mercredi 19 janvier 2011

Sermon du dimanche 16 janvier 2011 -2ème Dimanche après l’Epiphanie

2ème Dimanche après l’Epiphanie

Texte : Ex 33.17b-23

Chants proposés :

Vous, tous les peuples de la terre, AeC 66 : 1-4

Tournez les yeux vers l’Eternel, AeC 153 : 1-3

C’est moi, c’est moi qui vous console AeC 228 : 1-5

17 « L’Eternel dit à Moïse : "[…] tu as trouvé grâce à mes yeux et je te connais par ton nom."

18 Moïse dit : "Fais-moi donc voir ta gloire !"

19 L’Eternel répondit : "Je ferai passer devant toi toute ma bonté et je proclamerai devant toi le nom de l’Eternel. Je fais grâce à qui je veux faire grâce, et j’ai compassion de qui je veux avoir compassion."

20 Il ajouta : "Tu ne pourras pas voir mon visage, car l’homme ne peut me voir et vivre."

21 L’Eternel dit : "Voici un endroit près de moi. Tu te tiendras sur le rocher.

22 Quand ma gloire passera, je te mettrai dans un creux du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé.

23 Lorsque j’écarterai ma main, tu me verras par-derrière, mais mon visage ne pourra pas être vu." »

Chers frères et sœurs

désireux de « voir la gloire de l’Eternel » !

Histoire étonnante que celle que nous venons de lire. Déjà petit, elle m’avait intrigué dans le grand livre d’histoire sainte qui nous venait de la génération de mes parents. La seule chose que j’en retirais était la sensation de la grandeur, de la mystérieuse grandeur de Dieu.

Voici Moïse qui s’enhardit à vouloir « voir la gloire de l’Eternel » ! Qu’est-ce qui le pousse à faire une telle demande ? « La gloire de l’Eternel » ! Sait-il seulement ce qu’il demande ?

Est-il poussé par l’orgueil ? – Sans doute non, car Dieu ne le remet pas en place.

Est-il à ce moment-là si malheureux ou déçu ou affaibli par ce qu’il vit pour vouloir une preuve tangible de Dieu à ses côtés ? – Peut-être.

Pourtant, auparavant déjà, « la gloire de l’Eternel [lui] était apparue », à lui et au peuple, mais toujours sous « une représentation » symbolique (Nb 12.8) : soit elle « paraissait dans la nuée » (Ex 16.10), soit « elle avait l’apparence d’un feu dévorant » (Ex 24.17). En d’autres termes, « la gloire de l’Eternel » se manifestait sous une forme qui rendait le Dieu invisible visible aux hommes.

Pourtant, médiateur de l’ancienne alliance, intermédiaire par lequel Dieu a posé par écrit les bases de son alliance avec Israël, Moïse connaissait une intimité sans pareille avec Dieu. Dans notre histoire, est-il dit, « l’Eternel parlait avec Moïse face à face » (Ex 33.11), mais toujours, comme nous le dirions aujourd’hui, à travers un prisme déformant.

D’où sa demande : « Fais-moi donc voir ta gloire ! »

Un millénaire et demi plus tard, l’apôtre Paul indique : « Tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction afin que, par la persévérance et le réconfort que donnent les Ecritures, nous possédions l’espérance. » (Rm 15.4)

Qu’est ce que cette histoire a à nous apprendre ? En quoi nous apporte-t-elle du « réconfort » ? En quoi nous aide-t-elle à « persévérer » dans la foi et affermit-elle notre « espérance » ?

« FAIS-MOI VOIR TA GLOIRE ! »

1. Quand, le désir de voir sa gloire est-il le plus grand ?

2. Où Dieu nous fait-il voir sa gloire ?

X X X 1 X X X

« Fais-moi voir ta gloire ! »

Quand ce désir est-il le plus grand ?

Que s’est-il passé dans la vie de Moïse ?

Il vient de prendre une grande claque. Il sort d’une énorme déception. Sur le Mont Sinaï, il a connu une expérience exaltante au plus haut point : Dieu lui a remis les Tables de la Loi « écrites du doigt de Dieu » (Ex 31.18), les Dix Commandements (Ex 20), ainsi que d’autres prescriptions (Ex 21-31).

Il s’attendait à de grandes liesses à son retour au milieu de son peuple. Et que découvre-t-il ? Le peuple s’est détourné de Dieu et s’est fabriqué une idole : le veau d’or ! Et Dieu menace de « les faire disparaître », de détruire le peuple ! (Ex 32.1-10)

Et c’est le bouleversement. Une véritable implosion en Moïse. Dieu où es-tu ? Dieu que fais-tu ? Existes-tu vraiment ? Es-tu aussi puissant, aussi majestueux que tu le dis ? « Fais-moi voir ta gloire ! »

Cela ne peut-il pas aussi nous arriver à l’occasion ? C’est aux moments les plus exaltants que surviennent des événements qui nous jettent par terre. Nous avons œuvré pour vivre quelque chose de beau, et quelque chose se met en travers et fait tout s’écrouler comme un château de cartes.

Ce peut être une maladie, la perte de l’emploi, l’échec d’un enfant dans ses études ou dans sa vie, un problème grave dans le couple. Ce peut aussi être, pourtant au milieu de l’annonce continue de la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu en Jésus-Christ, des problèmes dans la paroisse qui tendent à étouffer toute joie dans la foi.

« Pourquoi tous ces malheurs ? » crions-nous alors … En tout cas, cette interrogation nous hante alors. « Pourquoi cela m’arrive-t-il ? J’avais de si beaux projets ! J’ai tout fait pour vivre heureux, épanoui ? Pourquoi cela a-t-il raté ? »

« Pourquoi, Eternel, te tiens-tu éloigné ? Pourquoi te caches-tu dans les moments de détresse ? » (Ps 10.1) « Pourquoi tout cela nous est-il » – m’est-il – « arrivé ? » (Jg 6.13)

« Dieu, que fais-tu ? Dieu, que peux-tu ? Pourquoi es-tu aux abonnés absents ? Je ne vois rien de ta puissance, je ne sens rien de ta fidélité ! Je n’entends que des paroles, je ne te vois qu’à travers le prisme des sacrements, sous l’apparence du pain et du vin ! "Fais-moi voir ta gloire !" Donne-moi quelque chose de plus tangible, de plus visible, de plus palpable ! Hic et nunc ! Ici ! Maintenant ! »

Dans le désarroi, nos idées ne sont plus très claires, nous avons du mal à faire la part des choses, et nous pouvons être amenés à demander à Dieu des choses quelque peu déplacées.

Bien entendu, le fort désir de voir la gloire de Dieu dès cette vie-ci est compréhensible, le désir de voir dès maintenant ce « qui nous est réservé dans le ciel » (1 P 1.4). Compréhensible, mais néanmoins déplacé.

X X X 2 X X X

« Fais-moi voir ta gloire ! »

Où Dieu nous fait-il voir sa gloire ?

Une chose est certaine : tant que nous sommes sur terre, nous ne pouvons pas « voir la gloire de l’Eternel » directement. Même à Moïse Dieu a dit : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car l’homme ne peut me voir et vivre. » (v. 20)

Les mortels, les pécheurs que nous sommes, ne peuvent supporter de voir l’Eternel, le Saint, le Tout-Puissant, face à face. Vu notre condition actuelle, cela nous détruirait. « L’homme ne peut me voir et vivre. »

Les comparaisons valent ce qu’elles valent. Je m’y risque quand même. Vous savez : Nous ne pouvons regarder dans le soleil sans être aveuglés, nous ne pouvons supporter de le fixer, l’intensité de sa lumière détruirait la rétine de nos yeux. De façon analogue, les pécheurs que nous sommes ne pourraient soutenir le contact direct avec Dieu sans être consumés.

Nous avons du mal à supporter le spectacle de certaines choses – comme le soleil, ou un rayon laser – qui font, pourtant, tous partie de cette création. Il est encore moins possible, même tout à fait impossible, de soutenir le regard du Créateur tant que nous serons sur terre, tant que nos corps ne seront pas « transformés » et « rendus conformes au corps glorifié » de notre Seigneur ressuscité (Ph 3.21). Le spectacle de sa gloire nous consumerait.

Pourtant Dieu ne veut pas entièrement se soustraire à nos sens. Il ne veut pas que nous n’ayons aucun contact avec lui. Au contraire, il le recherche, ce contact.

Le cas de Moïse est tout à fait particulier. Sa place est unique dans le plan de salut de Dieu. Dieu l’appelle le « grand prophète », celui qui préfigure le Messie Sauveur (Dt 18.18).

Dieu lui a accordé une intimité telle que nous ne pouvons qu’en prendre note, sans réellement la comprendre.

Nous pourrions passer des jours à philosopher sur ce que veut dire : Moïse a « vu Dieu par-derrière » (v. 23), alors que Dieu est un esprit omniprésent. Le surnaturel, le divin, ce qui vient d’en-dehors de la création, n’est pas compréhensible aux créatures que nous sommes, si cela ne nous est pas expliqué, au moins de façon approximative par des comparaisons.

Plus tard, Dieu accordera à Paul une expérience analogue, mais l’apôtre dit qu’il ne peut pas en parler parce qu’il ne peut pas l’expliquer, il ne peut même pas répéter ce qu’il a entendu « au paradis », tant cela ne peut être formulé en langage de mortels. (2 Co 12.1-4)

Mais dans les deux cas, aussi bien chez Moïse que chez Paul, la chose importante, ce n’est pas ce qu’ils ont vécu, mais ce qu’ils ont entendu. Et qu’est-ce que Dieu a dit à Moïse ? – « Je ferai passer devant toi toute ma bonté et je proclamerai devant toi le nom de l’Eternel » (v. 19).

« L’Eternel » adaptation française du nom hébreu « Yahweh » fait référence à l’alliance que Dieu a conclue. « L’Eternel », c’est ainsi que se présente le Dieu de l’alliance, le Dieu qui s’est abaissé pour s’allier avec nous et nous hisser à lui.

« L’Eternel », c’est un nom chargé de « bonté », de « grâce » et de « compassion » envers nous (v. 19). C’est d’ailleurs avec ces trois bienfaits que Dieu se présente devant Moïse : avec sa « bonté », sa « grâce » et sa « compassion » envers nous. C’est en cela que consiste « la gloire » que l’Eternel veut révéler à Moïse. C’est encore aujourd’hui le contenu – même le summum ! – de sa gloire qu’il nous révèle à nous aussi.

Voici comment il fait comprendre à Moïse la proximité et l’intimité qu’il entretient avec lui : « Je te connais par ton nom » (v. 17).

C’est exactement ce qu’il nous dit à nous aussi par le prophète Esaïe : « N’aie pas peur, car je t’ai racheté. Je t’ai appelé par ton nom : tu m’appartiens ! […] En effet, je suis l’Eternel, ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur. […] Tu as de la valeur à mes yeux […] tu as de l’importance et […] je t’aime. […] N’aie pas peur, car je suis moi-même avec toi. » (Es 43.1+3-5)

C’est dans les promesses de son Evangile que Dieu nous révèle sa gloire, sa grandeur, sa majesté. C’est là que sa gloire nous est proche, devient palpable ; c’est là qu’elle nous réchauffe le cœur.

Que pouvons-nous imaginer de plus grand, de plus glorieux, que le Dieu de l’univers, le Créateur du Monde, le Trois-fois-saint, nous dire : « N’aie pas peur ! » « Je te connais par ton nom ! » « Je t’ai racheté ! » « Tu m’appartiens ! » ?

Voici un Dieu qui s’anéantit pour nous glorifier, un Dieu qui met sa gloire à tout faire pour que nous puissions nous savoir pardonnés et élevés et en sécurité dans son alliance de grâce et de vie !

Alors, quand notre cri de cœur rejoint celui de Moïse : « Eternel, fais-moi voir ta gloire ! », ne cherchons pas sa gloire là où il ne nous a pas promis de nous la montrer, ne la cherchons pas dans des trucs tape-à-l’œil – bien qu’il continue à opérer des miracles par pure grâce, mais quand il l’a librement décidé –.

Non, cherchons à voir sa gloire là où il la déploie : dans sa Parole et ses sacrements, là où il nous montre ce qu’il a fait pour nous et ce qu’il a fait de nous, là où il nous montre ce qu’il est pour nous et ce qu’il veut rester pour nous : notre Allié pour ce temps et pour l’éternité.

Venons à ses rendez-vous nous réchauffer aux rayons de sa gloire de divin Allié ! Cela nous aidera à faire face à la froideur de ce monde.

« Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyés tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. » (1 Co 10.13)

Venons l’écouter dans sa Parole et le rencontrer dans la Cène ! Venons nous laisser éclairer par sa lumière éternelle ! Donnons-lui l’occasion de nous réconforter et d’affermir notre foi ! Ainsi nous saurons mieux relever les défis et résister aux ténèbres de ce monde.

Amen.

Jean Thiébaut Haessig