dimanche 13 février 2011

Sermon du dimanche 13 févirer 2011 - Fête de la Transfiguration

FETE DE LA TRANSFIGURATION

Texte : EXODE 3 : 1 – 10

1 Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, qui était prêtre de Madiân ;

il mena le troupeau au-delà du désert

et arriva à la montagne de Dieu, à l'Horeb.

2 Le Messager du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant, du milieu d'un buisson.

Moïse vit que le buisson était en feu,

mais que le buisson ne se consumait pas.

3 Moïse dit :

"Je vais faire un détour pour voir ce phénomène extraordinaire :

pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ?"

4 Le Seigneur vit qu'il faisait un détour pour voir;

alors Dieu l'appela du milieu du buisson : "Moïse ! Moïse !"

Il répondit : "Je suis là !"

5 Dieu dit :

"N'approche pas d'ici ; ôte tes sandales de tes pieds,

car le lieu où tu te tiens est une terre sacrée."

6 Il ajouta :

"Je suis le Dieu de ton père,

le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob."

Moïse se détourna,

car il avait peur de diriger ses regards vers Dieu.

7 Le Seigneur dit :

"J'ai bien vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte,

et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses tyrans ;

je connais ses douleurs.

8 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens

et pour le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays,

un pays ruisselant de lait et de miel,

là où habitent les Cananéens, les Hittites, les Amorites,

les Perizzites, les Hivvites et les Jébusites.

9 Maintenant, les cris des Israélites sont venus jusqu'à moi,

et j'ai vu l'oppression que les Egyptiens leur font subir.

10 Maintenant, va, je t'envoie auprès du pharaon;

fais sortir d'Egypte mon peuple, les Israélites !" »


Chers amis,

qui avez rencontré « le Messager du Seigneur » !

Ce texte a été choisi pour la Fête de la Transfiguration du Christ parce qu’il rapporte l’une des nombreuses apparitions de Jésus dans l’Ancien Testament comme « l’Ange de l’Eternel » !

Rappelez-vous ! Le mot « ange » signifie « messager », « porteur de nouvelles ». Dans la Bible, Dieu a souvent envoyé un ange auprès de quelqu’un.

Dans notre histoire, cependant, Dieu n’envoie pas un ange quelconque ; il envoie « l’Ange de l’Eternel » qui, ici, est appelé « Dieu » ; c’est qu’il est le Messie promis, le Christ Jésus.

Notre texte est donc bien un texte d’Epiphanie, un récit où « Christ, le Seigneur, » (Lc 2.11) apparaît dans sa majesté divine, un récit où il « s’épiphanie », où il manifeste sa divinité avec éclat.

Du temps de Moïse, Jésus n’était pas encore « vrai homme, né de la vierge Marie ». A l’époque, il n’était que « vrai Dieu, né du Père de toute éternité » (Martin Luther : Petit Catéchisme).

« Le Messager du Seigneur » – ou « Ange de l’Eternel »« apparut à [Moïse] » et se présenta en ces termes : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. »

Pas de doute : ici « le Messager de Dieu apparaît » comme « vrai Dieu » ; ici le Christ Messie fait son épiphanie, se manifeste avec éclat comme Dieu en personne !

La question se pose : Pourquoi ? Pourquoi le Fils de Dieu apparaît-il à Moïse ?

Dieu ne fait rien par ennui, ou pour s’amuser, ou pour faire l’intéressant. Quand il se révèle, lorsqu’il se manifeste, c’est qu’il a un projet. Cela est vrai aussi de l’épiphanie du Messie dans notre histoire.

LE CHRIST SE TRANSFIGURE DEVANT NOUS

– 1 –

à cause du combat de notre foi,

– 2 –

à cause de l’alliance qu’il a conclue avec nous,

– 3 –

à cause de la transfiguration bien plus glorieuse

qui nous attend encore.

LE CHRIST SE TRANSFIGURE DEVANT NOUS

– 1 –

à cause du combat de notre foi

« Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, qui était prêtre de Madiân. Il mena le troupeau au-delà du désert et arriva à la montagne de Dieu, à l'Horeb. »

Que fait-il dans le désert de Madiân, lui qui a grandi avec pharaon dans les palais égyptiens ? Pourquoi cherche-t-il à trouver « au-delà du désert » un terrain herbeux pour des moutons, lui qui était environné d’une armée de serviteurs en Egypte ? Que va-t-il à trouver à « l’Horeb » - qui signifie « sécheresse » - lui qui vivait dans la luxuriante vallée du Nil ?

La vie ne l’a pas épargné. Il est tombé de haut. Il a dû fuir les soldats de pharaon qui voulait le tuer (Ex 2.15). Sa foi en Dieu a été mise à rude épreuve. Elevé dans les plus hautes sphères de la société, il se retrouve parmi les plus pauvres. Sa sécurité et son luxe, il a dû les échanger contre la précarité et les dangers du désert. Précédemment prince, le voilà occupé à un emploi qu’on qualifierait aujourd’hui de pénible.

Cette dégringolade sociale, il n’a pas dû la digérer du jour au lendemain. Il a connu la peur, la fuite, l’errance, la solitude, la pauvreté, mais aussi la désillusion, la déception, le découragement. Certes, Dieu a eu pitié de lui et lui a fait trouver une femme et une famille dans cette terre étrangère, mais il s’y est toujours senti étranger. Son premier fils, il l’a appelé « Guershom », « Immigré » (Ex 2.22). Comme quoi « il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Ec 1.9), pas même l’immigration et ses difficultés.

Notre foi en Dieu n’est-elle pas aussi, parfois, mise à rude épreuve ? Nous ne vivons et n’habitons pas non plus tous dans le pays ou dans la région où nous avons grandi. Certains d’entre nous se trouvent loin de leur famille. D’autres doivent travailler dans des conditions difficiles ou ont du mal à joindre les deux bouts. D’autres encore se débattent dans des problèmes de santé.

Garder foi en Dieu, en la bonté et la justesse de ses décisions, de sa façon de nous conduire, n’est pas facile pour tout le monde. N’avons-nous jamais fait monter vers lui ces paroles du « Petit Catéchisme », mais alors sous forme de soupir, d’appel au secours : « Je ne puis, par ma raison et mes propres forces croire en Jésus-Christ ! » ?

Mais le Seigneur écoute les siens. Il ne reste pas distant. C’est la merveilleuse expérience que Moïse a pu faire, là-bas, dans le désert. « Le Messager du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant, du milieu d'un buisson. Moïse vit que le buisson était en feu, mais que le buisson ne se consumait pas. »

« Le Messager du Seigneur », « l’Ange de l’Eternel apparaît du milieu d’un buisson ». Il n’a pas trouvé mieux. La fertile Egypte à la culture si brillante ressemble à un palmier majestueux. La vie dans le désert est symbolisée par un « buisson ». C’est aussi l’image que donne parfois l’Eglise au milieu du monde : « un buisson » au milieu d’une forêt luxuriante.

La communauté des croyants, connaît des problèmes, parfois aussi durs que la vie de Moïse dans le désert : des problèmes financiers (comment trouver assez de dons pour mieux annoncer Christ parmi et autour de nous ?) ; des problèmes de cure d’âme (nous sommes tous humains, tiraillés par les problèmes et les tentations de ce monde et de notre nature parfois si faible) ; des problèmes aussi avec d’autres Eglises qui essayent de contourner la révélation biblique pour mieux plaire aux gens, pour donner à l’Eglise davantage l’aspect du majestueux palmier.

Pourtant, Dieu se manifeste avec grâce dans « le buisson », pas dans la palmeraie, dans l’Eglise, et non pas dans le monde. Le Seigneur, » ne rechigne pas à s’abaisser pour venir à notre rencontre. Plus tard, « le Messager du Seigneur » ira jusqu’à naître dans une étable et mourir sur une croix pour ne pas rater le rendez-vous avec nous.

Dans notre texte, il vient à la rencontre de Moïse, et, à travers Moïse, à la rencontre du peuple d’Israël en esclavage en Egypte. C’est lui qu’il veut relever de sa détresse, sauver de son malheur. « Le Seigneur dit : "J'ai bien vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte, et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses tyrans ; je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer… »

Dieu n’est pas un Dieu lointain, inattentif, insensible aux problèmes des siens. Que dit-il ? « J’ai vu […], j’ai entendu […], je connais […]. » Cher enfant de Dieu, ton Père céleste « connaît » tes problèmes, il sait ce que tu endures. Mais il « connaît » aussi ce qui contribue à ton bien, si tu t’appuies sur lui et lui fais confiance (voir Rm 8.28).

