dimanche 11 mars 2012

Sermon du Dimanche 11 Mars 2012

Dimanche Oculi 1 R 19.1-8

Chants proposés :

A toi, mon Dieu, mon cœur monte, AeC 25 : 1-5

Ô Seigneur ! ta voix m’appelle, AeC 416 : 1-5

Ecoute, entends la voix de Dieu, AeC 239 : 1-4

Seigneur, tu es notre joie, notre vie, AeC 592 : 1-2

1 « Achab rapporta à Jézabel tout ce qu’avait fait Elie et la manière dont il avait tué par l’épée tous les prophètes.

2 Jézabel envoya alors un messager à Elie pour lui dire : "Que les dieux me traitent avec la plus grande sévérité si demain, à la même heure, je ne te fais pas ce que tu leur as fait !"

3 Voyant cela, Elie se leva et partit pour sauver sa vie. Il arriva à Beer-Shéba, une ville qui appartient à Juda, et il y laissa son serviteur.

4 Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert, puis il s’assit sous un genêt et demanda la mort en disant : "C’est assez ! Maintenant, Eternel, prends-moi la vie, car je ne suis pas meilleur que mes ancêtres."

5 Il se coucha et s’endormit sous un genêt. Et voici qu’un ange le toucha et lui dit : "Lève-toi et mange !"

6 Elie regarda, et il vit à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées ainsi qu’une cruche d’eau. Il mangea et but, puis se recoucha.

7 L’ange de l’Eternel vint une deuxième fois, le toucha et dit : "Lève-toi et mange, car le chemin est trop long pour toi."

8 Il se leva, mangea et but. Puis avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu, jusqu’à Horeb. »


Chers amis, dont la vie connaît

des moments d’enthousiasme

comme des moments de déception,

« Après la pluie le beau temps. » Qui ne connaît cette devise ? Mais la réalité nous rattrape souvent et voudrait nous faire croire qu’il faudrait dire cette devise à l’envers : « Après le beau temps, la pluie ! »

Notre expérience n’est-elle pas parfois : Tantôt transporté d’allégresse, tantôt totalement déprimé ? Plus les hauts étaient vertigineux, et plus noires ont été les profondeurs qui ont suivi ? Après le succès, le flop ? Après l’enthousiasme, la déception ?

C’est ce qu’a connu le prophète Elie, le grand prophète Elie. Nous sommes plus habitués à le voir triomphant sur le mont Carmel, ou radieux à côté du Seigneur sur le Mont de la Transfiguration. Ben non, aujourd’hui, nous le voyons « plus-piteux-tu-meurs » ; d’ailleurs, il souhaite mourir.

Réfléchissons un peu à ce phénomène :

APRES L’ENTHOUSIASME

LA DECEPTION

1. POURQUOI ?

2. COMMENT L’EVITER ?

3. COMMENT S’EN SORTIR ?

X X X 1 X X X

POURQUOI l’enthousiasme

fait-il parfois place a

la deception ?

Comment « Elie, le Tishbite » (1 R 17.1), grand prophète devant l’Eternel, s’il en fut, peut-il connaître un tel coup de blues ? Comment le type même du prophète à qui Dieu parlait directement peut-il se retrouver dans un tel état de perdition et de dérive ?

Récemment, j’ai écrit à un de nos pasteurs quelque peu découragé par une série d’expériences peu enthousiasmantes : « Un de mes grands étonnements sera toujours le fait que Dieu ait confié aussi bien le sacerdoce universel que le ministère pastoral à des pécheurs, alors que cela aurait été, dans l'abstrait (mais dans l'abstrait des myopes que nous sommes), tellement facile de confier tout cela à ses saints anges. Mais voilà, il voulait sans doute nous former, nous apprendre à être humbles et charitables les uns envers les autres et nous apprendre à nous occuper les uns des autres durant notre traversée de ce monde (Hé 11.13). »

Cela nous étonne aussi pareillement de voir que les hommes de foi qui nous sont donnés en exemples dans la Bible sont loin d’être parfaits :

Abraham, « le père de tous les croyants » (voir Ga 3.7+29) ! pris de trouille en Egypte, a préféré sacrifier sa femme, de peur d’être tué. Heureusement que, grâce à Dieu, tout s’est bien passé pour sa femme et pour lui !

David, le grand chantre et psalmiste de l’Ancien Testament, le poète et compositeur des cultes du Temple, le roi unificateur du Royaume d’Israël, s’est laissé entraîner, par convoitise, dans l’adultère et le meurtre. Mais il s’est profondément repenti et a trouvé grâce auprès de Dieu et se retrouve ancêtre de notre Seigneur !

Un Moïse ou un Jérémie ont tout essayé, un Jonas aussi, pour ne pas avoir à être prophètes et porte-parole de Dieu dans des environnements hostiles et dangereux. Dieu a finalement fait de grandes choses par eux.

Pourquoi Dieu ne nous donne-t-il pas des personnes parfaites en exemple ? D’abord, parce qu’il n’y en a pas (Ec 7.20). Ensuite, parce que ça ne nous servirait à rien. Les pécheurs, les imparfaits que nous sommes, nous avons besoin d’exemples comme nous, nous avons besoin de voir comment l’œuvre de Dieu s’accomplit dans des pécheurs comme nous, des faibles comme nous, des tentés comme nous.

Que nous serviraient des exemples qui ne jouent pas dans la même catégorie que nous ? Ce serait comme vouloir faire combatte en judo un super-léger (moins de 60 kg) contre un lourd (plus de 100 kg) ou en football des biberons (5-6 ans) contre des seniors (20-34 ans). Ce serait couru d’avance, et en ce qui nous concerne, nous serions tout de suite découragés et abandonnerions la partie.

« Ces faits sont arrivés, » écrit l’apôtre Paul, « pour nous servir d’exemples » (1 Co 10.6). Comment l’exemple d’Elie peut-il nous être utile ? D’abord en voyant ce qui l’a fait culbuter de l’enthousiasme dans la déprime.

Son zèle au service de Dieu l’a amené à sortir, seul, vainqueur d’un face à face avec « 450 prophètes de Baal et 400 prophètes d’Astarté […] sur le mont Carmel » (1 R 18.19-46). Enfin, seul, non, car « la main de l’Eternel reposa sur Elie » (1 R 18.46).

On peut comprendre qu’un tel triomphe l’ait quelque peu grisé, que cela lui soit un peu monté à la tête. Il était humain, après tout. En plus, auparavant, Dieu l’avait miraculeusement nourri par des corbeaux (1 R 17.2-7), lui avait même permis de réveiller de la mort le fils de la veuve de Sarepta (1 R 17.8-24). Elie devait se sentir sur un petit nuage … Et cela a dû quelque peu lui faire perdre le sens des réalités.

Il rêvait d’une suite merveilleuse à sa victoire sur les prophètes idolâtres. Il voyait déjà le culte de l’Eternel rétabli partout, et l’idolâtrie vaincue à tout jamais.

Au lieu de cela, celle-ci redresse sa tête, comme l’hydre de Lerne dont les têtes repoussaient au fur et à mesure qu’on les coupait. Il est recherché par l’idolâtre reine Jézabel pour être exécuté (v. 1-2).

« Voyant cela, Elie se leva et partit pour sauver sa vie. » Il s’enfuit du Royaume d’Israël au nord pour se réfugier plus loin que « Beer-Shéba », dans l’extrême sud du Royaume de Juda au sud. (v. 3)

Voyant que la réalité ne correspondait pas à ses rêves et projets, il sombre dans la mélancolie.

Le Seigneur nous permet aussi de faire de grandes choses dans la vie, de relever des défis avec succès, de mener à bout des projets difficiles, de connaître des moments enthousiasmants, surtout si, en plus, ils sont vécus à plusieurs, dans une espèce de liesse collective.

Et nous oublions alors que le monde reste le monde, que l’euphorie d’un moment ne peut pas supprimer comme par magie les besoins du quotidien. Nous oublions que d’autres ne partagent peut-être pas notre enthousiasme et ne nous suivent pas, et quand nous le découvrons, nous avons du mal à gérer cette découverte.

Et c’est l’incompréhension, le découragement, peut-être même une sourde révolte à peine contenue.

X X X 2 X X X

COMMENT EVITER

QUE LA DECEPTION CHASSE

L’ENTHOUSIASME ?

Tout d’abord, comme nous l’avons vu, en ne prenant pas les vessies pour des lanternes, ni nos rêves pour la réalité. Pas non plus en prenant pour acquis que tout le monde partage, dans le détail, les mêmes rêves et projets que nous.

Ensuite, en prenant à cœur ce qu’Elie dit à Dieu : « Je ne suis pas meilleur que mes ancêtres ! » (v. 4). Dans le succès, dans l’enthousiasme, voire l’enthousiasme collectif, il n’est pas facile de dire : « Je ne suis pas meilleur que … » les autres.

Quand tout va bien, quand nous sommes entraînés par le mouvement, nous avons du mal à ne pas croire que notre façon de voir, notre façon de faire, notre façon de projeter et de planifier serait la « meilleure » ; nous avons alors du mal à croire que d’autres pourraient être d’un autre avis ; nous avons du mal à consulter l’avis des autres avant de prendre une décision qui engage tout le monde.

Elie s’était-il laissé aller à penser s’y être pris « mieux que » les générations avant lui qui avaient échoué ; s’être dépensé pour la cause de l’Eternel plus et « mieux que » ses prédécesseurs ? Pensait-il avoir réussi à venir à bout de l’idolâtrie « mieux que » qu’eux ? Pensait-il avoir trouvé, « mieux que » les générations avant lui, comment réformer la vie cultuelle du peuple ?

Au bout du compte, il lui faut bien redescendre sur terre et admettre : « Je ne suis pas meilleur qu’eux. »

Chers amis, prenons garde de penser que notre façon de voir et de pratiquer serait « meilleure que » celle des autres ; que nous pourrions décider sans consulter, vu que les autres ne peuvent qu’être du même avis, puisque le nôtre est le « meilleur ».

La leçon a été amère pour Elie. Méditons son exemple pour nous éviter autant que possible des déconvenues analogues.

X X X 3 X X X

COMMENT SE SORTIR DE LA DECEPTION

POUR RETROUVER L’ENTHOUSIASME ?

« Elie avait de la chance, » pourrait-on être tenté de s’exclamer, « Dieu lui a envoyé un ange pour lui procurer la nourriture et les encouragements dont il avait besoin. A nous, cela ne nous arrive jamais qu’un ange vienne nous dire : "Lève-toi et mange, car le chemin est trop long pour toi !" (v. 5-7) »

Ah ! bon ? Cela m’étonnerait, car le Seigneur sait que pour nous aussi « le chemin est trop long » s’il ne nous aide à y avancer. Le Seigneur ne se désintéresse pas plus de nous qu’il ne l’a fait des croyants des temps bibliques ou, ici particulièrement d’Elie.

Dieu sait que si « sa puissance [ne] s’accomplit [pas] dans [notre] faiblesse » (2 Co 12.9), nous sommes mal barrés, nous ne tiendrons pas la distance, nous ne parviendrons pas au but.

Et ce n’est pas « la force que donne une nourriture » terrestre comme « un gâteau cuit » et « une cruche d’eau » (v. 6-8) qui vont nous permettre de demeurer sur « le chemin », dans « la vérité et la vie » (Jn 14.6). Ces aliments n’ont permis à Elie que de poursuivre le chemin vers « la montagne de Dieu, l’Horeb » ou Mont Sinaï (v. 8).

Notre Seigneur nous invite régulièrement sur cette merveilleuse « montagne », ce haut lieu qu’est le culte où il n’envoie pas un ange à sa place. Au culte il vient lui-même à nous. Et les mets succulents qu’il nous y sert, ce sont sa Parole édifiante et ses sacrements vivifiants.

Nous nous retrouvons régulièrement ici, parce qu’il nous y nourrit de « l’Evangile, puissance de Dieu pour notre salut » (Rm 1.16).

Cet Evangile, il nous le dispense dans sa Parole, dans le Baptême et dans la Cène.

Et dans la Cène, il nous dit mieux que : « Mange un gâteau cuit ! » et : « Bois une cruche d’eau. » Là il nous dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est donné pour vous ! » « Buvez-en tous, cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour vous » « en rémission de vos péchés » !

Dans nos cultes, le servant, ce n’est pas une créature, et serait-elle un ange, non, dans nos cultes, le servant, c’est le Créateur et Sauveur lui-même ! Et les mets ne sont pas des mets de ce monde, mais des mets célestes et divins, « le véritable corps » et « le véritable sang » de notre Sauveur, avec lesquels il nous a délivrés du péché, de la mort et de la puissance du diable, aussi de la puissance de nos déceptions.

Oui, dans la Cène, il veut aussi nous relever de nos déceptions et nous instiller le seul véritable enthousiasme, celui d’être pardonné et enfant de Dieu, le véritable enthousiasme aussi, parce que le seul qui surmonte les déceptions et nous aide à avancer avec confiance, bien plus loin que le mont Sinaï au-delà du désert, jusqu’à la « Montagne Sainte » dans la félicité éternelle après bien des passages désertiques et rocailleux ici-bas.

Seigneur, pardonne nos chutes de foi et remplis-nous d’enthousiasme pour toi et pour nos prochains !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig