1 « Je vous encourage donc,
moi, le prisonnier dans le Seigneur,
à vous comporter d'une manière digne
de l'appel que vous avez reçu,
2 en toute humilité et douceur, avec patience.
Supportez-vous les uns les autres,
dans l'amour,
3 en vous efforçant
de conserver l'unité de l'Esprit
par le lien de la paix.
4 Il y a un seul corps
et un seul Esprit,
tout comme vous avez aussi été appelés dans une seule espérance, celle de votre appel ;
5 il y a un seul Seigneur,
une seule foi,
un seul baptême,
6 un seul Dieu et Père de tous,
qui est au-dessus de tous, par tous et en tous. »
Chers frères et sœurs,
Notre assemblée n’est-elle pas, à première vue, un groupe plutôt hétéroclite, bigarré même ? Nous sommes des gens d’âges différents, de formations et de professions différentes, de sensibilités et de niveaux culturels différents, mais aussi de couleurs de peau différentes, de langues maternelles extrêmement différentes, car, non seulement de provinces mais de pays et, même, de continents d’origine extrêmement différents.
Et cependant, nous avons le besoin de nous réunir régulièrement, semaine après semaine, dans ce centre paroissial. Qu’est-ce qui nous tient ainsi ensemble ?
Dans notre texte de sa Lettre aux Ephésiens, l’apôtre Paul répond en énumérant
DIFFERENTS LIENS QUI NOUS UNISSENT :
Chacun de ces liens à lui seul mériterait un sermon à part, mais comme notre texte les cite tous, nous les passerons tous en revue :
1. le lien d’une détresse commune,
2. le lien d’un appel commun,
3. le lien d’une foi commune,
4. le lien d’une vie ou œuvre commune,
5. le lien d’une espérance commune.
----- 1 -----
Le lien de notre DETRESSE commune
Le premier lien qui nous unit, le premier de nos dénominateurs communs, c’est une détresse que nous partageons tous, une détresse que, d’ailleurs, tous les hommes ont en commun, mais tous n’en sont pas conscients et, surtout, tous n’en connaissent pas le remède unique, Jésus-Christ, du moins tous ne sont-ils pas prêts à admettre que Jésus est le seul remède à cette détresse qui nous est commune : le péché.
Quand Dieu a créé le monde, il voulait que toute l’humanité ne forme qu’une seule famille dont lui serait le Père reconnu, aimé, admiré et respecté. Il voulait être le « seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous » – « qui agit à travers tous[1] » – « et en tous. » (v. 6)
Mais l’être humain n’a pas voulu que Dieu joue ce rôle central dans sa vie, il n’a pas voulu que Dieu soit le centre, le moteur, le pivot, la source et le but de sa vie et de ses actes. L’homme s’est mis lui-même à cette place. Et ce qui devait arriver arriva – Dieu avait d’ailleurs prévenu les hommes, pour rien – : ce fut la catastrophe.
Se mettant lui-même au centre de sa vie, cela ne l’a pas seulement séparé de Dieu, mais aussi de ses semblables. Plus on se met en avant et plus on se sépare des autres. Voyez la rupture de la Tour de Babel, conséquence de l’orgueil humain ! Voyez la scission du Royaume de Salomon en deux, conséquence de la folie des grandeurs. Mais voyez aussi, de nos jours, les problèmes entre les races là où on rabaisse l’autre, la lutte des classes là où le capital semble ne penser qu’à se gonfler, les divorces où l’un des deux sacrifie le couple à ses penchants personnels.
Quant à nous, je pense que nous sommes assez honnêtes pour reconnaître qu’il nous est déjà arrivé d’être la cause d’une rupture, d’une querelle, voire d’un éloignement lent et progressif des autres. Il nous arrive de trop vivre dans nos propres désirs, dans nos propres tracas, dans nos propres espérances, dans nos propres craintes, de ne plus nous préoccuper que de nous-mêmes.
Le résultat en est inéluctablement un éloignement de Dieu et de nos proches. Cela peut se faire insidieusement ; peut-être qu’au début du processus nous ne nous en rendons même pas compte. Cela peut arriver dans la famille, au travail, dans le voisinage.
Si la sainteté parfaite – la santé spirituelle parfaite – consiste à « aimer le Seigneur, son Dieu, de tout son coeur, de toute son âme et de toute son intelligence. » et à « aimer son prochain comme soi-même. » (Mt 22.37+39), le péché, au fond, consiste à être en rupture avec Dieu et son prochain, le péché consiste à être exclusivement tourné vers soi-même et à faire de soi-même le seul critère de sa vie.
Voilà ce qui gangrène le monde. Voilà aussi le mal que nous devons traiter en nous. Voilà ce qui nous réunit régulièrement autour de la Parole et des sacrements.
Ce lien de notre détresse commune est néanmoins le seul lien à déplorer. Les autres liens sont d’une toute autre nature et compensent bien le premier. D’abord
----- 2 -----
Le lien de notre APPEL commun,
le lien de note vocation commune. Et ce lien est plus que réjouissant.
Dieu a eu pitié de notre état de division dans lequel nous nous débattons et a projeté d’y remédier. Avec la croix de Jésus-Christ, son Fils, Dieu s’est replacé au centre de l’univers, d’un univers de division et d’animosité.
Avec le Christ, Dieu s’est même placé sous cet amoncellement universel de péché et de ruptures, l’a porté, l’a expié et l’a fait éclater. Comme « victime expiatoire de nos péchés » et « de ceux du monde entier » (1 Jn 2.2), notre Seigneur a abattu toutes les barrières et « renversé le mur de séparation, l’hostilité » (Ep 2.14), que les hommes érigent entre eux, mur de péché qui les sépare aussi de Dieu.
La Bonne Nouvelle – l’Evangile ! – c’est que, grâce à l’intervention de notre Seigneur, Dieu considère que ce mur de péché n’existe plus entre lui et nous, qu’il n’existe plus pour celui qui place sa foi dans l’œuvre expiatoire de son Fils. Et nous tous qui plaçons notre foi en Christ, nous sommes unis, dit l’apôtre Paul, dans « un seul corps » (v. 4), celui des graciés, des croyants, des rachetés, des réconciliés avec Dieu.
Nous sommes unis dans « un seul corps » où on s’efforce de faire régner « l’unité de l’esprit par le lien de la paix » (v. 3), l’unité dans l’Eglise « dont Christ est le Chef et Sauveur » (Ep 5.23).
Voilà « l’appel » (v. 4) que Dieu a adressé à chacun de nous. Il nous a « appelés » (v. 4) pour que nous soyons des membres vivants dans ce « seul corps » du Christ – la communion des croyants –, et pour cela, il nous a « appelés » à la « seule foi » qui sauve, celle qui s’en remet au « seul Seigneur » Jésus-Christ (v. 5).
Nous savons comment nous avons été « appelés » : c’est le « seul Esprit » (v. 4), le Saint-Esprit, qui nous a appelés par l’Evangile, que ce soit sous forme de Parole qui nous est annoncée, ou sous forme de l’invitation à la Cène, ou encore à travers le « seul Baptême » (v. 5) que Dieu ait institué pour notre salut, le Baptême « d’eau et d’Esprit » (Jn 3.5 ; Tt 3.5-7) dont parlent Jésus et ses apôtres.
La plupart d’entre nous ne se rappellent pas de leur Baptême, mais nous savons tous combien le Saint-Esprit nous y a puissamment appelés à bénéficier du pardon du Christ et à entrer dans l’Eglise, le corps spirituel de Christ, le corps de ceux qui confessent fidèlement leur foi en Jésus-Christ.
Et c’est là, après le lien de notre détresse commune et de notre appel commun, le troisième lien qui nous unit :
----- 3 ------
Le lien de notre FOI commune
Paul rappelle ici aux chrétiens d’Ephèse qu’« il y a une seule foi » (v. 5).
Croire, c’est placer sa foi en Celui qui seul nous sauve, qui seul règne sur nos vies. Comme il n’y a qu’« un seul Seigneur » et Sauveur, Jésus-Christ, sur lequel placer sa foi, il n’y a que cette seule foi qui sauve.
Et comme c’est le « seul Esprit », le Saint-Esprit de Dieu, qui nous appelle à croire en ce « seul Sauveur », la foi qu’il fait naître dans les cœurs des gens ne peut être qu’une seule et même foi dans le Dieu Sauveur unique.
D’ailleurs, en relisant notre texte, on se rend bien compte que la foi chrétienne est étroitement liée aux trois personnes de la Trinité.
Le « seul Seigneur » Jésus-Christ – avec tout ce qu’il a fait pour nous et nous apporte par l’Evangile – est le centre, « le seul fondement » (1 Co 3.11) de notre foi et de notre salut.
Le « seul Esprit » de Dieu agit par l’Evangile sur nos cœurs pour que nous unir toujours plus solidement à notre Sauveur et nous faire partager les trésors de grâce qu’il nous a acquis par sa vie sainte, sa mort innoncete et sa résurrection glorieuse.
Quant au « seul Dieu et Père », il se trouve à l’origine de notre salut et de l’envoi de notre Sauveur, il nous accompagne dans sa fidélité paternelle et nous remettra un jour le « prix de notre foi : le salut de nos âmes » (1 P 1.9) quand il nous recevra dans la félicité éternelle.
Tous ceux qui partagent cette foi commune en Jésus-Christ, cette foi opérée par le Saint-Esprit, font partie de ce « corps dont Christ est le Chef » (Ep 5.23)
Certes, il y en a, dans d’autres églises, qui mélangent des erreurs à cette foi. C’est là chose dangereuse, car s’ils donnent trop d’importance à ces déviations, cela risque de faire vaciller leur foi en Jésus-Christ. C’est la raison pour laquelle nous donnons tant d’importance aux études bibliques et à l’instruction catéchétique : pour nous consolider dans la foi biblique et écarter les erreurs qui, comme le levain, peuvent faire lever toute la pâte et faire déchoir de la foi.
Estimons très haut le lien de notre foi biblique commune, consolidons ce lien en approfondissant notre foi au contact de l’Evangile, car alors nous resserrons aussi ce quatrième lien :
------ 4 ------
Le lien de notre VIE ou ŒUVRE commune
Pour parler de l’Eglise de Jésus-Christ, de l’ensemble des croyants, Paul écrit : « Il y a un seul corps ». Et bien entendu, comme son Chef, Jésus-Christ, « est vivant » (Lc 24.5+23) – il « est » même « la vie » ! (Jn 11.25 ; 14.6) – son corps spirituel, son Eglise, ne peut être que vivante de la vie qui lui vient de « la tête », du Christ vivant (Col 1.18).
Sans doute ne peut-on pas voir ce qui constitue l’essence de l’Eglise : la foi en Jésus-Christ. Néanmoins, nous qui avons cette foi, nous qui vivons dans la certitude d’avoir été pardonnés et sauvés par Jésus-Christ, nous ne pouvons pas ne pas exprimer par notre vie, par une vie chrétienne.
Jean-Baptiste appellera cela « les fruits dignes de la repentance » (Mt 3.8). Jacques, quant à lui, indique que là où la foi ne se manifeste pas dans la vie elle est morte, en fait elle n’existe pas (Jc 2.17+26).
Dieu merci, nous pouvons nous réjouir de ce que nous sommes entourés dans notre paroisse par « les fruits de l’Esprit » (Ga 5.22). la vie de l’Eglise se manifeste par ce qui ne peut être que l’expression de la foi des uns et des autres : l’Evangile est annoncé et les sacrements administrés et vous vous réunissez autour pour vous en nourrir. Nous nous fortifions mutuellement, nous réfléchissons à la meilleur manière de nous impliquer dans l’évangélisation et la mission.
En tant que membres du « Corps de Christ », nous sommes soucieux de maintenir « l’unité » créée par le Saint-Esprit entre nous. Pour cela, nous nous efforçons de nous « comporter d'une manière digne de l'appel que [nous avons] reçu, en toute humilité et douceur, avec patience. » Nous nous « supportons les uns les autres, dans l'amour, en [nous] efforçant de conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix. » (v. 1-2)
Ainsi nous montrons que nous avons compris quel est le but réel de notre vocation : devenir des ferments de paix et d’amour là où Dieu nous a placés dans la vie, mais aussi « nous efforcer de conserver l’unité de l’Esprit », l’unité de foi et de l’enseignement biblique, « par le lien de la paix ».
Voilà en quoi consiste le lien de notre vie commune.
Il reste à voir
----- 5 -----
Le lien de notre ESPERANCE commune
On pourrait se demander si cela vaut vraiment le coup de vivre comme « un seul corps » selon le « seul Esprit » si ce n’est que pour cette vie, si ce n’est que pour œuvrer pour la paix et l’amour, pour la justice et la solidarité en ce bas monde. Cela, d’autres ne peuvent-ils pas le faire aussi, du moins en apparence ?
Notre implication chrétienne dans cette vie est importante pour nous et pour les autres. Mais cette vie aura un jour une fin, la tienne comme la mienne, celle de tout le monde. En sera-t-il fini de nous ? La chose incroyable, mais vraie, est ce que Paul révèle ainsi : « Vous avez aussi été appelés dans une seule espérance, celle de votre appel » (v. 4).
Nous formons déjà « un seul corps » ici-bas, mais tout reste bien imparfait en ce bas monde et, d’ailleurs, nous avons du mal à voir le corps de Christ dans la réalité.
Eh bien ! Dieu « nous a appelés » à vivre cette unité dans la perfection, et à voir et à contempler cette unité parfaite : ce sera dans l’éternité bienheureuse. Là-bas l’unité de l’Eglise ne sera plus assombrie par des faiblesses, des déviances, des erreurs ici ou là ; là-bas l’unité des croyants sera éclatante, un vrai bonheur. Là-bas l’unité du corps de Christ aura été achevée dans la perfection.
C’est là le contenu de notre « espérance » commune. C’est là ce vers quoi nous tendons tous, le but vers lequel nous marchons. Cette espérance nous unit et nous donne la force de persévérer dans les moments difficiles.
Cette « espérance » nous porte, car, contrairement à d’autres choses que nous souhaitons ou espérons, mais qui restent du domaine de l’incertain, cette espérance-là est une certitude, car elle repose sur « l’appel » que Dieu nous adresse, et Dieu n’appelle pas dans le vide, Dieu ne joue pas avec nous, il ne se trompe pas non plus.
Cette espérance se fonde aussi sur l’œuvre de notre « Seigneur » et de ce qu’il a payé pour nous, et ce paiement est efficace, n’est pas un leurre.
Quand cette « espérance » qui nous est commune sera devenu réalité dans la félicité éternelle, alors « le seul Dieu et Père de tous » sera enfin et totalement « au-dessus de tous, par tous et en tous. » (v. 6)
Finalement, ces liens communs se tiennent tous :
Notre espérance commune nous soutient et nous affermit dans notre foi commune et dans notre vie commune sur le chemin de notre but commun : notre félicité commune.
Amen.
Jean Thiébaut Haessig
Chants proposés :