dimanche 6 mai 2012

Sermon du Dimanche 6 Mai 2012


Dimanche Cantate.     Ac 16 23-34

                                              
Chants proposés :
Célébrez Dieu hautement                                       LlS     7:1-5
Entonnons en ce jour un cantique nouveau        LlS 103:1-3+6  
A ta céleste volonté Je me soumets sans peine  LlS 229:1-3


23   « Après les avoir roués de coups, ils les ont jetés en prison en recommandant au gardien de la prison de les surveiller de près.
24   Face à une telle consigne, le gardien les a jetés dans la prison intérieure et a emprisonné leurs pieds dans des entraves.
25   Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, et les prisonniers les écoutaient.
26   Tout à coup, il y eut un tremblement de terre si violent que les fondations de la prison ont été ébranlées. Toutes les portes se sont immédiatement ouvertes et les liens de tous les prisonniers ont été détachés.
27   Lorsque le gardien de la prison s’est réveillé et a vu les portes de la prison ouvertes, il a tiré son épée, prêt à se tuer car il croyait que les prisonniers s’étaient enfuis.
28   Mais Paul a crié d’une voix forte : "Ne te fais pas de mal, car nous sommes tous ici !"
29   Alors le gardien a demandé de la lumière, est entré précipitamment et s’est jeté tout tremblant aux pieds de Paul et de Silas.
30   Il les a fait sortir et a dit : "Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ?"
31   Paul et Silas ont répondu : "Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi et ta famille."
32   Et ils lui ont annoncé la Parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison.
33   A cette heure-là de la nuit, le gardien les a emmenés pour laver leurs plaies. Il a immédiatement été baptisé, lui et tous les siens.
18    Après les avoir conduits chez lui, il leur a servi à manger. Il se réjouissait avec toute sa famille d’avoir cru en Dieu. »

Chers frères et sœurs venus au culte
pour faire monter vos chants vers notre Dieu !
Il y a des chants de joie et des chants de lamentation, des solos, des duos et des chœurs, des chants de témoignage et des chants de prière. Bref, le chant se prête à l’expression de tous nos sentiments. Il suffit de songer aux psaumes, ces chants grandioses des croyants de la Bible repris par les Eglises du monde entier dans les langues les plus diverses et des adaptations plus riches les unes que les autres !
Il n’empêche que pour le dimanche « Cantate » – impératif du verbe chanter, donc une invitation à chanter – on s’attend à un autre texte que celui de Paul et de Silas en prison. Il suffit de songer au Psaume 66, le psaume d’introït qui a donné son nom à ce dimanche et qui commence ainsi : « Poussez vers Dieu des cris de joie, vous tous, habitants de la terre ! Chantez (Cantate !) la gloire de son nom, célébrez sa gloire par vos louanges ! » (Ps 66.1-2)
C’est généralement le ton qu’on donne à ce dimanche, par exemple avec des chants comme « Entonnons en ce jour » (LlS 103 », « Entonnons de nouveaux cantiques » (LlS 140), « Entonnons un nouveau cantique » (LlS 30), « Entonnons un saint cantique » (LlS 73), « Faisons éclater par nos chants » (LlS 214), « Célébrons par nos chants » (LlS 87), « Célébrons tous par nos louanges » (LlS 121).
Or comment commence notre texte ? – Voyez plutôt : « Après les avoir roués de coups, ils les ont jetés en prison ! » (v. 23).
Que vient faire cette histoire un dimanche « Cantate » consacré au chant ? C’est que
LE CHRETIEN CHANTE EN TOUTE OCCASION
1.  En temps habituel il chante des confessions et des louanges.
2.  Quand cela va mal il chante des plaintes et la fidélité de Dieu.
3.  En présence des hauts faits de Dieu il chante sa joie avec gratitude.
X X X 1 X X X
En temps habituel
le chrétien chante
DES CONFESSIONS ET DES LOUANGES
On dit généralement de l’Eglise luthérienne qu’elle est l’Eglise de la Loi et de l’Evangile. On dit aussi qu’elle est l’Eglise qui chante. Il y a des milliers de cantiques luthériens qui ont été écrits et composés, les meilleurs d’entre eux s’étant gardés par-delà les siècles et ayant été traduits dans toutes les langues.
Luther a tout de suite compris l’importance du chant d’église. Il a donné l’exemple en composant les premiers chants protestants et a demandé à d’autres de suivre son exemple. C’est ainsi que sont nés nos cantiques.
Voici un facsimilé de son premier recueil de cantiques.




