dimanche 14 février 2010

Sermon du dimanche 14 février 2010

DIMANCHE QUINQUAGESIME

Texte : 1 Co 13.1-13

1 « Si je parle les langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit.

2 Si j’ai le don de prophétie, la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, si j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien.

3 Et si je distribue tous mes biens aux pauvres, et même je livre mon corps aux flammes, mais que je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien.

4 L’amour est patient, il est plein de bonté, l’amour n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil,

5 il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal,

6 il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ;

7 il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

8 L’amour ne meurt jamais. Les prophéties disparaîtront, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra.

9 En effet, nous connaissons partiellement et nous prophétisons partiellement,

10 mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra.

11 Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu un homme, j’ai mis fin à ce qui était de l’enfant.

12 Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j’ai été connu.

13 Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. »

Chers frères et sœurs unis dans l’amour du Christ !

Mettons tout de suite les choses au clair : je ne prêche pas sur ce texte parce qu’aujourd’hui nous sommes la « St-Valentin », la fête des amoureux. Bien sûr, ceux qui s’aiment dans le couple ont aussi tout intérêt à méditer certains conseils de Paul dans ce texte – certains conseils valent aussi pour l’amour conjugal – mais le sujet que Paul traite ici n’est pas l’amour conjugal mais l’amour chrétien.

Et puis, je traite ce texte aujourd’hui parce qu’il est prévu pour ce dimanche.

Vous l’avouerai-je ? Cela fait 42 ans que j’ai commencé à prêcher – d’abord comme étudiant, puis comme vicaire, enfin comme pasteur – mais je n’ai prêché qu’une seule fois sur ce texte, et encore, à reculons, parce qu’un jeune couple m’a demandé de le faire à l’occasion de leur mariage.

C’était un cadeau de mariage. Si un cadeau ne coûte rien, est-ce vraiment un cadeau ? Je m’y suis donc résolu.

Vous devez vous demander ce que j’ai comme problème avec ce texte. Sur le contenu, aucun. Je le connais pratiquement par cœur. Mais je n’aime pas paraphraser. Or il est tellement grand et riche que j’ai du mal à le caser dans un sermon. Il aborde tellement de thèmes que je ne sais par où commencer.

Bien entendu, le thème général, c’est l’amour, l’amour chrétien, l’amour qui découle de la foi en Jésus-Christ, l’amour qui met tout en œuvre pour rechercher le bonheur de l’autre.

Mais il est question aussi de foi et d’espérance, de dons particuliers et de connaissance, de bienfaisance et d’éternité. Comment arranger tout cela de façon cohérente dans un sermon si on veut faire plus que simplement paraphraser le texte ou dire des banalités ?

Constatons d’abord que Paul en arrive à ce sujet – l’amour chrétien – après avoir traité, au chapitre précédent, de charismes particuliers exercés par certains dans la communauté chrétienne de Corinthe. Apparemment, ceux qui possédaient ces charismes manquaient de ce que Paul développe dans notre texte ; ils manquaient de cet amour, ce qui les disqualifiait aux yeux de Paul.

Je vous propose donc de réfléchir à l’amour chrétien autour de cinq blocs :

L’AMOUR CHRETIEN

1. et la connaissance (v. 2+9-12)

2. et la foi (v. 2)

3. et l’espérance (v. 12-13)

4. et les dons (v. 1-2)

5. et la vie chrétienne (v. 4-7+13)

1

L’amour chrétien et la connaissance

Vous savez que notre Eglise tient à ce que ses membres aient une bonne connaissance des vérités évangéliques. Les enfants le savent qui vont à l’instruction catéchétique ; et ceux d’entre vous qui sont devenus membres de notre paroisse à l’âge adulte le savent aussi pour avoir suivi toute une série d’entretiens catéchétiques.

La raison en est simple : que ce soit Paul, que ce soit Pierre, les apôtres exhortent tous à « croître » ou à « progresser dans la connaissance de Dieu » (Col 1.10), à « grandir dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » (2 P 3.18)

Les raisons en sont évidentes : c’est pour être mieux armé dans la tourmente, dans l’épreuve et la tentation, aussi dans le dialogue avec les autres et la présentation des vérités salutaires. Certains d’entre vous ont même suivi une formation de diacre pour cela.

Mais l’expérience nous le montre : on peut faire un bon et un mauvais usage des meilleures choses. Le fer peut servir à construire des machines outil mais aussi des armes ; les explosifs permettent d’exploiter les carrières, mais aussi de faire la guerre et de commettre des attentats ; les médias modernes sont une invention phénoménale pour se procurer des informations et progresser dans la connaissance, mais ils véhiculent aussi l’immoralité dans tous les domaines.

Il en va, malheureusement, de même avec la connaissance : elle peut être bien utilisée ou mal. A Corinthe, Paul a décelé chez certains de la hauteur, un mépris pour ceux qui en savaient moins, de l’orgueil, bref un manque d’amour. Aussi met-il en garde : « Si j’ai […] la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, […] mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 2)

Si, avec « la connaissance » que Dieu m’a accordée, je ne recherche pas l’intérêt et le bien de l’autre – car c’est cela « l’amour » – ma connaissance demeure stérile, ne sert à rien, « je ne suis rien ».

Déjà, le fait de m’insérer avec amour dans la communion des frères et sœurs dans la foi, m’amènera à être humble. J’en sais plus que « lorsque j’étais enfant » (v. 11) ? J’ai grandi dans la connaissance depuis ma confirmation ? Mais n’est-ce pas normal ? Il n’y a pas à s’en enorgueillir. Au contraire, même avec ma plus grande connaissance d’adulte, je dois reconnaître que je ne « connais » que « partiellement » (v. 9). Paul dit : « Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face ; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j’ai été connu. » (v. 12)

Ce n’est que dans l’autre monde que nous verrons Dieu « face à face » et les réalités célestes telles qu’elles sont.

Alors, ne nous gonflons pas d’orgueil à cause du peu que nous saisissons maintenant. Sachons cependant que ce que Dieu nous donne de connaître est amplement suffisant pour permettre au Saint-Esprit de nous amener et de nous maintenir dans la foi en Jésus-Christ et en son salut.

Cette « connaissance » de l’Evangile sauveur, sachons l’utiliser avec amour pour le bien des autres, pour la santé du Corps de Christ et pas seulement pour nous personnellement. Sinon « je ne suis rien », dit Paul.

2

L’amour chrétien et la foi

Au premier abord, il est surprenant de lire sous la plume de Paul : « Si j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 2) N’est-ce pas lui, l’apôtre Paul, qui insiste plus que tout autre dans ses épîtres que « l’homme est déclaré juste, » pardonné et sauvé par Dieu « par la foi », en faisant confiance à l’expiation de Jésus, et ceci « indépendamment des œuvres de la loi, » que nous pourrions accomplir (Rm 3.28), de la Loi dont, comme il l’écrit lui-même, « l’amour est » pourtant « l’accomplissement » ? (Rm 13.10) Il y insiste particulièrement dans ses épîtres aux Romains, aux Galates et aux Ephésiens.

Et maintenant, « je ne suis rien si j’ai la foi sans l’amour » ? Aimer Dieu et mon prochain, cela me sert-il finalement à quelque chose ou non ?

Les deux, mon cher ! Tout dépend de quoi nous parlons. Si je veux savoir comment être sauvé de la damnation éternelle, l’amour ne m’est d’aucun secours. Jésus seul peut me sauver, pas mon amour, aussi grand soit-il, car mon amour ne sera jamais assez grand pour que je puisse mériter le salut. Je ne peux échapper à la damnation qu’en me confiant avec foi dans les mérites du Christ.

Jacques écrit : « la foi, si elle ne produit pas d’œuvres, est morte » (Jc 2.17+20+26) Comment le salut obtenu par pure grâce par Jésus pourrait-il nous laisser insensibles, ne pas nous faire aimer Dieu en retour et ne pas nous pousser à vouloir faire sa volonté en aimant les autres comme il nous a aimés et comme il les aime eux aussi ?

Quelqu’un qui n’aime pas les autres peut-il être habité par la foi en Jésus-Christ ? Il connaît peut-être Jésus tel qu’il est présenté dans la Bible, mais il ne s’en remet pas à lui, il n’est pas animé par la foi en Jésus-Christ, sa foi n’est que du semblant, « il n’est rien », car sa « foi est morte ».

La foi en Jésus-Christ ne se vit pas renfermé sur soi-même, mais dans l’amour du prochain, comme nous-mêmes vivons de l’amour sauveur que Jésus nous porte.

Paul rejoint entièrement Jacques. D’ailleurs, comment cela pourrait-il être autrement vu qu’ils sont tous les deux inspirés par le même Esprit Saint ?

3

L’amour chrétien et l’espérance

Un des fruits de notre foi en Jésus-Christ, c’est « l’espérance qui nous est réservée dans les cieux » (Col 1.5), « l’espérance de la vie éternelle » (Tt 1.2). De même qu’une foi sans amour est morte, la foi sans espérance est inconcevable, en tout cas ce ne peut être la foi en Jésus-Christ, ne dit-il pas lui-même : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » ? (Jn 3.36)

Il n’est donc pas étonnant de trouver ces trois réalités énumérées ensemble quand Paul écrit : « Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour. » (v. 11)

Il les énumère ensemble parce qu’elles sont inséparables : là où il y a une d’entre elles, il y a les deux autres. Vous ne pouvez pas croire en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour nous, sans éprouver de l’amour pour lui et pour tous ceux qu’il a rachetés comme vous.

Et si vous placez votre existence avec foi entre ses mains de divin Ressuscité, ce n’est pas que pour cette vie, mais pour ressusciter avec lui. Ne nous a-t-il pas dit : « Je vis, et vous vivrez aussi ! » (Jn 14.19) Alors « nous verrons face à face » notre Seigneur en gloire, alors « nous connaîtrons complètement » les réalités célestes que nous ne pouvons qu’entrevoir pour l’instant (v. 12)

L’amour et l’espérance de la vie éternelle sont donc deux fruits à la fois naturels et inséparables de la foi en Jésus-Christ.

« Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour. »

4

L’amour chrétien et les dons

C’est à ce niveau qu’il y avait problème au sein de la communauté chrétienne de la ville grecque de Corinthe.

Au début de l’histoire de l’Eglise chrétienne, pour appuyer son démarrage dans le monde païen, pour épauler les premiers chrétiens dans leur effort missionnaire, pour les affermir dans leur foi au milieu d’un monde qui les rejetait, Dieu avait donné à certains des siens, des charismes, des « dons » particuliers.

Il y avait le parler en langues, le don de prédire l’avenir, même celui de guérir. Le problème, c’est que cela leur est monté à la tête. Ces personnes, au lieu de rester humbles et reconnaissantes devant tant de bonté à leur égard de la part de Dieu, se sentaient supérieurs ; ils exerçaient ces dons reçus de Dieu par orgueil et non par amour, pour en retirer gloire, non pas pour rendre un service d’amour.

Aussi Paul doit-il mettre le holà : « Si je parle les langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si j’ai le don de prophétie, la compréhension de tous les mystères, […] mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. » (v. 1-2)

Aujourd’hui, Dieu nous accorde ses dons différemment : « les langues des hommes », nous avons la chance de pouvoir les apprendre à l’école : Y discernons-nous un don de Dieu qu’il faut s’approprier pour pouvoir servir les autres avec amour ?

« La compréhension des mystères », nous pouvons la développer en étudiant le Nouveau Testament. N’oublions pas que les premiers chrétiens ne l’avaient pas encore à leur disposition. Cette « compréhension » que le Seigneur nous a permis d’acquérir et de développer au contact du Nouveau Testament, nous en servons-nous avec « amour » pour en faire bénéficier les autres ?

« Le don de prophétie », ce don d’exposer et de transmettre la Parole de Dieu, c’est le don de rendre témoignage de notre Dieu Sauveur. Sans doute l’avons-nous à des degrés différents. Mais pries-tu pour que Dieu t’aide à le développer pour que tu puisses, avec « amour », parler aux autres de leur Sauveur ?

Voyez-vous, si je garde tout cela pour moi, si je ne gère pas mes dons avec « amour » dans l’intérêt et pour en faire bénéficier les autres, « je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit », je suis creux, je n’ai pas de consistance, ma foi est morte, elle est en tout cas en fort mauvais état.

C’est l’amour qui donne sa valeur à nos dons. C’est quand nous les exerçons avec amour pour le bien des autres que nous « sonnons » juste.

5

L’amour chrétien et la vie chrétienne

Que dire de plus que ce qu’écrit Paul ? Dans tous les domaines dont nous venons de parler, quand nous vivons notre foi en Jésus-Christ, quand nous mettons nos connaissances en pratique et exerçons nos talents, notre amour doit ressembler à ce qui suit :

« L’amour est patient, il est plein de bonté,

l’amour n’est pas envieux ;

l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil,

il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt,

il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal,

il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ;

il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. » (v. 4-7)

Que dire de plus si le culte ne doit pas s’éterniser ? Par contre, c’est un beau texte pour une étude biblique, un texte tout à fait approprié pour y pénétrer dans un échange fraternel.

Nous serons sans doute d’accord sur un point : ce texte nous fait honte. Qui peut dire que son amour ressemble en tout point et de façon parfaite à cette description ? Sans doute est-ce là aussi une explication de cette conclusion de l’apôtre : « Maintenant donc ces trois choses restent : la foi, l’espérance, l’amour ; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. »

L’amour est une chose si grande que nous ne l’atteindrons dans sa perfection que dans la gloire céleste. Ici-bas, nous nous efforçons de poursuivre l’idéal décrit par Paul, mais cette description de l’amour est hors d’atteinte pour nous.

Par contre, cela s’applique parfaitement à Jésus, le Fils de Dieu devenu homme. En vivant avec amour selon ce texte, il nous a montré ce que signifie : « Dieu est amour » (1 Jn 4.8) Mais il nous a aussi montré combien nous étions éloignés de cet idéal divin, combien nous avions besoin qu’il vienne faire à notre place ce que nous n’arrivons pas à faire, qu’à notre place il satisfasse les exigences de Dieu à notre égard.

Que son amour altruiste, son amour parfait, son amour sauveur réchauffe notre cœur et transfigure notre vie et notre existence pour que son nom soit glorifié et que son règne vienne !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

Il faut, grand Dieu, que de mon coeur LlS 232 : 1-3

Je veux t’aimer, Seigneur, je t’aime, LlS 263 : 1-5

En vain je parlerais le langage des anges LlS 270 : 1-4*

Sermon du dimanche 7 février 2010

DIMANCHE SEXAGESIME

Texte : Lc 5.1-11

Chants proposés :

Daigne en cette heure, ô tendre Père, LlS 1 : 1-3

Ta Parole, Seigneur, est ma force et ma vie LlS 151 : 1-5

Source de lumière et de vie LlS 331 : 5-10

1 « Un jour, Jésus se trouvait au bord du lac de Génésareth et la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu.

2 Il vit au bord du lac deux barques ; les pêcheurs en étaient descendus pour laver leurs filets.

3 Il monta dans l'une de ces barques, qui appartenait à Simon, et il le pria de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit, et de la barque il enseignait la foule.

4 Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : "Avance là où l'eau est profonde et jetez vos filets pour pêcher."

5 Simon lui répondit : "Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais sur ta parole, je jetterai les filets."

6 Ils les jetèrent et prirent une grande quantité de poissons, et leurs filets se déchiraient.

7 Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de venir les aider. Ils vinrent et remplirent les deux barques, au point qu'elles s'enfonçaient.

8 Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : "Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur."

9 En effet, lui et tous ceux qui étaient avec lui étaient remplis de frayeur à cause de la pêche qu'ils avaient faite.

10 Il en allait de même pour Jacques et Jean, les fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : "N'aie pas peur, désormais tu seras pêcheur d'hommes."

11 Alors ils ramenèrent les barques à terre, laissèrent tout et le suivirent. »


Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, qui exercez une profession,

En quoi, nous, les chrétiens, nous distinguons-nous des non croyants ? Est-ce par un comportement brillant par sa perfection ? Certainement pas, car aucun de nous n’a la fatuité et la prétention d’être parfait.

Ou parce que nous ne nous laissons pas entraîner dans les mêmes péchés grossiers que les incroyants ? Dans ce cas il faudrait ranger toutes les personnes droites et honnêtes, qu’elles croient en Jésus-Christ ou non, parmi les chrétiens. Dans ce cas des athées à la vie exemplaire – comme le grand philologue Littré, ennemi déclaré de la foi chrétienne – devraient être considérés comme chrétien, parce qu’ils mènent une vie extérieurement rigoureusement irréprochable, une vie socialement irréprochable.

Non, ce qui nous distingue, nous les croyants, des incroyants, c’est la conversion à Jésus-Christ, ce changement en profondeur de notre être, la nouvelle naissance à la vie spirituelle, à la foi en Jésus-Christ, en sa grâce et en son salut.

La distinction entre croyants et incroyants est interne, non pas externe. Aussi ne devons-nous pas tirer des conclusions trop hâtives à propos des gens.

Nous pouvons constater que quelqu’un vit dans l’impénitence s’il persévère dans un comportement contraire à la volonté de Dieu, qu’il ne demande pas le pardon du Christ, ne mène donc pas une vie de foi en son Sauveur. Il y a certaines choses qu’un chrétien ne fait pas, ou s’il y dérape, il s’en repent et repart d’un bon pied avec la force que lui donne le pardon du Christ.

Mais une vie irréprochable et exemplaire ne nous permet pas encore de conclure que dans son cœur quelqu’un place sa foi en Jésus-Christ et que sa v ie exemplaire est le fruit d’une telle foi.

La différence entre croyants et incroyants est interne, est une différence d’état d’esprit.

Ceci s’applique aussi à la différence d’attitude face au travail chez le croyant et l’incroyant. Et cette différence d’état d’esprit se manifeste aussi dans le monde du travail.

Voyons donc, aujourd’hui

COMMENT ET POURQUOI

LE CROYANT TRAVAILLE-T-IL ?

Pierre et ses collègues pêcheurs – les deux fils de Zébédée Jacques et Jean – avaient passé la nuit à pêcher sur le lac de Génésareth, en vain. A l’aube, ils sont rentrés bredouille.

C’est la vie, diraient certains. Ils ne se découragent pas pour autant au premier raté, à la première désillusion. Ils ne plaquent pas leur boulot aussi astreignant que décevant, du moins ce jour-là. Ils descendent à terre et se remettent au travail : ils remettent leurs filets en état pour pouvoir resservir la nuit suivante. (v. 2)

C’est une première leçons que ce trio de futurs apôtres nous donne : Aussi dur que puisse être notre travail, aussi décourageant qu’il puisse être certains jours, cela ne doit pas nous décourager, nous déprimer. A moins d’avoir une raison valable pour changer de travail, il faut persévérer, comme nos trois pêcheurs galiléens.

Mais ce n’est pas encore cela qui distingue le croyant de l’incroyant. Bien entendu, nous devons être zélés, patients et persévérants quand les conditions de travail deviennent pénibles, mais les incroyants peuvent l’être tout autant. Ce n’est pas en cela que nous nous distinguons nécessairement des incroyants.

D’ailleurs, cœur sur la main : le sommes-nous toujours, zélés, patients et persévérants au travail ? Faisons-nous toujours honneur à notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ qui, lui, est resté zélé, patient et persévérant dans sa mission de Sauveur, tout en portant le poids de nos péchés, et ceci au milieu du rejet et du mépris de son peuple, même au milieu des tortures et de sa mise à mort injustes ?

Heureusement qu’il a aussi expié nos moments de relâchement et de paresse au travail, nos moments d’impatience et de manque de persévérance.

& & &

Un premier indice de la différence du rapport au travail pour un croyant et un incroyant, c’est Pierre qui nous le procure.

Mais est-ce vraiment un bon exemple ? Voilà Pierre qui arrête de préparer ses filets pour le lendemain, voilà qu’il se met à suivre ce prédicateur errant de Nazareth pour l’écouter prêcher, même pour lui donner un coup de main, pour lui faciliter la tâche !

A un moment donné, il abandonne son temps et sa barque à Jésus ; il l’emmène, dans sa barque, en face du rivage, face à la foule (v. 3). N’est-ce pas irresponsable comme attitude de la part de Pierre ?

C’est qu’il a reconnu en Jésus et l’a accepté avec foi comme son Seigneur et Sauveur.

Pierre place l’écoute de la Parole de Dieu avant son métier de pêcheur. Pierre connaît cette parole de l’Ecclésiaste : « Il y a un moment pour tout et un temps pour toute activité sous le ciel. » (Ec 3.1) Un temps pour travailler et un temps pour écouter et méditer la Parole de Dieu.

Le tout est de trouver le temps pour chacune de ces occupations, ainsi que l’ordre de priorité de ces occupations selon le temps.

Un croyant connaît cet ordre de priorités. Certes, il est zélé au travail, persévérant dans l’effort, mais il sait que le travail n’est pas un but en soi, n’est pas le but de la vie. Notre vocation terrestre doit céder la première place à notre vocation céleste. Cela est infiniment plus important que notre profession, que notre travail.

Dans son Sermon sur la Montagne, Jésus nous dit : « Recherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu ! » (Mt 6.33) Il ne dit pas : « Ne faites que rechercher le Royaume de Dieu et ne travaillez jamais. » Certainement pas ! Mais : « Recherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu ! » Il y a un ordre de priorité, dans votre intérêt.

Rappelez-vous aussi ce que Jésus a dit à Marthe qui reprochait à sa sœur, Marie, de ne pas l’aider dans la maison mais d’être assise à écouter Jésus : « Marthe, Marthe ! tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses, mais une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, elle ne lui sera pas enlevée. » (Lc 10.41-42)

Le travail est important, oh ! que oui, mais quand c’est l’heure du culte – que ce soit le culte quotidien en famille ou celui de la paroisse – ou quand c’est le temps de l’étude biblique en paroisse ou du catéchisme, on sait où est « la bonne part » et on ne la rate pas sans nécessité.

Le travail nous prend l’essentiel de notre temps en semaine – et c’est normal – mais n’oublions pas de nous réserver chaque jour un moment pour nous placer sous la lumière de Dieu en lisant et méditant sa Parole et en faisant monter vers lui nos prières.

Puis vient le moment fort de la semaine : le culte que nous rendons ensemble à notre Dieu Sauveur, assemblés autour de sa Parole et des sacrements. Tout cela, c’est ce que Jésus appelle « le nécessaire », placé bien au-dessus du travail.

Le travail n’est qu’une occupation secondaire, certes une occupation dont Dieu nous a chargé depuis le Jardin d’Eden, mais le travail n’est pas un but en soi ; il est un moyen pour gérer la création et pour avoir de quoi subvenir à nos besoins et venir en aide aux nécessiteux.

Le chrétien travaille avec un cœur dirigé vers les réalités célestes, vers son véritable Patron au ciel, un Patron à l’écoute duquel il se met quand celui-ci fait entendre sa Parole. Le chrétien travaille habité par la Parole de son Dieu Sauveur et porté par ses promesses et ses encouragements.

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En Pierre nous découvrons encore un autre trait caractéristique du chrétien au travail, l’humilité.

« Quand il vit [la quantité impressionnante de poissons qu’il a finalement pêché], Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : "Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur." » (v. 8)

Nous connaissons tous le terme de « self made man ». Par là on désigne quelqu’un qui a réussi à force de travail et d’ingéniosité. Admettons que tout s’est passé honnêtement, un examen minutieux de son parcours montrera sans doute qu’il a bénéficié de circonstances favorables, qu’il est venu au bon moment (combien ont échoué, non pas parce que leur idée était mauvaise, mais parce qu’ils l’ont eue au mauvais moment).

Pierre aurait pu dire : J’avais du nez. En fait non : la pêche miraculeuse était due à un concours de circonstances, un concours de circonstances qui s’appelle Jésus-Christ.

Pierre se rend compte : j’ai assisté à un miracle ; je vis quelque chose qui m’échappe ; ma prise est contraire à toute mon expérience et mon savoir de pêcheur. Il est assez honnête pour ne pas se vanter, pour ne pas s’attribuer la réussite de cette pêche extraordinaire. Il ne le met pas au compte de son adresse et de son savoir (en cherchant bien, il aurait sans doute trouvé un semblant de mérite), mais non il la met au compte de la main toute-puissante de Dieu.

Nous devrions tous avoir cette attitude au travail ; nous devrions tous rester humbles, même quand nous réussissons brillamment. Sans doute nous sommes-nous démené au travail, j’espère que nous avons été assidus, zélés et honnêtes, mais …

Qu’est-ce qui fait que tu as un travail et d’autres non ? Qu’est-ce qui fait que dans notre pays notre travail nous procure le niveau de vie qui est le nôtre et que dans d’autres c’est la misère bien qu’on se défonce au travail ? Ou qu’est-ce qui fait que toi tu réussisses mieux que d’autres ?

C’est le fruit de la bénédiction incompréhensible de Dieu. Dieu nous a placés dans cette situation. Cela devrait nous rendre aussi humbles qu’éminemment reconnaissants.

Voici des indications qu’on peut retirer de ce récit quant à notre attitude de chrétiens au travail.

& & &

Voyons encore brièvement ce qui nous pousse à travailler, la cause de notre travail.

Quand Jésus ordonne à Simon Pierre et à ses compagnons d’aller au large, « là où l’eau est profonde », et d’y « jeter leurs filets pour pêcher » (v. 4), Pierre lui répond : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais sur ta parole, je jetterai les filets » (v. 5)

« Sur ta parole, je jetterai les filets » : voilà la cause première qui nous pousse à travailler !

C’est Dieu qui en a disposé ainsi. C’est Dieu qui l’ordonne.

Certes, tu ne l’entendras jamais dire : « Valdo, cette nuit, tu vas cuire le pain de telle manière ! » « René, aujourd’hui, arrivé au bureau, tu feras ceci ou cela ! » « Marjolaine – ou Alice – ou Martine, voilà les soins que vous apporterez à vos patients demain matin. »

Même à moi, pasteur, il ne me donne pas mon emploi du temps… Pourtant, il m’a adressé un appel dans le ministère parmi vous, il m’a appelé à travailler dans sa « boîte » !

Certes, nous savons que nous devons nous comporter en enfants de Dieu au travail. Pour ce qui et du travail des pasteurs et de l’église, il donne quelques indications supplémentaires, mais vous comme moi, moi comme vous, nous travaillons parce que Dieu nous met au travail.

Le travail est une disposition de Dieu. Cela est évident depuis le récit de la création. Et combien de fois ne trouvons-nous pas des passages bibliques du genre : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! » ? (2 Th 3.10)

Le travail est un devoir sacré. En nous y consacrant nous répondons à un ordre de Dieu, nous rendons même service à Dieu en faisant sa volonté, et nous rendons service à nos prochains, que ce soit ceux de notre famille ou, par taxes et impôts interposés, à la société entière, et, par nos cotisations paroissiales, à l’avancement du Règne de Dieu dans nos cœurs et sur toute la terre.

Que le Seigneur nous aide à lui faire honneur au travail, et à travailler dans la conscience que c’est sa volonté et qu’il nous accompagne de sa bénédiction !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

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