lundi 25 août 2008

Sermon du dimanche 24 aout 2008 - Jour de l'apôtre Barthélemy

Texte : Lc 22.24-30

24 « Il s'éleva aussi parmi eux une contestation : lequel d'entre eux devait-il être considéré comme le plus grand ?
25 Il leur dit : "Les rois des nations les dominent en seigneurs et ceux qui exercent l'autorité sur elles se font appeler bienfaiteurs.
26 Chez vous, rien de semblable. Au contraire, que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune, et celui qui dirige comme celui qui sert.
27 En effet, qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert ? N'est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert.
28 Vous, vous êtes ceux qui ont persévéré avec moi dans mes épreuves ;
29 c'est pourquoi je dispose du Royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur,
30 afin que vous mangiez et buviez à ma table, dans mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël." »

Jn 1.43 « Le lendemain, il voulut se rendre en Galilée, et il trouve Philippe. Jésus lui dit :
"Suis-moi."
44 Philippe était de Bethsaïda, la ville d'André et de Pierre.
45 Philippe trouve Nathanaël et lui dit :
"Celui au sujet duquel ont écrit Moïse, dans la Loi, et les prophètes, nous l'avons trouvé : c'est Jésus de Nazareth, fils de Joseph. "
46 Nathanaël lui dit :
"Quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth ?"
Philippe lui dit : "Viens voir."
47 Jésus vit Nathanaël venir à lui, et il dit de lui :
"Voici un véritable Israélite, en qui il n'y a pas de ruse." »
48 Nathanaël lui dit : "D'où me connais-tu ?"
Jésus lui répondit : "Avant que Philippe t'appelle, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu."
49 Nathanaël reprit : "Rabbi, c'est toi qui es le Fils de Dieu, c'est toi qui es le roi d'Israël."
50 Jésus lui répondit : "Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier, tu crois ? Tu verras des choses plus grandes encore !"
51 Et il lui dit : "Amen, amen, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme." »

Chers frères et sœurs,
membres – comme nous le confessons dans
le Symbole de Nicée –
de « l’Eglise qui est […] apostolique »,

Nous avons l’habitude de parler de l’Eglise « chrétienne » parce que Jésus-Christ en est « le seul fondement » (1 Co 3.11), et nous, les membres de l’Eglise, nous nous appelons « chrétiens » (Ac 11.26) parce que nous croyons en Christ, notre Sauveur.
Nous avons aussi l’habitude de parler de l’Eglise « évangélique », parce que le Saint-Esprit nous a appelés par l’Evangile à la foi en Jésus-Christ et nous maintient par l’Evangile dans cette foi salutaire. Aussi « l’Evangile, puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1.16), cette Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, est-elle annoncée dans nos cultes, étudiée dans nos cercles, enseignée à l’instruction et dans nos efforts missionnaires.

Mais l’Eglise … « apostolique » ? Je me rappelle, il y a fort longtemps, la première fois que ma fiancée a invité une proche à assister à un culte, ce jour-là on priait le Symbole de Nicée que l’invitée ne connaissait pas. Elle l’a lu à haute voix avec l’assemblée jusqu’au mot « apostolique ». Là, elle a fait un blocage. Elle a cru qu’elle s’était laissée entraîner dans la secte « néo-apostolique ».

Pareillement, d’autres pourraient ne pas comprendre que dans une église évangélique luthérienne qui a dû se séparer de l’église de Rome dans la douleur – entre autre à cause de l’adoration des saints – on ait retenu les jours des apôtres dans le calendrier liturgique. Le fait de célébrer aujourd’hui le « Jour de l’apôtre Barthélemy » ne cacherait-il pas un retour non avoué à « l’adoration des saints » de l’église de Rome ?

Oui, chers amis, l’Eglise évangélique luthérienne a gardé les jours des apôtres, aussi trois fêtes liées à l’histoire biblique de Marie. Seulement, ce n’est pas pour les adorer, mais pour voir comment l’Evangile du Christ a agi sur ces témoins de la foi, comment il a agi à travers eux aussi. Il s’agit de tirer les leçons de leurs expériences spirituelles, d’y trouver aussi du réconfort en voyant comment l’Evangile du Christ les a relevés dans des situations pénibles, parfois après avoir trébuché dans un péché.

Et puis, n’oublions quand même pas que, « poussés par le Saint-Esprit » (2 P 1.21), les apôtres nous ont transmis l’Evangile du Christ que Dieu leur a « inspiré » (2 Tm 3.16). C’est ainsi que Paul peut écrire : « Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre angulaire. » (Ep 2.20)[1]

Nous confessons que « l’Eglise est apostolique » parce qu’elle fonde sa foi sur les écrits inspirés par Dieu aux apôtres. C’est Jésus que nous adorons, pas les apôtres, et c’est son salut que nous annonçons, mais dans des termes que nous ont transmis les apôtres.
Ce sont les fêtes du Christ qui sont les grands moments de l’année chrétienne. Même, les dimanches sont un rappel de sa glorieuse résurrection qu’il partage avec nous.
Les jours des apôtres, si on les observe, ne le sont généralement que s’ils tombent un dimanche. C’est le cas pour l’apôtre Barthélemy cette année. Il y a cinq ans, nous n’en avons pas tenu compte ; la prochaine fois ce sera dans six ans.

Qu’allons-nous apprendre avec

L’APÔTRE BARTHELEMY

1. Est-il un des « grands » parmi les apôtres ?
2. Quant à nous, sommes-nous des « grands » dans le Royaume de Dieu ?
3. Qu’est-ce qui est réellement important pour nous dans le Royaume de Dieu ?

------ 1 ------

L’apôtre Barthélemy
est-il un des « grands » parmi les apôtres ?

Son nom apparaît dans les quatre listes des apôtres que nous fournissent Matthieu, Marc, Luc et le livre des Actes (Mt 10.3 ; Mc 3.18 ; Lc 6.14 ; Ac 1.4). Et c’est tout ! Le nom de Barthélemy n’apparaît plus ailleurs et nous n’avons ni évangile ni épître écrit de sa main.
Alors, cela vaut-il la peine qu’on en parle ? Que peut-on bien dire un jour de l’apôtre Barthélemy ?
C’est que, comme d’autres apôtres, il portait deux noms. Ainsi, Simon a reçu comme second nom du Christ lui-même celui de Pierre (Jn 1.42). Thomas s’appelait encore Didyme (Jn 11.16). Et « Barthélemy » s’appelait encore « Nathanaël ».

Comment en est-on arrivé à identifier Barthélemy à Nathanaël ? C’est que les trois évangiles, dans leurs listes des apôtres, citent tous les trois Barthélemy immédiatement après Philippe. On en conclue qu’il devait y avoir un lien étroit entre ces deux hommes.

Or, dans l’Evangile de Jean, là où Jésus choisit ses disciples, il commence par André et Jean ; puis vient le tour de Pierre. Le lendemain, il appelle Philippe. Celui-ci va trouver Nathanaël et l’amène à Jésus qui aura un entretien très intéressant avec Nathanaël. (Jn 1.43-51)

Barthélemy – alias Nathanaël – était « de Cana en Galilée » (Jn 21.2), la ville où, bientôt, Jésus accomplira son premier miracle : la transformation de l’eau en vin lors d’un repas de noces.
C’était un Israélite qui connaissait sa Bible. Quand Philippe lui dit qu’il avait trouvé le Messie en Jésus de Nazareth, Barthélemy-Nathanaël demanda : « Quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth ? » (Jn 1.46), sous-entendu : aucune prophétie messianique ne mentionne Nazareth.
Mais c’est un homme franc et direct ; Jésus dira de lui qu’il est « un véritable Israélite, en qui il n’y a pas de ruse » (Jn 1.47). Aussi accompagne-t-il Philippe auprès de Jésus pour se rendre compte lui-même qui est ce Jésus. Et l’entretien le convaincra. Il finira par confesser : « "Rabbi, c'est toi qui es le Fils de Dieu, c'est toi qui es le roi d'Israël." Jésus lui répondit : "[…] Tu verras des choses plus grandes encore !" » (Jn 1.49-50)

Le nom de « Nathanaël » étant absent des listes des apôtres, on en conclue que Barthélemy et Nathanaël ne font qu’un.
Il apparaît encore une fois, sous le nom de Nathanaël, à la fin de l’évangile de Jean où il fait partie du groupe de sept apôtres présents lors de la pêche miraculeuse entre la résurrection et l’ascension du Christ.

Comme on ne sait pas grand-chose de lui, on pourrait être tenté de penser qu’il n’était pas très important, qu’il n’était pas un « grand » parmi les apôtres. N’avons-nous pas toujours tendance à classer les gens par leur importance ? Ce travers est aussi vieux que le monde. Il se manifestait même dans le groupe des apôtres.

« Il s'éleva parmi eux une contestation : lequel d'entre eux devait-il être considéré comme le plus grand ? » (v. 24) Incorrigibles apôtres ! Jésus avait déjà dû leur faire la leçon à ce sujet (Lc 9.46-48). Et voilà que ça les reprend juste après avoir reçu la Sainte Cène pour la première fois ! (Lc 22.14-23)
Alors, Barthélemy a-t-il été un « grand » ou un « petit » apôtre ? Si Jésus l’a choisi pour le ministère apostolique, c’est qu’il savait qu’il correspondait au service dont il le chargeait. Ce n’est pas parce que la Bible ne parle pas beaucoup de Barthélemy que le Saint-Esprit n’a pas pu faire de grandes choses à travers son apostolat.

Aux pharisiens, Jésus a dit un jour : « Le règne de Dieu ne vient pas de telle sorte qu’on puisse l’observer, […] en effet, le règne de Dieu est au milieu de vous ! » (Lc 17.20-21)
Le Saint-Esprit agit, à travers la Parole divine, dans le secret des cœurs. Il m’est arrivé de découvrir dans mes paroisses que le témoignage rendu sans battage par des paroissiens sans fonction portait beaucoup de fruit dans les cœurs des autres – et la grande majorité de la paroisse n’en savait rien.

« Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ! » (Lc 6.37). Certes, nous savons que Dieu a fait de grandes choses par un apôtre Pierre, un apôtre Jean ou un apôtre Paul – parce que Dieu a cru bon de nous le faire savoir dans le Nouveau Testament – mais ne tirons pas des conclusions hâtives à partir de l’apparence là où Dieu ne nous a rien dit.
Lors du choix des apôtres, Jésus a promis à Barthélemy alias Nathanaël de « voir de plus grandes choses » que ce qu’il voyait Jésus lui révéler. Etait-ce « de grandes choses » dans l’œuvre missionnaire ?

Les écrits en dehors de la Bible le montrent à l’œuvre en Asie Mineure et en Inde, pour mourir finalement en martyr en Arménie. Mais il y a tant de légendes qui sont venues se greffer sur les faits réels qu’on ne sait plus quand on est en présence d’un mythe et quand de la réalité. Cela n’a d’ailleurs pas d’importance pour nous.

Plus important, pour nous, est de savoir comment répondre à la question

------ 2 ------

Sommes-nous des « grands » dans le Royaume de Dieu ?

Qui n’aime pas être un « grand » ! Tout le monde veut fuir la banalité, personne n’aime être considéré comme quantité négligeable. On veut se réaliser, voire s’imposer.
Il n’y a pas nécessairement quelque chose à redire à cela. Utiliser au mieux les dons et les talents que Dieu nous a confiés, cela va dans le sens de ce que Jésus enseigne dans sa parabole des talents (Lc 19.12-27). Mettre à profit les occasions que Dieu nous donne de progresser, cela va aussi dans le sens de la Parole de Dieu (2 Th 3.10-11). Bien entendu, si cela se fait de façon honnête, avec humilité et reconnaissance envers Dieu pour ces occasions.
Mais ici, il s’agit d’être « grand » dans le Royaume de Dieu. Nous ne parlons pas du monde civil ou politique. Là, nous dit Jésus dans notre texte, « les rois des nations les dominent en seigneurs et ceux qui exercent l'autorité sur elles se font appeler bienfaiteurs. Chez vous, rien de semblable. » (v. 25-26)

La grandeur dans le Royaume de Dieu n’est pas fonction de l’autorité ou de la position plus ou moins élevée qu’on occupe dans l’Eglise. On peut aussi être petit dans une fonction en vue. La première fois que les disciples avaient obligé Jésus de mettre les choses au point en ce domaine, il avait « pris un enfant, [l’avait] placé près de lui et leur [avait] dit : "[…] Celui qui est le plus petit parmi vous tous, c'est celui-là qui est grand." » (Lc 9.47-48)

Et dans notre texte, il est encore plus concret et précis : « Que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune, et celui qui dirige comme celui qui sert. En effet, qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert ? N'est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (v. 26-27)
N’oublions pas : juste avant de leur donner la Cène pour la première fois, Jésus, le Maître de l’Univers, lui qui va bientôt vaincre la mort pour nous, « se lève de table, se défait de ses vêtements et prend un linge qu'il attache comme un tablier. Puis il verse de l'eau dans une cuvette et se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qui lui servait de tablier. » (Jn 13.4-5)
Il n’y a pas de doute : notre Seigneur est « le plus grand », infiniment au-dessus de nous en pouvoir et en honneurs. Et pourtant, personne n’a autant servi autrui que lui, jusqu’à y perdre sa vie et connaître les souffrances de l’enfer pour nous les éviter.

Nous voulons être « grands » dans le Royaume de Dieu ? Alors servons Dieu et nos prochains avec humilité, ou, pour le dire avec l’apôtre Paul, « ayons en nous les dispositions qui sont en Jésus-Christ » (Ph 2.5). Aux yeux de Dieu ce n’est ni l’apparence ni les fonctions qui font qu’on est grand ou petit, mais le cœur, la foi humble et reconnaissante en son Fils, l’amour pour Dieu et pour le prochain.
Evitons les jalousies et l’esprit de compétition entre nous et essayons de servir au mieux notre Seigneur et nos proches là où nous avons été placés dans la vie, sans lorgner vers des honneurs, convoitise qui ne peut que pourrir notre cœur, mais certainement pas avoir d’influence sur Dieu.
En fait,

------ 3 ------

Qu’est-ce qui est réellement important pour nous dans le Royaume de Dieu ?

D’y être, tout simplement ! D’y demeurer, de ne pas en sortir ! De « persévérer » (v. 28) dans la foi en Jésus-Christ malgré les épreuves et les tentations qui peuvent nous accabler.
A ses futurs apôtres, Jésus rend ce témoignage émouvant : « Vous, vous êtes ceux qui ont persévéré avec moi dans mes épreuves. » (v. 28) Cela n’a pas été facile pour eux, face à l’opposition de la classe dirigeante du peuple d’Israël, de rester fidèle à leur Maître. Ils connaîtront d’ailleurs une honteuse défaillance collective dans quelques heures, lorsqu’il sera capturé et crucifié. Mais grâce à Dieu, ils se relèveront de leur chute et rempliront leur apostolat après la première Pentecôte, apostolat dont nous vivons encore aujourd’hui à travers leurs écrits.
Ce qui est important pour nous, c’est de « persévérer » dans la foi en Jésus, de « persévérer » dans une vie de repentance et de foi, de rester accrochés par la foi au Sauveur du monde. Alors nous partagerons aussi sa vie dans son Royaume. Alors, cette parole de notre texte s’adresse à nous aussi : « Je dispose du Royaume en votre faveur ! » (v. 29)

Et ça, n’est-ce pas beau ? N’est-ce pas énorme ? N’est-ce pas prodigieux ? Le Roi des rois et Seigneur des seigneurs arrange son Royaume de manière à ce que nous jouissions pleinement de ses bénédictions, de la communion avec son Roi !

Que nous importe d’être grands ou petits dans le Royaume de Dieu ! L’important, c’est d’y être et de jouir de ses bénédictions dès maintenant, et un jour dans la plénitude pour l’éternité.
Certes, les apôtres auront une place de choix à côté du Christ. Eux, dit Jésus, seront « assis sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël. » (v. 30). D’ailleurs, leurs écrits du Nouveau Testament sont déjà le barème dont dépend le verdict prononcé sur chaque être humain : un pécheur aura-t-il eu foi dans le Sauveur qu’ils annoncent – ou non ? Oui, leur place est vraiment une place à part dans le Royaume de Dieu, aussi la place du presque anonyme Barthélemy alias Nathanaël.

Mais des bénédictions et des honneurs célestes, nous en connaîtrons aussi. Ainsi, nous aussi, nous sommes appelés à être corégents du Christ glorifié. Paul nous demande : « Ne savez-vous pas que ce sont les saints qui jugeront le monde ? » (2 Co 6.2). Et ailleurs, il précise : « Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui. » (2 Tm 2.12)

A quelle place ? Avec quel rang ? Quelle fonction ? Peu importe ! A toutes les places nous connaîtrons la félicité éternelle. A tous les rangs nous porterons la couronne de vie.
Ce qui est important, au milieu de toutes les tentations de ce monde moderne, c’est de prendre à cœur ces deux paroles du Christ qui terminent notre catéchisme :

« Sois fidèle jusqu'à la mort, et je te donnerai la couronne de la vie. » (Ap 2.10)
« Je viens bientôt. Reste attaché à ce que tu as, pour que personne ne prenne ta couronne. » (Ap 3.11)

Amen.
Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

Rendez à Dieu l’honneur suprême LlS 13:1+5-7
Grand Dieu, nous te bénissons LlS 10:1+4-7
Jérusalem, cité sainte et bénie LlS 325:1-4

[1] Version « Segond 21 »

dimanche 17 août 2008

Sermon du 17 Août 2008 - 13ème dimanche après la Trinité



Texte : Ac 6.1-7

1 « En ces jours-là, comme les disciples se multipliaient, les gens de langue grecque se mirent à maugréer contre les gens de langue hébraïque, parce que leurs veuves étaient négligées dans le service quotidien.
2 Les Douze convoquèrent alors la multitude des disciples et dirent :
"Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables.
3 Choisissez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de qui l'on rende un bon témoignage, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cela.
4 Quant à nous, nous nous consacrerons assidûment à la prière et au service de la Parole."
5 Ce discours plut à toute la multitude. Ils choisirent Etienne, homme plein de foi et d'Esprit saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche.
6 Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains.
7 La parole de Dieu se répandait, le nombre des disciples se multipliait rapidement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres obéissait à la foi. »


Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
d’origines linguistiques multiples et diverses,


Eh oui, nous sommes encore dans le même contexte que la semaine passée, celui des différentes langues dans l’Eglise de Jésus-Christ. Ce n’est pas là un phénomène propre à notre paroisse, ni même seulement survenu dans la seconde moitié du 20ème siècle. La première communauté chrétienne de l’histoire – la paroisse de Jérusalem du temps des apôtres – l’a déjà connu, y a même été confrontée et a dû y trouver des solutions.


Il y avait « des gens de langue hébraïque » et « des gens de langue grecque » (v. 1) dans la communauté de Jérusalem. Cela me rappelle mes années de ministère pastoral dans les paroisses alsaciennes dans les années 70 jusqu’au début des années 90. J’y assurais des cultes « en langue » française et des cultes « en langue » allemande. Pourtant, tous les paroissiens étaient français. Cela montre que la devise hexagonale « une nation, une seule langue » n’est pas plus intelligente – car artificielle et réductrice de la réalité – que celle de l’ancien régime : « un roi, une religion ».


Ce serait encore pire, car carrément contraire à l’esprit du Christ et à la Parole de Dieu, que de vouloir forcer une église dans le moule « une église, une langue ». S’il n’y a que des gens d’une seule et même langue, tant mieux, car cela facilite la vie et le travail de l’église – encore qu’il faille soigneusement vérifier si ce n’est pas aussi dû à un sentiment de supériorité linguistique, à la paresse, à un manque d’ouverture missionnaire et au refus d’aller vers les gens qui parlent d’autres langues dans notre pays.


Si, par contre, on parle plus d’une seule langue dans l’église, il faut y voir la volonté de Dieu et y rechercher les bénédictions supplémentaires qu’on peut tirer de cette situation polyglotte, car il y en a sans conteste, des avantages : il suffit de voir comment ceux-là sont limités dans le travail de l’église qui ne parlent que leur seule langue.


Le problème, c’est qu’on ne voit généralement – du moins ceux qui ne parlent qu’une seule langue ne voient généralement – que les inconvénients du bilinguisme, voire de davantage de langues dans une église, ils ne voient que les problèmes que cela peut engendrer, car il y en a aussi. Plus une situation est complexe, plus elle requiert de la sagesse, du travail – et de l’amour du prochain ! – pour la gérer dans l’intérêt de tous.


Je ne vais pas vous parler des problèmes du bilinguisme dans les paroisses alsaciennes ; nous avons assez à faire, aujourd’hui, pour parler du bilinguisme dans la première communauté de Jérusalem, du temps des apôtres. Cela m’amène à citer le roi Salomon : « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Ec 1.9), les problèmes de relations humaines ont tous déjà existé sous d’autres cieux et à d’autres époques. D’où l’intérêt de l’étude de l’histoire, y compris de l’histoire sainte et de l’histoire de l’Eglise.


Justement, à propos d’histoire : Comment se fait-il que dans la première paroisse chrétienne de Jérusalem, en terre d’Israël, il y ait eu « des gens de langue hébraïque » et « des gens de langue grecque » ? Notez qu’il n’est pas dit : des Israélites et des Grecs – comme, entre parenthèse, en Alsace, il ne s’agit pas de Français et d’Allemands : ils sont tous français. C’est qu’à Jérusalem, les chrétiens « de langue grecque » étaient pratiquement tous Israélites.


Rappelez-vous l’histoire de la première Pentecôte. Les apôtres ont dû prêcher en d’autres langues que l’hébreu pour être compris des milliers de pèlerins juifs venus de tout l’Empire romain. Après deux ou trois générations, les Israélites partis s’installer ailleurs dans l’Empire avaient adopté la langue unitaire de toute la partie orientale de l’Empire romain : non pas le latin parlé à Rome, mais le grec.


Certains de ces Juifs étrangers de langue grecque s’étaient même installés à Jérusalem, mais avaient leurs propres synagogues où les cultes étaient célébrés en grec. Ainsi, deux versets après notre texte, nous entendons parler de quelques-unes de ces synagogues d’Israélites étrangers : « la synagogue dite des Affranchis », celle « des Cyrénéens » (en gros, de la Libye et de la Tunisie actuelles), celle « des Alexandrins » (d’Alexandrie en Egypte), celle « des gens de Cilicie et d’Asie » (de la Turquie actuelle) (Ac 6.9).


Beaucoup d’entre eux ont reconnu en Jésus de Nazareth le Messie promis qu’ils attendaient. C’est ainsi que la première communauté chrétienne de l’histoire de l’Eglise s’est trouvée formée d’Israélites palestiniens « de langue hébraïque » et d’Israélites venus d’ailleurs, « de langue grecque ».


A cela s’ajoutaient des « prosélytes » (v. 5), des chrétiens d’origines autres qu’israélite.


Ceci nous amènera à voir aujourd’hui, à l’aide de notre texte que

La diversité
de cultures, de langues
ou de classes sociales
dans l’Eglise


1. tend à provoquer des frictions
2. exige la concertation et des décisions prises ensemble ;
3. demande surtout que le culte et la Parole soient placés au centre de la vie de la paroisse.


X X X 1 X X X


La diversité
de cultures, de langues ou de classes sociales
dans l’Eglise
tend à provoquer des frictions


Nous, les membres de l’Eglise, ne sommes pas des parfaits ; nous savons que, comme tout le monde, nous sommes marqués par le péché, donc que, par nature, nous sommes coupables envers Dieu. Mais nous avons trouvé le salut dans l’expiation que le Christ a fait de nos péchés.


Nous savons autre chose : notre vie de croyants est une lutte constante de repentance et de foi en Christ. Si nous ne prenons garde – ou, pour utiliser les termes de notre Seigneur – si nous ne « restons [pas] vigilants »[1] et ne « prions » pas, le péché aura raison de nous (Mt 26.41).


Nul besoin de rechercher de la malice derrière les péchés qui empoisonnent les relations entre personnes. La complexité des situations se chargera elle-même, dans notre monde pécheur, de créer des problèmes relationnels.
Voyez ce qui s’est passé à Jérusalem. Il a fallu y gérer la situation complexe des deux « langues » dans la paroisse. Et ça n’a pas marché tout seul. C’est le moins qu’on puisse dire. Au contraire, l’assistance sociale – dirions-nous aujourd’hui – ne s’est pas faite de façon équitable, ce qui a fait naître des ressentiments : « les gens de langue grecque se mirent à maugréer contre les gens de langue hébraïque, parce que leurs veuves étaient négligées dans le service quotidien. » (v. 1)
Il n’y avait aucune malice derrière ce dysfonctionnement : les apôtres eux-mêmes s’occupaient de l’assistance sociale. Mais « comme les disciples se multipliaient » (v. 1), les apôtres n’ont pas pu suivre. Ils connaissaient sans doute mieux la situation des pauvres de la toute première époque – les pauvres « de langue hébraïque » – mais, débordés qu’ils étaient, ils ne voyaient pas tous les nouveaux pauvres de la paroisse, ceux « de langue grecque » qui s’étaient rajoutés.


Les pauvres « de langue grecque » – particulièrement « les veuves » qui n’avaient pas de retraite ni de pension de réversion de leur mari décédé et qui faisaient partie des faibles de la société – se sont sentis « négligés ». Ils ont considéré qu’on ne tenait pas autant compte d’eux que des autres, des pauvres « de langue hébraïque » et ils « se sont mis à maugréer », à « murmurer »[2].


L’injustice, même le sentiment d’injustice là où il n’y a pas d’injustice, provoque des tensions, des frictions, voire des révoltes ouvertes. Je me rappelle de ma situation de pasteur de paroisses bilingues assis entre deux chaises, essayant d’exercer mon « ministère de la Parole » de façon équitable pour les deux groupes linguistiques. Ce qui me rassurait quant à ma façon d’exercer le ministère, c’était de constater que dans chacun des deux groupes il y en avait qui pensaient que j’étais du côté de l’autre groupe. Bien entendu, chaque groupe aurait voulu avoir tout dans sa langue, mais l’amour du prochain et la volonté divine de dispenser l’Evangile selon les besoins de chacun exigeaient que je songe aux deux groupes linguistiques.


Ai-je été malheureux dans cet exercice du grand écart ? Non. D’abord, parce que beaucoup étiaent bilingues comme moi. Et parmi les autres, il y avait, certes, de chaque côté quelques rares personnes qui ne comprenaient pas qu’on puisse préférer la culture d’en face – comme si on pouvait choisir sa langue maternelle ! – mais ce que les apôtres ont fait à Jérusalem, nous avons essayé – et toutes les paroisses bilingues en Alsace essayent – de le faire : se concerter et prendre des décisions ensemble.


X X X 2 X X X


La diversité
de cultures, de langues ou de classes sociales
dans l’Eglise
exige la concertation
et des décisions prises ensemble


Les apôtres se sont rendus compte du problème lié à leur pratique de la bienfaisance. Ils se sont rendus compte que leur façon de faire provoquait des tensions et suscitait l’aigreur. Ils se sont rendus compte que, malgré leur meilleure volonté, leur volonté de bien faire, ils n’y parvenaient pas.


Etant apôtres, ils auraient pu dire du haut de leur dignité apostolique : « Voilà, c’est comme ceci que nous avons décidé de procéder dorénavant ; il faudra vous y conformer ! » Pierre non plus, que certains voudraient faire passer – bien à tort – pour le premier « pape », n’édicte pas un ordre de ce genre.


Ils n’étaient qu’« apôtres », – si je puis dire ! – c.à.d. des « envoyés » pour annoncer l’Evangile du Christ mort et ressuscité. Les Actes des Apôtres comme leurs épîtres montrent d’ailleurs qu’ils se sont parfois trompés comme tout le monde, qu’ils n’étaient infaillibles que quand, « poussés par le Saint-Esprit, ils parlaient de la part de Dieu » (2 P 1.21), que quand Dieu leur « inspirait » l’Ecriture Sainte (2 Tm 3.16).


Ils se sont donc comportés « non pas en dominant comme des seigneurs sur ceux qui [leur] ont été confiés, mais en étant des modèles pour le troupeau » (1 P 5.3), des modèles dont nous devons aussi nous inspirer aujourd’hui encore pour résoudre des problèmes au sein de l’église.


L’Eglise est une communauté, la communion des saints. Une paroisse est un ensemble de personnes qui se réunissent de façon responsable autour des moyens de grâce – la Parole et les sacrements – administrés par un pasteur. Si nos fonctions ne sont pas les mêmes (par exemple, tout le monde n’est pas pasteur, tout le monde n’est pas conseiller presbytéral ou diacre), il n’y a cependant pas de hiérarchie entre nous. Les problèmes, on en discute ensemble. C’est pour cela qu’il y a des assemblées paroissiales.


Sans doute, la paroisses nomme-t-elle des responsables à ceci ou à cela – des conseillers presbytéraux, des diacres, des catéchistes ou des moniteurs d’école du dimanche, généralement aussi un organiste –, mais ceux-ci n’agissent qu’au nom de la paroisse ou font des propositions à la paroisse.


C’est ce qu’ont fait les apôtres dans notre texte. Il y avait un problème. Ils n’ont pas laissé pourrir la situation mais ont fait une proposition à la paroisse. « Les Douze convoquèrent la multitude des disciples » (v. 2). « Les Douze » avaient certainement débattu préalablement entre eux de ce qu’ils allaient proposer, puisque c’est collégialement qu’ils font cette proposition : « Choisissez parmi vous, frères, sept hommes de qui l'on rende un bon témoignage, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cela. » (v. 3).


Des « hommes remplis d’Esprit et de sagesse » pour servir à table ? Des « hommes pleins de foi » (v. 5), comme cela est dit de l’un d’eux ? Une telle qualification est-elle bien nécessaire pour assurer l’assistance sociale, pour gérer une espèce de « restaurant du cœur » ?


Certainement. Ils devaient assurer un service dans l’Eglise de Jésus-Christ, et là ne doivent être revêtus d’une fonction, ne doivent se voir confiée une responsabilité que ceux « de qui l’on rend un bon témoignage » (v. 3), pour qu’on ait confiance en eux. Ainsi, si, par malheur, un problème devait survenir dans l’Eglise, on aura confiance dans ceux qui auront à gérer la situation.


A Jérusalem, le conflit était celui qu’on sait. Si nous n’avons pas de conflit dans notre paroisse, remercions-en Dieu, mais ne perdons pas de vue, quand nous nommons quelqu’un à une fonction, qu’il ou elle devra aussi avoir notre confiance si des problèmes surviennent.


La proposition des apôtres était empreinte de bon sens. La communauté la trouva bonne. « Ce discours plut à toute la multitude. » Ils passèrent donc à l’acte. « Ils choisirent Etienne, homme plein de foi et d'Esprit saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche. » (v. 5)


Ce qui semble indiquer qu’il n’y avait pas de réelle ségrégation entre « gens de langue hébraïque » et « gens de langue grecque », mais seulement un gros problème d’organisation, c’est que les deux groupes, ensemble, « choisirent » sept personnes portant toutes des noms grecs. Cela ne veut pas dire qu’ils étaient tous « des gens de langue grecque » – les apôtres André et Philippe portaient aussi des noms grecs et étaient pourtant des pêcheurs hébreux du Lac de Galilée – néanmoins ils devaient être de bons bilingues, car nous voyons, peu après, Etienne « engagé » dans « un débat » avec des membres de synagogues de langue grecque (v. 9).


Après l’élection des sept diacres, ceux-ci furent installés dans leur fonction lors d’une cérémonie publique au culte. Les paroissiens « présentèrent » ceux qu’ils avaient élus « aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. » (v. 2). La paroisse a élu aux postes à pourvoir, les pasteurs – en l’occurrence les apôtres – ont présidé au culte d’installation.


Par là la communauté de Jérusalem confessait que ces hommes ont été nommés dans une charge officielle de l’église, que Dieu les recevait dans cette fonction et les bénissait en vue des tâches à effectuer.
La diversité de cultures, de langues ou de classes sociales dans l’Eglise de Jérusalem a été gérée dans la concertation et par une décision prise en commun par tous. Mais


X X X 3 X X X


La diversité
de cultures, de langues ou de classes sociales
dans l’Eglise
demande surtout
que le culte et la Parole de Dieu
soient placés au centre de la vie paroissiale.


Pratiquement tout ce qui vient d’être dit à propos de concertation et de décision collective peut s’appliquer à n’importe quel groupe d’intérêt, association ou club. Mais l’Eglise est davantage. L’Eglise est Eglise de Jésus-Christ. Et elle vit de la prédication de la grâce du Christ, elle vit de la Loi de Dieu et de l’Evangile de Jésus-Christ, elle vit dans la foi en Christ, foi créée, entretenue et développée par le Saint-Esprit à travers l’Evangile.


Pour qu’il y ait Eglise, il faut que l’Evangile soit annoncé. Et pour qu’il y ait paix dans l’Eglise dans des situations suscitant des tensions, il faut plus que de simples compromis. Cela peut marcher en surface et rétablir un semblant de paix, mais pas la paix du cœur. Rappelez-vous ce reproche que le prophète Jérémie a fait aux faux prophètes, aux prophètes de mensonge : « Ils soignent à la légère la blessure de mon peuple : "Tout ira bien, tout ira bien !", disent-ils, et rien ne va ! » (Jé 6.14) Ils se sont cantonnés à l’apparence, sans se soucier de la réalité au fond des cœurs.


Pour conduire les âmes dans la vérité, il n’y a qu’une solution : annoncer la Parole de celui qui « est le Chemin, la Vérité et la Vie », Jésus-Christ (Jn 14.6) Pour nous conduire dans une repentance et une foi de tous les jours, il n’y a que l’annonce de l’Evangile du Christ. Pour entretenir, développer, consolider ou ramener la paix dans notre paroisse, il n’y a que la Parole du « Prince de paix » (Es 9.5).
Lui nous dit dans sa Parole : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble pas et ne cède pas à la lâcheté ! » (Jn 14.27)


Evidemment, les apôtres savaient cela. Ils s’étaient rendus compte qu’ils ne pouvaient plus consacrer suffisamment de temps au « service de la Parole », pris qu’ils étaient par ailleurs pour « servir aux tables ». Etait-ce aussi une des raisons – le manque d’annonce de « la Parole de la réconciliation » (2 Co 5.19) ? – qui avait favorisé les tensions ?


Cela devait changer, et tout le monde a pris les décisions qu’il fallait. Les diacres ont été nommés pour que les prédicateurs puissent de nouveau être entièrement disponibles pour prêcher et enseigner « la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ » (Mc 1.1), « la Parole de la réconciliation » (2 Co 5.19).


Les Eglises font bien de retenir cette leçon : qu’elles ne chargent pas leurs pasteurs de boulots qui n’ont rien à voir avec l’annonce et l’enseignement de l’Evangile, rien à voir avec l’apport de la nourriture céleste au culte, à l’étude biblique, à l’instruction catéchétique, et en privé (par exemple aux malades, ou aux personnes impliquées dans des querelles…). Les besoins spirituels de l’Eglise sont suffisamment grands, et ceux des incroyants qui gravitent autour de l’Eglise bien plus encore.


Trouvons dans nos paroisses les personnes « remplies d’Esprit et de sagesse » pour s’occuper des tâches d’organisation et d’entretien, de la bienfaisance aussi, pour que les pasteurs puissent pleinement se consacrer à leur tâche. Certes, ils participeront aussi, dans la mesure du possible, aux autres activités de la paroisse, mais il n’est pas besoin qu’ils les dirigent, surtout si c’est au détriment de l’annonce de l’Evangile, unique « puissance de Dieu pour le salut » (Rm 1.16), unique moyen de grâce affermissant les croyants dans la paroisse et attirant de nouvelles âmes à Christ.


Grâce à l’arrangement qui a libéré les apôtres pour leur ministère de prédication, « la Parole de Dieu se répandait, le nombre des disciples se multipliait rapidement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres obéissait à la foi. » (v. 7)

Amen.
Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

O Seigneur, dans mon coeur AeC 221:1-5
Seigneur, fais de nous des ouvriers de paix, AeC 534:1-4
O Jésus, tu nous appelles AeC 530:1-4


[1] Version Segond 21. La NBS a traduit par « veiller ».
[2] « murmurer » : version Segond 21.

mardi 12 août 2008

Sermon du dimanche 10/08/2008 - 12ème Dim. après la Trinité


Je vais vous donner lecture de quelques textes.
Essayez de savoir qui en est l’auteur.


9 Si vous ne produisez pas une parole significative, comment saura-t-on ce qui est dit ? Vous parlerez en l'air !
10 Si nombreux que soient les divers langages du monde, aucun n'est dépourvu de sens ;
11 si donc je ne connais pas le sens d'un langage,
je serai un barbare (un étranger) pour celui qui le parle, et celui qui le parle sera un barbare (un étranger) pour moi.
12 De même, vous aussi, puisque vous aspirez aux manifestations de l'Esprit, cherchez à y exceller, mais pour la construction de l'Eglise. […]
15 Que faire alors ? Je prierai par l'Esprit, mais je prierai aussi de façon intelligible ; je chanterai par l'Esprit, mais je chanterai aussi de façon intelligible.
16 […] Comment celui qui est assis parmi les simples auditeurs répondra-t-il « Amen ! » à ton action de grâces, puisqu'il ne sait pas ce que tu dis ?
17 […] cela n'est pas constructif pour l'autre.
19 […] Dans l'Eglise, je préfère dire cinq paroles avec mon intelligence, pour instruire les autres, plutôt que dix mille paroles en langue (incompréhensible) […].
23 Admettons que l'Eglise entière se rassemble et que tous parlent en langues (incompréhensibles) ; s'il survient de simples auditeurs ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous ?
24 En revanche, si tous parlent en prophètes [c.à.d. annoncent la Parole de Dieu de façon intelligible] et qu'il survienne un non-croyant ou un simple auditeur, il est confondu […] ;
25 les secrets de son coeur deviennent manifestes. Alors, tombant face contre terre,
il adorera Dieu en déclarant : « Dieu est réellement parmi vous ! »
26 Que faire alors, mes frères ? Lorsque vous vous réunissez, […], que tout soit constructif.
27 Si l'on parle en langue (incompréhensible) […], qu'il y ait aussi quelqu'un qui interprète.
28 S'il n'y a pas d'interprète, qu'on se taise dans l'Eglise […]
31 […] pour que tous soient instruits et encouragés.


Vous l’aurez sans doute reconnu : Ce texte est de l’apôtre Paul. Il l’a adressé aux chrétiens de Corinthe.
Texte : 1 Co 14.9-12+15-17+19+23-28+31

Chers frères et sœurs, éclairés et sanctifiés par l’Evangile sans connaître

l’hébreu, langue originale de l’Ancien Testament,
ni le grec, langue originale du Nouveau Testament !
Cela fait deux semaines que je me consacre essentiellement à l’étude comparative des deux versions les plus récentes de la Bible en français :
la « Nouvelle Bible Segond » (NBS) éditée par l’Alliance Biblique Universelle en 2002 et
la « Segond 21 » éditée par la Société Biblique de Genève en 2007.

Comme vous le savez, l’Assemblée Générale Synodale qui s’est tenue dans nos murs au printemps dernier nous a chargés, nous les pasteurs, d’étudier ces deux versions pour en choisir une pour les passages bibliques du catéchisme révisé qui devrait paraître dans un ou deux ans. Dieu voulant, le choix de la version sera fait en novembre prochain.

Je me suis donc dit : Et si, ce dimanche, nous parlions un peu de la Bible et de ses traduction, du rapport entre le texte original hébreu et grec et ses traductions. En d’autres mots :

Avons-nous, dans nos traductions de la Bible – françaises, pour ce qui nous concerne – la Parole « vivante » (1 P 1.23), « puissante » (Hé 1.3), « efficace » (Hé 4.12) et « permanente » (1 P 1.23) de Dieu, ou en subissant des traductions faites par des humains, la Parole divine perd-t-elle ses qualités régénératrices et faudrait-il, pour bénéficier pleinement de l’action du Saint-Esprit, que vous sachiez tous lire la Bible en hébreu et en grec ?
Vous voyez, la question des traductions n’est pas seulement une question de spécialistes, vous aussi, elle vous touche de près :

Avez-vous, dans les traductions, la Parole de Dieu ou seulement un ersatz, un succédané ?
Ce que la Parole de Dieu dit de son efficacité pour vous amener à la foi en Jésus-Christ et vous y maintenir et faire croître pour le salut, cela ne vaut-il que pour la Bible dans les textes originaux hébreux et grecs, dans lesquelles le Saint-Esprit les a inspirés aux prophètes, aux apôtres et aux évangélistes, ou cela est-il aussi valable pour ses traductions ?

Ou pour le dire simplement : Dieu vous parle-t-il efficacement dans nos traductions ? Ces traductions sont-elles un moyen de grâce efficace ? Votre salut est-il possible ou impossible avec les traductions ?

Votre pratique de la Parole de Dieu et la façon dont votre Eglise s’en sert auprès de vous vous donne certainement la réponse. Ce qui vous manque éventuellement, c’est l’argumentation qui est derrière.

Vous donner ces arguments, c’est ce à quoi je vais m’attacher maintenant, car Dieu n’est pas un Dieu du doute mais de la certitude, il ne veut pas que nous avancions dans le brouillard, mais avec un plan de route clair et précis.

------ 1 ------


Commençons par une observation : l’exemple de Jésus. Il prêchait non pas en hébreu, langue de l’Ancien Testament, mais en araméen, la langue du peuple d’Israël à cette époque.
Il y a ensuite l’exemple des apôtres : ils ont écrit et prêché en grec.

Mais peut-être que ces exemples sont mal choisis :
Jésus est Dieu. Quelle que soit la langue dans laquelle il prêche, ce qu’il prêche sera toujours la Parole de Dieu.

Quant aux apôtres, rappelons d’abord le miracle de la première Pentecôte : « Ils se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'énoncer. » (Ac 2.4) Cela montre bien que Dieu veut que l’Evangile soit annoncé dans les langues que les auditeurs peuvent comprendre.
La réaction des auditeurs de Jérusalem montre l’effet qu’a eu cette prédication sur eux : « La multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Etonnés, stupéfaits, ils disaient : "Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d'Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d'Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les oeuvres grandioses de Dieu !" » (Ac 2.6-11)

Nous voyons donc non seulement que Dieu veut que l’Evangile du salut soit annoncé dans les différentes langues des gens – donc aussi en français pour nous –, mais aussi que la Parole annoncée dans d’autres langues que l’hébreu et le grec ne perd pas son efficacité spirituelle, sa puissance régénératrice, puisque à la fin de cette prédication de Pentecôte, « ce jour même, environ 3000 personnes » furent converties à Jésus-Christ. (Ac 2.41)

Quant aux textes grecs (et non plus hébreux) des apôtres et des évangélistes que nous avons dans la Bible, rappelons-nous : « c’est poussés par le Saint-Esprit qu’ils ont parlé de la part de Dieu » en grec (2 P 1.21) et c’est pour cette raison que « toute l’Ecriture » du Nouveau Testament grec « est inspirée par Dieu » (2 Tm 3.16).

Remarquons aussi que, dans ses épîtres, l’apôtre Paul cite des traductions grecques de l’Ancien Testament qui avaient cours parmi les Juifs en dehors de la Palestine, parmi les Juifs qui ne parlaient plus l’araméen mais le grec.
Ce faisant, l’apôtre montre aussi que les traductions ont leur raison d’être, leur justification, et sont aussi Parole de Dieu là où elles rendent fidèlement le texte original.

------ 2 ------


Venons-en maintenant à notre texte de Paul dans sa 1ère Epître aux Corinthiens.
Le sujet qu’il traite n’est pas directement celui des traductions du texte original hébreu et grec dans les langues parlées par les différents peuples. Il traite de ce phénomène particulier, apparu dans l’église primitive, du parler en langues. Certaines personnes se mettaient à parler dans des langues qui n’existaient pas et que personne ne comprenait.

Et là, l’apôtre rappelle quelques principes qui répondent aussi aux questions que nous nous posons à propos des traductions dans d’autres langues.

- 2.1. -

En fait, avec la parole on s’adresse à l’intelligence. Je parle pour me faire comprendre par celui à qui je m’adresse. J’ai un message à lui transmettre, je veux lui apprendre quelque chose, lui faire comprendre quelque chose, je veux « l’instruire » (v. 19) de quelque chose.

Si l’autre dort, ça ne sert à rien que je m’adresse à lui. S’il est dans le coma, pas davantage. Et s’il ne comprend pas ma langue, c’est du pareil au même. Pour que ma Parole soit reçue, il faut que l’autre la comprenne.

C’est pareil pour la Parole de Dieu. Et c’est exactement ce que Paul dit dans ce texte aux Corinthiens.

Il leur rappelle que, dans le culte, ou de façon générale, quand on annonce la Parole de Dieu, il ne s’agit pas de « parler en l’air » (v. 9), par-dessus la tête des gens, dans un langage qu’ils ne comprennent pas.
Dans une autre de ses lettres, – l’Epître aux Romains –, Paul demande : « Comment [les gens] croiraient-ils en celui qu’ils n’ont pas entendu proclamer ? » (Rm 10.14)
Pour que vous puissiez placer votre foi dans l’œuvre expiatoire de Jésus-Christ, il faut que vous ayez saisi et compris de quoi il s’agit ; il faut que cette œuvre vous ait été présentée « de façon intelligible » (v. 15) – dit Paul – de manière à ce que vous compreniez le message que Dieu veut que vous receviez.

Donc aussi dans une langue qui, pour vous, ne soit pas « dépourvue de sens » (v. 10)
Cela vous servirait à quoi si M. Nlomo vous lisait l’Ancien Testament en hébreu, l’Epître et l’Evangile en grec ? Vous n’y comprendriez rien, vous « ne sauriez pas ce qu’il dit » (v. 16), M. Nlomo « serait un étranger pour vous » (v. 11). Peut-être même, dit Paul, « s’il survient de simples auditeurs ou des non-croyants, ils diront que vous êtes fous » (v. 23) d’annoncer l’Evangile dans une langue incompréhensible !

Il est vrai que nous avons déjà reçu des prédicateurs qui nous ont annoncé l’Evangile dans des langues étrangères que la plupart d’entre nous n’avons pas comprises (anglais, allemand, même kazakh !). Mais alors nous avons suivi cette exhortation de l’apôtre Paul dans notre texte : « Y en a-t-il qui parlent en langue (incompréhensible) […], que quelqu’un interprète ! » et « S’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise dans l’Eglise ! » (v. 27-28)
Aussi, nous ne recevons des messages en langue étrangère que quand quelqu’un peut les traduire dans notre langue, le français.

Le but de leur proclamation dans d’autres langues n’est pas de faire un numéro pour nous épater.
Sans doute cela doit-il nous sensibiliser au fait que l’Eglise de Jésus-Christ est formée de croyants « de toute langue » (Ap 5.9), Mais cela doit surtout être l’occasion non pas d’entendre des sons incompréhensibles et « dépourvus de sens » (v. 10), mais d’être accrochés par la Bonne Nouvelle, l’Evangile de Jésus-Christ :

Et pour cela – pour que la Bonne Nouvelle de ce que Jésus nous apporte – remplisse notre cœur, il faut que cela nous soit annoncé dans notre langue.
Voilà pourquoi, même si le Saint-Esprit a inspiré les textes bibliques en hébreu et en grec, il a aussi lié son action sanctifiante aux traductions fidèles de ces textes dans les autres langues.

- 2.2. -

Venons à l’effet que le Saint-Esprit veut produire dans nos cœurs à travers l’annonce de l’Evangile. Cela nous fera aussi comprendre pourquoi il est nécessaire d’avoir de bonnes traductions de la Bible dans notre langue.
Dans la dernière lettre que Paul a écrite avant d’être exécuté, – la Seconde Epître à Timothée –, il rappelle dans quel but, « toute l’Ecriture » sainte a été « inspirée de Dieu » : « pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice. » (2 Tm 3.15-16).
Dans notre texte d’aujourd’hui, Paul résume ce but ainsi : « pour que tous soient instruits et encouragés » (v. 31)

Là encore, il est évident que si le Saint-Esprit doit pouvoir vous encourager quand vous en avez besoin, il faut que vous « sachiez ce qu’il dit » (v. 16).
Or des encouragements, nous en avons besoin dans la vie !

Il y a d’abord les nombreuses situations où vous êtes quelque peu découragés devant l’immensité de la tâche qui vous attend. S’il vous dit alors en hébreu : « al tira ki iteka anoki ! » qu’est-ce que ça va vous encourager ! n’est-ce pas ? Eh bien, non ! Par contre, s’il vous dit la même chose ainsi : « N’aie pas peur, car je suis avec toi ! » (Gn 26.24), ça, ça sera une parole qui vous encouragera : entendre Dieu vous dire qu’il se tient à vos côtés avec sa puissance et son amour sans borne !

Il y a les moments où vous êtes plongés dans la maladie, dans la souffrance, dans la déception, dans l’épreuve. S’il vous dit alors en grec : « πιστὸς θεός ὃς οὐκ ἐάσει ὑμᾶς πειρασθῆναι ὑπὲρ δύνασθε ἀλλὰ ποιήσει σὺν τῷ πειρασμῷ καὶ τὴν ἔκβασιν τοῦ δύνασθαι ὑπενεγκεῖν » je ne pense pas que ça vous encourage beaucoup. Par contre, si la même parole d’Evangile vous est adressée ainsi : « Dieu est digne de confiance : il ne permettra pas que vous soyez mis à l'épreuve au-delà de vos forces ; avec l'épreuve il ménagera aussi une issue, pour que vous puissiez la supporter, » (1 Co 10.13) alors là, je pense qu’il y a une autre force de réconfort et d’encouragement !

------- 3 ------

C’est pour cela, pour que « vous soyez instruits et encouragés » « de façon intelligible » (v. 15), nos pasteurs sont en train de réviser le catéchisme, aussi de trouver la version moderne de la Bible qui poursuit le mieux ce but.

Nous comparons la justesse des traductions par rapport au texte hébreu de l’Ancien et par rapport au texte grec du Nouveau Testament, ceux que le Saint-Esprit a « inspirés » aux prophètes et aux apôtres. Et nous recherchons celle des traductions qui utilise aussi le meilleur français actuel.
Ce n’est pas simple. Ceux qui, parmi vous, connaissent d’autres langues que le français, savent que si on reste trop collé au style de la langue d’origine, la traduction devient du charabia, mais que, parfois, pour rester fidèle au texte d’origine, il faut utiliser des termes qu’il faut expliquer par la suite.

Nous nous livrons donc en ce moment à un travail fastidieux « pour la construction de l’Eglise » (v. 12)
C’est pour cela que « vous avez été construits sur les fondations constituées par les apôtres et prophètes, » – sur les écrits des apôtres et des prophètes – « Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l'angle. » (Ep 2.20)

Si les auteurs sacrés ont été « divinement inspirés » « par le Saint-Esprit » (2 Tm 3.16 ; 2 P 1.21) pour nous transmettre la Parole de Dieu, les traducteurs sont parfois « mal inspirés » dans le choix des mots
pour traduire certains passages, soit qu’ils n’aient pas bien compris une tournure, soit qu’ils aient voulu faire passer leur interprétation particulière dans le texte..

C’est pour cela que nous essayons de faire avec sérieux ce travail d’étude
de la « Nouvelle Bible Segond » de l’Alliance Biblique Universelle
et de la « Segond 21 » (la Bible Segond pour le 21ème siècle) de la Société Biblique de Genève.
Nous recherchons celle qui est la plus fidèle aux textes originaux inspirés par le Saint-Esprit tout en ayant un style facilement compréhensible.
Priez pour qu’il en sorte quelque chose de fidèle et de compréhensible, donc de constructif à la disposition du Saint-Esprit à l’œuvre parmi nous !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :
Ô Jésus, Maître doux et tendre LlS 146:1-7
Ta Parole, Seigneur, est ma force et ma vie LlS 151:1-5
T’aimer, Jésus, te connaître, LlS 147:1-5