mardi 25 mars 2008

Sermon du dimanche 23 mars 2008 - Fête de Pâques

Texte : Jn 20.19 et Mc 4.3-8

Jn 20.19 :
« Le soir de ce jour-là,
qui était le premier de la semaine,
alors que les portes de l'endroit
où se trouvaient les disciples
étaient fermées, par crainte des Juifs,
Jésus vint.
Debout au milieu d'eux,
il leur dit :
"Que la paix soit avec vous !" »
[1]

Mc 4.3-8 :
4:3 « Ecoutez :
Le semeur sortit pour semer.
4:4 Comme il semait,
une partie de la semence tomba le long du chemin :
les oiseaux vinrent et la mangèrent.
4:5 Une autre partie tomba dans un endroit pierreux,
où elle n'avait pas beaucoup de terre :
elle leva aussitôt,
parce que la terre n'était pas profonde;
4:6 mais quand le soleil se leva,
elle fut brûlée
et elle se dessécha, faute de racines.
4:7 Une autre partie tomba parmi les épines :
les épines montèrent et l'étouffèrent,
et elle ne donna pas de fruit.
4:8 D'autres grains tombèrent dans la bonne terre :
montant et croissant,
ils finirent par donner du fruit ;
l'un rapporta trente,
un autre soixante,
un autre cent. »


Chers frères et sœurs
comblés d’une « paix » éternelle
par le Vainqueur de la mort !

Imaginons : Vous êtes décédés, puis le Seigneur vous ressuscite, vous fait revenir parmi les vôtres : que pensez-vous que vous leur diriez en premier en les rencontrant pour la première fois ?
Sans doute qu’ils seraient curieux de savoir à quoi cela ressemble, l’au-delà, l’autre côté de la mort. Serait-ce là la première chose que vous leur diriez ?
Peut-être ne pourriez-vous vous retenir de louer Dieu pour ce miracle… Peut-être que vous leur raconteriez comment cela s’est passé : la mort, l’au-delà, le retour… Que leur diriez-vous en premier ?

Et qu’a dit Jésus en premier, quand il est ressuscité ? Après de brèves apparitions à l’un (plutôt à l’une) ou à l’autre, il est apparu à tous ses « disciples » et « leur a dit : "Que la paix soit avec vous !" »

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La premier mot de Jésus
après sa crucifixion et résurrection,
c’est « la paix » !

Cette salutation, il l’a d’ailleurs répétée tout de suite une seconde fois, une fois que leur ébahissement fit place à une joie débordante : « Que la paix soit avec vous ! » (v. 21).
Quelle parole divine ! Une merveille de parole de bénédiction ! Jésus prononce une parole de « paix ». Et il sait pourquoi : « la paix », c’est ce dont chacun de nous a le plus besoin.
Ce qui frappe, c’est que, comme ses paroles du haut de la croix, ses paroles de Ressuscité ne se préoccupent pas de lui, mais des autres. Contrairement à ce que nous tendons à faire, Jésus ne pense pas d’abord à lui, mais à nous.

« La paix ! » … Dans tout l’Ancien comme dans tout le Nouveau Testament, ce mot contient et résume toutes les bénédictions de Dieu pour les siens. Le mot hébreu « shalom » désigne un état de totale satisfaction et contentement. Le « shalom » divin procure un sentiment de bien-être et une joie profonde qui surmontent et triomphent des côtés négatifs et désagréables de la vie.
Et ce « shalom », cette « paix » est un don gratuit de Dieu, elle n’est pas méritée.

Le mot grec correspondant – eirenh (« eirénè ») – revient, lui aussi, souvent dans le Nouveau Testament, et souvent en relation avec d’autres bénédictions divines, avec d’autres dons de la grâce de Dieu. Cela doit nous montrer combien la puissante et chaleureuse bonté de Dieu nous entoure et nous protège de toute part.

Un théologien américain a ainsi défini « la paix » : « la certitude calme et tranquille que Dieu est avec moi, qu’il va toujours me conduire et m’aimer et qu’il m’encourage à m’en remettre toujours à lui. » (E. Brown ; Living the Liturgy)

« La paix », ce n’est rien moins qu’avoir Dieu, ce qui nous rappelle que celui qui souhaite ici « la paix » n’est personne d’autre qu’« Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu-avec-nous » (Mt 1.23), le « Dieu-pour-nous ».

Comme tel il lance régulièrement dans les troubles et les bouleversements de nos existences : « Que la paix soit avec vous ! »

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La parabole du semeur
montre aussi
que nous avons besoin de « paix »

Le ressuscité sait : « la paix », c’est ce dont nous avons exactement besoin. C’est d’ailleurs aussi ce que toute personne recherche plus ou moins consciemment. Etre certain que Dieu a tout sous son contrôle dans ma vie, que rien ne peut en fin de compte me nuire réellement, cela m’aide à vivre dans une sérénité et une joie qui me rendent la vie précieuse.

Dieu fait des choses incroyables pour nous prouver qu’il est en « paix » avec nous, donc que nous pouvons vivre sans être terrifiés par lui. La manière dont il vient à nous dans la Parole et les sacrements nous apporte « la paix » dans tous les domaines de la vie.
« C’est lui – Christ – qui est notre paix ! » (Ep 2.14). Auprès de lui nous trouvons « la paix qui surpasse toute pensée, » tout ce que nous pourrions imaginer (Ph 4.7)

Voyez comment, durant sa vie visible sur terre, il s’est comporté avec les gens qui ne trouvaient pas « la paix » dans leur vie. Il faisait tout pour qu’ils comprennent : Dieu a fait « la paix » avec vous !

Sa première parabole – et sans doute l’une des plus importantes – commence ainsi : « Le semeur sortit pour semer. » (Mc 4.3) Jésus résume ou caractérise son ministère et celui des siens avec ces mots : « Le semeur sème la Parole » (Mc 4.14). Et le meilleur résumé de cette « Parole », le voici : « Que la paix soit avec vous ! »

Quel merveilleux message ! C’est exactement ce dont nous avons besoin, nous et nos contemporains, car « la paix » fait défaut un peu partout dans le monde.
Cette « paix », nous ne pouvons pas l’établir nous-mêmes. Et sans Dieu il ne saurait y avoir de véritable « paix » pour nous. C’est là le dilemme de l’homme.

Nous ne pouvons pas vivre dans une « paix » sans ombre avec les autres. Nous n’arrivons même pas à être totalement en « paix » avec nous-même. Nos problèmes nous tracassent, nos carences et travers nous donnent du fil à retordre. Le comportement des autres nous trouble ou nous gêne, s’il ne nous met pas carrément mal à l’aise. Il nous arrive d’être blessés ou de nous sentir seuls, d’être découragés ou de ne pas savoir où nous en sommes. Nous cachons nos véritables sentiments. Nous sommes intérieurement tiraillés par des choix parfois douloureux.

Parfois nous sommes inquiets quand nous réfléchissons à ce que Dieu peut bien penser de notre façon de faire. Nous découvrons : nous lui avons désobéi – et nous nous sentons coupables. Nous craignons qu’une chose enfouie au fond de nous – ou que nous avons su cacher aux autres – ne devienne publique. Nous n’aimerions pas que les autres nous voient tels que nous sommes. Si seulement Dieu ne voulait pas s’intéresser à nous de trop près, lui qui sait tout ! … De telles pensées menacent de briser notre « paix ». En fait,

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Celui qui nous insuffle ce genre de pensés,
pour nous priver de la « paix »,
c’est Satan.

Et voici – ô miracle ! – qu’au milieu de notre désarroi, Celui qui vient de se dégager tripomphalement de mort se présente devant nous et nous dit des paroles de « paix » : « Que la paix soit avec vous ! » Quel soulagement ! Comment contenir notre joie !

Mais – ah ! quel malheur ! – Satan, lui aussi se pointe et nous susurre : « "La paix" n’est pas pour toi. Ce n’est pas vrai que Dieu te l’aurait aussi destinée à toi. Tu ne mérites pas cette "paix". Tu ne fais pas partie des gens avec lesquels Dieu fait "la paix". Il faut d’abord que tu t’améliores, et éventuellement qu’alors tu obtiendras un jour "la paix", mais certainement pas maintenant, tel que tu es ! »
C’est comme ceci que « Satan vient enlever la Parole » de paix (Mc 4.15), et par là même « la paix » elle-même des cœurs. C’est ce que Jésus illustre ainsi : « La semence tombée le long du chemin » a été mangée par les oiseaux (v. 4). Et sans la Parole de Dieu, pas de paix !

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Ou, se pourrait-il
que nos racines soient trop superficielles,
pour maintenir la « paix » en nous ?

« Le Semeur » continue de « semer ». Jésus continue de répandre cette « Parole » : « Que la paix soit avec vous ! » Et nous, nous la prenons, sa « paix », sans trop y réfléchir, et la rangeons avec nos autres objets de collection, un de plus, sans plus. « Que la paix soit avec vous ! » nous dit-il.
Toi qui pleures la perte d’un être cher, toi aussi qui vois des espoirs s’évanouir avec le temps, toi qui as du mal à t’adapter aux changements de la vie : « Que la paix soit avec toi ! »

Le souvenir de joies du passé, les fortes impressions laissées par des bonheurs d’autrefois, tout cela nous pousse à accepter « la paix » de Dieu. Nous en avons bigrement besoin. Nous avons tous envie de sérénité et de joie dans cette existence souvent si stressée et harassante.
Malheureusement, trop souvent nous rangeons « la paix » de Dieu parmi les autres joies de la vie, nous ne la traitons pas comme quelque chose d’éminemment plus précieux que tout le reste, et, avec le temps, nous la perdons de vue derrière les autres satisfactions de l’existence.
Il y a tant de choses auxquelles nous devons veiller dans notre vie de tous les jours qu’il est parfois difficile de s’abandonner à « la paix » de Dieu. Notre attention est attirée par tant de choses que nos oreilles deviennent sourdes aux paroles que Jésus nous adresse.

De quoi vient-il encore de parler ? De « paix » ? Comment puis-je trouver « la paix » si je cours après tant de choses dont j’ai besoin ou que je désire ? Et c’est ainsi que « la paix » est « étouffée » telle une petite plante « étouffée » sous les épines (v. 7).

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Aussi nourrissons et soutenons
la « paix » apportée par Jésus !

« Le semeur sortit pour semer. » La Parole de « paix » continue à être annoncée – Dieu, merci ! à nous aussi – et nous voulons l’accueillir et en prendre soin, la consolider dans nos cœurs. Nous avons besoin de « paix » si nous voulons vivre. « Seigneur, aie pitié de nous ! » (Ps 123.3)
Justement, notre Seigneur ressuscité – le flanc, les mains et les pieds percés – nous nous dit : « Que la paix soit avec vous ! » Le divin Ressuscité a le message qu’il faut à nos cœurs assoiffés de paix.

Au cours du Temps de sa Passion, nous avons médité ses souffrances et sa mort expiatoires pour nos péchés. Aujourd’hui, résonnent à nos oreilles les chants que nous faisons monter vers le Vainqueur de la mort et de l’enfer. Nous avons confessé nos péchés et reçu l’absolution. Nous avons entendu les lectures du jour et sommes en train de nous laisser conduire dans notre méditation par la prédication de son triomphe. Bref, la Loi et l’Evangile nous ont préparés à être de « la bonne terre » (v. 8). Nous attendons de recevoir « la semence », sommes ouverts pour « la Parole » et… que recevons-nous ? qu’entendons-nous ? – « Que la paix soit avec vous ! »

Il nous arrive alors de nous demander : « Pourquoi je ne sens rien – ou pas grand-chose – de cette « paix » ? » – Et nous continuons à être en manque de « paix ».

Où est le problème ? Est-ce toujours la situation du temps de Jérémie : « Paix ! paix ! – et il n’y a pas de paix » (Jé 6.14) ? Se pourrait-il que « la parole qui sort de la bouche » de Dieu pourrait quand même « revenir à lui sans effet » ? (Es 55.11) Comment se fait-il que nous soyons encore à la recherche de cette « paix » ? Comment pouvons-nous enfin l’obtenir ?
La réponse, la voici :

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La Parole de Dieu ne cesse de répéter :
nous avons la « paix » !

C’est là l’étonnante nouvelle qui sort de la tombe vide du Christ. Paul l’a formulée ainsi : « Jésus-Christ est notre paix » (Ep 2.14). Il n’annonce pas seulement « la paix », il ne la promet et ne l’apporte pas seulement : « il est notre paix ! »

Quiconque le reçoit est en « paix ». Il n’y a, en fait, pas de « paix » réelle en-dehors de lui. « La paix » n’est pas une marchandise qu’on pourrait se procurer comme ça, toute seule. « La paix », c’est « Jésus ». Ces deux mots – « la paix » et « Jésus » – ont le même sens, sont en fait interchangeables.

« Jésus-Christ est notre paix » car il a réussi à faire taire les accusations que Satan et notre mauvaise conscience portaient contre nous. Satan veut nous faire croire que nous allons partager son sort à cause de nos péchés ? Jésus répond :

« Tu aurais effectivement mérité que tu sois damné à cause de tes péchés, mais je les ai expiés et tu me fais confiance. Sache que rien « ne pourra » maintenant « [te] séparer de l’amour de Dieu en [moi,] Jésus-Christ, [ton] Seigneur » (Rm 8.39). Personne n’a le droit de mettre en doute "la paix" que je t’ai procurée par ma médiation. Sois sans crainte : grâce à moi, tu es "en paix avec Dieu" (Rm 5.1) ! »

Le mot « paix » – « Jésus » – me subjugue, même si mes « racines » (v. 8) ne sont pas aussi profondes qu’elles pourraient l’être.

Pour nous « la Parole » – de « paix » – « est devenue chair » (Jn 1.14) en Jésus-Christ. Pour nous Jésus a été solidement planté en terre, profondément dans la mort ; il a même connu les affres de l’enfer. Ainsi il est allé au fond de nos problèmes et a arraché les racines de notre angoisse.
Jésus est notre ancre et notre racine. Jésus le Ressuscité – « celui qui vit à tout jamais » (Ap 4.9) – nous a saisis et nous enlace fermement dans son amour, un amour plus fort que les griffes de la mort. « Nous avons été unis à lui » (Rm 6.5 ; trad. Segond 21), le Vainqueur de notre enfer et de notre mort : il nous soulage et nous rassure ; « Il est notre paix ! »

Mais Jésus a aussi « vaincu ce monde » (Jn 16.33) et « tout ce qui est dans le monde : le désir de la chair, le désir des yeux et la confiance présomptueuse en ses ressources » (1 Jn 2.16)
Jésus est mon désir, ma richesse, ma protection. « Il prend soin de nous » (1 P 5.7) au point qu’auprès de lui je peux vivre sans souci. Il est riche en miséricorde et en pardon, en protection et en espérance, et toutes ses richesses sont « pour moi » (Ga 2.20 ; Ph 1.21). Il est lui-même mon « trésor » le plus précieux (Mt 13.44).

Le psalmiste confessait déjà : « En dehors de toi, je ne désire rien sur la terre » (Ps 73.25). Il savait : « Si je l’ai, lui, "je ne manquerait de rien" (Ps 23), il m’apporte tout ce dont j’ai besoin. Rien ne peut réellement me nuire. En se laissant presser la couronne d’épine sur la tête il a éloigné de moi les griffures de la vie, il a en tout cas anesthésié les effets de ces griffures. "Jésus-Christ est ma paix !" »

Jésus est « la semence » qui produit « la paix », qui m’apporte « la paix ». C’est parce qu’il a été semé dans la terre – parce qu’il est mort et ressuscité pour moi – que sa vie a pu m’être transmise, que « sa paix » est venue me remplir. Et « c’est Dieu qui fait croître » tout cela dans mon cœur (1 Co 3.6-7).

« Par [notre] baptême, nous avons été ensevelis ensemble avec lui dans la mort afin que, tout comme le Christ s'est réveillé d'entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie. » (Rm 6.4)

Dans tout ce que je fais, mon attention est tournée vers lui, ma foi se concentre sur lui seul, lui « la Parole devenue chair », « la semence » devenue « vie ».

Tant que Dieu « sème » cette « semence », recevez-la avec joie et gratitude dans vos cœurs. Laissez « Jésus », « votre paix », s’établir dans vos cœurs. Laissez-le grandir en vous, et sa « paix qui surpasse toute pensée » (Ph 4.7) vous pénètrera toujours davantage.

Quelle a été la première parole du Christ ressuscité à ses disciples ? – « Que la paix soit avec vous ! »
N’oubliez pas : en Christ, le Vainqueur de la mort, nous vivons pour toujours. « Que la paix soit avec vous ! »

Amen.
Jean Thiébaut Haessig, pasteur


[1] Jn 20.19 : « Le soir de ce même dimanche, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient fermées, car ils craignaient les Juifs; Jésus vint alors se présenter au milieu d'eux et leur dit : "La paix soit avec vous !" » (Segond 21)


Chants :

Entonnons en ce jour
un cantique nouveau LlS 103 : 1-3+6
L’heureuse paix dont, en mourant, LlS 108 : 1-3
C’est moi, c’est moi qui vous console LlS 243 : 1-5