Une merveille pour l’époque. Un témoignage émouvant de la foi chrétienne.
Luther ne pouvait pas concevoir la foi sans chant ni musique. Il a chanté sa vie durant. Il a accompagné le chant sur instrument de musique. Il a même composé des chants à une et à deux voix.
Ce que Luther avait dit – « Dieu annonce l’Evangile aussi par la musique » – s’est révélé exact : les chorals luthériens ont été, avec la traduction de la Bible dans la langue du peuple, ce qui a permis à la réformation luthérienne de s’étendre rapidement.
Mais le chant d’Eglise luthérien n’est pas superficiel, il prêche l’Evangile dans tous ses détails et il formule sous forme de prières toutes les émotions du croyant.
Les deux volets du message biblique sont la Loi et l’Evangile : d’un côté, comment nous devons être et ce que nous devons faire, de l’autre ce que Dieu a fait pour nous par Jésus et continue de faire.
Pareillement, ce que nous exprimons dans nos chants, c’est à la fois la plainte sur nos péchés, la confession de nos péchés et de ce que nous méritons, et la joie de nous savoir acceptés, graciés, sauvés par Jésus-Christ.
Ce sont les deux mouvements du chant chrétien, un peu comme l’inspiration et l’expiration : la confession des péchés et la joie de l’absolution.
Cela peut se conjuguer sous toutes les formes, se chanter de différentes manières, dans des styles différents aussi, mais tout chrétien chante à la fois la tristesse et l’aveu de son péché et la joie et la reconnaissance en raison du salut procuré par Jésus-Christ.
X X X 2 X X X
Quand cela va mal
Le chrétien chante
DES PLAINTES ET LA FIDELITE DE DIEU
Oui, mais avons-nous toujours envie de chanter ? Quand nous nous débattons dans une difficulté, quand nous souffrons d’une injustice, avons-nous le cœur à chanter ?
C’est là que Paul et Silas nous impressionnent. On les a jetés injustement en prison, on les maltraite, … et que font-ils ? « Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu. » (v. 25) Quelle foi inébranlable que celle de ces deux hommes !
Nous n’avons pas la prétention d’avoir une foi aussi forte. D’ailleurs, Dieu ne nous demande pas l’impossible. Dans le malheur, les croyants de l’Ancien Testament ont aussi chanté des psaumes de pleurs et de plaintes, de cris au secours, comme au Psaume 143 : « Eternel, écoute ma prière, prête l’oreille à mes supplications, réponds-moi dans ta fidélité, dans ta justice ! […] Réponds-moi vite, car mon esprit s’épuise. […] Délivre-moi ! » (Ps 143.1+7+9)
Paul et Silas, comme les croyants d’origine juive de leur temps, connaissaient la plupart des psaumes par cœur. Certainement que, dans leurs prières chantées dans la prison de la ville macédonienne de Philippes, ils ont aussi chanté des psaumes de complainte et d’appel à l’aide.
Mais ils ne l’ont pas fait sans foi ni confiance. Ils ont appelé à l’aide tout en « chantant les louanges de Dieu ». Plus tard, Paul écrira aux chrétiens de cette même ville : « Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, accompagnées de prières de reconnaissance ! » (Ph 4.6)
Oui, même dans des situations difficiles et pénibles, n’oublions pas de « chanter les louanges de Dieu » ! Dieu est fidèle ! Jésus nous a réconciliés avec lui. Nous pouvons compter sur lui. Nous pouvons lui dire notre confiance et le chanter dans nos cantiques avant même qu’il ne nous soit venu en aide, tellement nous sommes sûrs qu’il s’occupe de nous avec bonté.
Chantons-lui, disons-lui notre certitude qu’il nous est fidèle. Jésus a fait le nécessaire pour que nous puissions être sûrs de la fidélité et de la bonté de Dieu envers nous. Cette certitude nous remplit de joie y compris dans le malheur.
La certitude que Dieu nous est fidèle remplit notre cœur de chant, même si nous ne devions pas l’exprimer par nos cordes vocales. Tout le monde n’est pas chanteur, mais le cœur de tout croyant est rempli de chant et de louange quand il pense à tout ce que Dieu est pour lui, à tout ce que Dieu fait pour lui, tout particulièrement dans les moments difficiles.
Mais n’oublions pas non plus de chanter des cantiques de joie et de gratitude quand Dieu nous fait vivre des moments réjouissants et gratifiants.
Nous avons trop tendance, un peu comme 9 des 10 lépreux, de connaître l’adresse de Dieu quand nous avons besoin de son aide, mais de l’oublier une fois qu’il nous a délivré d’une épreuve.
X X X 4 X X X
En présence de hauts faits de Dieu
le chrétien chante
sa joie avec gratitude
Le Seigneur est bel et bien intervenu en faveur de Paul et de Silas. Notre histoire nous montre d’ailleurs que Dieu a toujours quelque chose en vue quand il agit, même quand il impose une épreuve à ses enfants. Ce n’est pas toujours facile à découvrir. Parfois en ne s’en rend compte que bien plus tard.