Car Dieu ne « voit » et « n’entend » pas seulement nos gémissements, pour ensuite passer son chemin comme certains l’ont fait dans la parabole du « Bon Samaritain » (Lc 10:30-37). Quand Dieu nous voit souffrir, il intervient. Devant la misère du peuple d’Israël en Egypte, il déclare à Moïse : « Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens. » Le mieux est de jeter, chez vous, un coup d’œil dans la suite du livre de « l’Exode », pour voir comment Dieu s’y est pris pour « délivrer » le peuple d’Israël « de la main des Egyptiens ».

Cette attitude interventionniste dans l’intérêt des siens, c’est encore aujourd’hui l’attitude de Dieu. Oh ! il n’a pas procuré aux Israélites le paradis sur terre. Leur délivrance les a menés à travers d’autres épreuves. Et il leur est arrivé de grommeler contre la façon dont Dieu les menait vers la liberté : ça n’allait pas assez vite ou ce n’était pas assez bien à leur goût.

Chers amis, on désespère de Dieu quand on veut lui dicter la façon dont il doit intervenir – et que ça se passe évidemment autrement. Faites-lui confiance ! Dans sa sagesse, il sait mieux que nous ce qui sert à notre bien ; et dans sa bonté, il ne peut jouer avec nous.

Voyez, ce n’était pas non plus du jeu quand il a envoyé son Fils : sa crèche n’était pas du jeu, et sa croix bien moins encore. Il « connaît » nos besoins, il « connaît » le combat de notre foi : c’est pour cela qu’il se transfigure devant nous dans son Evangile, c’est pour cela qu’il nous invite à sa table sacrée pour nous relever. C’est pour cela aussi qu’il s’est allié à nous dans le Baptême.

Ce sera notre second point :

LE CHRIST SE TRANSFIGURE DEVANT NOUS

– 2 –

à cause DE L’ALLIANCE QU’IL A CONCLUE AVEC NOUS.

« Le Messager du Seigneur », « l’Ange de l’Eternel », qui « apparaît » ici à Moïse, n’est autre que le Dieu de l’Alliance ! C’est comme tel qu’il se présente : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. »

Notre Dieu n’est pas un Dieu lointain, distant, mais un Dieu qui se lie, qui s’allie aux siens. En se présentant comme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob », il rappelle qu’il s’est allié à ces patriarches, en promettant de leur envoyer un Messie-Sauveur.

En se présentant comme « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob », il rappelle qu’il est un Dieu qui fait des promesses et qui tient parole, un Dieu qui a passé un contrat, qui a contracté une alliance.

Une alliance d’ailleurs étonnante : d’un côté, l’allié, c’est Dieu ; de l’autre côté, l’allié, c’est « le peuple ». Le contrat dit que l’allié divin sera le libérateur et l’allié humain le délivré ; l’allié divin donnera un nouveau pays et l’allié humain le recevra, « un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel ». Ce n’est pas ce qu’on appelle du « donnant-donnant ». Ici on pourrait forger l’expression du « donnant-recevant ».

« Quelle alliance bancale ! » sommes-nous tentés de nous écrier. Effectivement, il y a de quoi. Mais n’a-t-il pas agi de même avec nous, et ne nous en portons-nous pas bien ? N’a-t-il pas lié des « promesses » (Ac2.38-39) bien plus époustouflantes encore à l’alliance du baptême dans laquelle il nous a reçus pour l’amour de son Fils ?

Cette alliance est, elle aussi, complètement déséquilibrée : d’un côté, l’allié qui agit, c’est Dieu (c’est ainsi qu’il nous a « régénérés » dans le baptême (Tt 3.5-7) ; de l’autre côté, les alliés qui profitent, c’est nous, les croyants ; d’un côté celui qui donne, c’est Dieu (il nous a donné son amour, son pardon, sa vie, son salut) ; de l’autre côté ceux qui reçoivent sans l’avoir mérité, c’est encore nous.

Et si le Pays de Canaan que Dieu allait offrir au peuple d’Israël allait être un pays fertile, la Canaan céleste que le Christ-Sauveur nous a obtenue et qui est promise aux baptisés est infiniment plus radieuse, magnifique et reposante.

Voilà comment Jésus révèle sa gloire aux siens dans sa Parole. Et voilà pourquoi il le fait : d’abord, pour nous aider avec efficacité dans le combat de notre foi, ensuite, parce qu’il est un Dieu de l’Alliance, et finalement, ce sera là notre dernier point :


LE CHRIST SE TRANSFIGURE DEVANT NOUS

– 3 –

A CAUSE DE LA TRANSFIGURATION

BIEN PLUS GLORIEUSE

QUI NOUS ATTEND ENCORE

Au début de notre histoire, « Moïse […] arriva à la montagne de Dieu, à l'Horeb. » Pourquoi « l’Horeb » est-il appelé « la montagne de Dieu » ? Pourquoi cet endroit désolé et désolant est-il appelé « la montagne de Dieu » ?

Voyez-vous, avant de mettre ce récit par écrit, sous l’inspiration du Saint-Esprit, Moïse avait fait sur cette même montagne une expérience bien plus bouleversante encore : Dieu lui y avait remis les « Dix Commandements » (Ex 19.10 – 20:21).

Cette montagne est parfois appelée « Horeb », parfois « Sinaï ». Les manifestations de Dieu sur le mont « Sinaï » ou « Horeb » ont été impressionnantes, surnaturelles, à un point tel qu’il est difficile de s’en faire une idée précise. Depuis, on l’a appelé « la montagne de Dieu », la montagne où Dieu a manifesté sa gloire et sa puissance, mais aussi sa sollicitude pour les siens.

Pour le moment, Dieu annonce à Moïse : il va « faire monter » Israël – « mon peuple ! » dit-il – « de ce pays vers un bon et vaste pays, un pays ruisselant de lait et de miel. » L’esclavage va faire place à la liberté, le travail forcé au travail rémunéré, l’interdiction d’adorer Dieu à la liberté de le faire. Ils ne souffriront plus de brimades, d’interdictions, d’une espèce de camisole de force dans laquelle on les enserre en Egypte, mais ils habiteront « un vaste pays » où ils pourront se répandre.

Mais le Pays de Canaan aussi ne devait être qu’une étape sur la route vers la grande Epiphanie du Messie, vers l’impressionnante Transfiguration finale de « l’Ange de l’Eternel ».

L’Epître aux Hébreux nous apprend : « [Les Israélites] obtinrent la réalisation de promesses, […] une résurrection supérieure, […] Dieu, en effet, avait en vue quelque chose de supérieur » pour eux, comme d’ailleurs « pour nous […]. » (Hé 11.33-40)

La transfiguration du « Messager du Seigneur » devait montrer à Moïse que Dieu était préoccupé du sort de « son peuple », qu’il avait un plan pour lui frayer un passage à travers les vicissitudes de la vie vers la félicité éternelle.

« Le Messager du Seigneur » n’allait pas seulement libérer le peuple d’Israël de l’esclavage en Egypte, il allait même délivrer toute l’humanité de ses péchés en les expiant lui-même.

Ce que le Christ transfiguré a dit à Moïse rejoint ce que Pierre, Jacques et Jean on entendu sur le mont de la Transfiguration : le Christ ou Messie allait nous libérer pour nous conduire vers une gloire sans pareille dans la félicité éternelle. Avec la libération du peuple d’Israël de l’esclavage égyptien, Dieu a voulu montrer qu’il est un Dieu-Sauveur capable de tenir ses promesses.

Et comme il a conduit le peuple d’Israël à travers les épreuves du désert vers le Pays de Canaan, il nous conduit, nous accompagne, nous encourage et nous assiste à travers les épreuves de cette vie vers la Canaan céleste, car « notre citoyenneté à nous est dans les cieux » (Ph 3.20).

Voilà le message du Christ transfiguré. Et tout ceci, nous le lui devons, à lui seul et à ce qu’il allait accomplir et dont il s’est entretenu avec « Moïse et Elie » sur le Mont de la Transfiguration (Lc 9.30-31).

Loué soit-il de se transfigurer ainsi devant nos yeux dans l’Evangile, en attendant de nous faire partager sa transfiguration dans les cieux ! (Ph 3.21)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

Daigne en cette heure, ô tendre Père LlS 1:1-3

Ô Jésus, Fils du Père, LlS 67:1+4-6

Seigneur, dirige tous mes pas LlS 305:1-3

Jérusalem, laisse passer ton Roi, LlS 162:1-3

vendredi 11 février 2011

Sermon du dimanche 6 février 2011 - 4eme dimanche après l'épiphanie

4ème Dim. après l’Epiphanie Es 40.12-31

Chants proposés :

Demeure par ta grâce avec nous LlS 3 : 1-5

Je chanterai, Seigneur, LlS 22 : 1-4

O douce Providence LlS 24 : 1-5

12 « Qui a mesuré les océans dans le creux de sa main ? Qui a fixé les dimensions du ciel dans une mesure et fait tenir toute la poussière de la terre dans un tiers de mesure ?

13 Qui a compris l’Esprit de l’Eternel et quel homme a été son conseiller pour l’instruire ?

14 Avec qui a-t-il délibéré pour se laisser éclairer par lui ? Qui lui a appris le sentier du droit, lui a enseigné son savoir-faire et lui a fait connaître le chemin de l’intelligence ?

15 Les nations sont pareilles à une goutte d’eau qui tombe d’un seau, elles sont comme de la poussière sur une balance, et les îles comme une poussière qui s’envole.

16 Les forêts du Liban ne suffiraient pas à alimenter le feu de l’autel et ses animaux seraient en nombre insuffisant pour l’holocauste.

17 Toutes les nations sont réduites à rien devant Lui, elles comptent moins à ses yeux que le néant et le vide.

18 A qui voulez-vous comparer Dieu ? A quelle représentation pourriez-vous le comparer ?

19 C’est un artisan qui fond la statue, puis un orfèvre la couvre d’or et y soude des chaînettes d’argent.

20 Celui qui est trop pauvre pour une telle offrande choisit un bois qui ne pourrisse pas ; il sollicite les services d’un artisan assez habile pour fabriquer une sculpture sacrée qui ne soit pas branlante.

21 Ne le savez-vous pas ? Ne l’avez-vous pas appris ? Ne vous l’a-t-on pas appris dès le début ? N’avez-vous jamais réfléchi aux fondations de la terre ?

22 C’est l’Eternel qui siège au-dessus du cercle de la terre ; ses habitants sont, pour lui, pareils à des sauterelles. Il déroule le ciel comme une étoffe légère, il le déploie comme une tente pour en faire son lieu d’habitation.

23 C’est lui qui réduit les dirigeants à rien, qui rend les juges de la terre pareil à du vide.

24 Ils ne sont même pas plantés, même pas semés, leur tronc n’a pas encore développé de racines en terre qu’il souffle sur eux ; ils se dessèchent alors, le tourbillon les emporte comme un brin de paille.

25 A qui me comparerez-vous pour que je lui ressemble ? demande le Saint.

26 Levez les yeux vers le ciel et regardez ! Qui a créé cela ? C’est celui qui fait sortir les corps célestes en bon ordre. Il les appelle tous par leur nom. Son pouvoir est si grand, sa force si puissante que pas un seul ne manque.

27 Pourquoi dis-tu, Jacob, et pourquoi affirmes-tu, Israël : "Ma situation échappe à l’Eternel, mon droit passe inaperçu à mon Dieu !" ?

28 Ne le sais-tu pas ? Ne l’as-tu pas appris ? C’est le Dieu d’éternité, l’Eternel, qui a créé les extrémités de la terre. Il ne se fatigue pas, il ne s’épuise pas. Son intelligence est impénétrable.

29 Il donne de la force à celui qui est fatigué et il multiplie les ressources de celui qui est à bout.

30 Les adolescents se fatiguent et s’épuisent, les jeunes gens se mettent à trébucher,

31 mais ceux qui comptent sur l’Eternel renouvellent leur force. Ils prennent leur envol comme les aigles. Ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer. »


Chers frères et sœurs qui avez « droit » à la sollicitude du Père céleste !

Nous avons rarement médité sur un texte aussi long. Déjà la lecture prévue pour ce jour – les versets 12 à 25 – n’était pas des plus courtes : Pourquoi, alors, y avoir encore rajouté les six versets suivants ?

Parce que les six derniers versets de ce chapitre indiquent pourquoi Dieu pose cette longue liste de questions.

Pour tirer toute la « substantifique moelle » (Rabelais) d’un texte, il est bon de voir quel en est le contexte, pourquoi cela est dit ainsi à cet endroit.

Bien sûr, nous pourrions parler, dans l’abstrait, de la toute-puissance et de l’omniscience du Dieu de l’univers, un peu comme dans un cours de dogmatique. Mais ce n’est pas là l’intention de Dieu dans notre texte.

Il veut que nous en retirions quelque chose qui nous édifie, qui nous construit, qui affermit notre foi en lui. Il ne fait pas de la théorie ; il répond à des questionnements, il intervient dans une situation. Et cela, on ne le comprend réellement qu’avec les six derniers versets.

En fait,

A CEUX QUI DISENT :

« Ma situation échappe à l’Eternel,

mon droit passe inaperçu à mon Dieu ! »

L’ETERNEL REPOND

1. qu’il « ne se fatigue pas »,

« ne s’épuise pas », et

que « son intelligence est impénétrable. »

2. qu’il « donne la force à celui qui est fatigué » et « qui compte sur lui. »

Y Y Y 1 Y Y Y

A ceux qui disent :

« Ma situation échappe à l’Eternel,

mon droit passe inaperçu à mon Dieu ! »

L’Eternel répond

qu’il « ne se fatigue pas »,

« ne s’épuise pas »,

et que « son intelligence est impénétrable. »

Lequel d’entre nous n’a pas déjà connu le découragement, le doute, peut-être même un véritable coup de blues ? Lequel d’entre nous, s’il ne l’a pas formulé ainsi, n’a pas au moins déjà eu l’impression : « Ma situation échappe à l’Eternel, mon droit passe inaperçu à mon Dieu ! » (v. 27) ?

Oh ! certes, je le sais, je l’ai appris au catéchisme, je l’entends dans les cultes et les études bibliques, je le lis dans la Bible : « Son pouvoir est si grand, sa force si puissante ! » (v. 26)

Mais pourquoi alors dois-je ainsi me battre ? Pourquoi, malgré mes prières – ou ai-je déjà cessé de prier ? – rien ne change ? Pourquoi n’intervient-il pas ? Ne serait-il pas aussi puissant qu’il l’affirme ? Ou ce que je vis lui serait-il indifférent ?

Comme pour le peuple d’Israël, notre foi en Dieu est parfois mise à rude épreuve, avouons-le. Nous avons parfois à faire le grand écart entre les affirmations de la toute-puissance de Dieu et notre situation qui ne change guère, entre les affirmations de la sainteté de Dieu et l’injustice que nous subissons, entre les affirmations que Dieu sait et voit tout et notre épreuve qui ne se débloque pas d’un centimètre.

C’est ce que vivait le peuple d’Israël à l’époque du prophète Esaïe. Le Royaume d’Israël avec Samarie pour capitale, au nord, était tombé sous les assauts de la puissance assyrienne, et le petit Royaume de Juda avec Jérusalem pour capitale, au sud, craignait de passer pareillement à la casserole.

Cela ne démontrait-il pas que l’Eternel n’était pas si fort que ça ? Que les idoles de pierre, de métaux précieux, et même de bois, des peuples païens avaient d’autres ressources, profitaient davantage à leurs adorateurs ?

Et nous, comme cela est aussi arrivé aux psalmistes, nous voyons que les incroyants autour de nous ne s’en sortent apparemment pas si mal sans Dieu. Ne devrions-nous pas aller voir ailleurs ? Chercher le salut dans l’argent, dans la carrière, dans la science ? Ou dans l’islam ou les religions orientales ? Voire dans les religions celtiques de l’ancienne Gaule qui connaissent, effectivement, un certain renouveau, bien que marginal, en Bretagne ? Ou consulter la myriade de diseurs de bonne aventure qui s’affichent dans les magazines et sur la toile ?

Si le bonheur peut amener certains à trouver Dieu superflu, le malheur aussi peut détourner de Dieu. L’épreuve peut rendre aveugle. La souffrance, qu’elle soit physique ou autre, peut nous cacher Dieu, peut nous faire oublier qui il est, ce qu’il a fait pour nous et continue de faire pour nous.

Dieu essaye de secouer les siens dans leur torpeur. Il essaye de leur ouvrir les yeux, de les faire sortir de leur aveuglement. Il le fait en nous demandant de réfléchir à toute une série de questions.

Il utilise pour cela Esaïe comme porte-parole. Heureux sommes-nous si, quand nous sommes désemparés, nous avons un Esaïe qui nous fait réfléchir aux questions qui réveillent !

Heureux sommes-nous si, quand nous somme au fond du trou et que nous nous y accrochons, Dieu place à nos côtés ou nous fait rencontrer quelqu’un qui nous fait réfléchir au caractère insensé de notre attitude.

Aux Israélites, Dieu dit que les nations – y compris les superpuissances – ne sont qu’une « goutte d’eau », que « de la poussière » dans sa main (v. 15). « Toutes les nations sont réduites à rien devant Lui, elles comptent moins à ses yeux que le néant et le vide » (v. 17).

Et effectivement : Où est la puissance assyrienne aujourd’hui ? – Balayée 90 ans après avoir écrasé Israël. Où est la puissance babylonienne qui a vaincu Juda et Jérusalem 25 ans plus tard ? – Disparue également. Où est la puissance de l’Egypte antique avec sa civilisation sans pareille ? – Disparue !

Tenez, en parlant de l’Egypte, cela nous ramène à l’actualité. Mais nous pourrions tout aussi bien songer au fameux « Bloc de l’Est » ou à la royauté française, voire aux deux empires napoléoniens. Les puissances sont éphémères. Elles passent. Dieu, lui, est toujours là. « C’est lui qui réduit les dirigeants à rien, qui rend les juges de la terre pareils à du vide. » (v. 23)

Et avec les différentes civilisations passent aussi leurs idoles, aussi bien les anciennes en pierre, en métal ou en bois, que les nouvelles : les richesses, l’immoralité et j’en passe.

Non, quand cela va mal, ne nous tournons pas vers ces leurres pour remplacer Dieu. L’argent, la carrière, les biens ne sont pas à rejeter en tant que tels. Ce sont des bénédictions que nous devons à Dieu pour l’entretien et le bonheur de cette vie. Au point d’ailleurs, que Dieu protège les biens avec le 7ème Commandement : « Tu ne commettras pas de vol ! » (Ex 20.15), au point aussi qu’il bénit le travail honnête ou les traitements médicaux.

Mais n’en faisons pas nos dieux, nos idoles. N’organisons pas nos existences autour d’elles, rien que pour elles, comme si notre salut et notre bonheur provenaient d’elles. Ne pensons pas que cela pourrait remplacer Dieu.

Dieu nous demande : « A qui me comparerez-vous pour que je lui ressemble ? » (v. 25) Il est vrai, si Dieu nous a « créés à son image » (Gn 1.26-27) de sainteté et de perfection, une fois tombés dans le péché, les humains se sont forgés des idoles à leur image pécheresse. Les dieux imaginés par les mythologies de l’Antiquité formaient des couples, avaient des enfants, commettaient l’adultère, exerçaient des professions, se battaient, et se tuaient tout comme les humains.

Et aujourd’hui, le monde se fabrique une moralité qui lui ressemble, « à l’image » de ses tendances pécheresses. Ce n’est guère différent.

« Et vous voudriez "me comparer" à eux, même les préférer à moi ? » demande Dieu. Mais « levez [donc] les yeux vers le ciel et regardez ! Qui a créé cela ? » (v. 26)

« Qui a mesuré les océans dans le creux de sa main ? Qui a fixé les dimensions du ciel dans une mesure et fait tenir toute la poussière de la terre dans un tiers de mesure ? Qui a compris l’Esprit de l’Eternel et quel homme a été son conseiller pour l’instruire ? Avec qui a-t-il délibéré pour se laisser éclairer par lui ? Qui lui a appris le sentier du droit, lui a enseigné son savoir-faire et lui a fait connaître le chemin de l’intelligence ? » (v. 12-14)

Personne ! A toutes ces questions il n’y a qu’une seule et même réponse : Personne ! Personne n’a « été son conseiller pour l’instruire », personne ne « comprend l’Esprit de l’Eternel », personne ne lui a « enseigné son savoir-faire », personne ne « lui a fait connaître le chemin de l’intelligence ». Tout cela il l’a décidé et accompli par sa seule sagesse, par sa seule puissance. Il est le Dieu unique. Le remplacer, c’est s’appuyer sur du « néant » et du « vide » (v. 17).

Faisons-lui confiance ! « Il ne se fatigue pas, il ne s’épuise pas. Son intelligence est impénétrable. » (v. 28)

Y Y Y 2 Y Y Y

A ceux qui disent :

« Ma situation échappe à l’Eternel,

mon droit passe inaperçu à mon Dieu ! »

L’Eternel répond

qu’il « donne la force à celui

qui est fatigué »

et « qui compte sur lui. »

Dieu répond ici à deux doutes qui peuvent s’insinuer en nous. Il veut nous rassurer sur deux points qui risquent de nous déstabiliser. Il veut nous montrer comment il agit en fait quand nous avons l’impression que notre situation lui échappe et qu’il ne nous traite pas comme nous le méritons.

« Pourquoi dis-tu […] et pourquoi affirmes-tu […] : "Ma situation échappe à l’Eternel !" ? » (v. 27) Evidemment, quand cela nous arrive, c’est que nous ne voyons rien bouger : la guérison se fait attendre, le chômage ne trouve pas de solution, les tensions dans la famille ou la parenté perdurent.

Mais après tout ce que nous venons d’entendre, cela ne peut pas être dû à l’impuissance de Dieu : sa puissance est illimitée. Cela ne peut pas davantage être dû à son indifférence à notre égard. Dans le chapitre suivant, il continue son discours. Là il précise : « Je t’ai choisi et ne te rejette pas. Ne promène pas des regards inquiets, car je suis ton Dieu. Je te fortifie, je viens à ton secours, je te soutiens […] » (Es 41.9-10)

Ah bon ! Et comment cela, si je ne vois toujours rien bouger ? C’est que dans sa grande bonté et son immense sagesse, notre Père céleste « sait de quoi nous avons besoin » (Mt 6.8). Il sait aussi quand et comment nous venir en aide. Il nous connaît mieux que nous-mêmes, nous, nos besoins, nos forces et nos faiblesses, et « il ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces ; mais avec la tentation, » avec l’épreuve que nous traversons, « il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que nous puissions la supporter » (1 Co 10.13).

Par Esaïe, Dieu nous promet : « Ceux qui comptent sur l’Eternel renouvellent leur force. » (v. 31) Là aussi s’applique cette question de Paul : « Si Dieu est pour nous, » lui, le Dieu à l’amour fidèle et au pouvoir illimité, « qui sera contre nous ? » (Rm 8.31) qu’est-ce qui pourra réellement nous nuire, puisqu’il « masterise » tout, pour parler comme les jeunes ?

« Comptons sur l’Eternel », faisons-lui confiance : entre ses mains nous sommes entre de bonnes mains, des mains qui protègent et qui bénissent, des mains qui rassurent et qui ne faiblissent jamais.

Avec cette foi ou « confiance », nous reprendrons courage, nous retrouverons la force de nous en remettre avec patience à sa direction des affaires, car « il agira » (Ps 37.5)

Et surtout, ne pensons pas qu’il nous traite contrairement à ce à quoi nous avons « droit ». Dieu nous demande, car il connaît nos dérapages : « Pourquoi dis-tu […] et pourquoi affirmes-tu […] : "Mon droit passe inaperçu à mon Dieu !" ? » (v. 27)

Car nous avons « des droits » auprès de Dieu ! Peut-être qu’on ne le souligne pas assez. Trop souvent on se cantonne à répéter à longueur de jours et d’années – et de cultes ! – que nous sommes pécheurs et sauvés par la seule grâce de Dieu en Jésus-Christ. C’est vrai, et c’est la base de tout. Mais on oublie de dire et de chanter ce que Jésus a fait de nous en nous sauvant : des enfants de Dieu avec des droits.

Après avoir confessé nos péchés avec humilité et reçu l’absolution au début du culte, nous ne devrions plus continuer à avancer dans le culte en continuant à craindre les coups : avec l’absolution nous pouvons avancer redressés, heureux et fiers des droits qui sont désormais les nôtres. Certes, pas des droits innés, mais des droits acquis, acquis par notre Seigneur Jésus-Christ. En nous faisant racheter par son Fils, en nous adoptant comme ses enfants, il nous a accordé des droits immenses.

« Vous êtes tous fils et filles de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous qui avez été baptisés, vous avez revêtu Christ ! » (Ga 3.26-27) Dieu nous voit à travers son Fils, comme frères et sœurs de son Fils, avec des droits d’enfants de Dieu. Paul nous rappelle que nous avons été « adoptés » et avons maintenant les droits propres à des enfants, aux enfants de Dieu. (Rm 8.15)

Il est vrai, comme les Israélites, tout se passe parfois comme si « mon droit passait inaperçu de mon Dieu » (v. 27), comme si Dieu oubliait mes droits d’enfant, le droit à sa protection, le droit à ses soins, le droit à son aide.

Ce n’est qu’une impression. Non pas que nos souffrances ou nos épreuves ne soient qu’imaginaires : elles sont bien réelles. Mais ce n’est pas le signe que Dieu renierait les droits que son Fils nous a acquis. Dieu « reste fidèle, il ne peut se renier lui-même » ni les droits qu’il nous a accordés (2 Tm 2.13).

Ayons confiance en notre Dieu d’amour. Il n’est pas amnésique, il sait ce à quoi nous avons droit grâce à Jésus, il sait ce qu’il s’est engagé à nous prodiguer comme soins dans l’alliance du Baptême.

Faisons-lui confiance. Il a ses raisons quand il nous donne l’impression d’avoir oublié qu’il est notre Père et que nous sommes ses enfants, quand nous avons l’impression qu’il oublie ses devoirs de Père.

Tenez, écoutez ce qu’il nous dit quelques chapitres plus loin (nous allons terminer avec cette merveilleuse promesse) : « Moi, je ne t’oublierai jamais. Vois ! je t’ai gravé sur mes mains. » (Es 49.15-16)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig