dimanche 21 mars 2010

sermon du dimanche 21 mars 2010 - Judica

Texte : Lc 23.1-5

1 « Ils se levèrent tous et conduisirent Jésus devant Pilate.

2 Ils se mirent à l'accuser, disant : "Nous avons trouvé cet homme qui sème le désordre dans notre nation ; il empêche de payer les impôts à l'empereur et se présente lui-même comme le Messie, le roi."

3 Pilate lui demanda : "Es-tu le roi des Juifs ? " Jésus lui répondit : "Tu le dis. "

4 Pilate dit aux chefs des prêtres et à la foule : "Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner."

5 Mais ils insistèrent en disant : "Il excite le peuple à la révolte en enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée où il a commencé et jusqu'ici."

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

si souvent accusé !

Nous avons vu, dimanche dernier, comment, après avoir capturé Jésus dans le Jardin de Gethsémané, ses ennemis l’ont conduit au palais du grand prêtre.

Dans un premier temps, Jésus a été conduit dans l’aile du palais où habitait Anne, le précédent grand prêtre. Là, il dut supporter bien des outrages et des vexations.

Enfin, une fois que tous les membres du sanhédrin – le grand conseil juif – eurent été rameutés pour cette session nocturne, ils firent comparaître Jésus.

Il est étonnant de voir avec quelle rapidité les membres du sanhédrin se trouvèrent réunis. Ils auraient pourtant dû savoir que cette session extraordinaire était illégale en raison de son heure. Il faut savoir qu’au regard de la loi de l’Ancien Testament, Jésus a été accusé et condamné par une assemblée illégale et manipulée par son chef, le grand prêtre Caïphe.

L’occupant romain leur avait enlevé le droit de condamner à mort. Qu’à cela ne tienne ! « Ils se levèrent tous et conduisirent Jésus devant Pilate. » (v. 1)

Voyons d’un peu plus près cette foule de gens qui se rend du palais du grand prêtre à celui du gouverneur romain Ponce Pilate.

S’y trouve le grand prêtre ou souverain sacrificateur lui-même. S’y trouvent ensuite les 70 autres membres du sanhédrin. Mais s’y trouvent aussi des serviteurs en armes et hommes de confiance. En tout sans doute une centaine de personnes … peut-être plus.

En fait, dans l’histoire de la Passion du Christ, il faut que nous distinguions constamment deux histoires parallèles : les faits historiques et la dimension universelle de ce que le Christ est en train de vivre.

Il nous faut donc penser non seulement à la centaine d’accusateurs de l’époque, mais à l’humanité entière impliquée dans l’accusation de cet innocent.

Comme nous le verrons encore, nous sommes tous – nous et l’humanité entière – coupables d’avoir péché en accusant Jésus d’être coupable.

Pour bien nous rendre compte de cette terrible réalité, nous allons nous poser la question :

Y ETAIS-TU QUAND JESUS FUT ACCUSE ?

1. C’est quoi, l’accusation, au juste ?

2. Qui sont ses accusateurs ?

3. Qui est réellement l’accusé ?

X X X 1 X X X

C’est quoi, l’accusation, au juste ?

Devant le sanhédrin, le conseil suprême des Juifs, les accusations sont d’ordre religieux. Les accusateurs ont d’ailleurs du mal à produire des témoins. Cela la foutrait vraiment mal s’ils ne pouvaient pas donner un semblant de vérité à leurs accusations.

Ils en produisent finalement deux – d’ailleurs de faux témoins – qui soutiennent que Jésus a parlé de détruire le magnifique Temple construit par Hérode le Grand, et de le reconstruire en trois jours.

C’est là tout simplement une déformation de ce que Jésus avait dit à propos de sa mort et de sa résurrection trois jours plus tard.

Mais l’accusation la plus grave, c’est le grand prêtre Caïphe qui la lance en personne. Curieux, sa façon de faire : de président de séance il se fait accusateur ! Il amène Jésus à reconnaître qu’il se dit Fils de Dieu pour ensuite l’accuser d’offenser Dieu, de blasphémer contre Dieu.

Le dossier du procès contient maintenant suffisamment d’éléments – pensent-ils – pour pouvoir le condamner à mort selon la loi de l’Ancien Testament. La mort est en effet requise par la Loi de Moïse contre un blasphémateur.

Les Romains leur ayant retiré le droit de condamner à mort, ils traînent Jésus dans le quartier où réside Ponce Pilate, le gouverneur romain. Lui seul peut leur donner l’autorisation de condamner à mort et de faire exécuter un condamné.

Devant l’autorité romaine ils changent de tactique. Devant Ponce Pilate, l’accusation prend, curieusement une autre forme : de religieuse qu’elle était devant le sanhédrin, l’accusation devient politique devant Pilate. « Ils se mirent à l'accuser, disant : "Nous avons trouvé cet homme qui sème le désordre dans notre nation; il empêche de payer les impôts à l'empereur et se présente lui-même comme le Messie, le roi." » (v. 2)

Devant le gouverneur romain, les Juifs accusent Jésus de crimes contre l’Etat.

Pas bête, leur tactique, pour arriver à leurs fins. « La fin justifie les moyens » se sont-ils dit. « Nous voulons que Jésus soit condamné par Pilate ? Il faut donc que nous l’accusions de menacer l’occupant romain ! »

Il n’est même pas nécessaire de démontrer que cette accusation est ridicule, entièrement fausse, un savant mélange de mensonges purs et de demi vérités.

Le gouvernement romain ne se laisse pas prendre au piège. Il connaît fort bien les Juifs qui se sont souvent opposés à lui, qui l’ont même accusé devant l’empereur à Rome !

Pilate est intrigué par l’étrange intérêt que les chefs juifs montrent subitement pour le bien de l’Etat romain. Son interrogatoire de Jésus l’éclaire pleinement. « Pilate dit aux chefs des prêtres et à la foule : "Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner." » (v. 4)

Cela ne les décourage pas. Jésus continue d’être accusé par eux, et il continue de l’être à travers tous les siècles. De quels maux ne doit-il pas tous s’être rendu coupable !

Les uns l’appellent menteur ou trompeur, d’autres rêveur. Et dans pratiquement tous les régimes totalitaires il est dénoncé comme dangereux pour l’Etat ! Tenez, comme veulent le faire croire les Juifs à Pilate.

Ces attaques, ces critiques, ces accusations contre Jésus s’écroulent – aujourd’hui comme à l’époque – sous le poids de leur fausseté. Un jour, Jésus avait demandé à ses adversaires : « Qui de vous me convaincra de péché ? » (Jn 8.46) Il n’a pas eu de réponse.

Quant à ceux – comme Pilate – qui doivent prononcer le verdict, même s’ils ne croient pas en lui et n’acceptent pas son enseignement et son offre de pardon et de salut, s’ils sont honnêtes, ils ne peuvent que répéter le verdict du Romain : « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner. »

Nous n’avons pas besoin qu’on nous confirme ce verdict. Son Evangile nous a convaincus de son innocence.

Jetons maintenant un regard sur

X X X 2 X X X

Les accusateurs de Jésus.

Nous y découvrons tout de suite, à leur tête, les souverains sacrificateurs, les prêtres et autres membres du sanhédrin. Ce sont, eux, les vrais initiateurs, les inventeurs, les auteurs des accusations lamentables contre le Fils de Dieu.

Mais ils ne sont pas seuls à l’accuser.

Le péché qui consiste à mettre Dieu et son Fils en accusation est, malheureusement, un péché universellement répandu. C’est un péché de l’humanité entière. Nous y trempons donc aussi d’une manière ou d’une autre.

Adam est le premier à accuser Dieu, là-bas, dans le Jardin d’Eden. Après avoir désobéi, après avoir transgressé la volonté de Dieu, Adam lui reproche d’être responsable de la chute dans le péché. « C’est la femme que tu a mise à mes côtés qui m’a donné de ce fruit, et j’en ai mangé. » (Gn 3.12) Adam n’accusait pas réellement Eve ; en fait, il accusait Dieu : « C’est toi, Dieu, qui m’as mis dans cette situation dangereuse. »

Plus tard, la femme de Job attribue aussi à Dieu la faute pour tous ses malheurs et ses peines. Elle insiste auprès de Job pour qu’il maudisse Dieu, puis meure…

Durant son périple de 40 ans à travers le désert, le peuple d’Israël accuse toujours à nouveau Dieu de ne l’avoir délivré de l’esclavage en Egypte que pour le faire périr dans le désert ; en fait, de le conduire de Charybde en Sillas.

Il oublie complètement comment Dieu les secourt chaque fois qu’ils sont en danger : de l’armée égyptienne en leur frayant un passage à travers la Mer Rouge (Ex 13.17 – 14.31) ; de la mort par la soif, en rendant potable une eau imbuvable (Ex 15.22-25), une autre fois en faisant jaillir de l’eau d’un rocher (Ex 17.1-7) ; de la mort par la faim, en envoyant la manne et les cailles (Ex 16) ; etc.

L’accusation que ses contemporains portent contre Jésus, contre l’Innocent par excellence, est tragique – qui voudrait le nier ? – mais elle n’est en fait qu’une accusation parmi une infinité du même genre. Depuis toujours, les humains essayent d’accuser leur Créateur, d’inculper leur Sauveur.

Quand on s’imagine la scène de Jésus accusé devant Pilate, il faut bien entendu y voir les grands prêtres et leurs acolytes du sanhédrin. Mais il faut aussi y voir Adam, la femme de Job, le peuple d’Israël et bien d’autres.

Question : Y étais-tu, toi aussi, parmi ses accusateurs ?

La pensée ne t’a-t-elle jamais effleuré – ne serait-ce que légèrement, ne serait-ce que furtivement – surtout quand tu te sens malheureux, quand tu es déçu dans tes espoirs, que Dieu ne se conduit pas correctement envers toi – ou envers un autre ?

T’est-il déjà arrivé d’avoir prié intensément et régulièrement pour une chose à quoi tu tenais particulièrement, puis, après une vaine attente, d’avoir reproché à Dieu de ne pas t’avoir exaucé ?

T’est-il déjà arrivé de penser que Jésus attend trop de toi ?

ð trop de temps (pour les cultes de famille, pour les études bibliques, pour les réunions de jeunes, pour ton engagement dans l’évangélisation, pour différents services dans ta paroisse) ?

ð trop de tes talents (pour exercer telle fonction ou rendre tel service dans la paroisse) ?

ð trop de ton argent ?

ð qu’il exige plus de fidélité que tu n’es prêt à lui accorder, parce que tu ne tiens pas à sacrifier trop de choses à quoi tu tiens et à quoi tu devrais renoncer ?

Qu’est-ce là d’autre qu’accuser Dieu ou Jésus d’être incapable ou infidèle, voire un despote ?

Et s’il nous arrive ainsi d’accuser Dieu, en quoi sommes-nous différents de ceux qui font injustement comparaître le Fils de Dieu devant le sanhédrin et le gouverneur romain ?

Si nous accusons Dieu, nous nous trouvons parmi la foule des accusateurs à Jérusalem.

Nous y sommes aussi à cause de nos transgressions répétées, par ex., du 8ème Commandement : « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain ! » (Ex 20.16)

Ce qui blesse injustement notre prochain, blesse aussi le Fils de Dieu. C’est que ce commandement ne se limite pas aux fausses dépositions de témoins véreux devant un tribunal. Luther l’explique ainsi : « Nous devons craindre et aimer Dieu afin de ne pas mentir à notre prochain, le trahir, calomnier ou diffamer. » (Petit Catéchisme).

Pour un seul cas de déposition mensongère devant un tribunal, il y a sans doute au moins mille cas où de méchantes langues disent du mal des autres et les dénigrent, que ce soit au sein de la parenté, entre amis, voire, parfois, dans une paroisse.

Des bruits sans fondement et non vérifiés sont transmis sans réfléchir. Parfois on les arrange ou les complète même. Ce ne sont là que des accusations honteuses. Cela fait partie des péchés qui, à l’époque, ont blessé et tué « Jésus-Christ, le Juste » (1 Jn 2.1).

Et ceux qui écoutent ces accusations sans réagir sont autant coupables que les calomniateurs eux-mêmes.

Chers amis, si nous sommes honnêtes, nous ne pouvons pas simplement nous dresser pour condamner les Juifs qui accusent Jésus devant Pilate. Il nous faut confesser que nous sommes tout autant coupables et que nous faisons aussi, à l’occasion, partie de ses accusateurs.

Après nous être penchés sur les accusations et les accusateurs, voyons encore d’un peu plus près

X X X 3 X X X

Qui est réellement l’accusé ?

Qui voyons-nous ? Un innocent ! Pilate donne finalement l’ordre d’exécuter l’accusé, par crainte du peuple, par crainte d’une émeute s’il acquitte Jésus. Mais Pilate ne reviendra jamais sur son verdict innocentant Jésus. Tout simplement, par calcul politique, il fait exécuter un innocent.

Jésus est bien innocent. D’ailleurs, n’est il pas le Fils de Dieu pur de tout péché ? La situation est tout ce qu’il y a de plus incongrue : celui qu’on accuse et condamne n’est-il pas lui-même « le Seigneur, le juste Juge » de tous les hommes (2 Tm 4.8), « le Juge des vivants et des morts » ? (Ac 10.42) Il ne dit rien d’autre quand il déclare au sanhédrin : « Vous verrez désormais le Fils de l’homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel. » (Mt 26.64)

Il est non seulement le Juge de tous, mais aussi le Sauveur unique de l’humanité. Cela aussi il l’a dit très clairement : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Mt 20.28) Il dépose sa vie – pure, innocente et sainte – sur le plateau de la balance divine comme contrepoids au péché du monde entier, … comme contrepoids à ton péché et au mien aussi.

Heureusement que tous nos péchés – aussi ceux, abjects, de nos fausses accusations contre le Fils de Dieu – ont été effacés par son sang précieux. « En lui – le Fils bien-aimé du Père – nous sommes rachetés, pardonnés de nos péchés. » (Col 1.14)

L’époustouflant dans cette histoire c’est que ce Christ faussement accusé offre à notre foi de saisir sa justice et son innocence. Il sait : c’est le seul moyen, pour nous, de subsister devant le Dieu trois fois saint.

« Voyez quel amour le Père nous a témoigné, » voyez tout ce qu’il a mis en œuvre, voyez jusqu’où il est allé, « pour que nous soyons appelés enfants de Dieu, » nous, les accusateurs de son Fils ! (1 Jn 3.1)

Face à tant d’amour nous ne pouvons que ressentir de la répulsion pour ce péché, cette tendance à accuser Dieu et son Fils, sous quelque forme que ce soit.

Tenons en bride nos pensées et nos lèvres pour ne pas répandre de calomnies sur le compte de nos prochains et ne pas ainsi blesser Jésus à nouveau.

Efforçons-nous de toujours dire la vérité et d’agir en conséquence.

La vérité – pas la nôtre, celle de Dieu et de sa Parole ! – voilà ce dont nous avons le plus besoin. C’est là la chose indispensable, essentielle, dans nos vies.

Soyons-lui éternellement reconnaissant de posséder en lui cette vérité, car il est « le chemin, la vérité et la vie » ! (Jn 14.6)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Ouverture :

Jésus est notre ami suprême ; Oh ! quel amour AeC 413:1-4

Avant le sermon :

Tel que je suis, sans rien à moi, AeC 420:1-4

Après le sermon :

Tu m’as aimé, Seigneur, avant que la lumière AeC 430:1-2*

Sermon du dimanche 14 mars 2010 - laetare

Texte : Mt 26.58-75
+ récits parallèles :
Mc 14.53-72 + Lc 22.54-71 + Jn 18.13-27

58 Pierre le suivit de loin jusqu'à la cour du grand-prêtre, y entra et s'assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.

59 Les chefs des prêtres, les anciens et tout le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus afin de le faire mourir,

60 mais ils n'en trouvèrent pas, quoique beaucoup de faux témoins se soient présentés. Enfin, il en vint deux qui dirent :

61 "Celui-ci a dit : 'Je peux détruire le temple de Dieu et le reconstruire en trois jours.'"

62 Le grand-prêtre se leva et lui dit : "Ne réponds-tu rien ? Pourquoi ces hommes témoignent-ils contre toi ?"

63 Mais Jésus gardait le silence.

Le grand-prêtre [prit la parole et] lui dit : "Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu."

64 Jésus lui répondit : "Tu le dis. De plus, je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel."

65 Alors le grand-prêtre déchira ses vêtements en disant : "Il a blasphémé! Qu'avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez d'entendre son blasphème.

66 Qu'en pensez-vous ?"

Ils répondirent : "Il mérite la mort."

67 Là-dessus, ils lui crachèrent au visage et le frappèrent à coups de poing; certains lui donnaient des gifles en disant :

68 "Christ, prophétise-nous qui t'a frappé !"

69 Or Pierre était assis dehors dans la cour.

Une servante s'approcha de lui et dit : "Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen."

70 Mais il le nia devant tous en disant : "Je ne sais pas ce que tu veux dire."

71 Comme il se dirigeait vers la porte, une autre servante le vit et dit à ceux qui se trouvaient là : "Cet homme [aussi] était avec Jésus de Nazareth."

72 Il le nia de nouveau, avec serment : "Je ne connais pas cet homme."

73 Peu après, ceux qui étaient là s'approchèrent et dirent à Pierre : "Certainement, toi aussi tu fais partie de ces gens-là, car ton langage te fait reconnaître."

74 Alors il se mit à jurer en lançant des malédictions : "Je ne connais pas cet homme." Aussitôt un coq chanta.

75 Pierre se souvint alors de ce que Jésus [lui] avait dit : "Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois." Il sortit et pleura amèrement.

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

si souvent renié par les siens !

Notre histoire, après celle du Jardin de Gethsémané, explique pourquoi, dans l’Eglise luthérienne, on préfère parler du Temps de la Passion du Christ, plutôt que du Temps du carême. D’autant que « carême » ne veut pas dire grand-chose. Cela vient du latin « quadragesima » et signifie « quarantième », sous-entendu : jour avant Pâques. Déjà que le mercredi des cendres, n’est pas 40 mais 46 jours avant Pâques.

Ceux qui privilégient ce terme mettent l’accent sur la pénitence. En appelant ce temps « le Temps de la Passion du Christ », on met l’accent sur les souffrances et la mort expiatoires de Jésus. Cela produit une saine repentance, une salutaire remise en question, mais à l’ombre de la croix où le Seigneur nous a sauvés.

Aujourd’hui nous voyons

Notre Sauveur renié

1. Bien qu’il doive se voir si lamentablement renié

2. il jette cependant un regard plein de grâce sur celui qui le renie.

1

Notre Sauveur doit assister

comme il est lamentablement renié.

« Pierre le suivit de loin. » (v. 58) De loin ? Mais où a donc passé cette foi qui confessait avec clarté et netteté : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Et nous, nous croyons et nous savons que tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » (Jn 6.68-69)

Rappelons-nous aussi cette déclaration tapageuse de ce même Pierre, il y a quelques heures seulement : « Même si tous trébuchent à cause de toi, ce ne sera jamais mon cas ! […] Même s’il me faut mourir avec toi, je ne te renierai pas. » (Mt 26.33+35)

Après de telles déclarations, on se serait attendu à un autre comportement de Pierre ; on se serait attendu à lire ici : « Simon Pierre accompagnait Jésus de près » ou : « Simon Pierre marchait à côté de Jésus. »

Mais non ! Notre héro fait piètre figure. Il « suivait Jésus de loin ». Il ne donne pas l’impression de vouloir se faire reconnaître comme l’un des intimes de ce rabbi de Nazareth capturé. Il y a quelques instants encore, dans le Jardin de Gethsémané, dans une réaction pécheresse, il voulait taper dans le tas avec son épée. Mais il faut bien plus de courage pour partager le mépris et la honte d’un ami condamné que pour jouer les héros guerriers.

Nous ne nous sommes, cependant, pas réunis pour taper sur Pierre. Ce serait trop facile. Posons-nous plutôt la question : Qu’aurions-nous fait à sa place ? Lorsqu’il est question de reniement, nous faisons parfois comme si ce sujet ne nous concernait pas. Nous parlons de « reniement » avec quelque orgueil, mépris ou commisération pour je ne sais quels grands pécheurs, mais en songeant rarement aux chers croyants que nous sommes.

Eh bien ! nous avons tort. Ceux qui « renient » (v. 75) ne peuvent qu’être des croyants. Celui qui ne croit pas en Jésus, qui ne le connaît pas comme son Sauveur, ne peut pas le renier.

Cela devrait nous ébranler dans la haute opinion que nous avons parfois de nous-mêmes. Et l’exemple de Pierre devrait nous amener à faire extrêmement attention à nous-mêmes. Songez ! Même Simon Pierre, cet excellent témoin et confesseur, ce disciple intime, courageux et prêt à mourir pour son Maître, même lui l’a « renié » !

Et quelle attitude de mépris prend-t-il pour le renier ! Dans la cour du palais du grand prêtre, à la lueur du feu, plusieurs personnes le reconnaissent comme l’un des disciples de Jésus. Et elles le lui font savoir avec tout le mépris qu’elles ont pour ce Jésus de Nazareth.

« Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ! » (v. 69) « Ne fais-tu pas partie, toi aussi, des disciples de cet homme ? » (Jn 18.17) – « De cet homme ! » « De ce type ! » Voilà ce que cela signifie dans la bouche de ces gens. « De ce menteur, de cet escroc, de ce suborneur ! »

La réaction de Pierre à laquelle Jésus assiste de loin, l’attriste au plus profond de lui-même. Pierre, qui l’a accompagné trois ans durant, Pierre, qui a confessé il y a peu que Jésus est « le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16), ce même Pierre ose dire : « Je ne le connais pas. » (Lc 22.57)

Pierre essaye de se faire passer pour quelqu’un d’autre : « Je ne connais pas cet homme ! » (v. 72) « Il ne m’est jamais venu à l’idée d’avoir quelque chose de commun avec ce type ! »

Mais les accusateurs renforcent leurs déclarations par serment : « Certainement » – le même « en vérité » que Jésus utilisait si souvent – « tu fais partie de ces gens-là, car tu es galiléen, tu as le même langage. » (v. 73 ; Mc 14.70)

Et là, Jésus doit assister au lamentable spectacle d’un Pierre qui « se met à jurer en lançant des malédictions », en prenant Dieu à témoin de sa bonne foi : « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez ! » (v. 74 ; Mc 14.71)

Quel pitoyable naufrage ! Jésus doit assister aux imprécations de Pierre qui appelle la malédiction de Dieu sur lui. Pouvez-vous imaginer comment ces paroles de dédain ont meurtri notre Seigneur ?

Comment Pierre a-t-il pu en arriver là ? Répondre à cette question est important, mais seulement si Jésus doit aujourd’hui encore faire la même expérience avec les siens, avec nous.

Et malheureusement, Jésus vit ce genre d’expériences aujourd’hui encore. Année après année, il lui faut voir des gens qui se rangent autour de sa Parole et de ses sacrements emboîter le pas à Pierre et le renier. C’est sans doute quelque chose qu’il doit vivre chaque jour.

Nous ne nous en effrayons même plus. Nous nous y sommes habitués. Cela ne nous touche plus. Et c’est effrayant d’en être arrivé là. Nous avons vraiment sérieusement besoin d’être secoués.

Peut-être que l’un ou l’autre d’entre vous s’étonne-t-il de ma façon de présenter les choses. Ne pensez pas qu’il faille des circonstances extraordinaires pour renier notre Seigneur. Nul besoin de cour de palais de grand prêtre, nul besoin de serviteurs en armes ou d’accusations directes du genre : « Toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ! »

Il ne faut pas croire que pour renier le Maître il faille toujours, comme Pierre, « se mettre à jurer en lançant des malédictions ». On renie le Maître de multiples autres façons encore ; parfois cela passe inaperçu. Bien des gens en sont inconscients. Et pourtant ils le renient.

Ici, on se moque de Dieu, de Jésus et de sa Parole en présence de croyants, et eux se taisent pour passer inaperçus. Là, il arrive que des incroyants lancent des piques à un croyant en lui disant : « Toi aussi, tu fais partie de ces gens-là » qui croient au récit de la création, ou aux miracles, ou à la résurrection de nos corps. Peut-être qu’on pose même directement la question : « Tu y crois réellement ? »

Combien se réfugient alors dans des réponses évasives pour ne pas avoir à afficher leur foi en Jésus-Christ ? Cela s’appelle « renier » Jésus.

Autre exemple. Voici in chrétien qui « cloche des deux côtés » (1 R 18.21) : d’un côté il se conduit comme les incroyants, de l’autre il va à l’église, ce qui amène les incroyants à lui dire leur étonnement. Et ce chrétien qui n’a pas le courage de choisir et d’indiquer clairement son camp répond : « Laissez tomber ! Ne voyez-vous pas que cela ne m’empêche pas de me comporter comme vous ? » Cela s’appelle « renier » Jésus.

Ou encore, les incroyants s’adressent, flatteurs, au chrétien comme s’il était entièrement d’accord avec eux : « Nous savons que tu es un homme éclairé, intelligent ; tu as certainement ta petite idée sur la foi chrétienne ! » Plus d’un se tait alors, ou avance des réponses aussi embrouillées que peu courageuses. Cela s’appelle « renier » Jésus.

Dans tous ces cas, c’est comme si on répondait : « Je ne le connais pas ! » C’est épouvantable, tout ce qu’on peut trouver comme faiblesses parmi les chrétiens ! Face au monde, nous manquons souvent de courage. Et ainsi Jésus doit toujours encore assister à des scènes lamentables où nous, les siens, nous le « renions », parfois même avec des airs de mépris.

Réfléchissons un instant au pourquoi de ces reniements. Comment Pierre a-t-il pu en arriver à offenser son Maître aussi gravement ? Pour répondre, nous n’allons pas nous lancer dans de grandes démonstrations. Il suffit de méditer l’histoire de la Passion du Christ : elle nous en révèle les dessous.

Le Seigneur avait dit à ses disciples : « Restez vigilants et priez pour ne pas céder à la tentation. » (Mt 26.41) Pierre est « tombé dans la tentation » parce qu’il était trop sûr de lui et n’avait pas cru devoir « rester vigilant et prier ».

Pierre avait complètement oublié ce que Jésus lui avait dit à propos de son instabilité. Il n’avait pas du tout réfléchi au fait que le Seigneur le connaissait mieux que lui. Il n’avait pas médité qu’il était un pécheur faible et faillible. Il aurait dû y penser dès qu’il s’était rendu compte qu’il n’osait suivre Jésus que « de loin ». Mais cela ne lui a pas donné à réfléchir. Il n’a pas été « vigilant ».

Il n’a rien vu venir. Il était si sûr de lui, il se faisait une image si fausse de lui, il avait une vision si grossissante de son courage et de sa fidélité, qu’il s’est jeté dans la gueule du loup sans s’en rendre compte.

N’est-ce pas aussi ce qui nous arrive souvent ? Notre pouvoir d’imagination est très grand quand il s’agit de notre personne. Comme nous pouvons être sûrs de nous ! N’oublions pas : l’orgueil précède la chute.

Par contre, celui qui connaît ses faiblesses et ses limites saura – essayera en tout cas – de s’arranger en conséquence. Mais celui qui ne connaît pas ses faiblesses et se surestime tombera certainement dans le panneau. Les présomptueux et orgueilleux sont à coup sûr ceux qui chutent le plus facilement. Comme Pierre.

Pierre n’a pas fait attention où il se rendait, ni aux gens auxquels il allait se mêler. Sinon il se serait dit : « Attention ! là tu t’exposes à de réels dangers ! » Surtout que Jésus l’avait prévenu : « Tu me renieras ! » (v. 75) Mais dans ce domaine aussi il n’a pas été « vigilant ».

Bien des chrétiens lui ressemblent à cet égard. Ils s’exposent inconsidérément au danger. Ils se mêlent sans nécessité à des gens à la moralité problématique. Se liant d’amitié avec eux, ils se laissent séduire par des façons de vivre qui plaisent à leur nature innée pécheresse.

Ils devraient se dire que cela ne peut pas se faire sans danger pour leur foi et que s’ils restent en compagnie de ces gens, ils seront amenés à « renier » Christ.

Partager avec de telles personne leur façon de vivre, c’est « s’asseoir près du feu » (Mc 14.54) « dans la cour du grand prêtre » (Mt 26.58). Peut-on réellement être ami avec ceux qui rejettent le Christ ? Prenons la mise en garde de Jésus au sérieux : « Restez vigilants ! »

« Et priez ! » (Mt 26.41). C’est ce que Pierre a oublié de faire. Il aurait dû prier : « Aide-moi à ne pas "céder à la tentation" ! » (Mt 26.41) S’il avait prié ainsi, il ne se serait pas trouvé en train de « jurer en lançant des malédictions » au milieu des moqueurs : « Je ne connais pas cet homme dont vous parlez ! »

Il aurait alors été plongé dans une méditation reconnaissante du chemin dans lequel Jésus s’est engagé volontairement.

C’est là aussi une explication pour la vague de reniements du Christ et de sa Parole qui déferle sur le monde : les chrétiens ne prient pas. S’ils le faisaient davantage et plus régulièrement, ils ne seraient pas « assis en compagnie des moqueurs » (Ps 1.1)

S’ils priaient davantage, il confesseraient parmi les impies, chaque fois que l’occasion se présente : « Je ne connais parmi vous rien d’autre que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Co 2.2) « Je le "connais", et c’est ce qui fait ma plus grande joie ! »

Chers amis, si l’un d’entre nous devait se rendre compte qu’il a offensé Jésus en le reniant ici ou là – et qui parmi nous peut affirmer qu’il est entièrement innocent dans ce domaine ? – qu’il médite alors attentivement

2

Comment notre Sauveur

jette un regard plein de compassion

sur celui qui le renie

« Le Seigneur se retourna et regarda Pierre. » (Lc 22.61) C’était un regard plein de grâce, mais aussi plein de tristesse. Et là, « Pierre se souvint de ce que Jésus lui avait dit : "Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois." » (v. 75)

Ce regard disait à Pierre : « Eh bien, voilà ! la chose terrible est arrivée : tu m’as "renié" ; tu m’as fait terriblement mal ! »

Mais ce n’était pas un regard de mépris. Ce n’était pas non plus le regard d’un juge qui condamne. C’était un regard plein de grâce qui rappelait cette promesse que Jésus avait faite à Pierre : « Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. » (Lc 22.32). C’était un regard qui rappelait à Pierre : « Je ne t’ai pas encore exclu de mon amour. »

Ce regard s’adresse à tous les renieurs. Ce regard bouleversant du Christ a été fixé dans les Ecritures pour nous. Ce même regard se pose sur quiconque s’est rendu coupable de reniement.

Mais ce regard douloureux est aussi un regard de mise en garde. « Ne vous attirez donc pas le jugement par peur de ce monde éphémère et misérable ! Songez donc où sont les véritables trésors ! »

Prions que le regard que Jésus pose sur nous quand nous dérapons comme Pierre ait aussi les mêmes conséquences que chez Pierre. « Pierre se souvint de ce que Jésus lui avait dit. » Ce fut une illumination foudroyante pour lui. « J’ai nié que Jésus m’a aimé, nié que Jésus a si souvent rempli mon cœur de vie et de paix, nié que Jésus a altéré mon âme ; qu’il était devenu mon trésor et mon salut ! »

L’horreur de son péché éclate maintenant à ses yeux. Et cela lui brise le cœur. « Il sort et pleure amèrement. » (v. 75)

Mais la compassion dans le regard de Jésus lui rappela les promesses de pardon que Jésus lui avait faites. Elles l’aidèrent à reprendre courage dans sa désolation ; il saisit le pardon que le regard de Jésus lui proposait. Il n’était pas encore endurci : la conscience de son péché le fit « pleurer amèrement ». S’il n’a pas sombré dans le désespoir comme Judas, c’est qu’il s’est accroché à la grâce et au pardon que Jésus lui offrait.

Chers amis, ne perdons jamais de vue ce regard plein de grâce de notre Seigneur. Qu’il nous pousse aussi à la repentance et à saisir son pardon avec foi.

Pour cela, ne nous cachons pas les moments de reniement dans lesquels nous tombons. Et ne les banalisons pas : ils ont profondément offensé notre Seigneur.

Ne jouons pas non plus les orgueilleux en nous disant : « Nous ferons mieux la prochaine fois ! » Faisons amende honorable devant Jésus ; implorons son pardon ! C’est là le chemin pour être transformé de Pierre renieur en un Pierre témoin courageux et inébranlable.

« Le Seigneur » ne cesse de « se tourner » vers nous dans sa Parole et ses sacrements. Là il pose sur nous un regard plein de grâce, même si nous l’avons parfois « renié ».

Mais ne banalisons pas nos reniements. Cela pourrait conduire à l’endurcissement où le regard plein de compassion de Jésus ne fait plus aucun effet. Cela peut arriver si nos péchés ne nous attristent plus, si nous ne sommes plus capables de contrition. Là notre fin serait « dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt 8.12).

Que le regard plein de grâce et de bonté de notre Seigneur nous amène à pleurer sur nos péchés, mais aussi à pleurer de joie et de bonheur à cause du pardon. Alors nous ferons aussi cette autre expérience, bienheureuse celle-là : « Ceux qui sèment avec larmes moissonneront dans la joie. » (Ps 126.5)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Ouverture :

Prosterné, je te révère, Sauveur 1000 x béni, LlS 81 : 1- 3

Après l’Ancien Testament :

Sous ton voile d’ignominie, Sous ta couronne LlS 82 : 4

Après l’Epître :

Sous ton voile d’ignominie, Sous ta couronne LlS 82 : 5

Après l’Evangile :

Sous ton voile d’ignominie, Sous ta couronne LlS 82 : 6

Avant le sermon :

Dans ce profond abîme, dis-moi, ste victime, LlS 71 : 1-5

Après le sermon :

Jésus, Prince de la vie ! Quels maux … LlS 76 : 1- 5

Durant la distribution de la Cène :

Jésus-Christ, dans sa grâce, racheta LlS 164 : 1-13*