Dans la ville de Philippes il voulait amener le chef de la prison et les siens dans l’Eglise, dans la communion des graciés et des sauvés. La façon extraordinaire dont Dieu est intervenu a fortement bouleversé cet homme ! Imaginez : les fers qui retenaient les prisonniers « ont été détachés » ! Encore, que les portes s’ouvrent lors d’un tremblement de terre, ça se comprend, mais que « les liens de tous les prisonniers aient été détachés » (26), et sans qu’aucun ne soit blessé, c’est tout bonnement un miracle.
Mais ce qui désarçonne encore plus le chef de la prison, c’est le comportement inhabituel, digne et honnête de Paul et de Silas. D’ailleurs, leurs chants devaient aussi avoir fortement impressionné les autres prisonniers, car aucun d’eux ne s’est enfui.
Cela me rappelle une anecdote. Du temps du rideau de fer, je me faisais un devoir d’aller aussi souvent que possible rendre visite, parfois avec ma femme ou mes enfants, à nos frères et sœurs d’Allemagne de l’Est. En face de notre Eglise à Chemnitz – qui s’appelait à l’époque Karl-Marx-Stadt – se trouvait la prison ou l’on enfermait les prisonniers politiques.
Un jour, le pasteur a reçu une lettre de remerciements d’un tel prisonnier : incarcéré, il pouvait entendre les cantiques joués régulièrement par l’ensemble de cuivres paroissial ; cela le soutenait dans son malheur, surtout aux environs de Noël. Les paroles de ces chants lui revenaient, ce qui l’aidait à tenir dans sa terrible épreuve.
Mais revenons au chef de la prison d Philippes. Lui aussi avait sans doute entendu les chants de louange de Paul et de Silas. Leur attitude complètement inattendue, alors qu’ils auraient pu se sauver, l’amène à vouloir en savoir plus. Comment peut-on faire partie de ces sauvés qui n’ont peur de rien, qui arrivent même à chanter en prison ?
« Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » (v. 30) La réponse le prend au dépourvu : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi et ta famille. » (v. 31) Aie tout simplement confiance en Jésus : il s’occupe de tout.  « Et ils lui ont annoncé la Parole du Seigneur, ainsi qu’à tous ceux qui étaient dans sa maison. » (v. 32)
Là aussi, on peut dire, comme dans le cas de Zachée : « Le salut est entré dans cette maison. » (Lc 19.9) « A cette heure-là de la nuit, le gardien les a emmenés pour laver leurs plaies. Il a immédiatement été baptisé, lui et tous les siens. » (v. 33)
Curieusement, il n’est pas dit qu’ils ont chanté dans ce moment de joie. Simplement, que le chef de la prison « se réjouissait avec toute sa famille d’avoir cru en Dieu. » (v. 34)
Mais si Paul et Silas ont chanté les louanges de Dieu alors que tout allait mal, ils ont certainement chanté ses louanges non pas seulement, ni tellement, de les avoir libérés de la prison, mais d’avoir libéré le chef de la prison et les siens des liens de la damnation et de la mort éternelle.
Il fallait souligner qu’un chrétien peut chanter dans le malheur ; il est pratiquement superflu de rappeler qu’il le fait dans le bonheur.
Si vous ouvrez votre recueil de cantiques, vous trouverez ce que des auteurs et compositeurs ont chanté dans des moments de joie, mais aussi dans des moments d’épreuves.
Vous trouverez des cantiques qu’ils ont chantés pour demander pardon, et d’autres pour chanter leur joie d’être pardonnés et sauvés.
Vous trouverez des prières chantées pour demander l’intervention de Dieu par la Parole, par le Baptême ou la Cène, vous en trouverez aussi pour le remercier de ce qu’il fait de grandiose en nous par ces moyens de grâce.
Tenez, une autre anecdote pour finir : Albert, Duc de Prusse était inconsolable à la mort de sa jeune épouse Dorothée. Il reprit pied en composant le chant « Was mein Gott will, das g’scheh allzeit » (1529), rendu ainsi en français :
« A ta céleste volonté
Je me soumets sans peine,
J’adore avec humilité
Ta bonté souveraine.
Que ta grâce accorde à ma foi
Sa divine assistance !
Ô mon Dieu, j’ai fondé sur toi
Ma plus douce espérance. » (LlS 229:1)»
En raison de sa profondeur évangélique et de sa grande charge d’espoir et de consolation, ce chant se chante depuis dans le monde entier sur une mélodie – tenez-vous bien – d’une danse de Claudin de Sermizy, musicien de la Cour de François 1er !
Des compositeurs luthériens comme Heinrich Schütz, Michael Praetorius, Jean Sébastien Bach, mais aussi, plus près de nous, Max Reger, pour n’en citer que quelques-uns, en ont composé des harmonisations pour chant et instruments, tant son contenu est profond.
Oui, le chant et la musique font partie intégrante de la foi chrétienne. Depuis le livre de la Genèse, en passant par les psalmistes – David entre autre – mais aussi Marie, Zacharie ou Siméon, les apôtres et les Réformateurs, depuis toujours, les croyants ont formulé leurs états d’âme avec les paroles de psaumes et de cantiques.
Il est donc normal qu’un dimanche de l’année soit consacré au chant sacré et à son rôle dans la foi personnelle et la vie de l’Eglise.
Amen.
Jean Thiébaut Haessig