mercredi 2 mars 2011

Sermon du dimanche 28 février 2011

Dimanche Sexagésime Lc 4.26-29

Chants proposés :

Dans ton temple, ô mon Sauveur, LlS 2 : 1-3

Ô Jésus, Maître doux et tendre, LlS 146 : 1-7

Ta Parole, Seigneur, LlS 151 : 1-5

Jésus à sa table sacrée , LlS 163 : 1-9

26 « Il dit encore :

Voici à quoi ressemble le royaume de Dieu. Il est semblable à un homme qui jette de la semence en terre ;

27 Qu’il dorme ou qu’il reste éveillé, nuit et jour la semence germe et pousse sans qu’il sache comment.

28 En effet, d’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi,

29 et, dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car c’est le moment de la moisson." »

Chers amis « semeurs » du Seigneur

dans le champ du monde,

C’est encore du « Royaume de Dieu » que parle cette parabole. Comme à son habitude, Jésus prend des exemples dans la vie quotidienne des gens qui l’entourent pour faire comprendre un aspect du « Royaume de Dieu », un aspect de la vie de l’Eglise, un aspect de la façon dont les choses se passent parmi nous, dans la communauté des croyants.

Chaque fois il souligne un autre aspect. Tenez, prenons la parabole qui précède et celle qui suit !

Avec la semence que le semeur fait tomber dans différents terrains (Mc 4.4-20), il veut nous inviter à travailler le terrain de notre cœur pour qu’il ne soit pas dur comme « le chemin » ou un « sol pierreux », ni asphyxié par ces « ronces » que sont « les préoccupations » et autres « attraits » de ce monde, mais que notre cœur soit bien meuble pour recevoir « la Parole vivante et permanente de Dieu » (1 P 1.23).

Avec la parabole de « la graine de moutarde », « la plus petite de toutes les semences » utilisées par les gens de l’époque dans leurs champs, il montre que « le Royaume de Dieu », même s’il commence de façon petite et insignifiante, se déploie finalement et grandit pour dépasser en splendeur tout ce qui existe sur le champ de ce monde. (Mc 4.30-33)

Avec notre parabole, Jésus veut nous encourager.

JESUS NOUS APPELLE

A LUI FAIRE CONFIANCE

1 quant à la qualité de la semence qu’il nous fournit,

2 quant au pouvoir vivifiant de sa semence,

3 quant aux fruits de nos semailles,

4 quant à la destination de ces fruits.

X X X 1 X X X

Jésus nous appelle à lui faire confiance

quant à

LA QUALITE DE LA SEMENCE

QU’IL NOUS FOURNIT

C’est là une chose bien importante. Si le semeur n’est pas convaincu de la qualité de sa semence, il ne la sèmera pas – à quoi bon se fatiguer pour rien ? – ou il la sèmera sans conviction ni espoir.

Le métier d’agriculteur n’est pas aussi simple que cela. Je me rappelle de l’exploitant le plus important dans ma dernière paroisse en Alsace. Il se rendait régulièrement dans un centre du département où on lui expliquait comment semer la semence de l’année en question et ce qu’il ne fallait pas faire. Il revenait dans son village et transmettait cela aux autres exploitants agricoles.

Ils étaient informés de la qualité de leur semence et des conditions dans lesquelles celle-ci donnait le meilleur rendement. Certains faisaient fi de ces conseils – n’avaient donc pas confiance en la semence – et répandaient beaucoup plus de semence sur le champ pour avoir un meilleur rendement. Mais au bout du compte ils étouffaient les semences en en mettant de trop, alors que celui qui avait confiance dans la semence et la semait moins dense, en récoltait plus.

La semence que Jésus nous a remise est-elle de bonne qualité ? N’y en a-t-il pas qui portent plus de fruit ? Les sketches des humoristes, les chants des stars en vogue, même les allocutions des politiciens qu’on critique pourtant comme ce n’est pas possible, ne réunissent-ils pas plus de gens que l’Evangile que nous semons ?

Vous savez, la poignée de disciples autour de Jésus devait se trouver bien peu de choses face aux foules qui affluaient vers le Temple de Jérusalem. Et quand Jésus agonisa sur la croix, ils ont dû se sentir bien plus petits et insignifiants encore.

Cette impression peut aussi nous gagner quand nous nous voyons, quelques dizaines de personnes, réunies dimanche matin, alors que les boîtes de nuit ne désemplissent pas, les musées et les salles de concert non plus. Notre semence est-elle de moins bonne qualité ? Ce qu’elle apporte, les fruits qu’elle porte, est-ce si insignifiant comparé à ce qu’offre le monde ?

Avec notre parabole, Jésus veut nous rassurer, même nous enthousiasmer pour sa semence et nous encourager à la semer.

X X X 2 X X X

Jésus nous appelle à lui faire confiance

quant au

POUVOIR VIVIFIANT DE SA SEMENCE

« Qu’il [que le semeur] dorme ou qu’il reste éveillé, nuit et jour la semence germe et pousse sans qu’il sache comment. » (v. 27)

Il ne viendrait pas à l’idée du semeur de passer les nuits éveillé à côté de son champ pour faire « germer » et « pousser » sa semence. S’il est incroyant, il se fie aux forces mystérieuses de la création ; s’il est croyant, il remet le sort de sa semence entre les mains du Créateur.

Sans doute l’exploitant agricole regardera-t-il de temps en temps son champ pour voir comment les choses évoluent, mais non pas pour faire germer et pousser la semence.

Cela me rappelle notre enfance. Maman nous permettait de semer des petits pois dans un coin du potager. Cela nous réussissait rarement. C’est que nous ne nous contentions pas de « dormir » ensuite comme le semeur de notre parabole, mais nous grattions la terre pour voir où en était la germination, et, avec le temps, nous avions souvent tellement malmené la semence qu’elle crevait.

C’est un peu comme si, en semant l’Evangile de Jésus-Christ, nous grattions continuellement auprès des auditeurs pour nous enquérir : « Alors, vous croyez maintenant ? » Tout au plus nous enverraient-ils promener.

Une telle attitude manque de confiance dans la qualité de la semence. Une telle attitude met en doute que « l’Evangile est » – comme l’écrit Paul – « une puissance de Dieu » pouvant réellement « sauver » (Rm 1.16), qu’il est – comme le dit Pierre de son côté – « une semence incorruptible, la Parole vivante et permanente de Dieu » (1 P 1.23).

La semence que Jésus a mise entre nos mains, est une semence « vivante » et « puissante ». Semons-la avec foi dans le divin producteur de cette semence comme dans la qualité de sa semence divine. « La sagesse mystérieuse et cachée » (1 Co 2.7) dont elle est faite fait qu’elle « germe et pousse sans que nous sachions comment ».

Sans doute nos agronomes et nos agriculteurs en savent-ils aujourd’hui plus sur le processus de germination et de croissance de la semence que du temps de Jésus, mais pourquoi la vie se développe ainsi, cela demeure un mystère.

Nous, de notre côté, nous savons aussi, pour l’avoir appris de Dieu dans la Bible, que le Saint-Esprit produit la foi et la développe au moyen de la semence de l’Evangile du Christ. Il n’en demeure pas moins que la conversion comme la persévérance dans la foi en Jésus-Christ, cette action « mystérieuse et cachée », nous ne pouvons pas l’expliquer « scientifiquement ».

Mais nous savons que nous pouvons avoir confiance dans le pouvoir vivifiant de cette semence, d’abord parce que Jésus nous l’assure, ensuite aussi parce que nous l’avons expérimenté dans nos propres vies.

Mais Jésus connaît notre impatience, il sait que nous aimerions voir plus de résultat ou des résultats plus rapides de notre travail de semeurs de l’Evangile. Aussi

X X X 3 X X X

Jésus nous appelle à lui faire confiance

quant aux

FRUITS DE NOS SEMAILLES

On a coutume de dire : « Il faut laisser du temps au temps. » S’il y a un métier où on apprend à être patient, c’est bien l’agriculture. Cela prend le temps qu’il faut. Et cela passe par des stades qu’on ne saurait court-circuiter.

« La terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, » et ce n’est que bien plus tard « que le fruit est mûr » (v. 27-28). Mais il vient à maturité, car le Seigneur veille.

Dans l’Ancien Testament, Dieu utilise une autre comparaison pour bien faire comprendre comment sa Parole d’Evangile « produit du fruit » en nous :

« La pluie et la neige descendent du ciel et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et avoir fait germer ses plantes, sans avoir fourni de la semence au semeur et du pain à celui qui mange. Il en va de même pour ma Parole, celle qui sort de ma bouche : elle ne revient pas à mois sans effet, sans avoir fait ce que je désire et rempli la mission que je lui ai confiée. » (Es 55.10-11)

Sans doute n’est-on pas tout de suite un croyant bien fondé, un croyant qui sait clairement articuler tous les points de l’enseignement de l’Evangile. Là aussi on passe par différents stades que Jésus compare ici au passage de « l’herbe » à « l’épi » puis au « fruit mûr ».

Quand vous passez dans les champs quelques semaines après les semailles, vous croyez voir de l’herbe. Au début, les céréales ne ressemblent qu’à de l’herbe. Il n’y a pas encore d’épis, pas encore de fruits.

C’est ainsi que l’Evangile semé dans les cœurs travaille en silence. Dans certains terrains, il lève plus vite, dans d’autres il met fort longtemps pour porter du fruit. C’est ce que nous constatons aussi quand nous faisons de l’évangélisation, ou pour utiliser des mots plus simples : quand nous témoignons de notre foi en Jésus-Christ autour de nous.

Les uns, le Saint-Esprit les convertit plus vite à la foi en Jésus que d’autres. Avec certains, la semence de l’Evangile met des mois, voire des années, à porter du fruit.

« Soyez patients, » veut nous faire comprendre notre Seigneur ! « Que la lenteur avec laquelle la semence lève ne vous décourage pas et ne vous amène pas à arrêter de semer. La semence est bonne. C’est même la seule qui puisse apporter la vraie vie, les véritables fruits. »

« Ce que vous voyez, après avoir semé, ce sont peut-être des fruits encore verts. Soyez patients. L’Evangile continue à faire son œuvre. Je l’ai pourvu d’une force vivifiante telle que vous pouvez avoir confiance en cette semence. Le fruits ne sauraient tarder. »

Et les fruits que porte l’Evangile que nous semons sont finalement d’une beauté exceptionnelle. Aucune autre semence ne peut les produire : la foi en Jésus-Christ, une vie menée dans la certitude que Dieu est réconcilié avec nous, que nous avons un allié sûr dans la vie, tellement sûr qu’un jour, même la mort ne pourra rien contre nous.

En attendant, semons, continuons à semer avec patience, et ayons confiance dans la puissance qu’a l’Evangile de porter du fruit.

X X X 4 X X X

Jésus nous appelle à lui faire confiance

quant à

LA DESTINATION

DES FRUITS DE NOS SEMAILLES

« Dès que le fruit est mûr, on y met la faucille, car c’est le moment de la moisson. » (v. 28)

Le but de toute semence, c’est de moissonner un jour. Quel agriculteur s’échinerait à semer, si c’était sans espoir de moissonner ? Lequel d’entre vous irait à son boulot, s’il n’avait la certitude d’être payé en retour ?

Une paroisse qui instruit ses enfants au catéchisme le fait dans l’espoir et en priant que ces enfants grandissent dans la connaissance et dans la foi en leur Seigneur et Sauveur, qu’ils continueront à croître vers la maturité spirituelle.

Une paroisse, comme la nôtre, qui s’efforce de semer l’Evangile parmi d’autres – avec nos goûters missionnaires, par exemple – le ferait-elle si elle n’avait la promesse de fruits de la part de son Seigneur ?

Jésus nous dit ici que nous pouvons tranquillement semer, que nous avons toutes les raisons d’être persévérants avec nos semailles : il y aura une moisson, il y aura une rentrée des récoltes. L’Evangile nous l’assure.

Un début de « moisson » se fait déjà dans cette vie. Etre reçu dans le Royaume de Dieu par la foi en Jésus-Christ, c’est déjà être « amassé dans le grenier » du Maître (Mt 13.30), être adopté comme son enfant, jouir de sa présence et de sa bénédiction.

Pour que de plus en plus de gens fassent partie de cette « moisson », semons, semons sans relâche.

Puis, un jour, « le Maître de la moisson » (Mt 9.38) décidera que pour moi, pour toi, le moment est venu de nous retrouver, selon l’âme, « avec lui dans son Paradis » (Lc 23.43). Ce sera le jour de notre décès. Ce jour, les moissonneurs seront les anges qui porteront nos âmes « dans le sein d’Abraham » (Lc 16.22).

Pour que de plus en plus de gens connaissent cet état, « ce qui de beaucoup est le meilleur » (Ph 1.23), encore meilleur que ce que nous pouvons vivre de plus beau ici-bas, semons, semons sans relâche !

Enfin, le Jour du Jugement Dernier, Dieu nous dira, à nous qui sommes un fruit des semailles divines, mais aussi à tous ceux en qui nos semailles seront arrivées à maturité : « Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, prenez possession du Royaume qui vous a été préparé dès la création du monde ! » (Mt 25.34)

Pour que de plus en plus de gens puissent, au Jour du Jugement Dernier, « prendre possession du Royaume », semons, semons sans relâche, avec foi en la moisson !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Sermon du dimanche 20 février 2011

Dimanche Septuagésime

Texte : Lc 17.7-10

Chants proposés :

Gloire à ton nom, ô Dieu de paix, AeC 261 : 1-3

Seigneur, écoute ma prière, AeC 143 : 1-4

Tu me veux à ton service AeC 427 : 1-3

7 « Si l’un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs : "Viens tout de suite te mettre à table !" ?

8 Ne lui dira-t-il pas, au contraire : "Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras." ?

9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné ? Je ne pense pas.

10 Vous, de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dite : "Nous sommes des esclaves sans prétention ; nous avons fait ce que nous devions faire." »

Chers serviteurs du divin Maître,

Quand j’ai lu le texte qui nous est proposé pour la prédication de ce dimanche, j’ai d’abord eu un mouvement de recul, car nos versions traduisent généralement la fin de cet épisode par la sentence : « Nous sommes des esclaves [ou : des serviteurs] inutiles. »

Que dire d’une phrase qui contredit son contexte ? Comment s’en sortir ? Comment trouver une application où on ne se mord pas la queue ?

Il est vrai, il y a des passages bibliques qui nous demeurent obscurs, dont nous n’aurons l’explication que dans l’au-delà. Mais prêcher sur le texte tel que le traduisent la plupart de nos versions, c’est tout simplement contredire tout ce que Dieu dit par ailleurs dans la Bible, y compris ce qui précède et suit cette constatation dans notre texte.

Alors, comment en est-on souvent arrivé à cette traduction insolite ? – Parce qu’en grec il y a deux homonymes – ἀχρεῖος (achreios) – dont l’un signifie : « inutile » ou « non indispensable » ; l’autre par contre signifie : « sans prétentions ».

Posons-nous donc les trois questions :

SOMMES-NOUS

1 des serviteurs inutiles ?

2 des serviteurs non indispensables ?

ou

3 des serviteurs sans prétentions ?

… ce qui n’est pas la même chose.

X X X 1 X X X

Sommes-nous

des serviteurs inutiles ?

Nous avons tous déjà entendu notre verset sous la forme : « Nous sommes des serviteurs inutiles ! » (v. 10). On l’entend parfois répéter, sans avoir sans doute pris le soin de regarder son contexte, sans s’être pris la peine de réfléchir à l’ensemble de notre texte.

On utilise alors ce texte pour se flageller, un peu comme Martin Luther dans sa cellule du couvent des Augustins à Erfurt, avant qu’il ne découvre l’Evangile libérateur du Christ, Evangile qui le libérera et le propulsera dans un « service » qu’on ne voudra quand même pas qualifier d’« inutile » !

Voyons notre texte d’un peu plus près. Nous sommes en présence d’« un esclave qui laboure », qui « garde les troupeaux » et qui « prépare et sert le souper » à son maître. (v. 7-8).

Quiconque a quelques notions en agriculture et en élevage, saura qu’il n’est pas « inutile » de labourer et de s’occuper des troupeaux. D’ailleurs, quel maître dilapiderait sa fortune pour acheter et entretenir des esclaves rien que pour qu’ils fassent des choses superflues, qui ne servent à rien ?

Et quiconque est déjà rentré fatigué et affamé de son travail, saura aussi qu’il n’est pas non plus « inutile » de pouvoir s’asseoir à table et se rassasier pour reprendre des forces.

D’ailleurs, les serviteurs ou esclaves de notre texte indiquent : « Nous avons fait ce que nous devions faire. » (v. 10) Ils ont fait ce dont ils avaient été chargés. Toutes les paraboles – pour ne prendre que les paraboles – montrent que ce qu’y accomplissent les serviteurs a une utilité, même une grande importance. Au point, d’ailleurs, que le serviteur qui n’a pas été utile est puni et chassé, parce qu’il a laissé dormir son talent, parce qu’il aurait dû être utile, mais ne l’a pas été.

Pensez-vous que Dieu nous charge de choses inutiles, pour s’amuser, un peu comme si nous étions son jouet ? Non, l’apôtre Pierre nous dit que Dieu a fait de nous des « pierres vivantes » « afin d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ » (1 P 2.5).

Et Paul nous invite : « Soyez, par amour, serviteurs les uns des autres ! » (Ga 5.13) Certainement pas parce que c’est « inutile » !

Les conjoints qui s’entraident pour mener à bien leur entreprise de vie commune, les parents qui élèvent leurs enfants, les personnes qui effectuent honnêtement leur travail, notre engagement dans l’Eglise et dans la mission, tout cela serait « inutile » ? Bien sûr que non ! Sinon le Seigneur ne nous y enverrait pas

Paul peut parler de son « utilité » (1 Co 14.16) comme de celle des destinataires de ses lettres (Ac 18.27 ; 2 Tm 4.11 ; Phil 11).

Et quand Jésus dit que nous sommes « lumière du monde » et « sel de la terre », il parle bien de notre utilité dans le monde !

Quand Pierre indique : « Vous êtes un peuple choisi, des prêtres royaux, une nation sainte, un peuple racheté afin de proclamer les louanges » du Christ (1 P 2.9) … quand Jésus nous ordonne : « Allez, faites de toutes les nations des disciples ! » (Mt 28.19), nous charge-t-il, là, d’un service « inutile » ?

Non, votre engagement dans la vie de couple, dans la vie de famille, pour le bien de vos parents et amis, dans la vie de l’Eglise ou d’associations caritatives, dans le monde du travail, bref, votre vie de rachetés et de sanctifiés n’est pas « inutile », mais porte du fruit, car elle a l’approbation de votre Père céleste, et elle est bénie par lui.

Demandons-nous alors en second lieu :

X X X 2 X X X

Sommes-nous

des serviteurs non indispensables ?

Ce n’est pas tout à fait la même chose qu’être inutile. Je prends un exemple qui va bientôt vous concerner.

Je pense, j’espère, je suis même sûr, que mon ministère parmi vous n’est pas « inutile », sinon le Seigneur ne m’aurait pas appelé parmi vous et n’aurait pas lié sa bénédiction à l’annonce de son Evangile et à l’administration des sacrements dont il m’a chargé parmi vous.

Et si je pensais que mon ministère était inutile parmi vous, je désespérerais, je déprimerais, je n’aurais pas la force de poursuivre. Rassurez-vous : c’est loin d’être le cas.

Mais dans quelque temps, dans peu d’années maintenant, mon Maître se passera de moi, il me remplacera par un autre pour exercer le ministère fort utile parmi vous. Je suis utile, mais pas indispensable. Dieu peu utiliser quelqu’un d’autre à ma place.

Et cela est vrai de chacun de nous. Dieu nous a placés là où nous sommes. Il nous a « rachetés, afin que nous lui appartenions et que nous vivions dans son Royaume pour le servir » comme « père, mère ou enfant, maître ou serviteur, » (Luther, Petit Catéchisme), chef de service, manœuvre ou artisan, pasteur, diacre, conseiller presbytéral ou paroissien sans titre particulier.

Partout, Dieu nous a placés pour que nous soyons utiles. Mais restons humbles, ne pensons pas que nous puissions exercer une sorte de chantage sur Dieu – comme les employés le font parfois sur les employeurs (le contraire existe aussi, mais ce n’est pas le sujet). Ne pensons pas que Dieu ne puisse se passer de nous. Personne n’est irremplaçable – Jésus-Christ bien sûr excepté dans l’œuvre de notre rachat.

Soyons reconnaissants à Dieu qu’il n’ait pas voulu se passer de nous, qu’il nous ait rachetés, appelés à son service et qu’il nous emploie dans des services utiles que nous pouvons rendre dans la famille, à l’Eglise, au travail, dans la société.

Soyons-lui reconnaissants : il va jusqu’à trouver notre service « agréables par Jésus-Christ » (1 P 2.5) alors que nous sommes bien peu de choses comparés à lui et qu’il pourrait se passer de nous. Eh bien non ! il ne le fait pas.

