dimanche 28 février 2010

Sermon du dimanche 28 février 2010

DIMANCHE REMINISCERE

Texte : Mt 26.36-46 + récits parallèles : Mc 14.32-42 + Lc 22.40-46 + Jn 18.1-2

Mt 26.36 « Là-dessus, Jésus se rendit avec eux dans un endroit appelé Gethsémané et il dit aux disciples : "Asseyez-vous [ici] pendant que je m'éloignerai pour prier."

37 Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée et il commença à être saisi de tristesse et d'angoisse.

38 Il leur dit alors : "Mon âme est triste à en mourir. Restez ici, éveillés avec moi."

39 Puis il avança de quelques pas, se jeta le visage contre terre et fit cette prière : "Mon Père, si cela est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux."

40 Il revint vers les disciples, qu'il trouva endormis, et dit à Pierre : "Vous n'avez donc pas pu rester éveillés une seule heure avec moi !

41 Restez vigilants et priez pour ne pas céder à la tentation. L'esprit est bien disposé, mais par nature l'homme est faible."

42 Il s'éloigna une deuxième fois et fit cette prière : "Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne [de moi] sans que je la boive, que ta volonté soit faite !"

43 Il revint et les trouva encore endormis, car ils avaient les paupières lourdes.

44 Il les quitta, s'éloigna de nouveau et pria pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles.

45 Puis il revint vers ses disciples et leur dit : "Vous dormez maintenant et vous vous reposez ! Voici, l'heure est proche et le Fils de l'homme est livré entre les mains des pécheurs.

46 Levez-vous, allons-y ! Celui qui me trahit s'approche." »

Chers frères et sœurs

en Celui qui a lutté dans la prière pour nous !

« Voici, nous montons à Jérusalem ! » (Lc 18.31) C’est à cette invitation de notre Seigneur que nous voulons répondre, en le suivant, ces prochains dimanches, durant ce Temps de la Passion, alors qu’il va au-devant d’une mort certaine.

Bien avant que cela ne lui arrive, Jésus avait prédit que « tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l’homme va s’accomplir. » (Lc 18.31) Puis il a énuméré ce qui allait lui arriver, en commençant par : « être livré aux non-Juifs » (Lc 18.32)

Sans entrer dans les détails de ses souffrances, il avait prédit sa terrible lutte intérieure avant d’être fait prisonnier à Gethsémané.

Les souffrances dans ce jardin du Mont des Oliviers prennent une place importante dans sa Passion, sinon il n’aurait pas demandé à Pierre, Jacques et Jean de l’accompagner pour « veiller et prier » avec lui. (v. 41)

Nous aussi, nous ne pourrons jamais assez « être vigilants » pour méditer comment Jésus « a présenté avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort » (Hé 5.7). C’est ainsi que l’épître aux Hébreux décrit le combat que Jésus a mené dans la prière à Gethsémané.

Il est important de noter que le Saint-Esprit fait ensuite rajouter que Jésus « a été exaucé » (Hé 5.7). Comment aurait-ce pu être autrement ? Comment Jésus n’aurait-il pas pu être exaucé ? Voyons donc

COMMENT NOTRE SEIGNEUR

1. A PRIE,

2. A ETE EXAUCE.

1

COMMENT NOTRE SEIGNEUR A PRIE

Penchons-nous sur les circonstances dans lesquelles cette prière a été prononcée, son contenu et celui qui la prononce.

Cette prière jaillit du fond d’une lutte intense de l’âme. Jésus a toujours prié de toute son âme, car tout est parfait en lui, mais cette fois-ci sa prière jaillit du fond d’un combat qui le mène dans les affres d’une tristesse, d’une frayeur, d’une angoisse indescriptibles.

A peine a-t-il laissé la plupart de ses disciples à l’entrée du jardin, à peine s’est-il enfoncé avec Pierre, Jacques et Jean plus loin, qu’« il commence à éprouver de la tristesse, de la frayeur et des angoisses » (v.37 ; Mc 14.33). Il est ébranlé par les frayeurs les plus horribles. Il est à bout.

Il est vrai que ce qui l’ébranle, c’est la frayeur des frayeurs. « Mon âme est triste à en mourir. » (v. 38) Ce n’est pas là une façon imagée de parler. Contrairement à nous, quand Jésus dit quelque chose, ses mots ne sont pas irréfléchis.

« Mon âme est triste à en mourir. » … « La mort assaille mon âme. Cela me fait trembler de tristesse, de frayeur, d’angoisse ! » Oui, une lutte s’est engagée entre Jésus et la mort, ce que Luc explique en disant que Jésus est – littéralement – « en agonie » (Lc 22.44), en train de mener la lutte extrême. Sa lutte atteint une telle intensité que « sa sueur devient comme des caillots de sang ». (Lc 22.44)

Cela, il l’avait prédit au Psaume 22 : « Mes forces s’en vont comme l’eau qui s’écoule, et tous mes os se disloquent ; mon cœur est comme de la cire, il se liquéfie au fond de moi. » (Ps 22.15)

La mort contre laquelle Jésus lutte est la mort dans toute son horreur. Grâce à son combat, nous n’aurons plus à connaître cette horreur. Nous pouvons considérer la mort autrement. Avec Siméon, nous pouvons dire : « Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix, conformément à ta promesse ! » (Lc 2.29). Ou avec Paul : « J’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, » car pour moi « mourir représente un gain ». (Ph 1.23+21)

Grâce à Jésus qui a pris notre place dans les souffrances de l’enfer, nous n’avons plus a connaître la mort dans toute son horreur, nous ne connaîtrons pas la damnation éternelle, le rejet définitif de la part de Dieu.

Jésus appelle lui-même ce moment « l’heure des ténèbres » (Lc 22.53) : Satan est en train de lui faire violence. Jésus a pris sur lui notre culpabilité et notre péché, il a donc aussi choisi d’aller dans les souffrances de la mort éternelle pour nous, car « le salaire du péché c’est la mort ». (Rm 6.23) C’est ainsi qu’il s’expose pour nous aux attaques de Satan.

Jésus a pris nos péchés sur lui ; aussi Dieu déverse-t-il sur lui sa sainte colère, le condamne et le damne pour nos péchés et le livre aux peines infernales dans lesquelles nous aurions dû être plongés.

C’est dans ce marasme extrême que Jésus prie : « Abba, Père, […] éloigne de moi cette coupe ! » (Mc 14.36) Ce qu’il est en train d’endurer, ce qui l’attend encore, Jésus l’appelle la « coupe », la boisson que Dieu lui verse.

Jésus prie comme quelqu’un sur lequel se déverse toute la colère implacable de Dieu ; il est en train de se débattre dans la mort-malédiction à cause de nos péchés.

En même temps, c’est une prière de repentance. Jésus prie comme quelqu’un qui tremble sous le fardeau du péché et sous ses conséquences : la colère divine et la malédiction.

N’oublions cependant pas : tout cela il l’endure en tant que Sauveur, en tant que Rédempteur, en tant que Saint, en tant que Fils incarné de Dieu ! Aussi chantons-nous :

« Dans ce profond abîme,

Dis-nous, sainte victime,

Pourquoi tu descendis ?

Toi, le Saint, le Fidèle,

Notre divin modèle,

Quels crimes as-tu donc commis ? »

(LlS 71:1)

Aucun ! Il passe par là en tant que Sauveur, à cause de nous, pour nous sauver. Il est venu pour prendre notre place. Aussi à Gethsémané.

Il se débat à notre place dans une lutte indescriptible de repentance. Il fait sienne toute la culpabilité du monde et en endure la terrible damnation. Cela l’ébranle au plus profond de lui-même. Il est écoeuré de devoir endurer les affres de l’agonie. Vider une coupe de pus ne peut pas écoeurer davantage.

Et pourtant il l’a fait, il l’a vidée, dans une repentance sincère à notre place. Voilà dans quel état il a prié à Gethsémané.

Ses paroles révèlent la sainte perfection de sa repentance, de son combat de repentance en lieu et place de toute l’humanité pécheresse.

Trois fois Jésus a prié avec ferveur, est revenu à la charge :

· « Abba, Père, tout t’est possible. Eloigne de moi cette coupe ! » (v. 39 ; Mc 14.36)

· « Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne [de moi] … » (v. 42)

· « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! » (v. 44 ; Lc 22.42)

L’âme de Jésus a réellement été plongée dans des angoisses et affres surhumaines, inhumaines, sous le jugement et la colère de Dieu. Il nous arrive d’être envahis par une torpeur, une espèce de désespoir, quand nous avons mal agi, tant que nous n’avons pas obtenu le pardon. Jésus a connu ces souffrances infiniment plus durement encore, car il savait que lui ne sera pas délivré par le pardon, seulement par une expiation qui allait le plonger dans d’horribles souffrances.

Les terreurs sous les coups de la colère de Dieu ont réellement pris Jésus à la gorge. Et cependant, il ne se révolte pas, il ne dit pas que c’est injuste. Il répète là aussi à plusieurs reprises à l’adresse de son Père :

· « Toutefois non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14.36)

· « Que ta volonté soit faite ! » (v. 42)

· « Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ! » (Lc 22.42)

Jésus ne verse pas dans le péché de la révolte ; il demeure saint, innocent, obéissant jusqu’au bout.

Quels sentiments nous viennent en contemplant ainsi Jésus en prière ?

Commençons par confesser que nous sommes bien éloignés de son exemple. Il prie avec un tel sérieux, une telle intensité, une telle ferveur ! Et nous ? Ne prions-nous pas si peu, et souvent avec tiédeur, sans grande ferveur ?

Notre Seigneur est infiniment plus grand, infiniment plus élevé, même au plus profond de son abaissement, de son anéantissement. Lui, le Dieu éternel et tout-puissant, combien s’est-il humilié, comment il se tort devant son Père !

Et nous, quand nous nous approchons de Dieu, chargés de nos péchés, le faisons-nous aussi avec l’humilité qui sied aux coupables que nous sommes ? Ou le faisons-nous comme si nous lui faisons une faveur en nous adressant à lui ?

N’oublions pas quelle grâce il nous témoigne en nous laissant l’aborder, lui le trois fois Saint, nous les impurs ! Cela devrait bien plus souvent nous jeter à genoux devant lui dans la prière.

En fait, de voir Jésus, le Saint, en lutte avec la mort à cause de nous, le voir se repentir dans une telle humiliation pour des péchés qu’il n’a pas commis, cela ne devrait-il pas nous faire rougir de honte ?

Et de voir à quoi ressemble souvent notre repentance ! Ne sommes-nous pas souvent trop peu abattus, bien peu attristés, bien peu effrayés par nos péchés ? Quelle terrible indifférence, parfois ! Combien peu remarque-t-on parfois que nos cœurs sont « brisés » (Ps 51.19) lors de la confession des péchés ou de la prédication de la Loi, voire de la Passion du Christ ! Jésus, lui, – lisons-nous – en a été « triste à en mourir » (v. 38)

Que le spectacle de notre Seigneur repentant et priant nous touche et nous amène à nous repentir avec davantage de sérieux !

Il est vrai que, même dans le meilleur des cas, notre repentance sera toujours imparfaite. Voyez, par exemple, Adam et Eve : Quelle frayeur, quelles angoisses les ont saisis tout de suite après leur chute … et pourtant, quelles excuses n’essayent-ils pas de faire valoir !

Comme dans leur cas, n’est-ce pas souvent plutôt la peur de la colère et du châtiment de Dieu, et non tellement le dégoût devant le péché, qui nous effraye ?

Heureusement que Dieu ne se conduit pas avec nous selon l’intensité ou le degré de perfection de notre repentance. Heureusement qu’il dirige ses regards vers Gethsémané où Jésus a prié dans une repentance authentique et parfaite à notre place.

Voilà ce qui compte aux yeux de Dieu lorsqu’il pense à ceux qui placent leur foi en son Fils.

Que la vue de ton Sauveur en prière à Gethsémané t’apporte donc consolation et réconfort !

Mais tu ne vois pas seulement dans notre histoire comment Jésus a prié, tu vois aussi

2

COMMENT NOTRE SEIGNEUR

A ETE EXAUCE

Cette affirmation vous étonne-t-elle ? Tout ne semble-t-il pas démontrer le contraire ? Certes, « un ange lui apparut du ciel pour le fortifier » (Lc 22.43), mais Jésus n’est quand même pas libéré de la colère de Dieu, il ne doit pas moins vider « la coupe » jusqu’à la lie, et il se soumet à ce verdict sans rechigner.

Cela ne semble-t-il pas prouver qu’il n’a pas été exaucé ? Comment faut-il comprendre alors ce que Jésus a dit un jour à son Père : « Je savais que tu m’écoutes toujours » ? (Jn 11.42) Et puis, n’est-il pas dit explicitement : « Christ a présenté avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications […], et il a été exaucé » ? (Hé 5.7)

Mais, au risque de vous étonner, Jésus a effectivement été exaucé ! Réfléchissez ! Il a prié comme celui qui se repent pour nos péchés. C’est parce qu’il a pris notre place à nous, pécheurs coupables, qu’il s’est ainsi tordu de tristesse et de frayeur. Il l’a fait comme coupable à la place des coupables, comme punissable à notre place qui aurions dû être punis.

C’est qu’il veut payer toute notre dette, subir tout notre châtiment. Il a commencé de « boire la coupe » (v. 42). Il va la vider entièrement. Et les affres de la mort sous la colère de Dieu ont failli le broyer. Ne va-t-il pas jusqu’à livrer sa vie dans les horribles souffrances de l’enfer ? Il doit mourir, non pas comme nous un jour, sans connaissance ; lui doit mourir en pleine conscience. C’est sans allègement de peine qu’il doit aller au bout de sa mission, c’est sans atténuation qu’il veut « faire la volonté » de son Père. (Jn 4.34)

Il a prié : « Que ta volonté soit faite ! » Et il a été exaucé. La volonté conjointe du Père et du Fils de nous sauver a été exaucée. Et cela nous est d’un grand réconfort.

Nous pouvons maintenant être assurés d’être, nous aussi, exaucés si nous prions avec foi au nom de Jésus. Demander au nom de Jésus, c’est comme si Jésus demandait. Nous pouvons donc, nous aussi, dire à Dieu à la suite de Jésus : « Je savais que tu m’écoutes toujours. »

Si seulement nous voulions davantage nous en souvenir, particulièrement quand nous ne voyons pas de signe d’exaucement ! Jésus aussi n’a été exaucé qu’après avoir si intensément et longuement lutté dans la prière.

Ce ne devrait donc pas nous paraître étrange, à nous qui prions en son nom, de devoir parfois prier longuement et dans la douleur avant de pouvoir nous relever soulagés, dans la joie, la paix et la confiance.

Mais il y a d’autres leçons dans notre histoire.

Jésus se sait exaucé. Il connaîtra la délivrance, et quelle délivrance : le triomphe de Pâques !

Aussi se relève-t-il de sa prière pour aller avec calme et courage à la rencontre du traître, au-devant de la croix. Et il le fait POUR NOUS ! Quel amour indescriptible ! Notre vocabulaire est bien trop pauvre pour l’exprimer.

Tu peux lui dire :

« Avec quelle intensité, tu m’as aimé, Jésus ! Combien tu me montres que tu tiens à me sauver ! Comment pourrais-je douter de toi ? Quoi qu’il arrive dans ma vie, je sais que je peux me réfugier dans la foi auprès de toi. De voir que Dieu t’a exaucé me rend fort en ta présence. »

N’oublions pas, grâce à Jésus, Dieu exauce nos prières à nous qui plaçons notre foi en Jésus. Oh ! il ne nous exauce pas toujours au moment et de la façon dont nous aurions aimé l’être. Mais Dieu sait mieux que nous ce qui est le meilleur pour nous.

Cette certitude nous permet de nous relever de nos prières avec confiance. Comme Jésus s’est relevé à Gethsémané de ses prières avec sérénité pour affronter ce qui l’attendait.

N’oublions pas : si nous gardons foi en Jésus au milieu de l’épreuve, c’est déjà un exaucement de nos prières.

Et « si nous souffrons avec lui, » nous « prendrons aussi part à sa gloire » ! (Rm 8.17)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Il faut, grand Dieu, que de mon coeur LlS 73 : 1- 3

Le Fils de Dieu, ce Bon Berger, LlS 78 : 1- 3

Gethsémané ! Gethsémané ! LlS 74 : 1- 5

Ô Seigneur Jésus, mon Sauveur, LlS 167 : 1-10

ou

Torrents d’amour et de grâce,, AeC 419 : 1-3

Jérusalem est dans la nuit, AeC 445 : 1-3

Tu vins, Jésus, pour partager AeC 456 : 1-3

Le Christ Jésus, le Fils du Père, AeC 464 : 1-2*

dimanche 14 février 2010

Sermon du dimanche 14 février 2010

DIMANCHE QUINQUAGESIME

Texte : 1 Co 13.1-13

1 « Si je parle les langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit.

2 Si j’ai le don de prophétie, la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, si j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien.

3 Et si je distribue tous mes biens aux pauvres, et même je livre mon corps aux flammes, mais que je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien.

4 L’amour est patient, il est plein de bonté, l’amour n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil,

5 il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal,

6 il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ;

7 il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

8 L’amour ne meurt jamais. Les prophéties disparaîtront, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.

9 En effet, nous connaissons partiellement et nous prophétisons partiellement,

10 mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra.

11 Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu un homme, j’ai mis fin à ce qui était de l’enfant.

12 Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j’ai été connu.

13 Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. »

Chers frères et sœurs unis dans l’amour du Christ !

Mettons tout de suite les choses au clair : je ne prêche pas sur ce texte parce qu’aujourd’hui nous sommes la « St-Valentin », la fête des amoureux. Bien sûr, ceux qui s’aiment dans le couple ont aussi tout intérêt à méditer certains conseils de Paul dans ce texte – certains conseils valent aussi pour l’amour conjugal – mais le sujet que Paul traite ici n’est pas l’amour conjugal mais l’amour chrétien.

Et puis, je traite ce texte aujourd’hui parce qu’il est prévu pour ce dimanche.

Vous l’avouerai-je ? Cela fait 42 ans que j’ai commencé à prêcher – d’abord comme étudiant, puis comme vicaire, enfin comme pasteur – mais je n’ai prêché qu’une seule fois sur ce texte, et encore, à reculons, parce qu’un jeune couple m’a demandé de le faire à l’occasion de leur mariage.

C’était un cadeau de mariage. Si un cadeau ne coûte rien, est-ce vraiment un cadeau ? Je m’y suis donc résolu.

Vous devez vous demander ce que j’ai comme problème avec ce texte. Sur le contenu, aucun. Je le connais pratiquement par cœur. Mais je n’aime pas paraphraser. Or il est tellement grand et riche que j’ai du mal à le caser dans un sermon. Il aborde tellement de thèmes que je ne sais par où commencer.

Bien entendu, le thème général, c’est l’amour, l’amour chrétien, l’amour qui découle de la foi en Jésus-Christ, l’amour qui met tout en œuvre pour rechercher le bonheur de l’autre.

Mais il est question aussi de foi et d’espérance, de dons particuliers et de connaissance, de bienfaisance et d’éternité. Comment arranger tout cela de façon cohérente dans un sermon si on veut faire plus que simplement paraphraser le texte ou dire des banalités ?

Constatons d’abord que Paul en arrive à ce sujet – l’amour chrétien – après avoir traité, au chapitre précédent, de charismes particuliers exercés par certains dans la communauté chrétienne de Corinthe. Apparemment, ceux qui possédaient ces charismes manquaient de ce que Paul développe dans notre texte ; ils manquaient de cet amour, ce qui les disqualifiait aux yeux de Paul.

Je vous propose donc de réfléchir à l’amour chrétien autour de cinq blocs :

L’AMOUR CHRETIEN

1. et la connaissance (v. 2+9-12)

2. et la foi (v. 2)

3. et l’espérance (v. 12-13)

4. et les dons (v. 1-2)

5. et la vie chrétienne (v. 4-7+13)

1

L’amour chrétien et la connaissance

Vous savez que notre Eglise tient à ce que ses membres aient une bonne connaissance des vérités évangéliques. Les enfants le savent qui vont à l’instruction catéchétique ; et ceux d’entre vous qui sont devenus membres de notre paroisse à l’âge adulte le savent aussi pour avoir suivi toute une série d’entretiens catéchétiques.

La raison en est simple : que ce soit Paul, que ce soit Pierre, les apôtres exhortent tous à « croître » ou à « progresser dans la connaissance de Dieu » (Col 1.10), à « grandir dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2 P 3.18)

Les raisons en sont évidentes : c’est pour être mieux armé dans la tourmente, dans l’épreuve et la tentation, aussi dans le dialogue avec les autres et la présentation des vérités salutaires. Certains d’entre vous ont même suivi une formation de diacre pour cela.

Mais l’expérience nous le montre : on peut faire un bon et un mauvais usage des meilleures choses. Le fer peut servir à construire des machines outil mais aussi des armes ; les explosifs permettent d’exploiter les carrières, mais aussi de faire la guerre et de commettre des attentats ; les médias modernes sont une invention phénoménale pour se procurer des informations et progresser dans la connaissance, mais ils véhiculent aussi l’immoralité dans tous les domaines.

Il en va, malheureusement, de même avec la connaissance : elle peut être bien utilisée ou mal. A Corinthe, Paul a décelé chez certains de la hauteur, un mépris pour ceux qui en savaient moins, de l’orgueil, bref un manque d’amour. Aussi met-il en garde : « Si j’ai […] la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, […] mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 2)

Si, avec « la connaissance » que Dieu m’a accordée, je ne recherche pas l’intérêt et le bien de l’autre – car c’est cela « l’amour » – ma connaissance demeure stérile, ne sert à rien, « je ne suis rien ».

Déjà, le fait de m’insérer avec amour dans la communion des frères et sœurs dans la foi, m’amènera à être humble. J’en sais plus que « lorsque j’étais enfant » (v. 11) ? J’ai grandi dans la connaissance depuis ma confirmation ? Mais n’est-ce pas normal ? Il n’y a pas à s’en enorgueillir. Au contraire, même avec ma plus grande connaissance d’adulte, je dois reconnaître que je ne « connais » que « partiellement » (v. 9). Paul dit : « Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j’ai été connu. » (v. 12)

Ce n’est que dans l’autre monde que nous verrons Dieu « face à face » et les réalités célestes telles qu’elles sont.

Alors, ne nous gonflons pas d’orgueil à cause du peu que nous saisissons maintenant. Sachons cependant que ce que Dieu nous donne de connaître est amplement suffisant pour permettre au Saint-Esprit de nous amener et de nous maintenir dans la foi en Jésus-Christ et en son salut.

Cette « connaissance » de l’Evangile sauveur, sachons l’utiliser avec amour pour le bien des autres, pour la santé du Corps de Christ et pas seulement pour nous personnellement. Sinon « je ne suis rien », dit Paul.

2

L’amour chrétien et la foi

Au premier abord, il est surprenant de lire sous la plume de Paul : « Si j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 2) N’est-ce pas lui, l’apôtre Paul, qui insiste plus que tout autre dans ses épîtres que « l’homme est déclaré juste, » pardonné et sauvé par Dieu « par la foi », en faisant confiance à l’expiation de Jésus, et ceci « indépendamment des œuvres de la loi, » que nous pourrions accomplir (Rm 3.28), de la Loi dont, comme il l’écrit lui-même, « l’amour est » pourtant « l’accomplissement » ? (Rm 13.10) Il y insiste particulièrement dans ses épîtres aux Romains, aux Galates et aux Ephésiens.

Et maintenant, « je ne suis rien si j’ai la foi sans l’amour » ? Aimer Dieu et mon prochain, cela me sert-il finalement à quelque chose ou non ?

Les deux, mon cher ! Tout dépend de quoi nous parlons. Si je veux savoir comment être sauvé de la damnation éternelle, l’amour ne m’est d’aucun secours. Jésus seul peut me sauver, pas mon amour, aussi grand soit-il, car mon amour ne sera jamais assez grand pour que je puisse mériter le salut. Je ne peux échapper à la damnation qu’en me confiant avec foi dans les mérites du Christ.

Jacques écrit : « la foi, si elle ne produit pas d’œuvres, est morte » (Jc 2.17+20+26) Comment le salut obtenu par pure grâce par Jésus pourrait-il nous laisser insensibles, ne pas nous faire aimer Dieu en retour et ne pas nous pousser à vouloir faire sa volonté en aimant les autres comme il nous a aimés et comme il les aime eux aussi ?

Quelqu’un qui n’aime pas les autres peut-il être habité par la foi en Jésus-Christ ? Il connaît peut-être Jésus tel qu’il est présenté dans la Bible, mais il ne s’en remet pas à lui, il n’est pas animé par la foi en Jésus-Christ, sa foi n’est que du semblant, « il n’est rien », car sa « foi est morte ».

La foi en Jésus-Christ ne se vit pas renfermé sur soi-même, mais dans l’amour du prochain, comme nous-mêmes vivons de l’amour sauveur que Jésus nous porte.

Paul rejoint entièrement Jacques. D’ailleurs, comment cela pourrait-il être autrement vu qu’ils sont tous les deux inspirés par le même Esprit Saint ?

3

L’amour chrétien et l’espérance

Un des fruits de notre foi en Jésus-Christ, c’est « l’espérance qui nous est réservée dans les cieux » (Col 1.5), « l’espérance de la vie éternelle » (Tt 1.2). De même qu’une foi sans amour est morte, la foi sans espérance est inconcevable, en tout cas ce ne peut être la foi en Jésus-Christ, ne dit-il pas lui-même : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » ? (Jn 3.36)

Il n’est donc pas étonnant de trouver ces trois réalités énumérées ensemble quand Paul écrit : « Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour. » (v. 11)

Il les énumère ensemble parce qu’elles sont inséparables : là où il y a une d’entre elles, il y a les deux autres. Vous ne pouvez pas croire en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous, sans éprouver de l’amour pour lui et pour tous ceux qu’il a rachetés comme vous.

Et si vous placez votre existence avec foi entre ses mains de divin Ressuscité, ce n’est pas que pour cette vie, mais pour ressusciter avec lui. Ne nous a-t-il pas dit : « Je vis, et vous vivrez aussi ! » (Jn 14.19) Alors « nous verrons face à face » notre Seigneur en gloire, alors « nous connaîtrons complètement » les réalités célestes que nous ne pouvons qu’entrevoir pour l’instant (v. 12)

L’amour et l’espérance de la vie éternelle sont donc deux fruits à la fois naturels et inséparables de la foi en Jésus-Christ.

« Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour. »

4

L’amour chrétien et les dons

C’est à ce niveau qu’il y avait problème au sein de la communauté chrétienne de la ville grecque de Corinthe.

Au début de l’histoire de l’Eglise chrétienne, pour appuyer son démarrage dans le monde païen, pour épauler les premiers chrétiens dans leur effort missionnaire, pour les affermir dans leur foi au milieu d’un monde qui les rejetait, Dieu avait donné à certains des siens, des charismes, des « dons » particuliers.

Il y avait le parler en langues, le don de prédire l’avenir, même celui de guérir. Le problème, c’est que cela leur est monté à la tête. Ces personnes, au lieu de rester humbles et reconnaissantes devant tant de bonté à leur égard de la part de Dieu, se sentaient supérieurs ; ils exerçaient ces dons reçus de Dieu par orgueil et non par amour, pour en retirer gloire, non pas pour rendre un service d’amour.

Aussi Paul doit-il mettre le holà : « Si je parle les langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si j’ai le don de prophétie, la compréhension de tous les mystères, […] mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 1-2)

Aujourd’hui, Dieu nous accorde ses dons différemment : « les langues des hommes », nous avons la chance de pouvoir les apprendre à l’école : Y discernons-nous un don de Dieu qu’il faut s’approprier pour pouvoir servir les autres avec amour ?

« La compréhension des mystères », nous pouvons la développer en étudiant le Nouveau Testament. N’oublions pas que les premiers chrétiens ne l’avaient pas encore à leur disposition. Cette « compréhension » que le Seigneur nous a permis d’acquérir et de développer au contact du Nouveau Testament, nous en servons-nous avec « amour » pour en faire bénéficier les autres ?

« Le don de prophétie », ce don d’exposer et de transmettre la Parole de Dieu, c’est le don de rendre témoignage de notre Dieu Sauveur. Sans doute l’avons-nous à des degrés différents. Mais pries-tu pour que Dieu t’aide à le développer pour que tu puisses, avec « amour », parler aux autres de leur Sauveur ?

Voyez-vous, si je garde tout cela pour moi, si je ne gère pas mes dons avec « amour » dans l’intérêt et pour en faire bénéficier les autres, « je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit », je suis creux, je n’ai pas de consistance, ma foi est morte, elle est en tout cas en fort mauvais état.

C’est l’amour qui donne sa valeur à nos dons. C’est quand nous les exerçons avec amour pour le bien des autres que nous « sonnons » juste.

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L’amour chrétien et la vie chrétienne

Que dire de plus que ce qu’écrit Paul ? Dans tous les domaines dont nous venons de parler, quand nous vivons notre foi en Jésus-Christ, quand nous mettons nos connaissances en pratique et exerçons nos talents, notre amour doit ressembler à ce qui suit :

« L’amour est patient, il est plein de bonté,

l’amour n’est pas envieux ;

l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil,

il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt,

il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal,

il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ;

il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. » (v. 4-7)

Que dire de plus si le culte ne doit pas s’éterniser ? Par contre, c’est un beau texte pour une étude biblique, un texte tout à fait approprié pour y pénétrer dans un échange fraternel.

Nous serons sans doute d’accord sur un point : ce texte nous fait honte. Qui peut dire que son amour ressemble en tout point et de façon parfaite à cette description ? Sans doute est-ce là aussi une explication de cette conclusion de l’apôtre : « Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. »

L’amour est une chose si grande que nous ne l’atteindrons dans sa perfection que dans la gloire céleste. Ici-bas, nous nous efforçons de poursuivre l’idéal décrit par Paul, mais cette description de l’amour est hors d’atteinte pour nous.

Par contre, cela s’applique parfaitement à Jésus, le Fils de Dieu devenu homme. En vivant avec amour selon ce texte, il nous a montré ce que signifie : « Dieu est amour » (1 Jn 4.8) Mais il nous a aussi montré combien nous étions éloignés de cet idéal divin, combien nous avions besoin qu’il vienne faire à notre place ce que nous n’arrivons pas à faire, qu’à notre place il satisfasse les exigences de Dieu à notre égard.

Que son amour altruiste, son amour parfait, son amour sauveur réchauffe notre cœur et transfigure notre vie et notre existence pour que son nom soit glorifié et que son règne vienne !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

Il faut, grand Dieu, que de mon coeur LlS 232 : 1-3

Je veux t’aimer, Seigneur, je t’aime, LlS 263 : 1-5

En vain je parlerais le langage des anges LlS 270 : 1-4*