lundi 23 mai 2011

Sermon du dimanche Cantate - 22 mai 2011

Dimanche Cantate Texte : Ps 33.1-12

1 Justes, réjouissez-vous en l’Eternel ! La louange convient aux hommes droits.

2 Célébrez l’Eternel avec la harpe, louez-le sur le luth à dix cordes !

3 Chantez-lui un cantique nouveau, faites retentir vos instruments et vos voix,

4 car la Parole de l’Eternel est droite et toute son œuvre s’accomplit avec fidélité !

5 Il aime la justice et le droit ; la bonté de l’Eternel remplit la terre.

6 Le ciel a été fait par la parole de l’Eternel, et toute son armée par le souffle de sa bouche.

7 Il amoncelle les eaux de la mer, il garde les océans dans des réservoirs.

8 Que toute la terre craigne l’Eternel, que tous les habitants du monde tremblent devant lui,

9 Puis il leur dit :

Car il parle, et la chose arrive ; il ordonne, et elle existe.

10 L’Eternel renverse les plans des nations, il anéantit les projets des peuples,

11 Mais les plans de l’Eternel subsistent éternellement, et les projets de son cœur de génération en génération.

12 Heureuse la nation dont l’Eternel est le Dieu, heureux le peuple qu’il choisit comme son héritage ! »

Seigneur,

merci pour le bonheur que nous te devons

d’appartenir à ton peuple, à ton héritage.

Accorde-nous ton Esprit saint

pour qu’il affermisse notre foi et notre joie

de peuple que tu t’es acquis !

Amen.

Chers chanteurs et instrumentistes

du « cantique nouveau » ! (v. 3)

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les cultes chrétiens sont remplis de chants et de musique ? Oh ! certes, si cela ne se peut autrement, Dieu prend tout autant plaisir à un culte sans chants ni musique. Tout simplement parce qu’il est surtout à l’écoute de la musique de notre cœur, de la musique de notre foi et de notre piété.

N’empêche, comme notre Seigneur l’a si bien dit : « C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. » (Lc 6.45) Normalement une communauté chrétienne ne reste pas muette quand elle rencontre son Dieu dans la « merveilleuse lumière » (1 P 2.9) de sa Parole et de ses sacrements. De tout temps la communauté des croyants a fait monter ses louanges vers son Dieu de grâce et de vie. N’oublions pas que les 150 psaumes de l’Ancien Testament étaient psalmodiés – c.à.d. chantés – dans les cultes du peuple d’Israël, et continuent de l’être sous différentes formes à travers le monde entier dans toutes les langues.

Il n’est donc pas surprenant qu’un des dimanches de l’année liturgique porte le nom « Cantate ! » « Chantez ! » – premier mot, d’ailleurs, du Psaume 98 : « Chantez en l’honneur de l’Eternel un cantique nouveau ! » (Ps 98.1)

Qu’est-ce que c’est que ce « cantique nouveau » que nous sommes invités à entonner ? Il en est question ailleurs aussi, dans la Bible, surtout dans les psaumes, dont le nôtre, le Psaume 33, mais aussi dans l’Apocalypse.

Devons-nous continuellement apprendre à chanter de « nouveaux » cantiques ? Non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Sinon, une fois chantés, on aurait jeté les psaumes au panier. Et les recueils de cantiques n’auraient aucune raison d’être s’il fallait continuellement changer de chants.

NOTRE « CANTIQUE » EST « NOUVEAU »

CAR DIEU A FAIT DE NOUS

UN PEUPLE « NOUVEAU », HEUREUX,

QUI VIT

1 de la bonté de Dieu

2 de sa fiabilité,

3 et de sa puissance.

X X X 1 X X X

NOTRE « CANTIQUE » EST « NOUVEAU »

car nous sommes

un peuple « nouveau », heureux,

qui vit de

la bonté de Dieu

Chers amis, notre « cantique » est « nouveau », ce que nous chantons est « nouveau » par rapport à ce qui se chante ailleurs dans le monde, parce qu’il nous est arrivé une chose extraordinaire, « nouvelle », du jamais vu : nous sommes devenus un peuple « nouveau ».

Le psalmiste chante : « Heureuse la nation dont l’Eternel est le Dieu, heureux le peuple qu’il choisit comme son héritage ! » (v. 12)

Il ne parle pas, là, d’un « peuple » ou d’une « nation » représentée à l’ONU. Vous ne trouverez pas trace de ce peuple sur une mappemonde ou un atlas. Il s’agit du « peuple choisi », de « la nation sainte », du « peuple racheté » dont parle Pierre dans sa 1ère Epître (1 P 2.9) ; il s’agit de vous qui placez votre foi dans l’œuvre expiatoire et la victoire pascale de notre Seigneur Jésus-Christ. Et des semblables à nous, des membres de ce « peuple » particulier, il y en a maintenant dans le monde entier, ses citoyens se trouvent dans tous les pays représentés dans les atlas.

C’est notre Vainqueur de Pâques qui nous a placés dans cette situation tout à fait « nouvelle » où nos péchés sont pardonnés, la colère de Dieu envers nous apaisée, le mur de nos péchés qui nous séparait de lui démoli. C’est lui, notre Seigneur Jésus-Christ, qui a fait de nous un peuple « nouveau » « l’Esprit de Dieu » a fait de nous des « enfants de Dieu » (Rm 8.14), des « héritiers de la vie éternelle » (Tt 3.7) !

Le « nouveau », c’est que nous pouvons être assurés que Dieu nous aime, nous bénit, marche à nos côtés – ou nous laisse marcher avec lui, sous sa protection !

Le « nouveau », c’est que même la mort n’a plus réellement d’emprise sur nous, car « rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ » (Rm 8.39) !

C’est d’ailleurs tellement « nouveau », tellement inattendu, que malheureusement, la plupart des gens n’y croient pas. Cela paraît insensé, de la « folie » pure (1 Co 1.18-25), pour tous ceux qui n’ont pas été touchés par « l’Esprit de Dieu » (1 Co 2.10)

Mais nous, que le Saint-Esprit a convertis et convaincus de ce miracle, nous ne pouvons cesser de chanter et de louer la bonté, la grâce et la miséricorde de Dieu qui a transformé notre état de pécheurs condamnés de façon aussi radicale et sublime, de ce Dieu dont « la bonté remplit la terre » (v. 5) des échos de sa Bonne Nouvelle.

Oui, notre « cantique » est « nouveau », car nous sommes un peuple « nouveau », un peuple heureux, qui vit de la bonté de Dieu. Et c’est dans ce nouvel état, avec ce nouvel esprit, que nous faisons monter vers lui nos chants et nos prières.

De tout temps les croyants ont accompagné leurs chants de musique. Dans l’Ancien Testament déjà, de véritables orchestres encadraient les cultes du Temple. Et l’histoire de la musique ne saurait faire l’impasse sur l’histoire de la musique religieuse, car elle plonge ses racines dans la louange de l’Eglise. Je pourrais, ici, citer de grands compositeurs, de grands ensembles, des grands instrumentistes. Ils ont porté la louange à des niveaux musicaux inégalés.

Mais dans nos cultes, ce sont souvent des auteurs et des compositeurs bien plus anonymes qui sont à l’origine des chants que nous chantons, et nos organistes et autres instrumentistes ne figurent pas dans les dictionnaires de la musique, mais ils portent notre louange, ils nous aident à élever nos voix de concert pour louer « la bonté », la grâce et la miséricorde de notre Dieu, de ce Dieu qui a fait de nous, pécheurs – incroyable, mais vrai ! – « une nation sainte » (1 P 2.9), un peuple dont les péchés sont pardonnés, inexistants aux yeux de Dieu grâce à Jésus-Christ.

X X X 2 X X X

NOTRE « CANTIQUE » EST « NOUVEAU »

car nous sommes

un peuple « nouveau », heureux,

qui vit de

la FIABILITE de Dieu

« Il parle, et la chose arrive ; il ordonne, et elle existe. L’Eternel renverse les plans des nations, il anéantit les projets des peuples, Mais les plans de l’Eternel subsistent éternellement, et les projets de son cœur de génération en génération. » (v. 9-11)

Nous savons tous ce que vaut la fiabilité des hommes. Et nous avons parfois honte que nous-mêmes n’ayons pas toujours su répondre aux espérances que les autres plaçaient en nous. La déception est d’autant plus grande que la confiance était forte.

Les promesses des campagnes électorales n’arrivent jamais à être tenues. Ce n’est pas un jugement, c’est une constatation, c’est même une définition : la réalité force les faiseurs de promesses à s’adapter.

Et combien de promesses que nous avions faites, nous n’avons pu les tenir qu’en partie ? Et parfois nous en avons honte, car c’est de notre faute. Combien il est alors libérateur de pouvoir déposer cela devant Dieu dans la confession pour en repartir absout !

Ça, c’est nous avec nos carences, nos déficiences, nos péchés. Mais le peuple nouveau que Jésus a fait de nous, la nation sainte que nous sommes devenus sous l’action du Saint-Esprit à travers l’Evangile, un « peuple choisi par Dieu comme son héritage », nous sommes dans cette situation nouvelle, surprenante, qu’en Dieu nous avons un Chef fiable à 100% !

C’est ce que Martin Luther indique quand, dans son explication du 1er Commandement, il nous encourage à « mettre en Dieu […] notre entière confiance » (Petit Catéchisme). Il précise d’ailleurs que cela, nous ne pouvons le faire qu’avec « Dieu seul ».

Cela aussi c’est quelque chose d’unique et de « nouveau » - car cela n’a jamais existé nulle part et n’existe nulle part ailleurs ! – : avoir quelqu’un en qui nous pouvons avoir « entière confiance ».

Cette chose merveilleuse et « nouvelle », c’est notre situation d’enfants de Dieu, « car la Parole de l’Eternel est droite et toute son œuvre s’accomplit avec fidélité ! » « Il parle, et la chose arrive ; il ordonne, et elle existe. […] Les plans de l’Eternel subsistent éternellement, et les projets de son cœur de génération en génération. » (v. 4+9-11)

Nous avons parfois l’impression que Dieu se déjuge, qu’il nous a promis fidélité dans notre Baptême ou dans sa Parole d’Evangile, puis qu’il nous laisse un peu tomber par moments.

Non, rappelez-vous la promesse qu’il fait ici : « La Parole de l’Eternel est droite et toute son œuvre s’accomplit avec fidélité ! » Il n’a pas non plus rompu sa parole lorsqu’il s’est agi pour Jésus de se sacrifier pour nous, de connaître les souffrances de l’enfer à notre place. Si nous avons une croix au-dessus de l’autel, c’est aussi pour nous rappeler combien Dieu est fidèle et qu’il tient toujours parole, qu’il va jusqu’au bout de ses promesses, quoi que cela lui coûte.

En ce sens aussi nous sommes un peuple « nouveau », différent : nous avons à notre tête un Chef qui ne se trompe pas et ne nous trompe pas ; il ne promet pas sans tenir parole. Sa fiabilité est à toute épreuve. « Il parle, et la chose arrive ; il ordonne, et elle existe. »

S’il s’agissait d’un tyran cruel, ce serait terrible, mais il s’agit d’un Dieu à la « bonté » infinie, comme nous l’avons vu dans la première partie. Se savoir membre d’un peuple avec un tel chef, cela rassure, cela nous détend, cela nous remplit de joie, cela pousse aussi sur nos lèvres des chants de louange. Cela fait de l’Eglise un peuple chantant et jouant. – Est-ce vraiment l’impression que nous donnons toujours ?

Que le Seigneur nous pardonne de parfois l’oublier, de ne pas toujours être en état de chanter ses louanges. Son pardon nous aidera à passer des chants de tristesse – qu’il écoute avec la même attention – aux chants d’action de grâces.

X X X 3 X X X

NOTRE « CANTIQUE » EST « NOUVEAU »

car nous sommes

un peuple « nouveau », heureux,

qui vit de

la PUISSANCE de Dieu

« Le ciel a été fait par la parole de l’Eternel, et toute son armée par le souffle de sa bouche. Il amoncelle les eaux de la mer, il garde les océans dans des réservoirs. Que toute la terre craigne l’Eternel, que tous les habitants du monde tremblent devant lui ! » (v. 6-8)

En quoi ce serait « nouveau », le fait que Dieu a exercé sa puissance dans la création de l’univers ? N’est-ce pas – et là c’est vraiment le cas de le dire – n’est-ce pas « vieux comme le monde » ? N’y a-t-il pas rien de moins nouveau sur terre ?

Vu ainsi, vous avez raison. Et même, cette puissance, cette toute-puissance du Dieu créateur, pourrait nous amener à « trembler devant lui » (v. 8). Que sommes-nous entre de si puissantes mains ? Pas grand-chose. En tout cas, nous sommes impuissants face à Celui qui a créé l’univers et qui l’entretient et le « garde » (v. 7), face à Celui qui nous a créés et de qui notre vie dépend.

Aussi, ceux qui ne le connaissent pas dans son amour révélé en Jésus-Christ parlent de destin aveugle, de fatalité inéluctable, de hasard périlleux, d’aléas incontrôlables. Parfois ils parlent même de Dieu, mais pour s’en prendre à lui, pour se révolter face au cours que prend leur vie.

Qu’ils l’avouent ou non, qu’ils mettent le nom de Dieu sur ce qu’ils craignent ou non, « les habitants du monde tremblent devant lui ».

Tous ? – Non. « La nation dont l’Eternel est le Dieu », « le peuple qu’il choisit comme son héritage », n’a aucune raison de trembler devant lui. Dieu nous déclare « heureux », « heureux » de le connaître tel qu’il est, en Dieu bon et miséricordieux, en Dieu de Parole et fiable, en Dieu qui nous a préparé un « héritage ».

Mais il ne nous laisse pas attendre d’avoir quitté cette vie ici-bas pour nous faire savourer les bienfaits d’être son « peuple ». C’est dans nos existences dès ici-bas qu’il agit avec bonté, fiabilité et puissance dans l’intérêt des siens.

Jésus-Christ nous est le garant que Dieu exerce toujours sa puissance en notre faveur, pour notre bien, même là où nous n’y comprenons rien. Jésus-Christ, auprès de qui nous nous mettons à l’abri dans la foi, nous a réconciliés avec le Dieu puissant et le Saint-Esprit nous a attirés dans la foi au sein de ce peuple qu’il chérit.

Si ce n’est pas là une situation tout à fait « nouvelle » par rapport à notre situation d’origine ! « Vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, vous êtes maintenant le peuple de Dieu ! » (1 P 2.10) : Si ce n’est pas là du « nouveau », quelque chose qui nous fait chanter, je ne sais pas ce qu’il nous faut.

X X X Cantate ! Chantez ! X X X

« Célébrez l’Eternel avec la harpe, louez-le sur le luth à dix cordes ! Chantez-lui un cantique nouveau, faites retentir vos instruments et vos voix ! » (v. 2-3)

Ce que Dieu a fait de nous en nous pardonnant et en nous recevant, par pure grâce, dans son peuple béni, cet état « nouveau », différent par rapport à tout ce qui existe dans le monde, cela fait que nos chants sont « nouveaux », différents par rapport à ce que le monde peut chanter.

Bien sûr, nous pouvons aussi chanter des chants populaires ou des chants en vogue sur les ondes – à condition de veiller à ne pas en chanter qui outragent notre Dieu – mais nous avons en plus « un cantique nouveau » que nous voulons chanter plus que tout autre chant, le chant des « rachetés de l’Eternel » (Ps 107.1-2)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig, pasteur

Chants

Entonnons un nouveau cantique LlS 30 : 1-4

Célébrez Dieu hautement LlS 7 : 1-5

Empresse-toi, mon âme, à bénir LlS 8 : 1-4

Gloire et louange au Dieu secourable LlS 161 : 1-3

Sermon du dimanche Septuagésime

Dimanche Septuagésime - 20 février 2011 (mis en ligne tardivement)

Texte : Lc 17.7-10

Chants proposés :

Gloire à ton nom, ô Dieu de paix, AeC 261 : 1-3

Seigneur, écoute ma prière, AeC 143 : 1-4

Tu me veux à ton service AeC 427 : 1-3

7 « Si l’un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs : "Viens tout de suite te mettre à table !" ?

8 Ne lui dira-t-il pas, au contraire : "Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras." ?

9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné ? Je ne pense pas.

10 Vous, de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dite : "Nous sommes des esclaves sans prétention ; nous avons fait ce que nous devions faire." »

Chers serviteurs du divin Maître,

Quand j’ai lu le texte qui nous est proposé pour la prédication de ce dimanche, j’ai d’abord eu un mouvement de recul, car nos versions traduisent généralement la fin de cet épisode par la sentence : « Nous sommes des esclaves [ou : des serviteurs] inutiles. »

Que dire d’une phrase qui contredit son contexte ? Comment s’en sortir ? Comment trouver une application où on ne se mord pas la queue ?

Il est vrai, il y a des passages bibliques qui nous demeurent obscurs, dont nous n’aurons l’explication que dans l’au-delà. Mais prêcher sur le texte tel que le traduisent la plupart de nos versions, c’est tout simplement contredire tout ce que Dieu dit par ailleurs dans la Bible, y compris ce qui précède et suit cette constatation dans notre texte.

Alors, comment en est-on souvent arrivé à cette traduction insolite ? – Parce qu’en grec il y a deux homonymes – ἀχρεῖος (achreios) – dont l’un signifie : « inutile » ou « non indispensable » ; l’autre par contre signifie : « sans prétentions ».

Posons-nous donc les trois questions :

SOMMES-NOUS

1 des serviteurs inutiles ?

2 des serviteurs non indispensables ?

ou

3 des serviteurs sans prétentions ?

… ce qui n’est pas la même chose.

X X X 1 X X X

Sommes-nous

des serviteurs inutiles ?

Nous avons tous déjà entendu notre verset sous la forme : « Nous sommes des serviteurs inutiles ! » (v. 10). On l’entend parfois répéter, sans avoir sans doute pris le soin de regarder son contexte, sans s’être pris la peine de réfléchir à l’ensemble de notre texte.

On utilise alors ce texte pour se flageller, un peu comme Martin Luther dans sa cellule du couvent des Augustins à Erfurt, avant qu’il ne découvre l’Evangile libérateur du Christ, Evangile qui le libérera et le propulsera dans un « service » qu’on ne voudra quand même pas qualifier d’« inutile » !

Voyons notre texte d’un peu plus près. Nous sommes en présence d’« un esclave qui laboure », qui « garde les troupeaux » et qui « prépare et sert le souper » à son maître. (v. 7-8).

Quiconque a quelques notions en agriculture et en élevage, saura qu’il n’est pas « inutile » de labourer et de s’occuper des troupeaux. D’ailleurs, quel maître dilapiderait sa fortune pour acheter et entretenir des esclaves rien que pour qu’ils fassent des choses superflues, qui ne servent à rien ?

Et quiconque est déjà rentré fatigué et affamé de son travail, saura aussi qu’il n’est pas non plus « inutile » de pouvoir s’asseoir à table et se rassasier pour reprendre des forces.

D’ailleurs, les serviteurs ou esclaves de notre texte indiquent : « Nous avons fait ce que nous devions faire. » (v. 10) Ils ont fait ce dont ils avaient été chargés. Toutes les paraboles – pour ne prendre que les paraboles – montrent que ce qu’y accomplissent les serviteurs a une utilité, même une grande importance. Au point, d’ailleurs, que le serviteur qui n’a pas été utile est puni et chassé, parce qu’il a laissé dormir son talent, parce qu’il aurait dû être utile, mais ne l’a pas été.

Pensez-vous que Dieu nous charge de choses inutiles, pour s’amuser, un peu comme si nous étions son jouet ? Non, l’apôtre Pierre nous dit que Dieu a fait de nous des « pierres vivantes » « afin d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ » (1 P 2.5).

Et Paul nous invite : « Soyez, par amour, serviteurs les uns des autres ! » (Ga 5.13) Certainement pas parce que c’est « inutile » !

Les conjoints qui s’entraident pour mener à bien leur entreprise de vie commune, les parents qui élèvent leurs enfants, les personnes qui effectuent honnêtement leur travail, notre engagement dans l’Eglise et dans la mission, tout cela serait « inutile » ? Bien sûr que non ! Sinon le Seigneur ne nous y enverrait pas

Paul peut parler de son « utilité » (1 Co 14.16) comme de celle des destinataires de ses lettres (Ac 18.27 ; 2 Tm 4.11 ; Phil 11).

Et quand Jésus dit que nous sommes « lumière du monde » et « sel de la terre », il parle bien de notre utilité dans le monde !

Quand Pierre indique : « Vous êtes un peuple choisi, des prêtres royaux, une nation sainte, un peuple racheté afin de proclamer les louanges » du Christ (1 P 2.9) … quand Jésus nous ordonne : « Allez, faites de toutes les nations des disciples ! » (Mt 28.19), nous charge-t-il, là, d’un service « inutile » ?

Non, votre engagement dans la vie de couple, dans la vie de famille, pour le bien de vos parents et amis, dans la vie de l’Eglise ou d’associations caritatives, dans le monde du travail, bref, votre vie de rachetés et de sanctifiés n’est pas « inutile », mais porte du fruit, car elle a l’approbation de votre Père céleste, et elle est bénie par lui.

Demandons-nous alors en second lieu :

X X X 2 X X X

Sommes-nous

des serviteurs non indispensables ?

Ce n’est pas tout à fait la même chose qu’être inutile. Je prends un exemple qui va bientôt vous concerner.

Je pense, j’espère, je suis même sûr, que mon ministère parmi vous n’est pas « inutile », sinon le Seigneur ne m’aurait pas appelé parmi vous et n’aurait pas lié sa bénédiction à l’annonce de son Evangile et à l’administration des sacrements dont il m’a chargé parmi vous.

Et si je pensais que mon ministère était inutile parmi vous, je désespérerais, je déprimerais, je n’aurais pas la force de poursuivre. Rassurez-vous : c’est loin d’être le cas.

Mais dans quelque temps, dans peu d’années maintenant, mon Maître se passera de moi, il me remplacera par un autre pour exercer le ministère fort utile parmi vous. Je suis utile, mais pas indispensable. Dieu peu utiliser quelqu’un d’autre à ma place.

Et cela est vrai de chacun de nous. Dieu nous a placés là où nous sommes. Il nous a « rachetés, afin que nous lui appartenions et que nous vivions dans son Royaume pour le servir » comme « père, mère ou enfant, maître ou serviteur, » (Luther, Petit Catéchisme), chef de service, manœuvre ou artisan, pasteur, diacre, conseiller presbytéral ou paroissien sans titre particulier.

Partout, Dieu nous a placés pour que nous soyons utiles. Mais restons humbles, ne pensons pas que nous puissions exercer une sorte de chantage sur Dieu – comme les employés le font parfois sur les employeurs (le contraire existe aussi, mais ce n’est pas le sujet). Ne pensons pas que Dieu ne puisse se passer de nous. Personne n’est irremplaçable – Jésus-Christ bien sûr excepté dans l’œuvre de notre rachat.

Soyons reconnaissants à Dieu qu’il n’ait pas voulu se passer de nous, qu’il nous ait rachetés, appelés à son service et qu’il nous emploie dans des services utiles que nous pouvons rendre dans la famille, à l’Eglise, au travail, dans la société.

Soyons-lui reconnaissants : il va jusqu’à trouver notre service « agréables par Jésus-Christ » (1 P 2.5) alors que nous sommes bien peu de choses comparés à lui et qu’il pourrait se passer de nous. Eh bien non ! il ne le fait pas.

Il n’est pas non plus comme le maître de notre texte qui « n’a pas de reconnaissance » pour les services que lui rend l’esclave (v. 9). Au contraire, Dieu est un Maître qui nous complimente et qui, dans sa grande bonté, nous dit par exemple : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle […]. Viens partager la joie de ton maître. » (Mt 25.21-23)

Loué soit-il !

Demeure la dernière question : Si Dieu nous trouve utiles, bien que non indispensables,

X X X 3 X X X

Sommes-nous

« des serviteurs sans prétentions » ?

Revenons à notre histoire. Jésus prend les comparaisons dans la société de son époque. Il ne donne pas d’avis sur l’esclavage. Il utilise les relations qui existent dans le système social de ses auditeurs pour leur faire comprendre quelque chose.

Aujourd’hui, il prendrait les exemples dans notre société, alors que, dans deux mille ans, on ne comprendra peut-être pas davantage comment il était possible à notre époque que des dirigeants gagnent jusqu’à 400 fois le smic (jusqu’à 4 millions et demi d’Euros). L’écart n’est-il pas encore plus grand qu’entre le maitre de l’époque et son esclave ?

Il est vrai, il existe une différence essentielle entre l’esclave de l’époque et l’employé d’aujourd’hui : l’esclave appartient au maître. Là encore, nous n’allons pas nous lancer dans un débat pour savoir s’il vaut mieux être un smicard qui a du mal à nourrir sa famille, un SDF qui meurt de faim et de froid dans la rue, ou un esclave qui a de quoi se nourrir, se vêtir et vivre avec sa famille.

Le débat peut être intéressant, mais ce n’est pas là le sujet de notre texte.

Le point de comparaison, c’est que le maître a acheté son esclave. Nous, de notre côté, nous confessons : « Je crois que Jésus, […] m’a racheté, moi, perdu et condamné, en me délivrant […] afin que je lui appartienne et que je vive dans son Royaume pour le servir […]. » (Martin Luther, Petit Catéchisme).

Nous ne nous offusquons pas de ce que Jésus nous ai rachetés pour que nous lui appartenions. S’il ne l’avait pas fait, nous serions restés liés à Satan et à la damnation éternelle.

Appartenir à un maître comme lui, qui nous aime plus que sa vie, qui a souffert la damnation à notre place pour que nous n’ayons pas à la connaître, qui a payé pour que Dieu soit réconcilié avec nous et nous accepte dans sa famille éternelle, cela nous gênerait ? Alors nous n’aurions rien compris.

Non, cela nous remplit de gratitude envers lui, cela nous pousse à le servir pour lui montrer notre gratitude. Nous ne le faisons pas pour gagner ou mériter le pardon et le salut ; nous le faisons parce qu’il nous l’a déjà accordé, ce pardon et ce salut.

Nous ne le servons pas pour lui présenter ensuite une facture, pour lui faire connaître nos revendications, pour lui faire comprendre que nous avons des prétentions.

Que pourrions-nous revendiquer de plus que nous n’ayons déjà reçus ? Paul nous dit : « La grâce de Dieu vous a été accordée en Jésus-Christ. En lui vous avez été comblés de toutes les richesses […]. Ainsi, il ne vous manque aucun don. » (1 Co 14-7)

Non, il ne nous viendrait pas à l’idée de vouloir faire valoir des prétentions pour le service que nous avons la grâce et l’honneur de rendre à notre Sauveur bien-aimé.

D’ailleurs, nous ne pouvons même pas prétendre, comme l’esclave de notre texte, que « nous aurions fait ce que nous devions faire » (v. 10). Un employé peut dire à son chef : « J’ai fait ce que tu m’a demandé de faire. »

Sur le plan spirituel, « ce que nous devions faire » « être parfaits comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5.48) – nous ne le faisons qu’imparfaitement. Nous n’avons donc guère de mérites à faire valoir. C’est notre Maître qui a été parfait à notre place.

En ce sens, notre histoire personnelle est tout à fait différente de celle de l’esclave d’un maître de l’époque. Notre Maître se fait serviteur pour réparer notre service imparfait.

Et grâce à son intervention, notre service – utile, certes, mais néanmoins imparfait – est cependant « agréable à Dieu ».

Restons humbles, certes, mais plein de joie, parce que le service que le Seigneur nous demande est utile dans son Royaume et dans le monde !

Qu’il nous y assiste et nous bénisse dans sa grâce !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

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