mardi 26 février 2008

Sermon du 17 février 2008 - Reminiscere

Texte : Heb 11.1-3+8-16


1 « Or la foi, c'est la réalité de ce qu'on espère,
l'attestation de choses qu'on ne voit pas.
2 C'est par elle que les anciens ont reçu un bon témoignage.
3 Par la foi, nous comprenons
que les mondes ont été formés par une parole de Dieu,
de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est manifeste.
8 C'est par la foi qu'Abraham obéit à un appel
en partant vers un lieu
qu'il allait recevoir en héritage :
il partit sans savoir où il allait.
9 C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger,
habitant sous des tentes avec Isaac et Jacob,
héritiers avec lui de la même promesse.
10 Car il attendait
la cité qui a de solides fondations,
celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur.
11 C'est par la foi aussi que Sara elle-même,
malgré sa stérilité et son âge avancé,
fut rendue capable d'avoir une descendance,
parce qu'elle tint pour digne de confiance
celui qui avait fait la promesse.
12 C'est pourquoi d'un seul homme
– et d'un homme déjà atteint par la mort –
sont nés des descendants aussi nombreux
que les étoiles du ciel
et que le sable qui est au bord de la mer,
qu'on ne peut compter.
13 C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts,
sans avoir obtenu les choses promises ;
cependant ils les ont vues et saluées de loin,
en reconnaissant publiquement
qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.
14 En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie.
15 S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée,
ils auraient eu le temps d'y retourner.
16 Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste.
C'est pourquoi Dieu n'a pas honte
d'être appelé leur Dieu ;
car il leur a préparé une cité. »


Chers frères et sœurs,
« étrangers et résidents temporaires
sur la terre, »,
car citoyens d’une « patrie supérieure, »
de la « patrie céleste » !


Qu’est-ce qui nous caractérise, nous, les chrétiens ? Peut-être une manière plus morale de nous comporter au travail, dans le voisinage, dans la vie ? Un amour du prochain qui recherche le bien réel de l’autre plutôt que notre intérêt ? Mais il y a aussi des incroyants qui mènent une vie extérieurement honorable et exemplaire.

Qu’est-ce qui nous caractérise alors ? C’est simple : notre « foi » en Jésus-Christ (v. 1). Elle, les incroyants ne l’ont pas. Elle est vraiment notre signe distinctif.

Et cette foi, croire dans le Dieu des promesses, croire en Jésus-Christ, ce n’est pas quelque chose de théorique, de passif ; c’est une dynamique poussée en avant par la « dynamique » ou « puissance » de « l’Evangile » (Rm 1.16) ; une dynamique tournée vers l’avenir. En ce sens, elle est intimement liée à « ce qu’on espère » (v. 1).

Mais la foi est avant tout « foi en Jésus-Christ » (Ga 2.16). Elle regarde donc aussi en arrière, sur les grandes œuvres accomplies par Dieu en Jésus-Christ. Notre foi en Jésus-Christ se nourrit donc de « la connaissance » que la Bible nous apporte « de Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur, » (2 P 3.18).
Et finalement, notre foi regarde le présent, et elle le fait avec « confiance » (v. 11) et assurance.
« Connaissance » du passé, « confiance » dans le présent et « espérance » pour l’avenir, voilà les trois facettes de « la foi » chrétienne. C’est aussi ce que nous apprenons en méditant l’exemple de
LA FOI D’ABRAHAM

Avec Abraham, nous voyons
1. comment la foi débute ;
2. comment elle résiste ;
3. comment elle aboutit.

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Avec Abraham, nous voyons comment la foi débute.

L’histoire d’Abraham nous montre que la grâce de Dieu précède toujours la foi. Dans sa grâce – de façon tout à fait imméritée – Dieu s’approche de nous pour nous attirer en sécurité auprès de lui.

L’archéologie est en accord avec le récit de la Bible. Avec les jeunes de la paroisse, nous avons visité le département des antiquités mésopotamiennes du Musée du Louvres à Paris. Les objets exposés au Louvres – et plus spécialement celles en provenance d’Ur, la ville où Abram a vécu – ces objets font comprendre de façon saisissante qu’Abram vivait dans un environnement riche et idolâtre.

C’était pareil à Charan où il avait déménagé avec son père, Térach. C’était aussi une ville aussi idolâtre que culturellement riche.

C’est hors de là que Dieu l’a appelé, alors qu’il avait 75 ans. Dieu lui a manifesté sa grâce, Dieu lui a fait une faveur imméritée, en l’appelant hors de l’idolâtrie dans laquelle il baignait en Mésopotamie.

« Par grâce… » (Ep 2.5) Dans sa grâce, Dieu accompagne puissamment l’appel qu’il adresse aux pécheurs que nous sommes.

Les paroles de Jésus avaient le pouvoir d’accomplir ce qu’il disait. C’est ainsi qu’il a appelé à lui ses futurs apôtres. L’appel de Jésus a toujours été : « Viens et vois ! » (Jn 11.34), viens et laisse-toi surprendre !

C’et ainsi aussi que « l’Evangile, puissance de Dieu pour sauver » (Rm 1.16), a poussé Abraham à échanger la vie dans le luxe avec une vie nomade, à braver les difficultés et les dangers du désert, pour aller se réfugier auprès de ce Dieu débordant de grâce.

Nous aussi, Dieu « nous a appelés par la grâce du Christ pour passer » auprès de lui, dans sa communion sécurisante (Ga 1.5). Nous aussi il nous « a appelés par l’Evangile » (2 Th 2.14) pour nous faire passer « des ténèbres » de la perdition « à son étonnante lumière » (1 P 2.9)

Et dans sa grâce, il nous a maintenus dans cette foi, il a fait que nous gardions confiance dans le salut que son Fils nous a procuré.

« Par grâce… » (Ep 2.5) C’est ce que nous confessons avec ces paroles que nous avons apprises, enfants, à catéchisme : « Je crois que je ne puis, par ma raison et mes propres forces, croire en Jésus-Christ, mon Seigneur, ni aller à lui. Mais c’est le Saint Esprit qui m’a appelé par l’Evangile, éclairé de ses dons, sanctifié et maintenu dans la vraie foi. » (Martin Luther, « Petit Catéchisme », 3ème Article de la Foi)


--- 2 ---


Avec Abraham, nous voyons comment la foi résiste , comment elle résiste aux assauts du doute et des épreuves.

Fallait-il que les promesses imméritées de Dieu l’aient subjugué au plus haut point pour qu’il échange sa vie cossue pour une vie nomade ! « Abraham obéit à un appel […] : il partit sans savoir où il allait ! » (v. 8)

Il n’avait ni carte Michelin ni guide touristique, pas non plus de GPS, pas de photos de là où il devait se rendre ; il n’a pas fait d’enquête préalable sur « le lieu qu’il allait recevoir en héritage » (v. 8)

Le bon sens appelle cela de la folie – surtout, aux yeux de ses compatriotes – : quitter les idoles aux temples richement ornés pour suivre un Dieu invisible et sans lieu de culte précis !
Mais la foi fait confiance à la Parole que Dieu lui adresse. « La foi, c'est la réalité de ce qu'on espère, l'attestation de choses qu'on ne voit pas. » (v. 1)

Quand on croit en Dieu, quand on fait confiance à sa Parole de grâce, on fait taire les sens là où ils contredisent la Parole de Dieu. Oh ! ce n’est pas toujours facile de faire taire les objections de la raison, mais « la réalité de ce qu’on espère » dépasse tellement tout entendement qu’on glorifie ce Dieu qui nous en fait la promesse.

Et entre le moment de l’appel et celui où on touche au but, pendant cette période intermédiaire qui est celle de notre vie ici-bas, c’est souvent l’aventure. Un peu comme Pierre qui a dit à Jésus : « Sur ta Parole » (Lc 5.5), j’y vais, même si ma raison s’y oppose.

Revenons à l’exemple d’Abraham. En suivant l’appel de Dieu, les dangers et les privations sont devenus son lot quotidien. Maintenant il habite « une tente » (v. 9) au lieu d’un palais. « C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger » (v. 9), des territoires souvent hostiles aux étrangers, hostiles aussi à sa foi.

Abraham fait face à d’apparentes contradictions. Dieu lui a promis une nombreuse descendance (Gn 12.2 ; 15.5 ; 17.2), mais Sara, sa femme, est frappée de « stérilité » (v. 11). Seule une confiance inébranlable en la grâce et la fidélité de Dieu pouvait se sortir d’une telle impasse.
« C'est par la foi aussi que Sara elle-même, malgré sa stérilité et son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une descendance, parce qu'elle tint pour digne de confiance celui qui avait fait la promesse. C'est pourquoi d'un seul homme – et d'un homme déjà atteint par la mort – sont nés des descendants aussi nombreux que les étoiles du ciel et que le sable qui est au bord de la mer, qu'on ne peut compter. » (v. 11-12)

Avouons qu’il est parfois difficile d’« attendre » (v. 10), surtout quand c’est pendant aussi longtemps qu’Abraham et Sara ont dû attendre et vivre d’espoir. Oui, il est parfois difficile de « mettre son espérance dans le Seigneur » (Ps 27.14).
Finalement, Sara eut Isaac ; les espérances s’étaient réalisées, Dieu avait tenu parole ; ils ont eu raison de garder foi en lui.

Chers amis, notre vie ici-bas se déroule, pour nous tous, dans ce genre d’attente. Nous avons des attentes diverses, certaines pour cette vie, d’autres pour l’au-delà.

Réconfortons-nous avec la certitude que ces paroles adressées plus tard à Abraham – « Dieu est avec toi dans tout ce que tu fais ! » (Gn 21.22) – elles font aussi partie des promesses que Dieu nous a faites avec son alliance du Baptême. Les promesses d’amour et de fidélité que Dieu nous adresse inlassablement dans sa Parole sont sans nombre.

Alors, oui, nous sommes, comme Abraham, « étrangers et résidents temporaires sur la terre, » résidents passagers, gens de passage, « voyageurs sur la terre » (trad. Segond 21).
Nous non aussi, nous avançons dans la vie « sans savoir où nous allons » (v. 8). Sans doute préparons-nous notre avenir par des études, un plan de carrière, des projets personnels, de couple, de famille, mais ça ne veut pas dire que cela se passera comme prévu.
Ainsi les anniversaires sont des occasions de regarder en arrière sur les chemins par lesquels nous sommes arrivés jusque-là : dans le détail, ce ne sont sans doute jamais ceux que nous avions projetés. Mais nous pouvons voir la main de Dieu qui s’est étendue sur nous, qui nous a réconfortés, qui nous a guidés, et parfois carrément portés hors d’une passe difficile. « Dieu était avec nous. »

Et, particulièrement lors d’un anniversaire, nous regardons en avant et nous nous en remettons avec « foi » en Celui qui non seulement connaît l’avenir, mais qui le maîtrise aussi « pour notre bien » (Rm 8.28).
Nous nous en remettons à Celui qui nous aime autant que son Fils, puisque c’est là le prix qu’il a payé « pour que nous soyons appelés enfants de Dieu » (1 Jn 3.1) Remettons-nous en à ses promesses de grâce et de fidélité. Ainsi nous lui permettons de nous guider à chaque instant, même quand nous ne savons pas, dans le détail, par quels chemins il va nous mener.
En tout cas, nous savons où, en fin de compte, il veut nous conduire.


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Avec Abraham, nous voyons comment la foi aboutit.

Abraham connaissait les bons côtés de la vie, et y a amplement goûté. Certes, il a été « étranger et voyageur sur la terre » – pas seulement du point de vue spirituel, aussi du point de vue matériel –. Mais bien que nomade, il était tellement riche que le nombre de ses serviteurs a suffit pour battre une coalition de trois roitelets de l’époque. Du point de vue matériel, malgré sa vie errante, il était bien pourvu.

Mais la richesse n’empêche pas que la foi puisse être mise à rude épreuve. Abraham a dû garder foi en Dieu quand il y a eu pénurie d’herbages pour ses troupeaux. Il a dû garder foi en Dieu face à des batailles pour l’eau – tiens, déjà à l’époque ! – entre ses bergers et ceux de Lot. Il a dû garder foi en Dieu en période de famine qui l’a poussé à aller en Egypte où pharaon a failli lui piquer sa femme Sara. Il a dû garder foi en Dieu quand une coalition de rois du coin eurent enlevé Lot et sa famille et qu’il a dû livrer bataille pour les délivrer. Il a dû garder foi en Dieu au milieu de son imbroglio conjugal, coincé qu’il s’est trouvé par sa propre faute, entre les querelles de sa femme, sans enfants, et de sa servante, Hagar, dont Sara avait voulu qu’il eut un fils. Eh ! oui, les patriarches aussi n’étaient que des hommes, des pécheurs qui ne vivaient que de la grâce de Dieu. Abraham pas moins que les autres. (voir Rm 4.3)

Et enfin, quand il eut avec Sara l’unique enfant – Isaac – que Dieu leur avait permis d’avoir à un âge vraiment avancé, Abraham a encore dû garder foi en Dieu quand celui-ci lui demanda ce fils unique en sacrifice !

Il faut bien reconnaître : à partir du moment où Abraham a suivi l’appel de Dieu, sa foi a bien souvent été mise à rude épreuve.

Notre foi en Dieu connaît aussi ce genre d’émotions, des moments où on a du mal à concilier ce qu’on est en train de vivre avec l’amour et la fidélité de Dieu. Aussi est-ce auprès de lui, dans sa Parole, qu’il faut aller chercher l’apaisement et la paix.
Nous y découvrons que les épreuves que Dieu nous envoie ont un pouvoir de purification. Dans l’épreuve, notre foi en Dieu apprend à faire la part des choses. A la lumière de la Parole de grâce, les choses prennent une autre valeur. L’essentiel se détache mieux de l’aléatoire, le primordial du secondaire.

Que nous dit le Seigneur ? « Tous ceux que j’aime, moi, je les reprends et je les corrige » (Ap 3.19). Cette reprise en main par notre Seigneur peut parfois secouer, du moins sur le moment. En fait c’est pour « corriger », pour rectifier le cours des choses et mieux nous remettre sur le chemin de la foi en sa fidélité, sur le chemin aussi de l’espérance inséparable de notre foi.
Le but à atteindre, la destinée de son voyage à travers ce monde, était clair pour Abraham. « Il attendait la cité qui a de solides fondations, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur. » (v. 10)
Il savait sur quel chemin Dieu l’avait placé par son appel. Il savait sur quel chemin il avançait. Il n’en connaissait pas les détails, mais il faisait confiance à celui qui l’y dirigeait et accompagnait, et il savait où cela le menait.

Les apôtres présenteront plus tard Abraham comme « le père des croyants » (voir Rm 4.12+16 ; Ga 3.7+29). Avec lui et après lui, bien des hommes et des femmes ont placé leur foi dans le Dieu de la promesse et ont suivi son appel. Notre texte nous dit d’eux :
« C'est selon la foi que tous ceux-là sont morts, sans avoir obtenu les choses promises ; cependant ils les ont vues et saluées de loin, en reconnaissant publiquement qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre.

En effet, ceux qui parlent ainsi montrent clairement qu'ils cherchent une patrie. S'ils avaient eu la nostalgie de celle qu'ils avaient quittée, ils auraient eu le temps d'y retourner.
Mais en fait ils aspirent à une patrie supérieure, c'est-à-dire céleste. C'est pourquoi Dieu n'a pas honte d'être appelé leur Dieu ; car il leur a préparé une cité. » (v. 13-16)
Tous les croyants des temps passés – de l’époque de l’Ancien, puis du Nouveau Testament, comme tous les croyants depuis lors – « ont obtenu les choses promises » (v. 13) en passant de cette vie auprès de Dieu.

C’est ce qui nous console en pensant aux frères et sœurs en la foi qui nous ont précédés dans ce voyage.
C’est aussi ce qui nous anime et nous fortifie au cours de notre traversée de cette vie.
Comme croyants, notre « nostalgie » (v. 15) nous pousse à regarder en avant et vers le haut, pas vers le passé, si ce n’est pour nous souvenir des bénédictions dont le Seigneur nous y a comblés et des consolations qu’il nous y a prodiguées.
Notre cap est résolument fixé : c’est « la cité […] dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (v. 10) et qu’il nous a préparée au ciel ; c’est « la patrie supérieure, c’est-à-dire céleste » (v 16) qui nous attend, parce que Jésus nous y a procuré le droit de cité.
« C’est par la foi » (trad. Segond 21) dans les promesses de Dieu cimentées par la croix de Golgotha, c’est dans cette foi en Christ que nous osons suivre l’appel de Dieu, que nous avançons à la voix de Dieu.

Et « c’est par [cette] foi » que nous gagnons finalement – parce qu’il n’y a plus rien à gagner pour le croyant : Christ a tout gagné pour nous, par pure grâce !

Amen.
Jean Thiébaut Haessig, pasteur


Chants :

Bénis l’Eternel ô mon âme, LlS 20 : 1-4
A Dieu seul j’abandonne ma vie et ma personne, LlS 228 : 1-5
Seigneur, dirige tous mes pas LlS 305 : 1-3
ou :

Confie à Dieu ta route AeC 616 : 1-4
A Dieu seul j’abandonne ma vie et ma personne AeC 634 : 1-4
Il est, pour le fidèle, au-delà du tombeau, AeC 640 : 1-4


mardi 12 février 2008

Sermon du 10 février 2008 - Invocavit


Chants :
Heureux celui de qui Dieu (Ps 32) LlS 217:1+4-5
Au Jourdain vint Christ, le Seigneur, LlS 152:1-4
Au Jourdain vint Christ, le Seigneur, LlS 152:5-6

Lc 3.15-17+21-22

15 « Comme le peuple était dans l'attente,
et que tous se demandaient
si Jean n'était pas le Christ,
16 il leur répondit à tous :
"Moi, je vous baptise d'eau,
mais il vient,
celui qui est plus puissant que moi,
et ce serait encore trop d'honneur pour moi
que de délier la lanière de ses sandales.
Lui vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu.
17 Il a sa fourche à la main,
il va nettoyer son aire ;
il recueillera le blé dans sa grange,
mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas."
21 Quand tout le peuple reçut le baptême,
Jésus aussi reçut le baptême ;
et, pendant qu'il priait,
le ciel s'ouvrit,
22 et l'Esprit saint descendit sur lui sous une forme corporelle,
comme une colombe.
Et il survint une voix du ciel :
"Tu es mon Fils bien-aimé ;
c'est en toi que j'ai pris plaisir." »


Chers frères et sœurs en qui Dieu « prend plaisir » pour l’amour de son Fils !
Quand nous voyons combien cela nous fait plaisir quand d’autres aiment être avec nous, la pensée peut nous traverser l’esprit : « Peut-être qu’ils ne nous trouveraient pas aussi sympathiques s’ils nous connaissaient vraiment à fond, s’ils savaient vraiment ce qui se trouve aussi au fond de nous ! »
Il y a cependant quelqu’un à qui nous ne pouvons rien taire ou cacher. Et nos côtés moins reluisants que les autres ne connaissent pas, lui les connaît, et ça ne le laisse pas indifférent. Ne hait-il pas le péché ? (Ps 45.8)
Aussi nous surprend-t-il quand lui, à qui rien n’est caché, nous assure qu’il « prend plaisir » à nous, qu’il nous accorde sa grâce. N’est-ce pas ce qu’il dit en affirmant qu’il « prend plaisir » à Christ, celui qui nous représente, qu’il « prend plaisir » à ce qu’il fait en notre nom et à notre place ? (v. 22)

Notre texte développe devant nous

COMMENT, DU CIEL,
DIEU REVELE SA GRÂCE
A LA TERRE

1. Dieu a entièrement satisfait de son Fils.
2. Il est aussi pleinement satisfait de ses enfants baptisés !

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Dieu est entièrement satisfait de son Fils.
C’est la première constatation que nous faisons dans notre texte. « Du ciel » Dieu le Père fait entendre sa « voix » : « "Tu es mon Fils bien-aimé ; c’est en toi que j’ai pris plaisir." »
Cela, il n’y a pas que Jésus à l’avoir entendyu. Jean le Baptiste l’a vu également. « Jean rendit ce témoignage : "J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. " » (Jn 1.32) Et s’il n’est pas dit ici que Jean entendit la voix de Dieu le Père, c’était certainement le cas comme à deux autres occasions où les personnes présentes ont entendu ces mêmes paroles (Mt 12.18 ; 17.5). Tout le monde doit savoir que le Père « prend plaisir » à son Fils.
Comment pourrait-il en être autrement ? Celui qui sortait de l’eau du Jourdain (Mt 3.16) n’est-il pas le Fils éternel de Dieu ? Le Baptiste avait toujours su qu’il n’était que le précurseur du Messie qui, lui, allait apporter « le salut de Dieu » (Lc 3.6). Jean savait qu’il était le prophète annoncé par Esaïe (Es 40 et Lc 3.4-6), mais jamais il ne s’est pris pour « le Christ » ou Messie (v. 15). Malgré le caractère unique de son ministère, de sa mission – « préparer le chemin du Seigneur » (Mt 3.3) – Jean Baptiste indiquait clairement qu’il n’était pas digne d’être comparé au Christ : « Ce serait encore trop d'honneur pour moi que de délier la lanière de ses sandales. » (v. 16) Il savait quelle était sa place par rapport au Messie-Sauveur : « Il est plus puissant que moi. » (v. 16)
Prenons exemple sur Jean le Baptiste. Ne tombons-nous pas parfois dans le péché d’orgueil quand nous pensons être « dignes » (Lc 3.16, ancienne version Segond) de certains « honneurs » dans l’Eglise ? Si le Baptiste s’est considéré comme infiniment plus petit que le Christ, combien plus le sommes-nous alors ? C’est une grâce si nous pouvons faire quelque chose dans l’Eglise pour notre Seigneur, mais ce n’est pas parce que nous en serions « dignes ».
Jean-Baptiste révèle encore un autre point capital de la supériorité infinie du Christ : c’est que le Christ est Dieu lui-même. « Lui vous baptisera dans l'Esprit saint et le feu, » annonce Jean à ses auditeurs. Jésus dira la même chose à ses disciple quand il leur déclarera : « Si je m'en vais, » – vers mon Père, par l’Ascension – « je vous l'enverrai [le Défenseur], » le Saint-Esprit (Jn 16.7)
A part le Père, seul le Fils peut faire cette chose extraordinaire : « envoyer » et répandre le Saint-Esprit au moyen de la Parole et des sacrements. En proclamant cela, Jean-Baptiste prêche clairement que Jésus de Nazareth est le Fils de Dieu.
A un autre moment, Jean-Baptiste avait annoncé que « le Père a donné » à Jésus de Nazareth « le pouvoir de faire le jugement » (Jn 5.27), ce qui va dans le même sens : souligner la divinité du Christ.
Maintenant qu’il est devenu homme, le Fils de Dieu reçoit aussi selon sa nature humaine « le pouvoir » ou autorité qu’il a toujours possédé selon sa nature divine. Il exercera le Jugement Dernier selon ses deux natures. Jean-Baptiste en parle ainsi dans notre texte : « Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint pas" (v. 17), la damnation éternelle.
Qui pourrait encore douter de la divinité – et donc de l’infinie supériorité – de Jésus ?
D’autant plus que c’est dans les formes et avec solennité qu’il est présenté comme la deuxième Personne de la très sainte Trinité : « Il survint une voix du ciel : "Tu es mon Fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir." » (v. 22)
Trois fois, Dieu le Père a fait entendre « du ciel » sa voix pour présenter solennellement son Fils : ici, lors de son baptême, ensuite sur le mont de la Transfiguration (Lc 9.35), enfin à Jérusalem (Jn 12.28), au début de la Semaine Sainte qui va déboucher sur sa Résurrection glorieuse, il est vrai en passant par sa crucifixion.
Quoi d’étonnant que Dieu le Père « prenne plaisir » à Jésus de Nazareth, vu que celui-ci est lui-même le Dieu éternel et saint. C’est de toute éternité qu’il « a mis son affection » (autre traduction possible) en son Fils. Entre les trois Personne de la Très Sainte Trinité existent une concorde, une estime et une « affection » mutuelles sans ombre aucune.
Mais en révélant directement « du ciel » qu’il « prend plaisir » à son Fils devenu homme, il nous apprend qu’il « prend » aussi « plaisir » à ce que son Fils est en train de faire sur terre pour nous, les humains.
C’est là une vérité extrêmement importante pour nous, pécheurs. Ce que Jésus a fait pour nous est approuvé par toute la Très Sainte Trinité. Nous n’avons donc pas à craindre que le Père pourrait ne pas accepter le sacrifice que Jésus a apporté pour nous. D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui, dans son amour pour le monde, « a envoyé son Fils » pour nous sauver ? (Jn 3.16) Notre histoire nous apprend maintenant que le Père est pleinement satisfait de la manière dont son Fils remplit sa mission de Sauveur du monde. Le Père reconnaît le travail de son Fils et son résultat : Dieu nous accorde le salut accompli par son Fils !
En fait, qu’est-ce que Jésus a fait au juste pour nous sauver ? Qu’est-ce qu’il a fait qui provoque le « plaisir » de son Père ?
Il est impossible de tout énumérer ici. Rappelons cependant que ce qui a provoqué » le « plaisir » du Père, c’est que son Fils a vécu à notre place une vie parfaite, une vie exempte de tout péché, et qu’il a ainsi remplacé notre vie truffée de désobéissance. Et il est demeuré sans péché, sans réactions ni pensées pécheresses jusques et y compris dans l’expiation injuste de nos péchés, dans la damnation qui l’a frappée à notre place.
Rien que méditer le baptême de Jésus, nous aide déjà à mieux comprendre son œuvre de Sauveur. Avec son baptême, Jésus est entré dans la partie publique et active de sa mission, et dès ce moment, avec l’approbation et l’accompagnement du Père et du Saint-Esprit.
Pour lui-même Jésus n’avait nul besoin d’être baptisé. Le baptême de Jean – comme le nôtre – était un baptême « pour le pardon des péchés » (Lc 3.3). Jésus n’avait pas besoin de ce pardon. Mais il faut se rappeler qu’il s’est rangé parmi nous et a partagé la vie des pécheurs que nous sommes ; et il l’a fait en tant qu’« Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jn 1.29)
Jean aussi, au début, ne voyait pas pourquoi il baptiserait le Messie qui est sans péché. Mais ce dernier lui a répondu : « Laisse faire maintenant, car il convient qu'ainsi nous accomplissions toute justice. » (Mt 3.15)
« Tout ce qui est juste » (trad. Segond 21), tout ce qui fait partie de l’œuvre de sauvetage de l’humanité, tout cela, le Fils de Dieu incarné va l’accomplir, en commençant par le baptême.
Et la Trinité entière fait connaître sa satisfaction, le « plaisir » qu’elle y prend : satisfaction de ce que le Fils se substitue aux pécheurs que nous sommes, s’identifie en quelque sorte à nous – sauf qu’il est demeuré sans péché – pour nous faire bénéficier de son œuvre de rachat.
C’est la seule histoire sainte non pas où il est question des trois Personnes de la Trinité, mais où nous voyons les trois Personnes intervenir de concert pour signifier leur accord et leur « plaisir » à ce qui est en train de se faire. Rien de plus normal.

Ce qui est plus surprenant, c’est que

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Dieu est aussi pleinement satisfait de ses enfants baptisés !

Sommes-nous toujours satisfaits les uns des autres entre frères et sœurs dans la foi ? Ou même : sommes-nous toujours satisfaits de nous-mêmes ? – Je ne demande à personne de répondre à voix haute. Je vais me permettre de le faire pour nous tous : « Non ! »
Nous ne sommes quand même pas inconscients ou imbus de nous-mêmes au point de penser que nous n’aurions pas de travers, rien à nous reprocher, pas de péchés, et que tout ce que nous entreprenons serait parfait ! Mais alors comment Dieu peut-il, lui qui est la perfection et la sainteté même, comment peut-il être satisfaits de nous ?
Cela, les baptisés que nous sommes, nous le devons à son Fils dans la communion duquel nous avons été baptisés. « Le Fils de l'homme est venu […] pour servir et donner sa vie en rançon pour [la] multitude » que nous formons (Mt 20.28). Et en « accomplissant [pour notre compte] la justice requise par la Loi » de Dieu (Rm 8.4), il nous a rachetés, nous les injustes, de notre culpabilité et de la colère et damnation de Dieu.
N’oublions jamais : tout ce que Jésus a accompli avec perfection, tout ce qu’il a souffert aussi durant sa présence visible sur terre, il l’a fait à notre place, comme notre substitut. Dieu considère donc que nous l’avons fait nous-mêmes. Il considère donc notre peine purgée, notre dette acquittée, notre vie parfaite, sans péché. Il nous voit à travers son Fils, notre substitut. Voilà pourquoi Dieu « prend plaisir » à nous.
Quand Dieu déclare de son Fils impliqué dans l’œuvre de notre salut qu’il « prend plaisir en lui », cela signifie aussi qu’il « prend plaisir à » ceux qui sont unis à son Fils par la foi et sont crédités de ses mérites.
Ces mérites, c’est justement ce qu’il communique à travers le sacrement pour lequel il se prononce ici dès le début de son ministère publique : le saint Baptême ! Jésus a déposé dans le Baptême les mérites du sang qu’il a versé pour nous. C’est là que « Jésus-Christ est venu par l'eau et le sang ; non pas avec l'eau seulement, mais avec l'eau et avec le sang » écrit l’apôtre Jean (1 Jn 5.6)
Ce que Jésus a remporté de haute lutte en répandant son sang pour nous, il le communique par le Baptême. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas amener nos enfants assez rapidement au Baptême. Nous ne voulons pas retarder le moment où ils seront soustraits à la colère de Dieu et jouiront du « plaisir », de l’amour, de la sollicitude et de la bénédiction de Dieu.
Et pour nourrir cette impatience des parents chrétiens, on a l’impression que Dieu multiplie, dans sa Parole, les révélations à propos du caractère merveilleux de ce sacrement.
Par exemple, par l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains, chapitre 6, il écrit : « Ignorez-vous que nous tous qui avons reçu le baptême de Jésus-Christ, c'est le baptême de sa mort que nous avons reçu ? Par ce baptême de la mort, nous avons donc été ensevelis avec lui afin que, tout comme le Christ s'est réveillé d'entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie, » (Rm 6.3-4) une vie nouvelle de graciés en qui Dieu « prend plaisir ».
Prêtons attention à cette parole qui a été dite « du haut du ciel », là-bas, près du Jourdain ! Dieu y déclare être satisfait de Celui qui s’est fait notre frère.
Depuis notre Baptême nous sommes intimement unis à lui. Depuis lors, nous partageons ce qui appartient à Jésus, notre frère. Depuis lors, cette parole de Dieu s’adresse aussi à toi : « Tu es mon [enfant] bien-aimé ; c'est en toi que j'ai pris plaisir », « en toi j’ai mis toute mon affection », « tu as toute mon approbation ! » (traduction Segond 21)
Pourquoi ? – Parce que là, dans notre Baptême, nos péchés ont été enfouis sous la sainteté de Jésus, sainteté qui a été porté à notre compte !
Veillons maintenant à demeurer en possession de cette sainteté du Christ – et par là même, de « l’approbation » et du « plaisir » du Père céleste – jusqu’au jour où le ciel s’ouvrira de nouveau, mais cette fois-ci pour que nous entendions cette parole de la bouche de notre Sauveur : « Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; héritez le royaume qui a été préparé pour vous ! » « Entre dans la joie de ton Maître ! » (Mt 25.34+21)
Amen.

Jean Thiébaut Haessig, pasteur