samedi 18 décembre 2010

Sermon du dimanche 19 décembre 2010 - 4ème Avent

Texte : Lc 1.26-38

Chants proposés :

Magnifique est le Seigneur AeC 174

Ôh ! viens, Jésus, oh ! viens, Emmanuel AeC 307

J’exalte Dieu (Magnificat) AeC 171

26 « Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth,

27 chez une vierge fiancée à un homme de la famille de David, appelé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.

28 L’ange entra chez elle et dit : "Je te salue, toi à qui une grâce a été faite, le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes."

29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.

30 L’ange lui dit : "N’aie pas peur, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

31 Voici que tu seras enceinte. Tu mettras au monde un fils et tu lui donneras le nom de Jésus.

32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son ancêtre.

33 Il régnera sur la famille de Jacob éternellement, son règne n’aura pas de fin."

34 Marie dit à l’ange : "Comment cela se fera-t-il, puisque je n’ai pas de relations avec un homme ?"

35 L’ange lui répondit : "Le Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naitra sera appelé Fils de Dieu.

36 Voici qu’Elisabeth, ta parente, est elle aussi devenue enceinte d’un fils dans sa vieillesse. Celle que l’on appelait ‘la stérile’ est dans son sixième mois.

37 En effet, rien n’est impossible à Dieu."

38 Marie dit : "Je suis la servante du Seigneur. Que ta parole s’accomplisse pour moi." Et l’ange la quitta. »

(Segond 21, 2007)


Chère assemblée de l’Avent,

Je vais commencer par m’excuser. J’avais annoncé une série de trois sermons de l’Avent sur Abraham – c’est fait –, sur Isaac et sur Jacob.

Déjà, dimanche dernier, la Fête de Noël des enfants m’a amené à remplacer Isaac par « le fil doré » des prophéties messianiques à travers l’Ancien Testament.

Et aujourd’hui, il se trouve que le texte proposé par le « Plan de Lectures Bibliques » rejoint le thème soulevé par un intervenant sur le « Forum Evangélique Luthérien ». Comme là-bas il m’est difficile de répondre en détail en décortiquant un texte biblique comme celui proposé pour ce jour, je vous propose de le faire maintenant.

De quoi s’agit-il ? Je vous lis quelques extraits :

« […] L’Evangile apocryphe de Jacques nous donne un très beau texte sur la naissance de Marie.

[…] elle est née d’une manière miraculeuse. […] Elle est allée très jeune vivre au temple de Jérusalem en étant totalement consacrée au service du Seigneur.

[…] La fidélité de Marie a été totale envers notre Sauveur.

[Sans elle, notre Sauveur n’aurait pas pris la condition d’homme pour nous sauver. […] Marie comblée de grâces. […] Un autre verset parle de Marie choisie depuis toute éternité, donc Marie n’était pas interchangeable en cas de refus.

[…] Marie a participé à l’histoire du salut du monde. […] » (eucalyptus, La fête des lumières, Forum Ev. Luth., 09.12.2010)

Il est important de démêler le vrai du faux. L’intention de cet intervenant du forum est louable : « Ne pas confondre mariolatrie (action de vénérer une idole) et mariologie » (l’enseignement de la Bible sur Marie).

Mais là où l’intervenant se trompe, c’est quand il indique que la mariologie, l’enseignement à propos de Marie, serait chez nous « une branche oubliée ou rejetée de la théologie. »

Non, l’enseignement à propos de Marie n’est pas oubliée ou rejetée chez nous, mais:

L’enseignement concernant

JESUS et MARIE

1. se fonde sur les « Ecrits sacrés » et non sur d’autres sources

2. voit en Marie ce que Dieu dit d’elle

3. réserve toute gloire à Dieu

4. célèbre « le saint enfant, le Fils de Dieu »

X X X 1 X X X

L’enseignement concernant Jésus et Marie

se fonde sur les « Ecrits sacrés »

et non sur d’autres sources.

J’ai lu le récit de la naissance de Marie dans le prétendu « Evangile de Jacques », écrit apocryphe, c'est-à-dire écrit tardif du 2ème siècle, d’ailleurs sans doute écrit par un … païen, en Egypte ou en Palestine.

On l’appelle encore « Protevangile de Jacques », c'est-à-dire qui se situe au commencement, car il se concentre sur ce qui s’est passé avant que ne commencent les récits des 4 Evangiles de la Bible. Le titre original était « Nativité de Marie ». Cela montre sur quoi l’auteur mettait l’accent, sur quelque chose de tout à fait étranger au Nouveau Testament.

C’est effectivement émouvant, émouvant comme peuvent l’être des romans. On remarque d’ailleurs tout de suite qu’on n’est pas dans la sobriété des récits bibliques.

A force de vouloir souligner la position unique de Marie dans le plan de salut de Dieu – et elle occupe effectivement une position unique – le récit tombe dans l’excès du bucolique, et puis, surtout, c’est l’œuvre qui a lancé des idées comme l’immaculée conception et la virginité perpétuelle de Marie.

On n’arrive pas non plus à se défaire de l’impression d’être en présence d’un plagiat des récits de la naissance d’Isaac, de Samuel et de Jean-Baptiste.

Mais surtout, le récit instille déjà le poison d’une Marie sans péché, ce qui, comme nous le verrons plus loin, ne correspond pas du tout à ce qu’en dit la Bible, et plus particulièrement notre texte de Luc.

Comme je l’ai écrit dans un article sur un tout autre sujet, dans le magazine « Amitiés Luthériennes » à paraître cette semaine, « la sainte Ecriture reste la seule règle et la seule norme : elle seule a l’autorité de juger ; elle est comme la pierre de touche à laquelle il faut éprouver toutes les doctrines pour reconnaître si elles sont bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. » (« Formule de Concorde », Epitomé, Préface)

Alors que dit notre texte de Marie ?

X X X 2 X X X

L’enseignement concernant Jésus et Marie

voit en Marie

tout ce que Dieu dit d’elle,

mais aussi

rien que ce que Dieu dit d’elle.

D’abord son état civil. Elle est « une vierge fiancée à un homme de la famille de David, appelé Joseph » (v. 37). A l’époque, l’acte public, juridique et religieux avait lieu lors des fiançailles, quand les futurs époux se « fiaient », se confiaient, se donnaient l’un à l’autre. C’est là qu’un prêtre était présent.

Après les fiançailles on ne vivait pas encore ensemble, mais on était déjà considéré comme mari et femme devant la Loi, ce qui ressort du récit au chapitre suivant.

D’ailleurs, quand « l’ange Gabriel » (v. 26) annonce à Marie qu’elle allait être enceinte, « Marie dit à l’ange : "Comment cela se fera-t-il, puisque je n’ai pas de relations avec un homme ?" » (v. 34). Elle ne vit pas encore maritalement avec Joseph. Cela, c’est pour après les noces, la grande fête de réjouissances avec banquet, lorsque le mari fiancé va chercher l’épouse qui s’est fiée, fiancée à lui.

Pourquoi Dieu a-t-il choisi Marie ? … Bonne question. Pourquoi a-t-il choisi Abraham ? Pourquoi t’a-t-il choisi, toi ? Je me rappelle la réponse donnée par un formateur, Bob Scudieri, lors d’un séminaire aux Etats-Unis. On lui posait souvent la question, comment il se faisait qu’un Italien comme lui soit luthérien. Sa réponse ? – « Par pure grâce ! » (cf Ep 2.8-9)

Cela rejoint ce que l’ange Gabriel dit à Marie : « Une grâce t’a été faite ! » (v. 28), une faveur imméritée – c’est ça, la définition du mot grâce. On pourrait même le rendre par : « Tu as été favorisée ». Il n’est pas dit qu’elle est « comblée de grâces » (au pluriel), pleine de qualités exceptionnelles. Tout au plus peut-on traduire : « Tu as été comblée par la grâce » (NBS), par la faveur imméritée de Dieu.

Oh ! certes, dans le cas de Marie, il s’agit d’une faveur tout à fait exceptionnelle, même unique, car à aucun homme – ça tombe sous le sens – mais aussi à aucune autre femme cette même « grâce » ou faveur n’« a été faite » : être la mère du Fils incarné de Dieu. « Tu mettras au monde un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut », « le saint enfant qui naitra sera appelé Fils de Dieu. » (v. 31-32+)

Elle n’a pas mérité ce rôle par une hypothétique sainteté, suite à une chimérique « immaculée conception » : elle était marquée par le péché originel comme nous, et nous voyons Jésus plus tard la remettre au moins à deux reprises à sa place parce qu’elle s’est laissé emporter par ses travers, ici par l’impatience, voire par l’envie de conseiller le Fils de Dieu (Jn 2.1-4), là par la peur et le désir de le détourner de sa mission pour le soustraire à l’hostilité des chefs juifs (Lc 8.19-21).

Elle confesse d’ailleurs, dans son chant, le « Magnificat » (Lc 1.46-55), qu’elle attendait et avait besoin de « son Sauveur » comme tous les croyants de l’Ancien Testament. Elle connaissait et confessait cette parole de l’Ecclésiaste, dans l’Ancien Testament : « Il n’y a sur la terre aucun homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche jamais. » (Ec 7.20) Elle le confesse en reconnaissant « la bassesse de sa servante », son « humble condition » (Lc 1.48).

Elle ne répond d’ailleurs pas à l’ange : « D’accord, moi, Marie, je vais rendre la venue du Messie possible par ma collaboration. »

Non, elle dit à l’ange, messager de Dieu : « "Que ta parole s’accomplisse pour moi." (v. 38) Moi je suis passive, "ta parole" divine va agir sur moi, en moi. L’important, c’est que cette parole "s’accomplisse" et que naisse "le Fils de Dieu", "Jésus", le Sauveur. Si ça doit se faire par moi, "que ta parole s’accomplisse" !" C’est "le Tout-Puissant" qui "a fait de grandes choses pour moi" (Lc 1.49), pas moi pour lui ! »

On peut dire, comme le fait l’intervenant du Forum, que « Marie a participé à l’histoire du salut du monde », à condition de la laisser à sa place de « servante ». Toutes proportions gardées, c’est un peu comme nous, quand nous « participons à l’histoire du salut » de quelqu’un quand il nous est « donné la grâce » de pouvoir l’amener à la foi en Jésus-Christ. Nous ne sommes pas pour autant devenus des « collègues » de Dieu, mais restons ses « serviteurs ».

Marie est consciente du rôle important, même unique, que Dieu lui fait jouer dans son plan de salut, mais pour elle, l’important, ce qui prime sur tout, c’est que « son Sauveur » (Lc 1.47), le Sauveur du monde vienne, comme promis, sauver les pécheurs que nous sommes.

En cela, elle est un modèle de foi et de soumission pour nous tous. Il faut se mettre à sa place. Prophétiquement, elle chantera : « Toutes les générations me diront heureuses ! » (Lc 1.48), mais elle sait qu’elle va commencer par être montrée du doigt comme une fille de mauvaise vie. Elle passera d’abord pour une jeune-fille qui a fauté en tombant enceinte avant les noces. Il en fallait de la foi, sur le moment, pour accepter de rendre ce service à Dieu et au monde.

C’est, d’ailleurs, curieux, cette insistance de certains sur la personne de Marie, car s’ils regardaient de près les textes qui parlent d’elle, ils se rendraient compte que ces textes mettent toujours Jésus en valeur, non pas elle, Marie.

X X X 3 X X X

L’enseignement concernant Jésus et Marie

célèbre

« le saint enfant, le Fils de Dieu ».

Ce qui frappe, quand on lit le premier chapitre de « l’Evangile selon Luc », le seul à raconter un peu en détail ce qui s’est passé les quinze mois avant la naissance de Jésus, c’est que l’accent est toujours mis sur le Messie promis.

Lorsque son fils, le futur Jean-Baptiste, est né six mois avant Jésus, son père, Zacharie, commence non pas par remercier Dieu pour la naissance quasi miraculeuse de ce fils, mais il commence par « bénir le Seigneur, le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité et racheté son peuple » et « a donné un puissant Sauveur dans la famille de son serviteur David » ! (Lc 1.68-69)

6 mois auparavant, Marie chantait aussi avant tout « la grandeur du Seigneur » qui « a secouru Israël, son serviteur et s’est souvenu de sa bonté – comme il l’avait dit à nos ancêtres – en faveur d’Abraham et de sa descendance pour toujours » (Lc 1.46+54-55)

Elle connaît les prophéties messianiques, elle attendait le Messie, « son Sauveur », comme tous les croyants de l’Ancien Testament. Ce qui la bouleverse avant tout, ce n’est pas son rôle à elle, son rôle de « servante » dans le plan de salut de Dieu, ce qui la réjouit au plus haut point, ce qu’elle apprend aussi sans le mettre en doute, c’est qu’enfin « le Fils de Dieu », « le Fils du Très-Haut », allait venir en Sauveur – c’est là le sens du nom « Jésus » : Sauveur.

Si Dieu « lui fait la grâce » de l’utiliser pour cela, bien évidemment qu’elle sera honorée d’être sa « servante » ! Il est tellement important que « le Fils du Très-Haut » établisse son « règne éternel » (v. 33) sur les cœurs des hommes. Il est si important qu’il nous arrache aux terribles conséquences du péché – à la colère de Dieu et à la damnation éternelle – et nous intègre à son royaume de grâce et de vie !

L’Eglise luthérienne célèbre trois fêtes de Marie – le 2 février, la présentation de Jésus au Temple (Lc 2.22-38) ; le 24 février, l’annonciation (l’histoire de notre texte) ; le 2 juillet, la visite à Marie (Lc 1.39-56). Mais elle le fait tout à fait dans l’esprit de Marie : non pas comme des cultes à Marie, mais comme des cultes rendus à Dieu, et plus particulièrement au « Fils de Dieu ».

X X X X X X

L’enseignement concernant Jésus et Marie

réserve toute gloire à Dieu.

Il faut encore revenir un instant sur une affirmation sur le Forum. Je cite :

« Sans Marie, notre Sauveur n’aurait pas pris la condition d’homme pour nous sauver. […] Un autre verset parle de Marie choisie depuis toute éternité, donc Marie n’était pas interchangeable en cas de refus. […] »

Précisons que l’intervenant parle d’un « verset » de ce prétendu « Evangile de Jacques ». Il est étonnant qu’il tire d’un livre qui n’est pas biblique la conclusion suivante : « Sans Marie, notre Sauveur n’aurait pas pris la condition d’homme pour nous sauver. […] Donc Marie n’était pas interchangeable en cas de refus. »

N’est-ce pas mettre en doute l’affirmation de l’ange que « rien n’est impossible à Dieu » ? (v. 37) N’est-ce pas livrer le Créateur « pieds et mains liés » au pouvoir d’une créature ?

Nous sommes tous « interchangeables » dans le plan de salut de Dieu, dans le fonctionnement de son Royaume, dans la marche de l’Eglise. Ne nous prenons pas pour irremplaçables, ne pensons pas que Dieu ne pourrait rien faire sans nous.

Certes, il nous a « appelés par l’Evangile » (Martin Luther, Petit Catéchisme) – et nous en sommes à la fois grandement soulagés et honorés au plus haut point – mais ne pensons pas que sans nous Dieu serait impuissant. « Rien n’est impossible à Dieu. »

Certes aussi, dans sa liberté, il nous a choisis de toute éternité, comme il a choisi Marie pour le rôle unique qui a été le sien. Mais il y en a d’autres que Jésus voulait appeler, « et ils n’ont pas voulu » (Mt 23.37).

Il ne sert à rien de se casser la tête pour trouver la réponse à la question : Pourquoi Marie a-t-elle accepté l’appel particulier et extraordinaire qui lui a été adressé ? Pourquoi l’appel de Dieu, dans notre cas, a été efficace, et pour d’autres non ?

Réjouissons-nous avec Marie qu’« une grâce nous a été faite » et fêtons Noël avec joie, car Dieu a tenu ses promesses : Marie a été « enceinte » et a mis au monde notre « Sauveur », le « Fils du Très-Haut » venu à nous pour nous réunir à Dieu dans ce temps et pour l’éternité !

Disons-le autour de nous, chantons-le ! Peut-être que le Seigneur utilisera notre témoignage pour en sauver d’autres.

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

dimanche 7 novembre 2010

SeErmon du dimanche 31 octobre 2010 - Fête de la Réformation

FêTE DE LA REFORMATION

Avec une retraite des jeunes de

l’Association Mission & Jeunesse (AMJ)

Texte : Es 62.6-7+10-12

6 « Sur tes murs, Jérusalem, j’ai placé des gardes qui ne resteront jamais silencieux, de jour comme de nuit. Vous qui êtes chargés de la rappeler à l’Eternel, ne vous accordez aucun répit.

7 Ne lui laissez aucun répit jusqu’à ce qu’il rétablisse Jérusalem et fasse d’elle un sujet de louange sur la terre.

10 Franchissez, franchissez les portes ! Préparez, préparez la route, enlevez les pierres !

11 Voici ce que l’Eternel annonce aux extrémités de la terre : "Dites à la fille de Sion : ‘Ton salut arrive. Il a son salaire avec lui et sa récompense est devant lui.’".

12 On les appellera "peuple saint", "rachetés de l’Eternel", et toi on t’appellera "recherchée", "ville non abandonnée". »

(Segond 21, 2007)

Chère assemblée en fête !

La fête de la Réformation a une longue tradition. On commémore, ce jour-là, l’énorme travail, au 16ème siècle, pour « réformer », redonner forme – la forme biblique – à l’Eglise de Jésus-Christ.

On aurait aussi pu l’appeler « restauration », car il s’est agi de restaurer l’Eglise en la ramenant sur les fondements solides de l’Ecriture sainte.

Pourquoi célèbre-t-on la fête le 31 octobre (ou le dimanche le plus proche) ? Parce que, ce jour-là, en l’an 1517, Martin Luther, professeur de théologie à l’Université de Wittenberg, a affiché sur les portes de l’église du château « 95 thèses » pour les soumettre à un débat entre professeurs d’université.

C’était là la tradition. Il n’innovait pas.

Par contre, le contenu de ses thèses a ébranlé l’Eglise de l’époque. En étudiant la Bible pour préparer ses cours à la Faculté de Théologie, Martin Luther avait découvert que l’Eglise de son temps avait dévié des vérités fondamentales de l’Eglise. Il ne voulait qu’une chose : qu’on en discute entre professeurs ; il y allait du salut des gens !

Dieu en a décidé autrement. Les imprimeurs de la ville ont reconnu l’importance capitale de ces thèses, s’en sont emparées et les ont répandues dans les états allemands. Elles ont rapidement été traduites et imprimées dans d’autres langues, dont le français. La Réformation était en marche : elle n’allait plus s’arrêter malgré l’opposition des puissants et de l’Eglise de Rome.

Et elle ne s’arrêtera jamais jusqu’à la fin des temps. C’est ce que veut dire cette phrase déjà utilisée par Jean de Gerson, chancelier de l’Université de Paris un bon siècle avant la Réforme : « Ecclesia semper reformanda est », « l’Eglise est continuellement à réformer ». Oui, l’Eglise doit continuellement réexaminer sa position pour maintenir un enseignement et une pratique conformes à la Bible.

C’est justement ce à quoi Dieu nous invite avec notre texte d’Esaïe ! Cela ne devrait pas nous étonner : le prophète Esaie était, plus de 7 siècles avant J.-C., un réformateur avant l’heure. Comme Martin Luther, il plaçait l’Evangile du Christ Sauveur au centre de son message. Ne songez qu’à son merveilleux chapitre 53 !

En ce Jour de la Réformation, laissons-nous rappeler par le prophète que

L’EGLISE EST

UNE « VILLE RECHERCHEE »

1. composée de « rachetés de l’Eternel »,

2. en dialogue avec Dieu,

3. vigilante

quant à son enseignement et sa pratique

4. engagée dans la mission

X X X 1 X X X

L’Eglise, une « ville recherchée »

composée de « rachetés de l’Eternel »

Que signifie : l’Eglise est une « ville recherchée » ? Mieux encore : une « ville non abandonnée » ? Les foules n’abandonnent-elles pas les églises ?

Combien sommes-nous ce matin à ce culte ? Même si j’ajoute les trois paroisses catholiques, la réformée, la mennonite et l’orthodoxe, ça m’étonnerait que l’assistance totale dépasse les 400 personnes, d’après ce que leurs pasteurs et prêtres m’ont dit la semaine passée. Or Châtenay-Malabry compte près de 32 000 habitants ! Cela fait moins de 1,25% de la population au culte ! Et la situation ne doit guère être plus reluisante au Plessis-Robinson qui compte entre 23 000 et 24 000 habitants et où il n’y a aucune Eglise protestante.

Peut-on dire aujourd’hui que l’Eglise est une « ville non abandonnée », « recherchée » ?

Non, si on parle des gens, mais cela nous le savions : Dieu nous a prévenus dans la Bible. Les non croyants trouvent l’Eglise chrétienne avec son Evangile soit de la « folie », soit carrément un « scandale » (1 Co 1.23). Comment peut-on prêcher que le salut de l’être humain ne dépend pas de ses réalisations mais d’un crucifié !?

Et pourtant, l’Eglise est bien une « ville non abandonnée », « recherchée » ! Mais recherchée par Dieu.

C’est lui qui est venu à notre rencontre en Jésus-Christ. Plus de 7 siècles avant la venue de Jésus, Esaïe a déjà été chargé de l’annoncer : « Ton salut arrive ! »

C’est encore Dieu qui vient à nous en la personne du Saint-Esprit. Celui-ci est venu nous « chercher » dans le Baptême et il continue à nous « appeler » à travers la Parole et la Cène.

Oui, c’est Dieu qui a pris les choses en main quand il a vu la déroute de l’humanité engluée dans le péché et la culpabilité. C’est Dieu qui a pris l’initiative de ne pas nous « abandonner », c’est lui qui a pris les devants en payant lui-même le prix de notre sauvetage. D’où cet autre nom de l’Eglise : « les rachetés de l’Eternel » !

En avons-nous de la chance que le Fils de Dieu ait tellement tenu à nous qu’il ait payé notre rachat de sa vie !

Et ce n’est pas tout : il nous a aussi fait cadeau de sa sainteté pour recouvrir notre péché. D’où cet autre nom de l’Eglise, de la communion des croyants : « peuple saint » !

Vous avez bien entendu : Dieu vous considère comme « saints », « saints » de la sainteté que le Christ vous a offerte. Pour un scoop, c’en est un ! Ce que nous ne parvenons pas à atteindre nous-mêmes – la perfection en pensées, en paroles et en actes – Jésus-Christ nous l’offre par pure grâce, sans aucun mérite de notre part !

Comprenez-vous maintenant que l’Eglise – c.à.d. l’ensemble de ceux qui placent leur foi en Jésus, le Sauveur – que cette Eglise porte à raison les titres de « ville non abandonnée » mais « recherchée » ?

C’est cette sublime découverte ou redécouverte sous un fatras d’opinions erronées qui a amené Luther et ses co-réformateurs à déblayer tout ce qui cachait la beauté de l’Eglise, la beauté spirituelle qui lui vient exclusivement de son Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Ayant été recherchée, visitée, rachetée, sauvée et sanctifiée par Dieu lui-même, l’Eglise ne peut pas rester muette :

X X X 2 X X X

L’Eglise, cette « ville recherchée »

est en dialogue constant avec Dieu.

Esaïe insiste même à deux reprises qu’avec nos prières nous ne devons laisser « aucun répit » à Dieu (v. 6).

« Aucun répit » pour lui demander quoi ? – Pour « rappeler » l’Eglise « à l’Eternel » ! (v. 6)

Priez-vous pour votre Eglise, pour votre paroisse, pour ses membres ? Fait-elle partie des préoccupations que vous présentez à Dieu dans vos prières ?

Lui demandez-vous d’envoyer son Esprit Saint à travers l’Evangile pour qu’il éclaire les cœurs avec la Bonne Nouvelle de leur Sauveur, de leur salut ?

Lui demandez-vous de conduire votre paroisse (donc aussi votre pasteur) et votre Eglise dans la vérité, mais aussi dans l’amour, pour qu’y soit « dite la vérité avec amour » (Ep 4.15), aux jeunes comme aux âgés, aux cultivés comme aux incultes, aux riches comme aux pauvres, aux bien-portants comme aux malades et aux mourants, aux paroissiens comme à ceux qui ne le sont pas ?

Il est vrai, Esaïe demande cela particulièrement à ceux qu’il appelle « les gardes » de l’Eglise, ses bergers et pasteurs. Eux sont tout particulièrement « chargés » de prier pour elle (v. 6). Cela fait partie de leur ministère. Cela a donné cette curieuse expression en allemand : « die Kartei durchbeten » (traverser le fichier paroissial en prière). Ainsi on est assuré de n’oublier personne, même si traverser entièrement le fichier et soumettre successivement chaque paroissien avec ses joies et ses problèmes à Dieu peut prendre plusieurs jours.

Mais on prie aussi pour des situations ou des entreprises particulières. Martin Luther a dit un jour que plus il y a du travail qui l’attend, et plus il consacre du temps préalable à la prière.

L’apôtre Paul mentionne aussi ses prières pour les paroisses missionnaires qu’il a pu fonder. Aux Ephésiens il écrit par exemple : « Je prie le Seigneur qu’il vous donne, conformément à la richesse de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans votre être intérieur, de sorte que Christ habite dans votre cœur par la foi. Je prie que vous soyez enracinés et fondés dans l’amour [etc.] » (Ep 3.16-17)

Mais comme dit, la prière pour l’Eglise, et plus particulièrement pour votre Eglise, pour votre paroisse et pour votre pasteur, c’est l’affaire de tous, de toi y compris.

Et nous devons le faire « jusqu’à ce que Dieu rétablisse » l’Eglise « et fasse d’elle un sujet de louange sur la terre » (v. 7). Autrement dit, jusqu’au retour du Christ. Sans doute avons-nous déjà maintenant des moments où Dieu nous permet de le remercier pour ce que l’Eglise a la grâce de vivre : un camp ou une rencontre de jeunes réussis, l’accroissement d’un poste missionnaire ou d’une paroisse, une participation croissante aux activités de la paroisse, un esprit à la fois de fidélité et de témoignage, etc.

Mais ici-bas, nous resterons toujours l’Eglise militante ; l’Eglise qui se débat dans les problèmes et les défis qu’elle rencontre. Nous ne serons Eglise triomphante qu’au ciel !

En attendant

X X X 3 X X X

L’Eglise, cette « ville recherchée »

doit rester vigilante quant à

son enseignement et sa pratique.

Une Eglise, une paroisse, ne peut jamais se dire : « Voilà, c’est fait, je n’ai plus à m’en faire : la Réformation a remis la vérité évangélique en lumière. Nous l’avons dans notre paroisse. Je peux me laisser aller ! »

Prenons l’image de l’Eglise dans notre texte. Il y a des murs, des portes et, comme en tout ici-bas, il faut entretenir, remplacer, réparer. Avec le temps, des pierres se détachent des murs, ou des portes se mettent à grincer, des vitres cassent, tout s’use. Et il faut « enlever les pierres » qui trainent et qui gênent l’activité normale de l’Eglise, comme le dit Esaïe (v. 10).

Sur le plan spirituel, c’est un peu pareil. D’ailleurs, notre texte est une sorte de parabole qui parle de l’état spirituel de l’Eglise.

Si on ne fait rien, si on n’entretient pas la foi des gens par la Parole et les sacrements, la foi tiédit, elle peut même mourir, des vues étranges s’introduisent dans l’Eglise qui, sans s’en être rendue compte à dévié de la Parole de Dieu.

« Sur tes murs, Jérusalem, j’ai placé des gardes qui ne resteront jamais silencieux. » (v. 6). C’est Dieu qui s’adresse ainsi à l’Eglise. Oui, Dieu a institué le ministère pastoral. Et il donne aux serviteurs qui s’y trouvent des titres comme « bergers », « gardes », « surveillants », etc. Dans le livre du prophète Ezéchiel il s’en prend d’ailleurs rudement aux pasteurs qui ne remplissent pas leur ministère de gardes et de bergers avec zèle et fidélité.

Quand ils voient une pierre se détacher, leur devoir est d’aller la consolider. Et si elle est déjà tombée, ils doivent essayer de la remettre en place parmi les « rachetés de l’Eternel ».

Ce n’est pas toujours évident, car parfois les cas sont trop lourds, parfois les marginaux se sont déjà solidement installés en marge de l’Eglise. Parfois ils ne veulent plus rien entendre du Sauveur et de son salut. Or c’est le seul outil que Dieu ait confié à son Eglise pour appeler des pécheurs à la repentance.

C’est ainsi que Luther est sorti de sa planque au château de la Wartburg pour ramener l’ordre dans la ville de Wittenberg où des extrémistes fanatiques mettaient l’œuvre de la Réformation en danger. Et vous savez comment il a ramené le calme ? En prêchant chaque jour, une semaine durant, dans l’église de la ville. Il savait que seul « l’Evangile, puissance de Dieu pour le salut » (Rm 1.16), pouvait toucher les cœurs en profondeur et les ramener à la raison.

Croyez-moi, vu le caractère de Luther, il était certainement tenté de donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Mais il savait que la repentance et la foi, seul le Saint-Esprit peut les créer dans les cœurs par l’Evangile.

Mais l’Eglise ne doit pas seulement se préoccuper de sa bonne marche, elle ne doit pas seulement veiller à ce que son enseignement soit biblique et sa pratique conforme à l’Evangile,

X X X 4 X X X

L’Eglise, cette « ville recherchée »

est aussi engagée dans la mission.

La fin de notre texte est entièrement tournée vers « les peuples » jusqu’« aux extrémités de la terre » (v. 10-11).

Une paroisse ne peut pas se complaire entre ses quatre murs. Des croyants ne peuvent pas se dirent : « Ouf ! je suis sauvé. Tant pis pour les autres : ils n’ont qu’à se tourner vers le Christ ! »

N’oublions pas ce qu’Esaïe nous a déjà dit : Dans notre cas aussi c’est Dieu qui a pris l’initiative, pas seulement l’initiative, il a tout fait : notre rachat par son Fils sur la croix, notre conversion et notre maintien dans la foi par le Saint-Esprit à travers l’Evangile.

Il s’est servi pour cela de ses « gardes », nos pasteurs, mais aussi de ces autres « gardes » qu’ont été, pour les uns leurs parents, pour d’autres des amis ou la rencontre d’une paroisse ou d’une œuvre comme « Mission et Jeunesse ».

Tous ces « gardes » ont aidé à enlever « les pierres » qui nous barraient le chemin du Christ. Ils ont « préparé la route » de notre Sauveur vers notre cœur. Peut-être en vous amenant comme nourrissons au Baptême puis en vous élevant dans la foi ; peut-être en vous dirigeant, adultes, vers une paroisse ou un pasteur qui vous a aidé à cheminer à la rencontre de votre Sauveur.

C’est là la fonction de chacun de nous, que nous soyons pasteur, diacre ou simple paroissien. N’oublions pas que nous rendons témoignage de notre foi en notre Seigneur et Sauveur par notre façon de vivre, par nos réactions, par nos réponses aux défis de la vie (qu’ils soient scolaires ou professionnels, de couple, de famille ou relationnels).

Prions le Seigneur que notre comportement dans la vie montre quelle est notre joie de nous savoir du nombre des « rachetés de l’Eternel » !

Nous n’avons souvent pas à dire grand-chose pour témoigner de notre foi en Jésus-Christ. Nous sommes observés, jugés. On ne nous en passe pas une. Notre vie rendra un témoignage fort ou peu audible, c’est selon.

Nous aurons des ratés. Luther en a eu aussi, et ses ennemis ne l’ont pas … raté, eux, et l’œuvre de la Réforme a ainsi connu des moments d’arrêts à cause de la faiblesse humaine des réformateurs.

Nous aussi, ne soyons pas étonnés qu’on nous tombe dessus quand nous commettons une erreur. Nous sommes exposés, un peu comme « les gardes de Jérusalem sur ses murs ».

Sachons alors : le Seigneur sait de quoi nous sommes faits, il connaît nos faiblesses et ceux de son Eglise, et cependant il a promis sa bénédiction à ceux qui gardent foi en sa Parole et en ses dispositions.

Les réformateurs l’ont fait – et leur œuvre a été bénie de Dieu.

Que le Seigneur nous accorde la même foi et le même zèle pour la cause de l’Evangile !

Amen.

Jean Haessig