FêTE DE LA REFORMATION
Avec une retraite des jeunes de
l’Association Mission & Jeunesse (AMJ)
Texte : Es 62.6-7+10-12
6 « Sur tes murs, Jérusalem, j’ai placé des gardes qui ne resteront jamais silencieux, de jour comme de nuit. Vous qui êtes chargés de la rappeler à l’Eternel, ne vous accordez aucun répit.
7 Ne lui laissez aucun répit jusqu’à ce qu’il rétablisse Jérusalem et fasse d’elle un sujet de louange sur la terre.
10 Franchissez, franchissez les portes ! Préparez, préparez la route, enlevez les pierres !
11 Voici ce que l’Eternel annonce aux extrémités de la terre : "Dites à la fille de Sion : ‘Ton salut arrive. Il a son salaire avec lui et sa récompense est devant lui.’".
12 On les appellera "peuple saint", "rachetés de l’Eternel", et toi on t’appellera "recherchée", "ville non abandonnée". »
(Segond 21, 2007)
Chère assemblée en fête !
La fête de la Réformation a une longue tradition. On commémore, ce jour-là, l’énorme travail, au 16ème siècle, pour « réformer », redonner forme – la forme biblique – à l’Eglise de Jésus-Christ.
On aurait aussi pu l’appeler « restauration », car il s’est agi de restaurer l’Eglise en la ramenant sur les fondements solides de l’Ecriture sainte.
Pourquoi célèbre-t-on la fête le 31 octobre (ou le dimanche le plus proche) ? Parce que, ce jour-là, en l’an 1517, Martin Luther, professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, a affiché sur les portes de l’église du château « 95 thèses » pour les soumettre à un débat entre professeurs d’université.
C’était là la tradition. Il n’innovait pas.
Par contre, le contenu de ses thèses a ébranlé l’Eglise de l’époque. En étudiant la Bible pour préparer ses cours à la Faculté de Théologie, Martin Luther avait découvert que l’Eglise de son temps avait dévié des vérités fondamentales de l’Eglise. Il ne voulait qu’une chose : qu’on en discute entre professeurs ; il y allait du salut des gens !
Dieu en a décidé autrement. Les imprimeurs de la ville ont reconnu l’importance capitale de ces thèses, s’en sont emparées et les ont répandues dans les états allemands. Elles ont rapidement été traduites et imprimées dans d’autres langues, dont le français. La Réformation était en marche : elle n’allait plus s’arrêter malgré l’opposition des puissants et de l’Eglise de Rome.
Et elle ne s’arrêtera jamais jusqu’à la fin des temps. C’est ce que veut dire cette phrase déjà utilisée par Jean de Gerson, chancelier de l’Université de Paris un bon siècle avant la Réforme : « Ecclesia semper reformanda est », « l’Eglise est continuellement à réformer ». Oui, l’Eglise doit continuellement réexaminer sa position pour maintenir un enseignement et une pratique conformes à la Bible.
C’est justement ce à quoi Dieu nous invite avec notre texte d’Esaïe ! Cela ne devrait pas nous étonner : le prophète Esaie était, plus de 7 siècles avant J.-C., un réformateur avant l’heure. Comme Martin Luther, il plaçait l’Evangile du Christ Sauveur au centre de son message. Ne songez qu’à son merveilleux chapitre 53 !
En ce Jour de la Réformation, laissons-nous rappeler par le prophète que
L’EGLISE EST
UNE « VILLE RECHERCHEE »
1. composée de « rachetés de l’Eternel »,
2. en dialogue avec Dieu,
3. vigilante
quant à son enseignement et sa pratique
4. engagée dans la mission
X X X 1 X X X
L’Eglise, une « ville recherchée »
composée de « rachetés de l’Eternel »
Que signifie : l’Eglise est une « ville recherchée » ? Mieux encore : une « ville non abandonnée » ? Les foules n’abandonnent-elles pas les églises ?
Combien sommes-nous ce matin à ce culte ? Même si j’ajoute les trois paroisses catholiques, la réformée, la mennonite et l’orthodoxe, ça m’étonnerait que l’assistance totale dépasse les 400 personnes, d’après ce que leurs pasteurs et prêtres m’ont dit la semaine passée. Or Châtenay-Malabry compte près de 32 000 habitants ! Cela fait moins de 1,25% de la population au culte ! Et la situation ne doit guère être plus reluisante au Plessis-Robinson qui compte entre 23 000 et 24 000 habitants et où il n’y a aucune Eglise protestante.
Peut-on dire aujourd’hui que l’Eglise est une « ville non abandonnée », « recherchée » ?
Non, si on parle des gens, mais cela nous le savions : Dieu nous a prévenus dans la Bible. Les non croyants trouvent l’Eglise chrétienne avec son Evangile soit de la « folie », soit carrément un « scandale » (1 Co 1.23). Comment peut-on prêcher que le salut de l’être humain ne dépend pas de ses réalisations mais d’un crucifié !?
Et pourtant, l’Eglise est bien une « ville non abandonnée », « recherchée » ! Mais recherchée par Dieu.
C’est lui qui est venu à notre rencontre en Jésus-Christ. Plus de 7 siècles avant la venue de Jésus, Esaïe a déjà été chargé de l’annoncer : « Ton salut arrive ! »
C’est encore Dieu qui vient à nous en la personne du Saint-Esprit. Celui-ci est venu nous « chercher » dans le Baptême et il continue à nous « appeler » à travers la Parole et la Cène.
Oui, c’est Dieu qui a pris les choses en main quand il a vu la déroute de l’humanité engluée dans le péché et la culpabilité. C’est Dieu qui a pris l’initiative de ne pas nous « abandonner », c’est lui qui a pris les devants en payant lui-même le prix de notre sauvetage. D’où cet autre nom de l’Eglise : « les rachetés de l’Eternel » !
En avons-nous de la chance que le Fils de Dieu ait tellement tenu à nous qu’il ait payé notre rachat de sa vie !
Et ce n’est pas tout : il nous a aussi fait cadeau de sa sainteté pour recouvrir notre péché. D’où cet autre nom de l’Eglise, de la communion des croyants : « peuple saint » !
Vous avez bien entendu : Dieu vous considère comme « saints », « saints » de la sainteté que le Christ vous a offerte. Pour un scoop, c’en est un ! Ce que nous ne parvenons pas à atteindre nous-mêmes – la perfection en pensées, en paroles et en actes – Jésus-Christ nous l’offre par pure grâce, sans aucun mérite de notre part !
Comprenez-vous maintenant que l’Eglise – c.à.d. l’ensemble de ceux qui placent leur foi en Jésus, le Sauveur – que cette Eglise porte à raison les titres de « ville non abandonnée » mais « recherchée » ?
C’est cette sublime découverte ou redécouverte sous un fatras d’opinions erronées qui a amené Luther et ses co-réformateurs à déblayer tout ce qui cachait la beauté de l’Eglise, la beauté spirituelle qui lui vient exclusivement de son Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
Ayant été recherchée, visitée, rachetée, sauvée et sanctifiée par Dieu lui-même, l’Eglise ne peut pas rester muette :
X X X 2 X X X
L’Eglise, cette « ville recherchée »
est en dialogue constant avec Dieu.
Esaïe insiste même à deux reprises qu’avec nos prières nous ne devons laisser « aucun répit » à Dieu (v. 6).
« Aucun répit » pour lui demander quoi ? – Pour « rappeler » l’Eglise « à l’Eternel » ! (v. 6)
Priez-vous pour votre Eglise, pour votre paroisse, pour ses membres ? Fait-elle partie des préoccupations que vous présentez à Dieu dans vos prières ?
Lui demandez-vous d’envoyer son Esprit Saint à travers l’Evangile pour qu’il éclaire les cœurs avec la Bonne Nouvelle de leur Sauveur, de leur salut ?
Lui demandez-vous de conduire votre paroisse (donc aussi votre pasteur) et votre Eglise dans la vérité, mais aussi dans l’amour, pour qu’y soit « dite la vérité avec amour » (Ep 4.15), aux jeunes comme aux âgés, aux cultivés comme aux incultes, aux riches comme aux pauvres, aux bien-portants comme aux malades et aux mourants, aux paroissiens comme à ceux qui ne le sont pas ?
Il est vrai, Esaïe demande cela particulièrement à ceux qu’il appelle « les gardes » de l’Eglise, ses bergers et pasteurs. Eux sont tout particulièrement « chargés » de prier pour elle (v. 6). Cela fait partie de leur ministère. Cela a donné cette curieuse expression en allemand : « die Kartei durchbeten » (traverser le fichier paroissial en prière). Ainsi on est assuré de n’oublier personne, même si traverser entièrement le fichier et soumettre successivement chaque paroissien avec ses joies et ses problèmes à Dieu peut prendre plusieurs jours.
Mais on prie aussi pour des situations ou des entreprises particulières. Martin Luther a dit un jour que plus il y a du travail qui l’attend, et plus il consacre du temps préalable à la prière.
L’apôtre Paul mentionne aussi ses prières pour les paroisses missionnaires qu’il a pu fonder. Aux Ephésiens il écrit par exemple : « Je prie le Seigneur qu’il vous donne, conformément à la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans votre être intérieur, de sorte que Christ habite dans votre cœur par la foi. Je prie que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour [etc.] » (Ep 3.16-17)
Mais comme dit, la prière pour l’Eglise, et plus particulièrement pour votre Eglise, pour votre paroisse et pour votre pasteur, c’est l’affaire de tous, de toi y compris.
Et nous devons le faire « jusqu’à ce que Dieu rétablisse » l’Eglise « et fasse d’elle un sujet de louange sur la terre » (v. 7). Autrement dit, jusqu’au retour du Christ. Sans doute avons-nous déjà maintenant des moments où Dieu nous permet de le remercier pour ce que l’Eglise a la grâce de vivre : un camp ou une rencontre de jeunes réussis, l’accroissement d’un poste missionnaire ou d’une paroisse, une participation croissante aux activités de la paroisse, un esprit à la fois de fidélité et de témoignage, etc.
Mais ici-bas, nous resterons toujours l’Eglise militante ; l’Eglise qui se débat dans les problèmes et les défis qu’elle rencontre. Nous ne serons Eglise triomphante qu’au ciel !
En attendant
X X X 3 X X X
L’Eglise, cette « ville recherchée »
doit rester vigilante quant à
son enseignement et sa pratique.
Une Eglise, une paroisse, ne peut jamais se dire : « Voilà, c’est fait, je n’ai plus à m’en faire : la Réformation a remis la vérité évangélique en lumière. Nous l’avons dans notre paroisse. Je peux me laisser aller ! »
Prenons l’image de l’Eglise dans notre texte. Il y a des murs, des portes et, comme en tout ici-bas, il faut entretenir, remplacer, réparer. Avec le temps, des pierres se détachent des murs, ou des portes se mettent à grincer, des vitres cassent, tout s’use. Et il faut « enlever les pierres » qui trainent et qui gênent l’activité normale de l’Eglise, comme le dit Esaïe (v. 10).
Sur le plan spirituel, c’est un peu pareil. D’ailleurs, notre texte est une sorte de parabole qui parle de l’état spirituel de l’Eglise.
Si on ne fait rien, si on n’entretient pas la foi des gens par la Parole et les sacrements, la foi tiédit, elle peut même mourir, des vues étranges s’introduisent dans l’Eglise qui, sans s’en être rendue compte à dévié de la Parole de Dieu.
« Sur tes murs, Jérusalem, j’ai placé des gardes qui ne resteront jamais silencieux. » (v. 6). C’est Dieu qui s’adresse ainsi à l’Eglise. Oui, Dieu a institué le ministère pastoral. Et il donne aux serviteurs qui s’y trouvent des titres comme « bergers », « gardes », « surveillants », etc. Dans le livre du prophète Ezéchiel il s’en prend d’ailleurs rudement aux pasteurs qui ne remplissent pas leur ministère de gardes et de bergers avec zèle et fidélité.
Quand ils voient une pierre se détacher, leur devoir est d’aller la consolider. Et si elle est déjà tombée, ils doivent essayer de la remettre en place parmi les « rachetés de l’Eternel ».
Ce n’est pas toujours évident, car parfois les cas sont trop lourds, parfois les marginaux se sont déjà solidement installés en marge de l’Eglise. Parfois ils ne veulent plus rien entendre du Sauveur et de son salut. Or c’est le seul outil que Dieu ait confié à son Eglise pour appeler des pécheurs à la repentance.
C’est ainsi que Luther est sorti de sa planque au château de la Wartburg pour ramener l’ordre dans la ville de Wittenberg où des extrémistes fanatiques mettaient l’œuvre de la Réformation en danger. Et vous savez comment il a ramené le calme ? En prêchant chaque jour, une semaine durant, dans l’église de la ville. Il savait que seul « l’Evangile, puissance de Dieu pour le salut » (Rm 1.16), pouvait toucher les cœurs en profondeur et les ramener à la raison.
Croyez-moi, vu le caractère de Luther, il était certainement tenté de donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Mais il savait que la repentance et la foi, seul le Saint-Esprit peut les créer dans les cœurs par l’Evangile.
Mais l’Eglise ne doit pas seulement se préoccuper de sa bonne marche, elle ne doit pas seulement veiller à ce que son enseignement soit biblique et sa pratique conforme à l’Evangile,
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L’Eglise, cette « ville recherchée »
est aussi engagée dans la mission.
La fin de notre texte est entièrement tournée vers « les peuples » jusqu’« aux extrémités de la terre » (v. 10-11).
Une paroisse ne peut pas se complaire entre ses quatre murs. Des croyants ne peuvent pas se dirent : « Ouf ! je suis sauvé. Tant pis pour les autres : ils n’ont qu’à se tourner vers le Christ ! »
N’oublions pas ce qu’Esaïe nous a déjà dit : Dans notre cas aussi c’est Dieu qui a pris l’initiative, pas seulement l’initiative, il a tout fait : notre rachat par son Fils sur la croix, notre conversion et notre maintien dans la foi par le Saint-Esprit à travers l’Evangile.
Il s’est servi pour cela de ses « gardes », nos pasteurs, mais aussi de ces autres « gardes » qu’ont été, pour les uns leurs parents, pour d’autres des amis ou la rencontre d’une paroisse ou d’une œuvre comme « Mission et Jeunesse ».
Tous ces « gardes » ont aidé à enlever « les pierres » qui nous barraient le chemin du Christ. Ils ont « préparé la route » de notre Sauveur vers notre cœur. Peut-être en vous amenant comme nourrissons au Baptême puis en vous élevant dans la foi ; peut-être en vous dirigeant, adultes, vers une paroisse ou un pasteur qui vous a aidé à cheminer à la rencontre de votre Sauveur.
C’est là la fonction de chacun de nous, que nous soyons pasteur, diacre ou simple paroissien. N’oublions pas que nous rendons témoignage de notre foi en notre Seigneur et Sauveur par notre façon de vivre, par nos réactions, par nos réponses aux défis de la vie (qu’ils soient scolaires ou professionnels, de couple, de famille ou relationnels).
Prions le Seigneur que notre comportement dans la vie montre quelle est notre joie de nous savoir du nombre des « rachetés de l’Eternel » !
Nous n’avons souvent pas à dire grand-chose pour témoigner de notre foi en Jésus-Christ. Nous sommes observés, jugés. On ne nous en passe pas une. Notre vie rendra un témoignage fort ou peu audible, c’est selon.
Nous aurons des ratés. Luther en a eu aussi, et ses ennemis ne l’ont pas … raté, eux, et l’œuvre de la Réforme a ainsi connu des moments d’arrêts à cause de la faiblesse humaine des réformateurs.
Nous aussi, ne soyons pas étonnés qu’on nous tombe dessus quand nous commettons une erreur. Nous sommes exposés, un peu comme « les gardes de Jérusalem sur ses murs ».
Sachons alors : le Seigneur sait de quoi nous sommes faits, il connaît nos faiblesses et ceux de son Eglise, et cependant il a promis sa bénédiction à ceux qui gardent foi en sa Parole et en ses dispositions.
Les réformateurs l’ont fait – et leur œuvre a été bénie de Dieu.
Que le Seigneur nous accorde la même foi et le même zèle pour la cause de l’Evangile !
Amen.
Jean Haessig