et en y revenant souvent que Jésus s’est efforcé de transmettre à ses disciples la connaissance fondamentale de sa Passion et de sa mort. Il ne s’est pas toujours servi d’images, parfois il en a parlé ouvertement, comme dans notre texte, ou plus tard encore, quand « Jésus prit les douze avec lui et leur dit : "Nous montons à Jérusalem et tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme va s'accomplir. En effet, il sera livré aux non-Juifs, on se moquera de lui, on l'insultera, on crachera sur lui et, après l'avoir fouetté, on le fera mourir ; le troisième jour il ressuscitera." » (Lc 18.31-33)

Si Jésus est revenu si souvent sur cette annonce, c’est qu’il était primordial et fondamental pour les disciples d’acquérir cette connaissance. Il fallait qu’ils comprennent le sens profond, mais aussi merveilleux pour eux, de ses souffrances, de sa mort et de sa résurrection. Et cette connaissance est tout aussi fondamentale pour nous.

Il ne suffit pas de voir qu’il a été un homme juste, admirable, bon, exceptionnel, il faut aussi savoir et confesser qu’il est venu dans ce monde pécheur et mortel pour nous délivrer de la mortalité et de la damnation liées à notre péché. Pour y arriver il a mené une vie sans péché à notre place et a expié nos péchés en souffrant et mourant et ressuscitant pour nous.

C’est là le fondement de notre foi, de l’Eglise et de notre salut. Sans cette vérité fondamentale il n’y aurait pas de foi chrétienne ; cette vérité en est le fondement, le centre et la moelle. Aussi ne pourra-t-on jamais assez enseigner ce savoir essentiel : « qu'il devait aller à Jérusalem, beaucoup souffrir de la part des anciens, des chefs des prêtres et des spécialistes de la loi, être mis à mort et ressusciter le troisième jour. »

« Il le fallait » si nous devions être réconciliés avec Dieu, si nous devions pouvoir vivre sous le regard bienveillant de Dieu au lieu de le faire sous sa colère, si nous devions avoir accès à la vie éternelle. Aussi réjouissons-nous de savoir cela : « Jésus, notre Seigneur, a été donné à cause de nos fautes et est ressuscité à cause de notre justification, » pour que nous soyons pardonnés (Rm 4.25).

Ne perdons jamais cette connaissance de vue : c’est là la science ou connaissance nécessaire à notre salut éternel. Mais

CONNAÎTRE LE CHRIST EST AUSSI

LA SCIENCE LA PLUS IMPORTANTE

CAR

X X X 2 X X X

la plus mysterieuse de toutes

La science des vérités de l’Evangile du Christ est une somme de connaissances « mystérieuses » : la raison humaine n’a pu les concevoir ; il a fallu que Dieu lui-même nous les révèle (1 Co 2.6-11). Les connaissances spirituelles résumées dans l’Evangile prennent la raison humaine à rebrousse-poil. Voyez notre histoire !

Les disciples ne comprennent rien à ce que Jésus leur dit. Pierre essaye même de le détourner de sa mission : agir pour notre salut ! « Pierre le prit à part et se mit à le reprendre en disant : "Que Dieu t'en garde, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas." » (v. 23)

« L’enfer est pavé de bonnes intentions » dit un proverbe. Pierre aimait vraiment le Maître. Mais dans son aveuglement, il a essayé de détourner Jésus de la mission pour laquelle il s’était incarné : nous réconcilier avec Dieu et nous sauver ainsi de la perdition.

Curieux de la part de quelqu’un qui, quelques instants plus tôt, avait confessé : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16.16) : voilà qu’il s’oppose à ce que le Christ accomplisse sa mission de Sauveur !

Lorsqu’on n’est pas au courant de la volonté de Dieu – ou lorsqu’on ne s’en rappelle pas, ou lorsqu’on fait passer ses émotions avant la Parole de Dieu – on va à l’encontre de cette bonne et miséricordieuse volonté, et on peut le faire avec … la meilleure volonté du monde, mais justement, du monde et pas de Dieu.

Même si on est alors convaincu être animé par les meilleures intentions – comme Pierre dans notre texte – si ce n’est pas conforme à la connaissance divine, pas conforme à l’Evangile du Christ, on se fait rabrouer par le Seigneur, comme Pierre l’a été. Pauvre Pierre ! Il n’a pas dû en croire ses oreilles quand Jésus lui a lancé : « Arrière, Satan, […], car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. » (v. 23)

Pierre avait parlé selon la logique de ce monde, selon ses craintes aussi. Et quand on fait abstraction de la volonté de Dieu, on en arrive toujours à cette malheureuse conclusion : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ! » (Mt 27.40) Pierre a dit : « N’y monte pas ! », ce qui revient au même. La raison non éclairée par la Parole de Dieu ne voit pas la nécessité de la mort et de la résurrection de Jésus, tant cette vérité divine va à l’encontre du raisonnement humain.

Chers amis, aujourd’hui encore l’Evangile du Christ, « le message de la croix, est une folie » aux yeux de ceux qui n’ont pas assimilé la science ou connaissance du Christ Sauveur. Ils ne sont pas éclairés par le Saint-Esprit à travers l’Evangile ; aussi butent-ils contre ce qui leur est incompréhensible, contre ce qui leur semble contradictoire, voire carrément « insensé » (1 Co 1.18).

Paul explique aux chrétiens de Corinthe : « L’homme naturel n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu, car c’est une folie pour lui ; il est même incapable de le comprendre, parce que c’est spirituellement qu’on en juge, » c’est éclairé par l’Esprit saint qu’on l’assimile et y croit (1 Co 2.14).

Même nous, nous avons parfois du mal à nous familiariser avec l’idée de la mort du Fils de Dieu. Il nous arrive de penser – ce qui est humain… ici dans le mauvais sens du terme – : Dieu ne pouvait-il pas se réconcilier avec nous autrement qu’en sacrifiant son Fils ? Pourquoi a-t-il passé par là puisque « rien n’est impossible à Dieu » ? (Lc 1.37)

Pour que cette raison rétive en nous ne prenne pas le dessus devant le mystère insondable de la rédemption du monde, il faut que nous nous mettions constamment à l’école de ce savoir. Comme Jésus a dû répéter à maintes reprises à ses disciples ce qui « devait » se passer, par quoi lui il « devait » passer, il faut que nous donnions aussi à Jésus l’occasion de nous faire croître dans cette science divine, dans ce savoir étranger à la raison humaine, dans cette connaissance si « mystérieuse » pour l’homme non régénéré.

Laissons-nous donc guider par le Saint-Esprit ! Donnons-lui l’occasion de nous illuminer par son Evangile de grâce ! Alors nous intégrerons toujours mieux cette connaissance des souffrances, de la mort et de la résurrection du Christ, nous comprendrons toujours mieux qu’il « devait » passer par là, comme il le dit lui-même.


CONNAÎTRE LE CHRIST EST

LA SCIENCE LA PLUS IMPORTANTE

parce qu’elle est nécessaire et mystérieuse,

mais surtout

PARCE QU’ELLE EST AUSSI

X X X 3 X X X

LA PLUS – EN FAIT, LA SEULE –

SALUTAIRE DE TOUTES

Revenons un instant à cette cinglante réplique de Jésus à Pierre : « Arrière, Satan, tu es un piège pour moi, car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. » Pour abasourdi, Pierre devait être abasourdi ! S’il s’attendait à cela ! … Qu’est-ce qui a pu amener Celui qui est l’Amour et la Bonté en personne à s’en prendre ainsi à Pierre ?

C’est que Jésus avait vu poindre le nez de « Satan » derrière cette tentation, derrière ce « piège » que Pierre, inconscient, lui tendait ainsi. Et pourquoi « Satan » se servait-il ainsi de Pierre ? Pour la même raison qui l’a amené à tenter Jésus précédemment dans le désert (Mt 4.1-11). Il veut le détourner de sa mission, l’empêcher de sauver l’humanité. Si Satan réussissait son coup, c’en serait fait de nous, les humains, car « il n’y a de salut en aucun autre » qu’en Jésus, « car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4.12).

Satan n’est pas bête. Lui il possède la science de l’Evangile, lui il sait exactement ce qui est nécessaire pour que nous soyons sauvés de la colère de Dieu : une vie d’obéissance parfaite de la part de Jésus et l’expiation de nos péchés par ce même Jésus. D’où cette réplique cinglante : « Arrière, Satan, tu es un piège pour moi ! » Tu voudrais me faire abandonner ma ligne de conduite décidée en commun au sein de la Très Sainte Trinité.

Pierre avait des intentions humaines au moins partiellement inspirées par Satan, Jésus avait des projets divins. Là était toute la différence. A ce moment, c’était même tout un abîme entre eux. Et un tel abîme menace de se creuser entre nous et notre Sauveur chaque fois que nous nous laissons entraîner par mégarde ou par légèreté à l’écart de la Parole et des dispositions de Dieu.

Pierre était le jouet de ses pensées et souhaits humains. Jésus était tout consacré au conseil éternel de Dieu : nous sauver des griffes de Satan et de la damnation éternelle. Cela ne pouvait se faire que s’il souffrait, mourait et ressuscitait pour nous. C’est ainsi qu’il « devait » expier notre péché ; c’est ainsi qu’il « devait » nous racheter de la malédiction de la Loi de Dieu qui pesait sur nous. C’était absolument nécessaire.

Et la connaissance de ces faits est, elle aussi, absolument nécessaire. Comment voulez-vous placer votre foi dans l’œuvre de sauvetage du Christ si vous ne savez pas ce qu’il a fait pour vous ?

Mais combien cette science est aussi merveilleuse : savoir que ce qui était absolument nécessaire pour notre salut a été pleinement accompli par Jésus ! N’est-ce pas un grand soulagement que d’apprendre que Jésus a expié mon péché, qu’il a accompli à la perfection la Loi divine pour moi, qu’il a ainsi vaincu la mort et l’enfer pour mon compte ?

N’est-ce pas un grand soulagement que de savoir que j’ai un Seigneur qui m’a aimé plus que sa quiétude au ciel, même plus que sa vie ?

N’est-ce pas un grand réconfort quand un sentiment de culpabilité pèse sur moi que de savoir : « Si [j’ai] péché, [j’ai] un défenseur auprès du Père, Jésus-Christ le juste » ? – Comment cela ? – Mais parce qu’« il est lui-même la victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. » (1 Jn 2.1-2)

Ses souffrances et sa mort sont les fondements de notre acquittement et de notre réconciliation avec Dieu ! Avec sa résurrection elles sont la garantie de notre espérance.

Et elles sont le fondement dans lequel nous puisons la volonté de vivre chrétiennement et la force de le faire. Nous voulons ainsi lui montrer notre gratitude pour ses bénédictions si chèrement acquises, notre amour pour nous avoir aimés en premier !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

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