lundi 3 novembre 2008

Sermon du dimanche 2 novembre 2008 - Toussaint

Texte : Hé 9.27


« Il est réservé aux humains de mourir une seule fois – après quoi vient le jugement –."


Chants proposés :
Tout ce qui vit sur la terre LlS 315:1-4
En Jésus je mourrai tranquille LlS 307:1-3
Mon Rédempteur est vivant LlS 318:1-6
O Seigneur Jésus, mon Sauveur, LlS 167:1-1


Chers frères et sœurs en Jésus-Christ qui avez tous déjà dû voir
des êtres chers quitter ce monde !

« Le 2 novembre, appelé "jour des morts", l’Église prie particulièrement pour tous ceux et celles qui nous ont précédés ici-bas. […] Prier pour ceux que nous avons aimés fait partie de notre foi. Mais n'oublions pas qu'on peut aussi leur demander de prier pour nous, de s'associer aux difficultés de notre vie et, le jour venu, de nous aider à faire, à notre tour, le grand passage. »
… Hum… Je vois, les uns froncent les sourcils, d’autres deviennent nerveux dans les bancs, d’autres encore sont atterrés. … Ce que je viens de dire vous met mal à l’aise, n’est-ce pas ? Et vous avez raison. Si ce que je viens de lire était effectivement ma position, il serait de votre devoir de m’obliger à quitter la chaire et vous devriez demander à notre église d’engager contre moi une procédure disciplinaire pour me faire revenir de ma position contraire à la Parole de Dieu.
Rassurez-vous ! j’ai cité un passage d’un article intitulé « Comment prier pour les morts » trouvé sur un site catholique romain (www.croire.com).

Il est vrai, la tendance naturelle de l’être humain est de vouloir continuer à se préoccuper du sort des défunts de leur entourage, y compris de continuer à prier pour eux. On se laisse entraîner par l’affectif, le sentimental, au point d’oublier ce que Dieu nous dit à ce sujet dans sa Parole. Même dans certaines églises protestantes on s’est laissé glisser sur cette pente.

Mais ce serait, là, annuler la Réformation de l’Eglise pour laquelle nous avons loué le Seigneur dimanche dernier. Ce serait surtout contredire l’Evangile de Jésus-Christ remis en lumière par la Réformation luthérienne.

Que penser alors de la Toussaint (c’était hier) et du Jour des Défunts (aujourd’hui) ? Ou, pour le dire autrement :

les eglises issues de la reforme peuvent-elles celebrer la toussaint ?
Dieu nous répond dans la Bible :
1. Non, si cela consiste à prier pour les morts !
2. Oui, si cela consiste à louer Dieu de les avoir sauvés !
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Non, nous ne pouvons pas célébrer la Toussaint si cela consiste à prier pour les morts.
Voyez-vous, tout est une question de foi, de confiance en Dieu. Est-ce que j’ajoute foi à ce qu’il dit, même quand ça ne correspond pas à ce que j’aimerais faire, même quand ça va à l’encontre de ce à quoi me pousse ce que je ressens ?

N’oublions pas : ce ne sont pas nos sentiments – souvent bien instables, en tout cas pas infaillibles – qui fixent ce qui est vérité divine. Seul Dieu peut nous dire ce qui est vrai, ce qui est juste, ce qui n’est pas trompeur.

Or, en priant pour les morts, on met la Parole de notre Dieu en doute, on n’ajoute pas foi à ses promesses, on remet ses dires en question.
Tenez, les deux versets qui entourent notre texte – le verset qui le précède et celui qui le suit – insistent pour dire que la mort expiatoire de Jésus est suffisante pour notre salut. Jésus « s’est manifesté une seule fois, pour abolir le péché par son sacrifice » (v. 26) « Christ s’est offert une seule fois pour porter les péchés d’une multitude » (v. 28). Et entre ces deux affirmations, notre texte dirait le contraire ? L’expiation du Christ ne serait pas suffisante pour le salut de nos défunts ? Il faudrait que nous obtenions, en plus, par nos prières ce que l’expiation du Christ n’aurait pas totalement réglé une fois pour toute ?