Il n’est pas non plus comme le maître de notre texte qui « n’a pas de reconnaissance » pour les services que lui rend l’esclave (v. 9). Au contraire, Dieu est un Maître qui nous complimente et qui, dans sa grande bonté, nous dit par exemple : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle […]. Viens partager la joie de ton maître. » (Mt 25.21-23)

Loué soit-il !

Demeure la dernière question : Si Dieu nous trouve utiles, bien que non indispensables,

X X X 3 X X X

Sommes-nous

« des serviteurs sans prétentions » ?

Revenons à notre histoire. Jésus prend les comparaisons dans la société de son époque. Il ne donne pas d’avis sur l’esclavage. Il utilise les relations qui existent dans le système social de ses auditeurs pour leur faire comprendre quelque chose.

Aujourd’hui, il prendrait les exemples dans notre société, alors que, dans deux mille ans, on ne comprendra peut-être pas davantage comment il était possible à notre époque que des dirigeants gagnent jusqu’à 400 fois le smic (jusqu’à 4 millions et demi d’Euros). L’écart n’est-il pas encore plus grand qu’entre le maitre de l’époque et son esclave ?

Il est vrai, il existe une différence essentielle entre l’esclave de l’époque et l’employé d’aujourd’hui : l’esclave appartient au maître. Là encore, nous n’allons pas nous lancer dans un débat pour savoir s’il vaut mieux être un smicard qui a du mal à nourrir sa famille, un SDF qui meurt de faim et de froid, ou un esclave qui a de quoi se nourrir, se vêtir et vivre avec sa famille.

Le débat peut être intéressant, mais ce n’est pas là le sujet de notre texte.

Le point de comparaison, c’est que le maître a acheté son esclave. Nous, de notre côté, nous confessons : « Je crois que Jésus, […] m’a racheté, moi, perdu et condamné, en me délivrant […] afin que je lui appartienne et que je vive dans son Royaume pour le servir […]. » (Martin Luther, Petit Catéchisme).

Nous ne nous offusquons pas de ce que Jésus nous ai rachetés pour que nous lui appartenions. S’il ne l’avait pas fait, nous serions restés liés à Satan et à la damnation éternelle.

Appartenir à un maître comme lui, qui nous aime plus que sa vie, qui a souffert la damnation à notre place pour que nous n’ayons pas à la connaître, qui a payé pour que Dieu soit réconcilié avec nous et nous accepte dans sa famille éternelle, cela nous gênerait ? Alors nous n’aurions rien compris.

Non, cela nous remplit de gratitude envers lui, cela nous pousse à le servir pour lui montrer notre gratitude. Nous ne le faisons pas pour gagner ou mériter le pardon et le salut ; nous le faisons parce qu’il nous l’a déjà accordé, ce pardon et ce salut.

Nous ne le servons pas pour lui présenter ensuite une facture, pour lui faire connaître nos revendications, pour lui faire comprendre que nous avons des prétentions.

Que pourrions-nous revendiquer de plus que nous n’ayons déjà reçus ? Paul nous dit : « La grâce de Dieu vous a été accordée en Jésus-Christ. En lui vous avez été comblés de toutes les richesses […]. Ainsi, il ne vous manque aucun don. » (1 Co 14-7)

Non, il ne nous viendrait pas à l’idée de vouloir faire valoir des prétentions pour le service que nous avons la grâce et l’honneur de rendre à notre Sauveur bien-aimé.

D’ailleurs, nous ne pouvons même pas prétendre, comme l’esclave de notre texte, que « nous aurions fait ce que nous devions faire » (v. 10). Un employé peut dire à son chef : « J’ai fait ce que tu m’a demandé de faire. »

Sur le plan spirituel, « ce que nous devions faire » « être parfaits comme notre Père céleste est parfait » (Mt 5.48) – nous ne le faisons qu’imparfaitement. Nous n’avons donc guère de mérites à faire valoir. C’est notre Maître qui a été parfait à notre place.

En ce sens, notre histoire personnelle est tout à fait différente de celle de l’esclave d’un maître de l’époque. Notre Maître se fait serviteur pour réparer notre service imparfait.

Et grâce à son intervention, notre service – utile, certes, mais néanmoins imparfait – est cependant « agréable à Dieu ».

Restons humbles, certes, mais plein de joie, parce que le service que le Seigneur nous demande est utile dans son Royaume et dans le monde !

Qu’il nous y assiste et nous bénisse dans sa grâce !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig