mardi 25 mars 2008

Sermon du dimanche 23 mars 2008 - Fête de Pâques

Texte : Jn 20.19 et Mc 4.3-8

Jn 20.19 :
« Le soir de ce jour-là,
qui était le premier de la semaine,
alors que les portes de l'endroit
où se trouvaient les disciples
étaient fermées, par crainte des Juifs,
Jésus vint.
Debout au milieu d'eux,
il leur dit :
"Que la paix soit avec vous !" »
[1]

Mc 4.3-8 :
4:3 « Ecoutez :
Le semeur sortit pour semer.
4:4 Comme il semait,
une partie de la semence tomba le long du chemin :
les oiseaux vinrent et la mangèrent.
4:5 Une autre partie tomba dans un endroit pierreux,
où elle n'avait pas beaucoup de terre :
elle leva aussitôt,
parce que la terre n'était pas profonde;
4:6 mais quand le soleil se leva,
elle fut brûlée
et elle se dessécha, faute de racines.
4:7 Une autre partie tomba parmi les épines :
les épines montèrent et l'étouffèrent,
et elle ne donna pas de fruit.
4:8 D'autres grains tombèrent dans la bonne terre :
montant et croissant,
ils finirent par donner du fruit ;
l'un rapporta trente,
un autre soixante,
un autre cent. »


Chers frères et sœurs
comblés d’une « paix » éternelle
par le Vainqueur de la mort !

Imaginons : Vous êtes décédés, puis le Seigneur vous ressuscite, vous fait revenir parmi les vôtres : que pensez-vous que vous leur diriez en premier en les rencontrant pour la première fois ?
Sans doute qu’ils seraient curieux de savoir à quoi cela ressemble, l’au-delà, l’autre côté de la mort. Serait-ce là la première chose que vous leur diriez ?
Peut-être ne pourriez-vous vous retenir de louer Dieu pour ce miracle… Peut-être que vous leur raconteriez comment cela s’est passé : la mort, l’au-delà, le retour… Que leur diriez-vous en premier ?

Et qu’a dit Jésus en premier, quand il est ressuscité ? Après de brèves apparitions à l’un (plutôt à l’une) ou à l’autre, il est apparu à tous ses « disciples » et « leur a dit : "Que la paix soit avec vous !" »

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La premier mot de Jésus
après sa crucifixion et résurrection,
c’est « la paix » !

Cette salutation, il l’a d’ailleurs répétée tout de suite une seconde fois, une fois que leur ébahissement fit place à une joie débordante : « Que la paix soit avec vous ! » (v. 21).
Quelle parole divine ! Une merveille de parole de bénédiction ! Jésus prononce une parole de « paix ». Et il sait pourquoi : « la paix », c’est ce dont chacun de nous a le plus besoin.
Ce qui frappe, c’est que, comme ses paroles du haut de la croix, ses paroles de Ressuscité ne se préoccupent pas de lui, mais des autres. Contrairement à ce que nous tendons à faire, Jésus ne pense pas d’abord à lui, mais à nous.

« La paix ! » … Dans tout l’Ancien comme dans tout le Nouveau Testament, ce mot contient et résume toutes les bénédictions de Dieu pour les siens. Le mot hébreu « shalom » désigne un état de totale satisfaction et contentement. Le « shalom » divin procure un sentiment de bien-être et une joie profonde qui surmontent et triomphent des côtés négatifs et désagréables de la vie.
Et ce « shalom », cette « paix » est un don gratuit de Dieu, elle n’est pas méritée.

Le mot grec correspondant – eirenh (« eirénè ») – revient, lui aussi, souvent dans le Nouveau Testament, et souvent en relation avec d’autres bénédictions divines, avec d’autres dons de la grâce de Dieu. Cela doit nous montrer combien la puissante et chaleureuse bonté de Dieu nous entoure et nous protège de toute part.

Un théologien américain a ainsi défini « la paix » : « la certitude calme et tranquille que Dieu est avec moi, qu’il va toujours me conduire et m’aimer et qu’il m’encourage à m’en remettre toujours à lui. » (E. Brown ; Living the Liturgy)

« La paix », ce n’est rien moins qu’avoir Dieu, ce qui nous rappelle que celui qui souhaite ici « la paix » n’est personne d’autre qu’« Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu-avec-nous » (Mt 1.23), le « Dieu-pour-nous ».

Comme tel il lance régulièrement dans les troubles et les bouleversements de nos existences : « Que la paix soit avec vous ! »

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La parabole du semeur
montre aussi
que nous avons besoin de « paix »

Le ressuscité sait : « la paix », c’est ce dont nous avons exactement besoin. C’est d’ailleurs aussi ce que toute personne recherche plus ou moins consciemment. Etre certain que Dieu a tout sous son contrôle dans ma vie, que rien ne peut en fin de compte me nuire réellement, cela m’aide à vivre dans une sérénité et une joie qui me rendent la vie précieuse.

Dieu fait des choses incroyables pour nous prouver qu’il est en « paix » avec nous, donc que nous pouvons vivre sans être terrifiés par lui. La manière dont il vient à nous dans la Parole et les sacrements nous apporte « la paix » dans tous les domaines de la vie.
« C’est lui – Christ – qui est notre paix ! » (Ep 2.14). Auprès de lui nous trouvons « la paix qui surpasse toute pensée, » tout ce que nous pourrions imaginer (Ph 4.7)

Voyez comment, durant sa vie visible sur terre, il s’est comporté avec les gens qui ne trouvaient pas « la paix » dans leur vie. Il faisait tout pour qu’ils comprennent : Dieu a fait « la paix » avec vous !

Sa première parabole – et sans doute l’une des plus importantes – commence ainsi : « Le semeur sortit pour semer. » (Mc 4.3) Jésus résume ou caractérise son ministère et celui des siens avec ces mots : « Le semeur sème la Parole » (Mc 4.14). Et le meilleur résumé de cette « Parole », le voici : « Que la paix soit avec vous ! »

Quel merveilleux message ! C’est exactement ce dont nous avons besoin, nous et nos contemporains, car « la paix » fait défaut un peu partout dans le monde.
Cette « paix », nous ne pouvons pas l’établir nous-mêmes. Et sans Dieu il ne saurait y avoir de véritable « paix » pour nous. C’est là le dilemme de l’homme.

Nous ne pouvons pas vivre dans une « paix » sans ombre avec les autres. Nous n’arrivons même pas à être totalement en « paix » avec nous-même. Nos problèmes nous tracassent, nos carences et travers nous donnent du fil à retordre. Le comportement des autres nous trouble ou nous gêne, s’il ne nous met pas carrément mal à l’aise. Il nous arrive d’être blessés ou de nous sentir seuls, d’être découragés ou de ne pas savoir où nous en sommes. Nous cachons nos véritables sentiments. Nous sommes intérieurement tiraillés par des choix parfois douloureux.

Parfois nous sommes inquiets quand nous réfléchissons à ce que Dieu peut bien penser de notre façon de faire. Nous découvrons : nous lui avons désobéi – et nous nous sentons coupables. Nous craignons qu’une chose enfouie au fond de nous – ou que nous avons su cacher aux autres – ne devienne publique. Nous n’aimerions pas que les autres nous voient tels que nous sommes. Si seulement Dieu ne voulait pas s’intéresser à nous de trop près, lui qui sait tout ! … De telles pensées menacent de briser notre « paix ». En fait,

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Celui qui nous insuffle ce genre de pensés,
pour nous priver de la « paix »,
c’est Satan.

Et voici – ô miracle ! – qu’au milieu de notre désarroi, Celui qui vient de se dégager tripomphalement de mort se présente devant nous et nous dit des paroles de « paix » : « Que la paix soit avec vous ! » Quel soulagement ! Comment contenir notre joie !

Mais – ah ! quel malheur ! – Satan, lui aussi se pointe et nous susurre : « "La paix" n’est pas pour toi. Ce n’est pas vrai que Dieu te l’aurait aussi destinée à toi. Tu ne mérites pas cette "paix". Tu ne fais pas partie des gens avec lesquels Dieu fait "la paix". Il faut d’abord que tu t’améliores, et éventuellement qu’alors tu obtiendras un jour "la paix", mais certainement pas maintenant, tel que tu es ! »
C’est comme ceci que « Satan vient enlever la Parole » de paix (Mc 4.15), et par là même « la paix » elle-même des cœurs. C’est ce que Jésus illustre ainsi : « La semence tombée le long du chemin » a été mangée par les oiseaux (v. 4). Et sans la Parole de Dieu, pas de paix !

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Ou, se pourrait-il
que nos racines soient trop superficielles,
pour maintenir la « paix » en nous ?

« Le Semeur » continue de « semer ». Jésus continue de répandre cette « Parole » : « Que la paix soit avec vous ! » Et nous, nous la prenons, sa « paix », sans trop y réfléchir, et la rangeons avec nos autres objets de collection, un de plus, sans plus. « Que la paix soit avec vous ! » nous dit-il.
Toi qui pleures la perte d’un être cher, toi aussi qui vois des espoirs s’évanouir avec le temps, toi qui as du mal à t’adapter aux changements de la vie : « Que la paix soit avec toi ! »

Le souvenir de joies du passé, les fortes impressions laissées par des bonheurs d’autrefois, tout cela nous pousse à accepter « la paix » de Dieu. Nous en avons bigrement besoin. Nous avons tous envie de sérénité et de joie dans cette existence souvent si stressée et harassante.
Malheureusement, trop souvent nous rangeons « la paix » de Dieu parmi les autres joies de la vie, nous ne la traitons pas comme quelque chose d’éminemment plus précieux que tout le reste, et, avec le temps, nous la perdons de vue derrière les autres satisfactions de l’existence.
Il y a tant de choses auxquelles nous devons veiller dans notre vie de tous les jours qu’il est parfois difficile de s’abandonner à « la paix » de Dieu. Notre attention est attirée par tant de choses que nos oreilles deviennent sourdes aux paroles que Jésus nous adresse.

De quoi vient-il encore de parler ? De « paix » ? Comment puis-je trouver « la paix » si je cours après tant de choses dont j’ai besoin ou que je désire ? Et c’est ainsi que « la paix » est « étouffée » telle une petite plante « étouffée » sous les épines (v. 7).

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Aussi nourrissons et soutenons
la « paix » apportée par Jésus !

« Le semeur sortit pour semer. » La Parole de « paix » continue à être annoncée – Dieu, merci ! à nous aussi – et nous voulons l’accueillir et en prendre soin, la consolider dans nos cœurs. Nous avons besoin de « paix » si nous voulons vivre. « Seigneur, aie pitié de nous ! » (Ps 123.3)
Justement, notre Seigneur ressuscité – le flanc, les mains et les pieds percés – nous nous dit : « Que la paix soit avec vous ! » Le divin Ressuscité a le message qu’il faut à nos cœurs assoiffés de paix.

Au cours du Temps de sa Passion, nous avons médité ses souffrances et sa mort expiatoires pour nos péchés. Aujourd’hui, résonnent à nos oreilles les chants que nous faisons monter vers le Vainqueur de la mort et de l’enfer. Nous avons confessé nos péchés et reçu l’absolution. Nous avons entendu les lectures du jour et sommes en train de nous laisser conduire dans notre méditation par la prédication de son triomphe. Bref, la Loi et l’Evangile nous ont préparés à être de « la bonne terre » (v. 8). Nous attendons de recevoir « la semence », sommes ouverts pour « la Parole » et… que recevons-nous ? qu’entendons-nous ? – « Que la paix soit avec vous ! »

Il nous arrive alors de nous demander : « Pourquoi je ne sens rien – ou pas grand-chose – de cette « paix » ? » – Et nous continuons à être en manque de « paix ».

Où est le problème ? Est-ce toujours la situation du temps de Jérémie : « Paix ! paix ! – et il n’y a pas de paix » (Jé 6.14) ? Se pourrait-il que « la parole qui sort de la bouche » de Dieu pourrait quand même « revenir à lui sans effet » ? (Es 55.11) Comment se fait-il que nous soyons encore à la recherche de cette « paix » ? Comment pouvons-nous enfin l’obtenir ?
La réponse, la voici :

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La Parole de Dieu ne cesse de répéter :
nous avons la « paix » !

C’est là l’étonnante nouvelle qui sort de la tombe vide du Christ. Paul l’a formulée ainsi : « Jésus-Christ est notre paix » (Ep 2.14). Il n’annonce pas seulement « la paix », il ne la promet et ne l’apporte pas seulement : « il est notre paix ! »

Quiconque le reçoit est en « paix ». Il n’y a, en fait, pas de « paix » réelle en-dehors de lui. « La paix » n’est pas une marchandise qu’on pourrait se procurer comme ça, toute seule. « La paix », c’est « Jésus ». Ces deux mots – « la paix » et « Jésus » – ont le même sens, sont en fait interchangeables.

« Jésus-Christ est notre paix » car il a réussi à faire taire les accusations que Satan et notre mauvaise conscience portaient contre nous. Satan veut nous faire croire que nous allons partager son sort à cause de nos péchés ? Jésus répond :

« Tu aurais effectivement mérité que tu sois damné à cause de tes péchés, mais je les ai expiés et tu me fais confiance. Sache que rien « ne pourra » maintenant « [te] séparer de l’amour de Dieu en [moi,] Jésus-Christ, [ton] Seigneur » (Rm 8.39). Personne n’a le droit de mettre en doute "la paix" que je t’ai procurée par ma médiation. Sois sans crainte : grâce à moi, tu es "en paix avec Dieu" (Rm 5.1) ! »

Le mot « paix » – « Jésus » – me subjugue, même si mes « racines » (v. 8) ne sont pas aussi profondes qu’elles pourraient l’être.

Pour nous « la Parole » – de « paix » – « est devenue chair » (Jn 1.14) en Jésus-Christ. Pour nous Jésus a été solidement planté en terre, profondément dans la mort ; il a même connu les affres de l’enfer. Ainsi il est allé au fond de nos problèmes et a arraché les racines de notre angoisse.
Jésus est notre ancre et notre racine. Jésus le Ressuscité – « celui qui vit à tout jamais » (Ap 4.9) – nous a saisis et nous enlace fermement dans son amour, un amour plus fort que les griffes de la mort. « Nous avons été unis à lui » (Rm 6.5 ; trad. Segond 21), le Vainqueur de notre enfer et de notre mort : il nous soulage et nous rassure ; « Il est notre paix ! »

Mais Jésus a aussi « vaincu ce monde » (Jn 16.33) et « tout ce qui est dans le monde : le désir de la chair, le désir des yeux et la confiance présomptueuse en ses ressources » (1 Jn 2.16)
Jésus est mon désir, ma richesse, ma protection. « Il prend soin de nous » (1 P 5.7) au point qu’auprès de lui je peux vivre sans souci. Il est riche en miséricorde et en pardon, en protection et en espérance, et toutes ses richesses sont « pour moi » (Ga 2.20 ; Ph 1.21). Il est lui-même mon « trésor » le plus précieux (Mt 13.44).

Le psalmiste confessait déjà : « En dehors de toi, je ne désire rien sur la terre » (Ps 73.25). Il savait : « Si je l’ai, lui, "je ne manquerait de rien" (Ps 23), il m’apporte tout ce dont j’ai besoin. Rien ne peut réellement me nuire. En se laissant presser la couronne d’épine sur la tête il a éloigné de moi les griffures de la vie, il a en tout cas anesthésié les effets de ces griffures. "Jésus-Christ est ma paix !" »

Jésus est « la semence » qui produit « la paix », qui m’apporte « la paix ». C’est parce qu’il a été semé dans la terre – parce qu’il est mort et ressuscité pour moi – que sa vie a pu m’être transmise, que « sa paix » est venue me remplir. Et « c’est Dieu qui fait croître » tout cela dans mon cœur (1 Co 3.6-7).

« Par [notre] baptême, nous avons été ensevelis ensemble avec lui dans la mort afin que, tout comme le Christ s'est réveillé d'entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie. » (Rm 6.4)

Dans tout ce que je fais, mon attention est tournée vers lui, ma foi se concentre sur lui seul, lui « la Parole devenue chair », « la semence » devenue « vie ».

Tant que Dieu « sème » cette « semence », recevez-la avec joie et gratitude dans vos cœurs. Laissez « Jésus », « votre paix », s’établir dans vos cœurs. Laissez-le grandir en vous, et sa « paix qui surpasse toute pensée » (Ph 4.7) vous pénètrera toujours davantage.

Quelle a été la première parole du Christ ressuscité à ses disciples ? – « Que la paix soit avec vous ! »
N’oubliez pas : en Christ, le Vainqueur de la mort, nous vivons pour toujours. « Que la paix soit avec vous ! »

Amen.
Jean Thiébaut Haessig, pasteur


[1] Jn 20.19 : « Le soir de ce même dimanche, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient fermées, car ils craignaient les Juifs; Jésus vint alors se présenter au milieu d'eux et leur dit : "La paix soit avec vous !" » (Segond 21)


Chants :

Entonnons en ce jour
un cantique nouveau LlS 103 : 1-3+6
L’heureuse paix dont, en mourant, LlS 108 : 1-3
C’est moi, c’est moi qui vous console LlS 243 : 1-5

samedi 22 mars 2008

Sermon du 16 mars 2008 - Dimanche des Rameaux

texte : Hé 12.1-2

1 « Nous donc aussi,
puisque nous sommes entourés
d'une si grande nuée de témoins,
rejetons tout fardeau
et le péché qui nous enlace si facilement,
et courons avec persévérance l'épreuve
qui nous est proposée,
2 les yeux fixés sur Jésus,
qui est le pionnier de la foi
et qui la porte à son accomplissement.
Au lieu de la joie qui lui était proposée,
il a enduré la croix, méprisant la honte,
et il s'est assis à la droite du trône de Dieu. »
[1]

Chers frères et sœurs,
athlètes d’une course
vers un but grandiose et éternel !


Quand on se penche sur le message que Dieu nous adresse dans les chapitres 11 et 12 de l’Epître aux Hébreux, on peut être – je l’avoue – quelque peu impressionné par les conclusions qui y sont tirées pour nous qui plaçons notre foi en Jésus-Christ.

Au chapitre 11, Dieu nous présente toute une série de héros de la foi de l’Ancien Testament, et ils nous sont présentés en exemples : Moïse, Rahab, Gédéon, Barak, Samson, Jephté, Samuel, David et les prophètes, des femmes courageuses, bref toute une série – ou, pour parler avec les termes de notre texte – « une si grande nuée de témoins » (v. 1).

Leurs vies, leurs existences nous paraissent les placer tellement au-dessus de nous, et pourtant Dieu nous les donne en exemples pour que nous vivions avec la même foi dans le Seigneur.
Le chapitre 12 enchaîne alors avec cette exhortation – le premier verset de notre texte – : « Nous donc aussi, puisque nous sommes entourés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enlace si facilement, et courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée. » (v. 1)

Notre combat consiste à nous efforcer de suivre cette exhortation de notre Père céleste, et ceci, malgré le freinage incessant de notre nature pécheresse innée. Celle-là essaye de nous empêcher de suivre les exhortations de Dieu et de nous faire emprunter des voies de traverse non conformes à la bonne et miséricordieuse volonté de Dieu.

On a parfois l’impression de jouer à la marelle et de se trouver en face d’un double moulin qui, quoi que nous fassions, se ferme sur nous. Nous semblons toujours avoir coup perdant.
Mais notre texte nous montre que, dans la vie, il existe un atout pour nous sortir de ce genre d’embarras ou de pétrin : « Jésus, qui suscite la foi » (Segond 21) « et la porte à son accomplissement. »

Lui nous aide à « courir avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée », la course vers la félicité éternelle.»

Aussi le thème de notre méditation d’aujourd’hui sera-t-il


DEBARRASSEZ
CE QUI FAIT OBSTACLES A
LA COURSE DE VOTRE FOI,

1. une course dont Jésus donne le signe de départ ;
2. une course que Jésus a déjà courue avant nous ;
3. une course où Jésus nous attend à l’arrivée.

Une course qui n’échoue pas devant les obstacles de la vie est


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une course dont Jésus-Christ donne le signe de départ.

Un coureur averti ne participe pas à toutes et à n’importe quelles courses. Notre aîné a couru pendant des années des triathlons et autres courses à pied ou à vélo. Cela commence par l’étude des circulaires ou, maintenant, par l’étude des sites web. Le coureur veut savoir : Qui organise la course ? Peut-on leur faire confiance ? Est-ce du sérieux ou va-t-on s’embarquer dans une aventure hasardeuse ? Aussi : Est-ce à ma portée ?

Dans notre texte, l’auteur de l’Epître aux Hébreux compare notre vie, la vie du croyant, à une course de fond, à une course d’endurance, car il écrit : « Courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée. » La vie du croyant est une course de longue haleine, une course où on n’atteint la fin que si on est « persévérant » dans « l’épreuve ». Nous y reviendrons plus tard.

Focalisons notre attention un instant plus particulièrement sur cette indication : « Courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée. » … « qui nous est proposée… » Par qui ? Par Dieu, bien évidemment. En particulier par « Jésus » dont la personne et l’œuvre irradient carrément nos deux versets.

Quand il nous arrive, dans la vie, de regarder autour de nous et d’avoir l’impression que notre vie est une course d’orientation où nous nous sommes perdus, où nous sommes seuls ; quand nous nous demandons : « Qu’est-ce que je fais dans cette galère ? », n’oublions pas que Jésus est l’organisateur de notre course. Il connaît le parcours – il l’a parcouru avant nous, et dans des conditions bien pire encore, comme nous le verrons dans le second point – Il connaît le parcours, il en connaît les difficultés, il sait aussi nous venir en aide pour adapter notre course à nos forces et capacités.

Encore ne faut-il pas vouloir tricher avec la course, ne pas recourir à des moyens illicites – s’écarter de son parcours, choisir ce qu’on pourrait appeler des raccourcis interdits – pour contourner les obstacles placés là par le divin organisateur. Que diraient les organisateurs d’une course de steeple si un coureur contournait les haies au lieu de sauter par-dessus ?

Les obstacles que nous rencontrons dans la vie sont là parce que Jésus nous connaît et qu’il veut nous faire progresser en nous demandant d’aborder les difficultés en lui faisant confiance, à lui, à ses promesses, à son organisation, à ses dispositions.

Faire confiance à Jésus-Christ qui nous a enrôlés dans cette course… L’apôtre Pierre, quant à lui, dira que Jésus « nous a appelés des ténèbres à son étonnante lumière » (1 P 2.9)
Une première vérité rassurante, c’est que c’est Jésus « qui nous a appelés à son admirable lumière, » celle qui éclaire le parcours de « l’épreuve proposée » pour notre vie.

S’il y a quelqu’un dont nous ne pouvons pas mettre l’amour pour nous en doute, c’est bien lui. Il suffit de regarder à sa croix. Et s’il y a quelqu’un qui peut organiser notre course de manière à ce que « tout concoure à notre bien » (Rm 8.28), c’est encore lui, le Fils éternel de Dieu.

Il nous a enrôlés dans sa course lors de notre Baptême. C’est là qu’il nous a placés sur le circuit céleste. Dans le Baptême, il nous a même préparés pour cette course en nous donnant son Saint-Esprit. Celui-ci nous a régénérés, a fait naître en nous la foi en Jésus et en son œuvre expiatoire.
On pourrait voir dans le Saint-Esprit à la fois notre préparateur et notre entraîneur. Il nous a préparés dès notre Baptême pour être aptes à courir l’épreuve de la vie chrétienne, et il continue de nous entraîner, de nous armer pour la course de la vie à l’aide de l’Evangile de Jésus-Christ. Le rôle de ce dernier consiste à nous apprendre à « fixer nos regards sur Jésus, l’initiateur de notre foi », l’initiateur, celui qui se trouve au départ de notre course, celui qui a fait en sorte que cette course soit à notre portée, celui qui en a fait le tracé.

Faisons-lui confiance. Ne nous rajoutons pas nous-mêmes des obstacles supplémentaires, en laissant nos travers, nos mauvais penchants, nous compliquer la vie, nous faire rater la course ou nous la faire abandonner en cours de route.

Ecartons ce qui nous fait douter du divin organisateur de « l’épreuve », débarrassons de notre itinéraire ce qui voudrait nous faire échouer, et puis, gagnons toujours plus en assurance en nous rappelant aussi :

Une course qui n’échoue pas devant les obstacles de la vie est


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une course que Jésus a déjà courue avant nous.

La lutte de la foi en Dieu, Jésus connaît. Les tentations aussi, et pas des tentations superficielles, l’histoire de sa tentation par le diable en fait foi (Mt 4.1-11). Et sa lutte dans le Jardin de Gethsémané aussi. L’auteur de l’Epître aux Hébreux – d’où est tiré notre texte – indique : « Nous n'avons pas un grand prêtre insensible à nos faiblesses ; il – [Jésus] – a été soumis, sans péché, à des épreuves en tous points semblables. » (Hé 4.15).

L’épreuve que tu es peut-être en train de vivre, il y « a été soumis en tous points semblables », non pas qu’il ait connu dans son existence personnelle des problèmes de couple ou des conflits de génération avec ses enfants – il n’a eu ni épouse ni enfants – ou qu’il ait dû se débattre avec sa nature pécheresse – il n’en avait pas davantage – mais ce que nous souffrons dans ces cas, les problèmes relationnels avec des proches et des moins proches, il les a connus avec la même intensité, les déceptions aussi. Pensez : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1.11) ; ils l’ont même tué !

Il en a rencontré, des obstacles, sur son parcours ! Il n’en a pas moins poursuivi « l’épreuve avec persévérance ».

Les pièges tendus par ses ennemis étaient autant de crocs-en-jambe pour le faire tomber, mais il a serré les dents en pensant à nous, à notre sort qui dépendait de sa victoire dans l’épreuve.
L’abandon et la défection de ses frères et sœurs selon la chair – les Israélites –, le reniement, voire la trahison, de ses proches, c’étaient autant d’obstacles à surmonter, de haies difficiles à sauter, de déceptions à encaisser, à digérer, pour continuer quand même par amour pour nous.
Et puis, le pire, ce ne sont même pas les obstacles que nous voyons jeter sur son parcours par les personnages de l’histoire biblique ; le pire, c’est ton péché, c’est mon péché, le péché du monde entier qu’il a – mot à mot – « soulevé et ôté » (Jn 1.29)
sur ses épaules et qui l’épuisait dans sa course. Cela fait penser à l’épreuve « zaku lasterka » ou « salulariak » de la « force basque » où les compétiteurs doivent courir avec un sac de maïs de 81 kg sur les épaules. Et croyez-moi : le fardeau du péché du monde entier, c’était un obstacle autrement plus ardu – terrible même, tuant au vrai sens du mot – qu’un sac de 81 kg.

Son parcours a été de plus en plus difficile. Il savait qu’il devait tenir, par amour pour nous, et que l’obstacle le plus terrible à franchir l’attendait encore : souffrir les peines de la damnation éternelle à notre place pour la dégager de notre parcours à nous, pour nous l’éviter, car nous n’aurions pas pu nous en sortir.

Entendez-le crier, au moment le plus poignant de son parcours, là-bas, sur le bois maudit de la croix : « Eli, Eli, lema sabachthani ? c’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27.46) Eh oui, Jésus a dû faire son terrible parcours tout seul, pour que nous puissions avoir la voie libre vers Dieu, pour que nous puissions être surs et certains de ne pas être seuls dans notre course à nous, mais d’être accompagnés et assistés par le Saint-Esprit à travers les promesses de l’Evangile.

N’oublions jamais que Jésus a couru ce parcours par amour pour nous, dans notre intérêt, pour débarrasser notre parcours à nous des obstacles que nous n’aurions jamais pu passer ni dégager.. « Au lieu de la joie qui lui était proposée, il a enduré la croix, méprisant la honte. » (v. 2)
C’est qu’il voulait que la course soit à notre portée et que nous puissions le retrouver sur la ligne d’arrivée.
Aussi notre épître tire-t-elle la conclusion : « Du fait qu'il a souffert lui-même quand il a été mis à l'épreuve, il peut secourir ceux qui sont mis à l'épreuve. » (Hé 2.18)


Quand nous trébuchons – voire, nous étalons même –, quand nous n’avons pas vu un obstacle à temps, lorsqu’une difficulté du parcours menace de nous décourager, ou que nous ne trouvons pas le courage d’écarter un obstacle avec foi en son aide et sa fidélité, alors il s’approche de nous, lui, notre compagnon de souffrance, lui qui sait ce qu’on peut endurer au cours de ce parcours. Il vient alors à nous avec ses promesses de grâce et d’assistance et nous console et nous encourage avec son Evangile, aussi avec le précieux et réconfortant sacrement de l’autel, la Sainte Cène.
Et quand il nous parle ainsi dans sa bonté, quand il nous rappelle ses promesses liées à sa course à lui, cela nous revigore et nous permet de « persévérer » – avec lui – « dans l’épreuve » de la lutte de la foi, de « courir avec persévérance » jusqu’à ce que nous l’ayons rejoint sur la ligne d’arrivée, car


Une course qui n’échoue pasdevant les obstacles de la vie est


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une course où Jésus nous attend à l’arrivée.

Nous l’avons vu : la course de la foi, une course commencée dans la foi en Jésus-Christ, ne peut atteindre son but que si elle est courue « avec persévérance », que si on maintient patiemment l’effort jusqu’au bout.

Ce bout, ce but de notre parcours de la foi, c’est la félicité éternelle, le nec plus ultra, un bonheur, une paix « qui surpasse toute pensée » (Ph 4.7), qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer.
Des bonheurs, le Seigneur nous en fait connaître ici-bas – bonheurs affectifs, conjugaux, familiaux, professionnels, matériels, et j’en passe … – eh bien, ce qui nous attend à l’arrivée de notre parcours est infiniment plus fort encore comme bonheur.


Cela aussi nous pousse et nous aide à « courir avec persévérance ». « Les yeux [de la foi qui sont] fixés sur Jésus, » le glorieux vainqueur, nos pensées qui tournent autour du moment libérateur de la rencontre avec le Christ sur la ligne d’arrivée, tout cela aide à mener notre course avec une certaine discipline.

Un athlète renonce à bien des choses pour ne pas hypothéquer sa carrière. Il enlève et écarte bien des obstacles de son parcours : une nourriture trop déséquilibrée, une boisson trop alcoolisée, le tabac, les nuits blanches, la paresse ou la nonchalance à l’entraînement. Bref, il se débarrasse de ce qui fait obstacle à sa réussite, qui mettrait sa course en danger : il veut atteindre la ligne d’arrivée, et il veut l’atteindre dans de bonnes conditions.

L’image de la compétition ne peut pas être transposée en tout point dans le domaine spirituel, car là – ô miracle ! – tous ceux qui atteignent la ligne d’arrivée se retrouveront ensemble sur le podium.
Mais le côté entraînement, discipline, maîtrise de soi, renoncement à certains comportements, cet aspect est clairement repris par l’apôtre Paul dans sa 1ère Epître aux Corinthiens : « Tout lutteur se maîtrise en tout ; ceux-là le font pour remporter une couronne périssable ; nous, pour une couronne impérissable. Moi, donc, je cours, mais non pas à l'aventure; je donne des coups de poing, mais non pas pour battre l'air. Au contraire, je malmène mon corps, je le traite comme un esclave, de peur qu'après avoir fait la proclamation pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié. » (1 Co 9.25-27)

Avec les encouragements et les promesses du Christ dans l’Evangile, le Saint-Esprit nous prépare et nous entraîne à écarter de notre vie ces obstacles que sont – entre autres – l’orgueil, la manie de vouloir tout mieux savoir que les autres, le mépris, le mensonge, l’hypocrisie, la jalousie, différentes faiblesses comme le laisser-aller, la paresse, le je-m’en-foutisme.
Il s’agit d’écarter par une repentance et une foi de tous les jours tout ce qui pourrait m’empêcher d’avoir part, sur la ligne d’arrivée, au triomphe éternel que notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a déjà remporté pour nous.


Pour que nous persévérions à lui faire confiance, il nous affermit avec les promesses certaines de sa Parole et de ses sacrements.

Et il nous invite à considérer l’exemple de « la si grande nuée de témoins » (v. 1) de l’Ancien Testament. Leur foi était forte non pas par elle-même, mais à cause de celui en qui ils la fondaient. Leur foi était grande parce qu’ils faisaient confiance en un grand Dieu.
Ils ont tenu le coup parce que jusqu’au bout ils ne lui ont pas retiré leur foi. Bien leur en prit : Dieu est resté fidèle à ses promesses, il a offert aux croyants ce qu’il avait promit à leur foi.
Si Dieu attire ici notre attention sur cette « si grande nuée de témoins » de la foi de l’Ancien Testament, c’est pour que, comme eux, nous lui fassions confiance quoi qu’il dise et quels que soient les parcours par lesquels il nous conduit.

Peut-être que tu te trouves en ce moment devant un problème qui menace de faire obstacle à ta foi, peut-être que la difficulté à laquelle tu es confronté actuellement menace de te faire baisser les bras : recours-tu aux aides que le Seigneur met à ta disposition ? Viens-tu chercher le réconfort dans ses promesses, y compris à sa Table ? T’appuies-tu sur tes frères et sœurs en la foi ? Entends-tu leurs conseils ? Acceptes-tu leur aide ?

Sois convaincu que le Seigneur connaît chacune de tes détresses – et non pas seulement selon son omniscience, mais « de l’intérieur », parce qu’il les a toutes endurées lui-même quand « il a enduré la croix » (v. 2).

Rappelles-toi, il a parcouru lui-même ton parcours pour le défricher des obstacles pour lesquels tu n’étais pas de taille : ta culpabilité devant Dieu, la mort et le diable. Aussi pour pouvoir t’assister de son réconfort à travers sa Parole et ses sacrements et pour t’accompagner foulée après foulée vers la ligne d’arrivée, « l’accomplissement de la foi ».

Là, nous pourrons alors dire avec Paul : « J'ai mené le beau combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. Désormais la couronne de justice m'est réservée ; le Seigneur, le juste juge, me la donnera en ce jour-là, et non pas seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront aimé sa manifestation. » (2 Tm 4.7-8)

Amen.

Jean Thiébaut Haessig, pasteur


Chants :

AeC 443 : 1-4 ;
AeC 441 : 1-3 ;
AeC 624 : 1-4
(ou AeC 614 : 1-3 ou AeC 621 : 1-4)


mardi 11 mars 2008

Sermon du 9 mars 2008 - Dimanche Judica

Texte: Mc 10.35-45

Chants :

Tu m’as aimé, Seigneur, avant que … LlS 254 : 1-4
Tu nous aimes, Seigneur LlS 273 : 1-3+6
Parfait et vivant modèle, Céleste Médiateur LlS 282:1-5





35 « Les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, viennent lui dire :
"Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons."
36 Il leur dit :
"Que voulez-vous que je fasse pour vous ?"
37 – "Donne-nous,"
lui dirent-ils,
"de nous asseoir l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ta gloire."
38 Jésus leur dit :
"Vous ne savez pas ce que vous demandez.
Pouvez-vous boire la coupe que, moi, je bois,
ou recevoir le baptême que, moi, je reçois ?"
39 Ils lui dirent :
"Nous le pouvons."
Jésus leur répondit :
"La coupe que, moi, je bois, vous la boirez,
et vous recevrez le baptême que je reçois ;
40 mais pour ce qui est de s'asseoir à ma droite ou à ma gauche,
ce n'est pas à moi de le donner ;
les places sont à ceux pour qui elles ont été préparées."
41 Les dix autres, qui avaient entendu, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean.
42 Jésus les appela et leur dit :
"Vous savez
que ceux qui paraissent gouverner les nations dominent sur elles en seigneurs,
et que les grands leur font sentir leur autorité.
43 Il n'en est pas de même parmi vous.
Au contraire,
quiconque veut devenir grand parmi vous
sera votre serviteur;
44 et quiconque veut être le premier parmi vous
sera l'esclave de tous.
45 Car le Fils de l'homme n'est pas venu
pour être servi,
mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour une multitude." »


Note : Généralement, le texte biblique utilisé est celui de la « Nouvelle Bible Segond » (2002, Alliance Bibl. Universelle). Quand les passages utilisés au cours du sermon sont différents dans la « Segond 21 » (2007, Soc. Bibl. de Genève), elle se trouve en note de bas de page).


Chers frères et sœurs, à la fois servis par Christ et à son service,


Dimanche dernier, le thème de notre prédication était : Es-tu attiré par ton Seigneur ou est-il obligé de te courir après ? On pourrait aussi le résumer ainsi : Qu’en est-il de ta fréquentation de Dieu là où il se laisse rencontrer : dans sa Parole ?

Il est capital, essentiel, pour notre foi que d’être à l’écoute de notre Seigneur. Paul nous rappelle : « La foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend par la parole du Christ. » (Rm 10.17)
[1]

Jacques, quant à lui, nous exhorte : « Mettez la Parole en pratique ; ne vous contentez pas de l'écouter, en vous abusant vous-mêmes. » (Jc 1.22)[2] Mot à mot : « Soyez des acteurs de la Parole », « soyez des pratiquants de la Paroles, et pas seulement des auditeurs ! »

« Etre acteur de la Parole » … cela signifie : appliquer concrètement dans sa vie la parole de notre Dieu sauveur ; mener une vie à la suite de notre Seigneur Jésus-Christ, une vie de repentance, de foi et de service.

Notre texte d’aujourd’hui nous place devant la question :

QU’EN EST-IL DE
TON SERVICE
DANS LE ROYAUME DE DIEU ?


1. Y accomplis-tu un service parce que tu y vois une occasion d’en retirer un profit personnel ?
2. Ou y accomplis-tu un service parce que tu y vois une occasion de donner ?
3. En tout cas, Jésus a rendu service en faisant don de soi pour que tu en tires profit.

---- 1 -----


Apportes-tu ta contribution dans l’Eglise
parce que tu y vois une occasion
d’en retirer un profit personnel ?

Le fais-tu dans un esprit de « donnant-donnant » ? « Je te rends service, Seigneur, mais en contrepartie, tu remplis mes souhaits, tu m’accordes des privilèges ! »

« Les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, viennent lui dire : "Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous te demanderons." Il leur dit : "Que voulez-vous que je fasse pour vous ?" – "Donne-nous," lui dirent-ils, "de nous asseoir l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ta gloire." » (v. 35-37)

Rien que ça ! Oh ! au fond de nous, nos penchants innés, notre vieil homme, comprend très bien le désir de « Jacques et de Jean » : promettre à Jésus de faire sa volonté, dans l’espoir d’en retirer un profit important, dans l’espoir que Jésus agréerait notre demande. Bien sûr que nous comprenons le désir de servir pour en retirer des honneurs. Dans le domaine spirituel, cela s’appelle le salut par les mérites.

Il faut donc que nous soyons au clair avec nous-mêmes : rendons-nous service à Jésus-Christ et à son Eglise pour en retirer des récompenses, des honneurs et des louanges ?

Ce serait aussi dangereux pour une autre raison : si les compliments et les honneurs se font attendre – ou ne viennent pas du tout – on est vexé et on arrête de rendre service. C’est ainsi que cet autre Jacques, le frères de Jésus, écrit dans son épître : « Si vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de pouvoir dépenser pour vos plaisirs. » (Jc 4.3)
[3]

Non, « l’amour ne cherche pas son propre intérêt, il ne s'irrite pas. » (1 Co 13.5)[4]
Bien sûr, cela fait mal quand les gens sont ingrats, on est déçu alors. Serait-ce aussi parce que nous n’avions rendu service que pour être admiré, respecté et louangé ? Sachons que Jésus ne se laisse pas dicter ou imposer les honneurs qu’il devrait témoigner à ceux qui le servent, comme « Jacques et Jean » s’y sont essayés.

« L’amour ne cherche pas son propre intérêt. » Méditons en cela l’exemple que Jésus nous a laissé en la matière. C’est l’amour de son Père et des hommes qui l’a amené à rendre le service de Sauveur de l’humanité et à se sacrifier pour elle.

Nous servons Dieu par amour, « parce qu’il nous a aimés le premier » (1 Jn 4.19). Et l’amour de Dieu n’est pas un vain mot : il suffit de songer à ce que nous lui devons, au désastre dont il nous a délivrés, et à ce qu’il a été prêt à payer pour que nous nous en tirions si bien : son propre Fils.
Nous rendons aussi service à notre prochain parce que nous avons nous-mêmes été les grands bénéficiaires du service que Jésus nous a rendu, aussi parce que nous savons que nous lui faisons ainsi plaisir et que cela se fait pour sa gloire à lui et non pour la nôtre.

Qui sommes-nous pour poser des conditions à Jésus pour le servir dans son Royaume ? Ne lui devons-nous pas tant – à lui et à l’Eglise – qu’il faudrait vraiment être culotté pour lui poser des conditions et énoncer des exigences pour le servir !

« Jacques et Jean » lui ont carrément dit ce qu’ils attendaient de lui : « "Donne-nous," lui dirent-ils, "de nous asseoir l'un à ta droite et l'autre à ta gauche dans ta gloire." » (v. 37)

Et nous ? Se pourrait-il que nos mobiles soient les suivants : « Je fais ceci pour ne pas avoir à faire cela. » Ou encore : « Je fais ceci, mais alors je suis en droit d’attendre de la paroisse cela. » Ou, ne serait-ce que ceci : « Je me sacrifie – ou me dévoue – au service de l’Eglise pour y être bien vu et admiré, » un peu comme Ananias et Saphira au début des Actes des Apôtres (Ac 5).
De telles prétentions provoquent toujours irritation et tensions dans la paroisse, comme ce fut déjà le cas au sein du groupe des douze : « Les dix autres, qui avaient entendu, commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean. » (v. 41)
[5]

Celui qui s’élève ainsi lui-même ne manquera pas d’être rabaissé : l’orgueil et la fatuité n’ont pas de place dans l’Eglise de Celui qui « s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort – la mort sur la croix. » (Ph 2.8)[6]

Dans l’église on ne soupèse pas le pour et le contre et on ne réfléchit pas au préalable pour voir ce que le service que je vais rendre me rapportera personnellement comme louanges ou honneurs.
Chacun doit donc s’examiner lui-même, quand il accepte une responsabilité, un poste, dans la paroisse, dans l’Eglise du Christ : Suis-je poussé par l’amour que je porte à mon Sauveur et par l’amour envers mes semblables, ou mes mobiles sont-ils moins avouables ; est-ce que j’en escompte un profit personnel ?


Admettons un instant que ce soit le cas : Ne nous retirons pas alors parce que nous sommes arrivés dans ce poste pour des motifs impurs, mais repentons-nous, demandons pardon au Seigneur de l’Eglise et prions-le de nous garder à son service, de le sanctifier ; il n’a pas non plus écarté « Jacques et Jean » de ce service tout à fait exceptionnel dans l’Eglise : le ministère d’apôtre.

Par contre, il les a ramenés à de meilleurs sentiments, sur la bonne voie, celle du service quelles que soient les retombées personnelles, et pour ces deux, les retombées furent pénibles, comme nous le verrons plus loin.
Es-tu actif au service de l’Eglise parce que tu y vois une occasion de t’attirer des louanges, ou


--- 2 ---


Y accomplis-tu un service
parce que tu y vois
une occasion de donner ?

« Jésus leur dit [à Jacques et à Jean] : "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que, moi, je bois, ou recevoir le baptême que, moi, je reçois ?" Ils lui dirent : "Nous le pouvons." Jésus leur répondit : "La coupe que, moi, je bois, vous la boirez, et vous recevrez le baptême que je reçois. » (v. 38-39)

Notre Seigneur le dit sans détour : les membres de son Corps, ceux qui ont intégrés son Royaume en plaçant leur foi en lui, ceux-là partageront son sort. Il le dira plus tard à propos de notre glorification éternelle à sa suite. Il le dit ici à propos du sort que le monde incroyant nous réserve ici-bas.

Jamais personne n’a rendu un service aussi grand, aussi capital, aussi exceptionnel et urgemment nécessaire que celui que Jésus nous a rendu. Et que récolta-t-il en contrepartie ? Il n’a même pas été « reçu » par les siens comme le Messie annoncé l’aurait mérité (Jn 1.11). On ne lui a pas non plus été reconnaissant pour le service qu’il est venu accomplir pour l’humanité. Au contraire, il a été méprisé, hué, rejeté, assassiné ! Il n’y a que Dieu qui a pleinement reconnu l’énorme valeur de son service – et c’est heureux pour nous ! – Dieu a reconnu que la vie sainte de Jésus et son expiation de nos péchés étaient suffisantes pour notre salut à nous tous.

Prions le Seigneur de nous pousser à servir son Eglise comme lui, Jésus, nous a servis : avec dévouement et sans calcul, sans peur aussi des conséquences passagères que nous pouvons avoir à subir.

« La coupe » (v. 38) que Jésus a dû vider, nous la connaissons : ce sont les souffrances de l’enfer qu’il a bien voulu endurer pour nous les épargner. Nous savons aussi comment « cette coupe » (Mt 26.14-15) l’a ébranlé jusqu’au fond de son âme et de son corps, comment il s’est mis « à éprouver l’effroi et l’angoisse » (Mc 14.33-36) sous le caractère surhumain des souffrances qu’il a ainsi détournées de nous qui les avions méritées. « En proie à l'angoisse, il priait avec plus de ferveur encore, et sa sueur devint comme des gouttes de sang tombant à terre. » (Lc 22.44)

Comme dit, « cette coupe » des souffrances de l’enfer, il l’a détournée de nous, de tous ceux qui croient en son œuvre substitutive d’expiation de nos fautes.

Il n’en demeure pas moins que nous avons encore à vider des coupes plus ou moins amères dans cette vie. Par ailleurs, nous n’avons pas tous à vider le même genre de coupes. Cela nous le voyons déjà avec « Jacques et Jean ».

« Jacques » a dû mourir de mort violente : il a été le premier apôtre mort en martyr, dès le début du livre des Actes des Apôtres (Ac 12.1-2). Quant à « Jean », il a connu la persécution, la prison et la torture à Jérusalem (Ac 8.1), les conflits avec des hérésies – déjà ! – et, plus tard, l’exil sur l’île de Patmos (Ap 1.9).

Pour parler avec Jésus, « Jacques et Jean » devaient « recevoir le baptême », être impliqués dans le même genre de service que celui que Jésus a rendu, lui que le prophète Esaïe présentait déjà comme « le Serviteur de l’Eternel » (Es 50.10 ; 52.13 ; 53.11)

Quiconque sert, sert correctement, avec amour et dévouement, ne peut pas s’attendre à ce que sa vie ne soit parsemée que de roses. Comme son Maître bien-aimé il connaîtra soucis et déceptions.

Il arrivera malheureusement aussi que le service que vous rendez soit mal compris, ou jalousé, voire l’objet de critiques inamicales. Il s’agit alors de « boire la coupe » dans la prière et la méditation comme notre Maître bien-aimé l’a fait quand il nous a rendu le service d’amour le plus grand qui soit.

En fait, la question est finalement : Es-tu prêt à t’épanouir dans le service dévoué à Dieu et au prochain ?

« Etre grand », dit Jésus, ne consiste pas, dans son Eglise, à soumettre les autres à notre service. Au contraire, « être grand » consiste à nous abaisser nous-mêmes pour servir les autres.
« Jésus les appela et leur dit : "Vous savez que ceux qui paraissent gouverner les nations dominent sur elles en seigneurs, et que les grands leur font sentir leur autorité. Il n'en est pas de même parmi vous. Au contraire, quiconque veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous sera l'esclave de tous. » (v. 42-44)

Celui qui se consacre au service des autres avec dévouement, c’est celui-là qu’il considère comme « grand parmi vous ». Si nous regardons autour de nous avec les yeux du Christ, une mère – ou un père – de famille qui élève ses enfants et tient sa maison avec foi, amour, dévouement, discipline et patience fait certainement partie des « grands dans le royaume des cieux » (Mt 18.4)
On pourrait dire la même chose de quelqu’un qui met de bon coeur la main à l’œuvre dans la paroisse et qui considère cela comme un service divin, un service rendu à Dieu et à son Eglise.
Rends-tu service avec amour et dévouement à ton Dieu, à ta paroisse et au prochain que Dieu « a mis auprès de toi » (Gn 3.12) ? Rappelle-toi

--- 3 ---


Jésus a rendu service
en faisant don de soi
pour que tu en tires profit

« Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (v. 45)

Jésus nous a vraiment servis de façon altruiste. Il n’a pas pensé à son intérêt mais au nôtre, non pas à ce que cela lui attirera mais à ce que cela nous apportera. Pour lui cela signifiait : don de soi, sacrifice de sa personne ! A nous, cela a procuré des bienfaits célestes et éternels.
Plus nous comprendrons que le sacrifice que Jésus nous a apporté avec son service nous profite chaque jour, et plus nous trouverons la force et l’amour pour nous consacrer à son service et à celui de son Eglise.

Par contre, si nous revendiquons des droits au lieu de nous rappeler du pardon obtenu, si nous tenons une comptabilité avec nos espoirs déçus au lieu de vivre dans le souvenir de la grâce et des honneurs immérités qu’il nous témoigne, alors nous deviendrons de plus en plus petits dans le royaume des cieux, la différence entre nous et notre Seigneur deviendra de plus en plus grande, car lui « s’est humilié » pour nous rendre service, lui « s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort – la mort sur la croix. C'est pourquoi, » c’est pour cette raison – parce qu’il s’est ainsi abaissé et humilié au service de Dieu et des autres – « c’est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom, » (Ph 2.7-9)
[7]
Ayons toujours à l’esprit notre Seigneur et Sauveur servant : son service plein de dévouement nous a de nouveau réunis avec Dieu et nous a obtenu de ce dernier d’être graciés, pardonnés, aimés, protégés et bénis, et ceci pour ce temps et pour l’éternité.

Rien n’est plus apte pour nous faire descendre de notre destrier appelé orgueil que l’amour du Christ, « le Serviteur de l’Eternel ». Il n’y a en fait que cela qui nous pousse à mettre pied à terre avec humilité et à nous consacrer au service de Dieu, de son Eglise et du prochain
Cela devrait surtout être le cas en ce Temps de la Passion du Christ : elle met le doigt douloureusement sur notre incapacité à nous tirer d’affaire. Là, nous devenons conscients de l’absolue nécessité de la venue à notre secours de Jésus-Christ. L’histoire de ses souffrances et de sa mort est là pour nous le rappeler.

Et quand nous nous approchons de la table de la Cène et y recevons son vrai corps et son vrai sang, cela nous rappelle tout ce qu’il a fait par amour pour nous, en nous servant comme le plus humble, alors que « son nom est au-dessus de tout nom » !

Dieu veut ainsi nous affermir par sa Parole et ses sacrements, entre autre pour que nous trouvions la bonne réponse à la question :

Qu’en est-il de ton service dans le Royaume de Dieu ?
Amen.

Jean Thiébaut Haessig, pasteur


[1] Rm 10.17 : « Ainsi la foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la parole de Dieu. » (Segond 21)
[2] Jc 1.22 : « Mettez en pratique la parole, et ne vous contentez pas de l'écouter en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements. » (Segond 21)
[3] Jc 4.3 : « Quand vous demandez, vous ne recevez pas parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions. » (Segond 21)
[4] 1.Co 13.5 : « L’amour ne cherche pas sont intérêt, il ne s'irrite pas. » (Segond 21)
[5] Mc 10.41 : « Après avoir entendu cela, les dix autres commencèrent à s'indigner contre Jacques et Jean. » (Segond 21)
[6] Ph 2:8 « Il s'est humilié lui-même en faisant preuve d'obéissance jusqu'à la mort, même la mort sur la croix. » (Segond 21)

[7] Ph 2.7-9 : « Il s'est dépouillé lui-même […], il s'est humilié lui-même en faisant preuve d'obéissance jusqu'à la mort, même la mort sur la croix. C'est aussi pourquoi Dieu l'a élevé à la plus haute place et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom. » (Segond 21)

dimanche 2 mars 2008

Sermon du 2 mars 2008 - Dimanche laetare

Texte du sermon: Lc 15.1-3+11-32

1 « Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre.
2 Les pharisiens et les scribes maugréaient :
Il accueille des pécheurs
et il mange avec eux !
3 Mais il leur dit cette parabole : [ …]
11 Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père :
« Père, donne-moi la part de fortune
qui doit me revenir. »
Le père partagea son bien entre eux.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils
convertit en argent tout ce qu'il avait
et partit pour un pays lointain
où il dilapida sa fortune
en vivant dans la débauche.
14 Lorsqu'il eut tout dépensé,
une grande famine survint dans ce pays,
et il commença à manquer de tout.
15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays,
qui l'envoya dans ses champs
pour y faire paître les cochons.
16 Il aurait bien désiré se rassasier
des caroubes que mangeaient les cochons,
mais personne ne lui en donnait.
17 Rentré en lui-même, il se dit :
« Combien d'employés, chez mon père,
ont du pain de reste,
alors que moi, ici, je meurs de faim ?
18 Je vais partir,
j'irai chez mon père et je lui dirai :
“Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ;
19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ;
traite-moi comme l'un de tes employés.” »
20 Il partit pour rentrer chez son père.
Comme il était encore loin,
son père le vit et fut ému ;
il courut se jeter à son cou et l'embrassa.
21 Le fils lui dit :
« Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi,
je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. »
22 Mais le père dit à ses esclaves :
« Apportez vite la plus belle robe
et mettez-la-lui ;
mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds.
23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête,
24 car mon fils que voici était mort,
et il a repris vie ;
il était perdu, et il a été retrouvé ! »
Et ils commencèrent à faire la fête.
25 Or le fils aîné était aux champs.
Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison,
il entendit de la musique et des danses.
26 Il appela un des serviteurs
pour lui demander ce qui se passait.
27 Ce dernier lui dit :
« Ton frère est de retour,
et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé,
ton père a abattu le veau engraissé. »
28 Mais il se mit en colère ;
il ne voulait pas entrer.
Son père sortit le supplier.
29 Alors il répondit à son père :
« Il y a tant d'années
que je travaille pour toi comme un esclave,
jamais je n'ai désobéi à tes commandements,
et jamais tu ne m'as donné un chevreau
pour que je fasse la fête avec mes amis !
30 Mais quand ton fils que voici est arrivé,
lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées,
pour lui tu as abattu le veau engraissé ! »
31 Le père lui dit :
« Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi,
et tout ce qui est à moi est à toi;
32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir,
car ton frère que voici
était mort, et il a repris vie ;
il était perdu, et il a été retrouvé ! »



Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,
notre Bon Berger,

Il y a des personnes qui nous attirent ; d’autres, par contre, sont obligées de nous courir après : nous-mêmes n’éprouverions pas le besoin d’entrer en contact avec elles.

Il y a des personnes auprès desquelles nous nous sentons bien, et d’autres dont le comportement nous met mal à l’aise. Cela peut être justifié, cela peut aussi être notre faute à nous. Mais ce n’est pas là-dessus que nous allons nous étendre aujourd’hui.

Plus important – d’une importance vitale, même ! – est de savoir : Comment je me conduis avec Dieu ? Quels sont les sentiments que j’éprouve pour lui ? Son comportement m’attire-t-il ou m’embarrasse-t-il ?

« Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. » Mais « les pharisiens et les scribes maugréaient » de le voir se comporter comme il le faisait (v. 1-2) – Voilà comment commence le texte d’aujourd’hui. Puis nous sautons deux courtes paraboles – celle de la brebis perdue et celle de la drachme perdue – pour continuer avec la parabole du Fils perdu.
Ces trois paraboles successives ont cela de commun qu’elles présentent notre Seigneur comme celui qui cherche ce qui est perdu. Plus tard, lorsque le Seigneur prendra les devants pour rencontrer Zachée, il expliquera lui-même son comportement comme suit : « Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Lc 19.10)

L’évangéliste Luc introduit les trois paraboles de la brebis perdue, de la drachme perdue et du fils perdu, par cette constatation commune : « Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. Les pharisiens et les scribes maugréaient : "Il accueille des pécheurs et il mange avec eux !" » (v. 1-2)

D’où notre question : Es-tu quelqu’un qui s’approche du Sauveur des pécheurs comme les pécheurs de notre texte – ou es-tu de ceux qui, comme les pharisiens, maugréent contre lui ?
Ou, pour le formuler davantage en rapport avec la parabole du Fils perdu :

ES-TU ATTIRE
PAR TON SEIGNEUR,
OU EST-IL OBLIGE
DE TE COURIR APRES ?

--- 1 ---

Je vais essayer d’être un peu plus concret. Vis-tu ta vie dans la présence de Jésus, dans la bienfaisante et apaisante conscience de sa présence pleine de grâce à tes côtés ? Ou alors ne l’intègres-tu jamais dans tes réflexions et planifications, voire dans l’exécution de tes projets familiaux, professionnels ou de temps libre ? Autrement dit, est-il présent dans tes pensées, et ceci dans tous les domaines de ta vie ?

Quand on aime quelqu’un, on pense souvent à lui dans la journée. Ressens-tu le même besoin de vouloir sa proximité dans ta vie quotidienne ? Ou cela n’a-t-il aucune importance dans ta vie ?

Ou peut-être cela te gêne-t-il même que le Seigneur s’approche trop de toi ? Qu’il pourrait peut-être ne pas être d’accord avec certaines facettes de vie ? Ou qu’il t’empêcherait d’en faire à ta tête ? « Murmures »-tu, « maugrées »-tu (v. 2) peut-être contre sa conception de la vie, contre les règles qu’il nous soumet ? Ressembles-tu en cela aux « pharisiens » de notre texte (v. 2), ou au plus jeune des deux fils, au début de la parabole, quand il a tourné le dos à son père et a pris le large ?

Es-tu attiré vers lui pour lui adresser tes prières ? Eprouves-tu le besoin de lui parler, parce que ce qui remplit ton cœur, il faut absolument que tu le lui dises, pour l’en remercier, ou pour l’appeler à ton secours… peut-être les deux ?

« Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. » (v. 1) Eprouves-tu aussi le besoin de te trouver là où tu peux « t’approcher de lui » et « l’entendre » : dans sa Bible, dans le catéchisme, dans les cultes de famille ou moments de recueillement personnels, dans les études bibliques, les réunions de jeunes et les cultes ?Ou trouves-tu sa Loi injuste et son Evangile pure « folie » (1 Co 1.21-23 ; 2.14), comme les pharisiens, ou alors l’aîné des deux fils à la fin de la parabole ?

La Parole de ton Dieu est-elle si importante pour toi – et, surtout, si merveilleuse ! – que tu ne peux faire autrement que « t’approcher pour l’entendre » ?


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Qui, en fait, est attiré par le Seigneur ?

Il y en a qui pensent se rendre auprès de lui, mener leur vie dans sa proximité, parce qu’ils ont une fausse conception de lui, ils placent de fausses espérances en lui. Quand ils le découvrent enfin tel qu’il est vraiment, ils sont « scandalisés » (1 Co 1.23) ou au moins en désaccord avec lui et le plantent là.

Le plus jeune des frères est parti parce qu’il pensait qu’auprès du Père céleste on ne pourrait pas connaître les vraies joies de la vie. Il a vite déchanté : sa joie, loin de Dieu, n’a pas fait long feu. Heureusement pour lui, il a reconnu ses torts à temps et est revenu sur ses pas. Malheureusement, il y en aura tant qui ne reconnaîtront que trop tard – au jour du Jugement Dernier – qu’ils ont couru après des plaisirs trompeurs.

L’aîné des fils, lui, est resté auprès de son père parce qu’il pensait par là se mériter quelque chose. Il croyait qu’en menant une vie exemplaire il pourrait regarder les autres de haut. Lorsqu’il découvrit que son père ne méprisait pas celui qui était tombé si bas, il ne voulait plus rien avoir à faire avec ce père, il ne voulait plus « rentrer chez lui » (v. 20).

Bien entendu, il avait eu raison de demeurer avec son père ; mais il avait tort de penser avoir ainsi obtenu le droit de mépriser ceux qui sont tombés.

Nous trouvons souvent « des pharisiens et des scribes » (v. 1), c’est-à-dire des spécialistes de l’Ancien Testament, dans l’entourage de Jésus. Au début, ils s’y trouvaient parce qu’il espéraient qu’il entrerait dans leurs projets. Mais lorsque Jésus commença à critiquer leur attitude hypocrite, lorsqu’ils virent Jésus s’occuper de marginaux et de personnes tombées dans le péché, ils se mirent à « maugréer : "Il accueille des pécheurs et il mange avec eux !" »

A partir de là, ils lui tendirent des pièges, essayèrent de le faire passer pour un prédicateur enseignant l’erreur. Finalement, ils parvinrent à le faire exécuter pour des raisons fallacieuses.
C’était pourtant des « scribes », des spécialistes de l’Ecriture Sainte ! Malheureusement, ils voulaient plier la Parole de Dieu à leurs opinions personnelles et lui faire dire ce qui leur plaisait. Aussi furent-ils irrités quand Jésus, l’auteur de l’Ecriture, leur fit comprendre qu’il n’y avait qu’un seul chemin pour parvenir auprès de Dieu, dans sa communion de vie ; et ce seul chemin, c’est de se repentir de ses péchés et de se réfugier dans la foi auprès de lui, Jésus, seul Médiateur et Sauveur entre Dieu et les hommes. « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi ! » (Jn 14.6)

Cela, « les collecteurs des taxes et les pécheurs » l’avaient compris. Certes, tous les collecteurs de taxes qui avaient trompé et volé le peuple ne s’en étaient pas repentis, tous ne se sont pas réjouis du pardon offert par Jésus. De l’autre côté, « les pharisiens et les scribes » n’ont pas non plus tous rejeté Jésus pour toujours : ne songez qu’à Nicodème, à Paul ou à Apollos, par ex.
Le fait d’appartenir à une certaine catégorie de gens n’est pas une assurance sur la vie éternelle, pas plus qu’appartenir à une autre catégorie serait une prédestination à la damnation éternelle.
Il est cependant évident que quelqu’un qui, comme le plus jeune des fils, a connu dans le temps l’amour du père, aura peut-être plus de facilités pour « rentrer en lui-même » (v. 17), à reconnaître sa faute et à accepter le pardon de Jésus.

Quelqu’un qui mène une vie extérieurement irréprochable, qui accomplit son travail de façon honnête – comme l’aîné des fils, ou comme « les pharisiens et les scribes » – un tel devra déjà avoir une conscience bien plus aiguisée pour reconnaître : « Moi non plus, je ne peux subsister devant Dieu sans pardon de mes péchés. Moi aussi, j’ai besoin du Sauveur des pécheurs. Moi aussi, je dois me tenir près du Christ. Pour moi aussi, ma place est auprès de lui. »

C’est sans doute là parfois – souvent ? – notre problème : Nous n’avons grugé personne, ne nous sommes pas enrichis personnellement en trompant le fisc ou qui que ce soit, comme le faisaient « les collecteurs de taxes » de l’époque. Nous n’avons pas dilapidé nos biens par une vie de débauche, comme le plus jeune des deux fils de la parabole. Nous n’avons jamais commis, extérieurement, de péché contre le 6ème Commandement, comme certains qu’on rencontre dans les Evangiles… Ou, peut-être, quand même ? Nous n’avons assassiné personne, pas commis de vol et pas non plus violé la morale publique (il faut dire qu’il faut déjà être ingénieux dans notre monde d’aujourd’hui pour trouver quelque chose qui scandalise encore…)

Si nous avons réellement pu nous préserver ainsi extérieurement, remercions Dieu de nous avoir aidés à résister aux tentations. Mais demandons-lui aussi de nous empêcher d’en tirer orgueil. Nous savons tous que les péchés, on ne les commet pas seulement par des violations grossières de la Loi de Dieu, mais aussi par des manœuvres plus fines, plus déguisées ; on pêche aussi contre Dieu en paroles, en pensées et en désirs.

Et là, si nous sommes honnêtes et ne nous leurrons pas nous-mêmes (1 Jn 1.8), il nous faut bien reconnaître que nous sommes coupables devant Dieu. Confessons-le alors à notre Dieu compatissant, comme le plus jeune des fils l’a fait : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » (v. 21)

Combien sommes-nous alors à envier si nous savons que, malgré nos péchés, notre Père céleste nous prend quand même dans ses bras pour l’amour de son Fils Jésus-Christ ; qu’à cause de ce dernier il nous pardonne et ne nous rejette et ne nous repousse pas !

Dans sa détresse, le jeune fils s’est souvenu de l’amour du Père. C’est ce qui l’a ramené auprès du père. Dieu fasse que nous aussi nous sachions toujours que Dieu nous aime pour l’amour de Jésus. Dieu fasse que cet amour nous attire toujours à lui dans une repentance et une foi de tous les jours, que nous soyons tombés comme le plus jeune des fils ou ayons dangereusement dérapé comme l’aîné.

Ce qui est important, c’est que nous « rentrions » régulièrement « chez notre père » (v. 20) pour vivre avec gratitude, auprès de lui, de son pardon et de son amour.


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Es-tu attiré par ton Seigneur riche en pardon, en salut et en amour… ou est-il obligé de te courir après comme il a dû aller après l’aîné de la parabole ?

Quand Jésus raconte une parabole, c’est pour que chacun de ses auditeurs, plus tard chacun de ses lecteurs, se l’applique à lui-même.
Alors, soyons francs : Ne réagissons-nous pas parfois comme l’aîné des fils ou comme les pharisiens ? Cela ne nous gêne-t-il pas parfois que des personnes qui se sont écartées d’une vie conforme à la maison du Père céleste retrouvent, après s’être repenties, la même position et les mêmes droits qu’auparavant ? Nous parlons bien entendu de personnes qui, comme le fils cadet, ont reconnu leur péché et ont demandé pardon pour l’amour du Christ. Pour des personnes qui ne se repentent pas, il n’y a pas de place dans le cœur de Dieu, pas non plus dans son Eglise « aussi longtemps qu’ils ne se repentent pas » (Martin Luther ; « Petit Catéchisme »).

Bien entendu, Dieu veut les regagner, les avoir de nouveau dans sa communion de vie. Il va après eux, les invite avec insistance, comme nous voyons dans la parabole le père le faire avec l’aîné. Nous avons le même devoir : aller après ceux qui se sont égarés dans des chemins de traverse, pour les amener à reconnaître leur péché et à redemander le pardon de Dieu.

Heureusement pour nous, Dieu ne nous a pas laissé tomber dès la première fois que nous nous sommes étalés. Combien de fois n’a-t-il pas déjà dû nous suivre et appeler après nous pour nous faire revenir d’un aveuglement, d’un égarement, et nous ramener par la repentance et la foi auprès de lui en sécurité.

Ici, il nous a peut-être ramenés à lui grâce à une parole que nous avons lue quelque part et qui nous a fait reconnaître notre tort. Là, c’est un sermon qui nous a réveillés et nous a poussés à demander son pardon avec foi. Ou Dieu a utilisé le pasteur, un conseiller presbytéral ou un autre paroissien pour nous ouvrir les yeux sur un comportement indigne d’un enfant de Dieu.
Sommes-nous alors reconnaissants à Dieu d’aller ainsi après nous, d’envoyer quelqu’un après nous ? Lui sommes-nous reconnaissants de vouloir nous ramener auprès de lui dans une repentance et une foi de tous les jours ?

Comment « les pharisiens et les scribes » ont-ils réagi aux paraboles de Jésus de la brebis perdue, de la drachme perdue et du fils – il faudrait dire : des fils – perdus ? Comment l’aîné des fils a-t-il finalement réagi à l’insistante invitation du père ?

Cela ne nous est pas dit. Sans doute parce que cet aîné n’est qu’un personnage de parabole. Ce que Jésus veut, c’est que chacun de nous réponde en ce qui le concerne. Cela commence avec une parabole ; cela doit se terminer avec ta réponse à toi. La parabole, c’est Dieu qui frappe à la porte de ton cœur.

A chacun de nous maintenant de voir comment l’intention de Dieu peut se réaliser dans sa vie à lui.
A chacun d’entre nous de voir comment il suit les appels de l’amour et du pardon de Dieu, comment il se laisse chaque jour ramener avec repentance et foi en Jésus dans la proximité de Dieu.

Voyez-vous, nous avons un Dieu tellement merveilleux qu’il veut nous pardonner tous nos péchés, que nous ayons un peu dérapé par mégarde ou que nous nous soyons égarés très loin de lui. C’est un Dieu qui veut nous appeler et nous maintenir dans son entourage et sa communion de vie, dans une repentance et une foi en Jésus-Christ de tous les jours, pour que, plus tard, nous puissions nous réjouir de sa présence dans la félicité éternelle.
Es-tu attiré par ce Dieu si merveilleux de compassion et d’amour ? Ou est-il obligé de te courir après ?

Sans doute que la plupart du temps tu es attiré par lui. Mais il y a des moments dans la vie où il doit sans doute nous courir après.

Ce qui importe, c’est que nous ne fassions pas la sourde oreille quand, dans son amour, il nous « reprend » (Ap 3.19). Faisons plutôt comme « les collecteurs de taxe et les pécheurs » de notre histoire : réjouissons-nous à l’écoute de sa Bonne Nouvelle et recherchons, pour cela, sa proximité dans sa Parole, dans la paroisse, dans la Cène et dans la prière !

Amen.
Jean Thiébaut Haessig, pasteur


Chants :

Vers toi s’élève mon âme LlS 211 : 1-3
Ô mon Dieu, Père tout-puissant, LlS 134 : 1-4
Seigneur, dirige tous mes pas LlS 263 : 1-5
Jésus-Christ, dans sa grâce LlS 164 : 1-13