Non, tout au contraire ! L’auteur de l’Epître aux Hébreux relie entre elles ces affirmations concernant Jésus et celle concernant notre mort. Il le fait avec les termes « tout comme » et « de même aussi ».

Dans les deux cas, il n’y a plus rien à ajouter, dans les deux cas plus rien ne change. Avec la mort du Christ notre salut a été achevé. Avec notre mort le salut des croyants est définitivement scellé. Plus besoin de prières. La mort du Christ n’a pas besoin d’un apport complémentaire pour nous sauver : elle est suffisante. Et notre mort est l’entrée immédiate et définitive dans ce salut. Nul besoin d’une poussée supplémentaire à l’aide de nos prières.
« C’est abuser du nom de Dieu, et cela, contre le Deuxième Commandement. » (Apol. XXIV,328)
Continuer à prier pour nos proches morts dans la foi en Christ, c’est nier que l’expiation du Christ ait été suffisante, c’est traiter Dieu de menteur.

« Il faut regarder le purgatoire, avec les cérémonies, les cultes et les trafics qui y sont liés, comme une pure fantasmagorie du diable ; car tout cela est contraire à l’article capital selon lequel seul le Christ – et aucune œuvre des hommes – ne secourra les âmes. »
« De plus, il ne nous a été donné aucun commandement ni aucun ordre au sujet des morts. » (Articles de Smalcalde, II.2 [383]).
Dans les « Articles de Smalcalde » de 1537, Martin Luther réfute la prière en faveur des morts dans le chapitre intitulé « Articles qui concernent l’office et l’œuvre de Jésus-Christ ou notre rédemption », notre rachat. En parlant de la prière pour les morts dans le chapitre où il nous dit comment Jésus nous a sauvés, Luther met en évidence que cette pratique – prier pour les morts – va à l’encontre des articles centraux de notre foi, à l’encontre des articles fondamentaux de notre salut en Jésus-Christ.

En dehors de Jésus, rien ni personne ne peut nous « hisser » au ciel. Et quiconque ne s’est pas tourné de son vivant vers lui avec repentance et foi, quiconque n’a pas reconnu son état pécheur et coupable devant Dieu et n’en a pas appelé de son vivant à l’œuvre expiatoire de Jésus, rien d’autre, malheureusement, ne peut le sauver.
Jésus lui-même a indiqué la règle qui s’applique à nous, qui s’applique à tous : « Celui qui met sa foi en Christ n'est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas mis sa foi dans le nom du Fils unique de Dieu. » (Jn 3.18) Cette parole du Christ est de l’Evangile pour nous, les croyants, mais elle est de la Loi pour les incroyants.

En fait, dans cette vie, nous vivons tous sous un des deux verdicts suivants (il n’y en a pas de troisième) : ou bien : rejetés et damnés, si nous ne sommes pas repentants et croyants en Christ ; ou alors : pardonnés et acquittés, adoptés et accueillis dans la famille éternelle de Dieu, si nous sommes repentants et en appelons à l’œuvre expiatoire de Jésus.

Dans cette vie, le verdict peut changer. Et heureusement qu’il a changé, un jour, pour nous ! De condamnés que nous étions par nature, nous avons été acquittés quand le Saint-Esprit nous a amenés à la foi en Jésus-Christ.

Mais le verdict peut, malheureusement, aussi changer dans l’autre sens pour ceux qui se détournent de leur Sauveur et ne vivent plus dans la foi en son expiation de nos péchés.
C’est ce qui nous pousse à prier pour les vivants. C’est ce qui nous rend actifs pour rendre témoignage à Jésus-Christ auprès de nos contemporains tant qu’il en est temps, car « il est réservé aux humains de mourir une seule fois – après quoi vient le jugement –. »
Avec la mort, le verdict est définitivement arrêté, sans appel possible, le sort de chacun est alors définitivement fixé. « Après » la mort, il n’y a plus de changement d’état, plus d’évolution possible. « Après » la mort, « le jugement », le verdict, est définitivement prononcé, et Dieu ne se déjuge jamais.

Les croyants peuvent se consoler avec cette promesse : « Heureux dès à présent les morts qui meurent dans le Seigneur ! » (Ap 14.13) Ceux qui meurent dans la foi en Christ connaissent la félicité éternelle « dès » leur décès. Ils n’ont plus besoin de nos prières. « Rien ne peut [plus] les séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur » (Rm 8.38-39)
Par contre – et c’est alors un grand malheur ! – celui qui est mort sans foi en Christ, connaît aussi, « dès » sa mort, la damnation. Il est alors définitivement rejeté par Christ dans les souffrances de l’enfer. Là aussi, rien ne peut plus changer son sort. Rappelez-vous ce que, dans une parabole, Abraham dit, depuis le paradis, au riche qui se trouve en enfer : « Un grand gouffre a été mis entre nous et vous, afin […] qu'on ne traverse pas […] de là-bas vers nous. » (Lc 16.26)

Nous avons donc trouvé dans la Bible une première réponse à la question : Pouvons-nous célébrer la Toussaint ? – Non, si cela consiste à prier pour les morts. Mais il y a aussi une autre réponse :

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Oui, nous pouvons célébrer la Toussaint si cela consiste à louer Dieu d’avoir sauvé ceux qui sont morts dans la foi en son Fils !

La Toussaint est aussi un moment particulier où nous nous souvenons de nos chers disparus. J’espère, d’ailleurs, que ce n’est pas le seul moment. C’est une occasion où nous fleurissons leurs tombes, là aussi, sans doute pas seulement à ce moment-là de l’année. Nous nous souvenons d’eux en regardant des photos, en pensant à ce que nous avons vécu ensemble, à ce que nous leur devons.

Mais nous le faisons aussi en enfants de Dieu. Notre bon Père céleste n’est pas absent de ces moments de souvenir. Nous savons qu’il a toujours été présent dans notre vie, nous a toujours accompagnés dans sa fidélité et bénis dans son amour, même si, peut-être, à certains moments, nous n’en avons pas été tellement conscients.

Il était donc aussi présent dans ce que nous avons vécu avec nos chers disparus. Dieu était là et a fait en sorte qu’à l’époque, ceux qui nous ont maintenant quittés nous ont aidés à mettre les pieds à l’étrier, particulièrement nos parents, nos grands-parents peut-être, les pasteurs de notre enfance, les moniteurs et monitrices qui nous ont fait fréquenter notre Seigneur à l’école du dimanche, et d’autres sans doute encore.

Pourquoi ne pas marquer le coup et avoir une fête d’action de grâces pour louer Dieu pour toutes les bénédictions dont il nous a comblés par l’intermédiaire de ces proches ? Et pourquoi ne pas avoir un moment d’émotion et de gratitude pour ces personnes qui se sont dévouées, parfois sacrifiées, pour nous, et à qui nous devons tant ?

Ne serions-nous pas ingrats en ne songeant jamais ainsi à eux, aussi ingrats envers Dieu en ne le remerciant jamais de nous les avoir donnés ?

Et s’ils sont partis dans la foi en Christ, comment ne pas en louer Dieu ? Quelle plus belle consolation au milieu du déchirement qu’est un deuil que de savoir que la peine n’est que pour nous ? Pour lui ou elle qui est parti dans la foi en Jésus-Christ, « la mort est un gain » (Ph 1.21), les croyants décédés ont gagné au change ! Et pas peu.

Aussi, même si nous avons un pincement au cœur chaque fois que nous pensons à eux, s’ils sont « morts dans le Seigneur », nous ne sommes pas « tristes comme les autres qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4.13). Nous aimerions encore les avoir autour de nous, mais ils sont maintenant « avec le Christ, ce qui est, de beaucoup, le meilleur » (Ph 1.23) et nous les retrouverons un jour, grâce à Christ, dans la félicité éternelle.

Et nous n’en louerions pas Dieu ? Nous ne ferions pas monter vers lui nos chants et nos prières d’action de grâces ? Et pourquoi pas lors d’une célébration spéciale le Jour de la Toussaint, ou en ce Jour des Défunts ?

Quand nous prions pour nos proches en vie, c’est pour demander à Dieu de les maintenir dans la foi en Christ ou de les y amener. Ces prières sont parfois empreintes d’un soupçon de fébrilité, d’anxiété, particulièrement s’il s’agit du conjoint ou des enfants : ne sont-ils pas en danger de se laisser entraîner loin du Christ par les séductions insidieuses de ce monde, en danger, aussi, de perdre leur foi ? de retomber sous le verdict de condamnation ?

Pour nos proches « morts dans le Seigneur », morts dans la foi en leur Sauveur, rien de tel : nous n’avons plus besoin de nous angoisser à leur sujet ; ils sont « heureux dès à présent ». Et à qui le doivent-ils ? A qui devons-nous cette certitude du salut, ce soulagement que, maintenant, ils ne peuvent plus perdre leur félicité ? – A notre Seigneur Jésus-Christ et rien qu’à lui, à son amour sans borne pour nous, à son amour qui l’a poussé jusqu’à se sacrifier pour expier nos péchés !
La Toussaint est pour nous une fête du Christ. Nous ne célébrons pas nos morts, nous fêtons le Vainqueur de la mort, le Seigneur de nos morts dans la foi. Ceux qui sont « tous » définitivement « saints », c.à.d. définitivement mis à part dans la félicité éternelle, ceux-là ne risquent plus rien, grâce à Christ. Ils n’ont plus non plus besoin de nos prières. Et pour cela, nous ne pouvons que faire monter des prières de reconnaissance à Dieu.

Remarquez au passage qu’il n’y a pas non plus de risque de se réincarner en pire, pas plus que d’espoir de se réincarner en mieux. « Il est réservé aux humains de mourir une seule fois » – notez-le bien : « une seule fois ! – après quoi vient le jugement –. »
Non, nous pouvons être soulagés et consolés quant à la félicité éternelle et définitive de nos proches partis dans la foi en Jésus.

Oui, mais n’est-il pas dit : « après quoi vient le jugement » ? N’y a-t-il pas un Jugement Dernier ? Effectivement. Jésus en parle, ses apôtres en parlent, et les prophètes l’avaient déjà fait auparavant. Ce sera un moment solennel et dramatique où Jésus publiera devant l’humanité entière le verdict qui est fixé pour chaque être humain lors de sa mort.

Cette proclamation publique du verdict au Jugement Dernier ne sera pas différente du verdict tombé au moment de la mort. Aucune prière n’est donc nécessaire pour éviter aux acquittés de se retrouver accusés, mais aucune prière ne pourra pas non plus changer quoi que ce soit au verdict de condamnation sous lequel un incroyant est décédé.

Alors, prier pour les autres en ces jours de la Toussaint et des Défunts ? Oui, plus que jamais ! Mais pour les vivants ! Que le Seigneur veuille nous garder dans la foi en Jésus-Christ et qu’il convertisse ceux qui lui tournent encore le dos !
C’est aussi, là, une incitation à l’évangélisation et à la mission : il s’agit de faire rencontrer le Christ à autant de personnes que possible pour leur éviter la damnation éternelle.

Il n’y a plus rien à faire pour les morts : les uns – les croyants décédés – n’ont plus besoin de nos prière, et pour les autres, pour ceux qui sont morts sans foi en Christ, la prière vient trop tard.
Occupons-nous donc des vivants ! Soutenons l’effort missionnaire de l’Eglise ! Investissons-nous dans la vie de la paroisse pour la rendre visible et attractive aux incroyants ! Témoignons de notre foi et des trésors de grâce que nous devons à notre Seigneur. Remercions-le particulièrement pour la certitude que « quiconque croit au Fils a la vie éternelle » et ne peut plus la perdre dans l’au-delà !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig