mardi 10 mars 2009

Sermon du dimanche 8 mars 2009 Reminiscere

REMINISCERE

Texte: Rm 4 . 1-5+13-17


1 « Que dirons-nous donc d'Abraham, notre ancêtre ? Qu'a-t-il obtenu par ses propres efforts ?

2 Si Abraham a été considéré comme juste sur la base de ses oeuvres, il a de quoi se montrer fier, mais non devant Dieu.

3 En effet, que dit l'Ecriture ? Abraham a eu confiance en Dieu et cela lui a été compté comme justice.

4 Or, si quelqu'un accomplit quelque chose, le salaire est porté à son compte non comme une grâce, mais comme un dû.

5 Par contre, si quelqu'un ne fait rien » – mot-à-mot : « celui qui ne fait pas œuvre » (NSB) – « mais croit en celui qui déclare juste l'impie, sa foi lui est comptée comme justice.

13 En effet, ce n'est pas par la loi que la promesse de recevoir le monde en héritage a été faite à Abraham ou à sa descendance, mais c'est par la justice de la foi,

14 car si l'on devient héritier par la loi, la foi est dépourvue de sens et la promesse sans effets.

15 En fait, la loi produit la colère, puisque là où il n'y a pas de loi, il n'y a pas non plus de transgression.

16 C'est donc par la foi que l'on devient héritier, pour que ce soit par grâce et que la promesse soit assurée à toute la descendance, non seulement à celle qui dépend de la loi, mais aussi à celle qui a la foi d'Abraham. En effet, Abraham est notre père à tous, comme cela est d'ailleurs écrit :

17 Je t'ai établi père d'un grand nombre de nations. Il est notre père devant le Dieu en qui il a cru, le Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui n'existe pas à l'existence." »


Cher ami auditeur,

Dans ta vie spirituelle, es-tu arrivé au point où tu peux dire avec certitude : « Si je meurs aujourd’hui encore, j’irai au ciel ! » ?

Suppose que tu doives mourir cette nuit, que tu te trouves devant Dieu et qu’il te demande : « Pourquoi devrais-je te laisser entrer dans mon ciel ? » que lui répondrais-tu ?

Je peux le dire autrement : « Es-tu sûr de ton salut ? Et si oui, sur quoi fondes-tu ta certitude du salut ? »

Les réponses que les gens donnent à ces deux questions les classent en deux catégories :

LES CRÂNEURS ET LES CROYANTS

X X X 1 X X X

Les crâneurs

Le crâneur essaye – y compris devant Dieu – de faire valoir des excuses, de se présenter sous son meilleur jour, de justifier ses actes. Il pense que personne n’aurait pu faire mieux que lui dans les mêmes circonstances. En fait, il ne se serait finalement pas si mal débrouillé dans la vie. Sûr, il n’est pas non plus parfait – ça, il veut bien l’admettre – mais à sa place personne n’aurait pu faire mieux, sans doute même pas aussi bien que lui.

En fait, le crâneur est satisfait de la façon dont il maîtrise, ou du moins conduit, sa vie. Il en est même fier, un peu comme le pharisien qui faisait son propre éloge au Temple.

Le présomptueux est quelqu’un qui n’est pas capable de voir et de reconnaître ses propres faiblesses. Il sait donner un sens positif à tout ce qui vient de lui. Il a des excuses pour tout, des justifications qui écartent toute possibilité d’erreur et le font paraître sans reproche.

Le vaniteux s’imagine mériter la reconnaissance et le respect de la part des hommes et de Dieu, surtout pour ce qu’il est parvenu à faire dans des moments difficiles où il a tenu bon et s’en est sorti de façon magistrale et exemplaire.

« J’ai toujours assisté aux cultes ; j’ai toujours été un paroissien exemplaire, même dans des temps difficiles, financièrement difficiles par exemple, mais aussi quand cela était difficile à gérer au niveau de la famille ou de la santé. Personne ne peut me reprocher – alors qu’il y en a à qui on peut vraiment le reprocher ! – que j’aie traîné les pieds dans la paroisse : quand il y a quelque chose à faire, j’en suis toujours ! »

Possible. Et puis alors ! N’est-ce pas normal pour un chrétien ? Mais le chrétien ne s’en vante pas. Il ne le servira pas aux autres sur un plateau : il mène sa vie par amour pour Dieu et le prochain. Il se sent attiré par Dieu et ses moyens de grâce (la Parole et les sacrements) et sa vie gravite autour de Dieu et dans la paroisse où il s’épanouit au contact de l’Evangile.

Chez le m’as-tu-vu par contre, tout gravite autour de son ego et de ce qu’il considère être son honneur, sa dignité. Un vaniteux est égo-centrique : au centre de ses pensées, de ses paroles et de son comportement il n’y a pas Dieu, mais son ego, le « Moi ». Il ne voit que lui, ne pense qu’à lui. Il cherche continuellement comment il peut briller.

Non pas qu’un crâneur ne sache pas ce qu’est la justification ! Il en a une idée très précise. Pour lui, la justification signifie : « Je me justifie moi-même par ce que je fais ; mes mérites à eux seuls – en tout cas pour l’essentiel – montrent que je suis juste ; cela doit satisfaire tout le monde, y compris Dieu ; même, tout le monde – y compris Dieu – devrait me témoigner du respect et de l’admiration ! »

Un vaniteux fait comprendre : « Dieu me doit le ciel. Ma vie exemplaire doit m’en ouvrir les portes. »

Mais Dieu n’est pas un homme. Bien entendu que nous devons estimer et apprécier ce que les autres font de bien. Nous devons aussi leur témoigner notre reconnaissance pour ce qu’ils font. Ne pas le faire serait de notre part de l’ingratitude.

Mais les critères de Dieu sont différents. Dieu mesure autrement. Nous pouvons accomplir des choses qui, aux yeux des autres – et à juste titre – sont considérés comme exemplaires en don de soi, esprit de sacrifice, amour du prochain, que ce soit comme parent, partenaire conjugal, comme enfant à l’égard des parents âgés, comme paroissien, comme témoin du Christ dans le monde, et j’en passe.

Mais que le Seigneur nous préserve de nous en vanter ou de croire que ce faisant nous avons marqué des points dans sa comptabilité divine, que nous nous ayons ainsi annihilé à ses yeux les péchés que nous avons accomplis par ailleurs !

Que dit le prophète Esaïe ? – « Nous sommes tous comme des objets impurs et toute notre justice » – tout ce qui est juste et beau aux yeux des autres – « est pareille à un habit taché de sang » jaugée à l’aune de la justice divine ! (Es 64.5)

C’est que Dieu exige la perfection absolue de celui qui veut se mériter son salut. « A celui qui fait oeuvre, » – mot-à-mot, cf NBS) – « le salaire est porté à son compte non comme une grâce, mais comme un dû. » (v. 4) Si quelqu’un veut négocier avec Dieu pour obtenir le « salaire » mérité par ses actes, il découvrira qu’il est dans le rouge dans le livre des comptes divins. Tout ce qu’il peut y additionner, ce sont des dettes parce que nos meilleures œuvres n’atteignent pas la perfection exigée par la Loi de Dieu.

Bien sûr que nos bonnes œuvres font notre joie ! Le chrétien se réjouit et remercie Dieu de lui permettre de mener une vie qui fasse honneur à Dieu. Nous nous réjouissons pour tout acte, pour toute œuvre, pour tout succès d’une vie à la suite de notre Seigneur. Nous y reconnaissons avec joie un fruit de notre foi en Jésus-Christ. Cela nous remplit de gratitude envers le Saint-Esprit d’avoir agi sur nous par l’Evangile de façon à produire de beaux fruits de la foi.

C’est ce qu’a fait Abraham. Paul nous dit : « Sur la base de ses oeuvres, il a de quoi se montrer fier, » ces fruits de la foi faisaient sa fierté, « mais » – précise Paul – « non devant Dieu. » (v. 2)

Aussi exemplaire qu’ait été la vie de foi d’Abraham – et elle nous est effectivement donnée en exemple ici ! – devant Dieu, lui aussi ne pouvait pas faire valoir de mérites, car ses meilleures œuvres étaient, comme les nôtres, encore entachées de péché..

Le prétentieux – celui qui fait valoir des prétentions devant Dieu – recevra effectivement son « salaire ». Mais quel terrible jour de paye, car « le salaire du péché, c’est la mort ! » (Rm 6.23)

Cher auditeur, permets-moi donc de reposer la question du début : Sur quoi fondes-tu la certitude d’être sauvé ? Es-tu un crâneur ou un croyant ?

X X X 2 X X X

lES CROYANTs

Qu’est-ce qui caractérise un croyant ? La réponse de Paul commence ainsi : Un croyant c’est « celui qui ne fait pas œuvre » – (mot-à-mot ; NSB), celui qui n’essaye pas de faire valoir ses œuvres devant Dieu – « mais qui croit en Celui qui déclare juste l’impie ! » (v. 5)

Que signifie cette formulation étonnante : le croyant « ne fait pas œuvre » (NSB). Que veut dire l’apôtre ?

Paul parle beaucoup dans ses épîtres de la façon dont « l’amour de Christ nous presse » (2 Co 5.14) à mener une vie chrétienne faite de bonnes œuvres. Avec nos bonnes œuvres nous voulons exprimer à notre Dieu Sauveur notre joie et notre gratitude de nous avoir sauvés par son Fils.

Mais nous ne faisons pas valoir ces œuvres comme de la marchandise pour laquelle nous voudrions être rémunérés. Nous n’accomplissons pas les œuvres d’une vie chrétienne pour être payés en retour, pour qu’elles nous soient « comptées comme justice ».

Nos œuvres ne peuvent pas servir de moyen d’échange avec Dieu. Pour cela il faudrait qu’elles soient parfaites comme l’a été la vie et l’oeuvre de Jésus. Nos œuvres imparfaites et souillées par le péché ne se prêtent pas à une négociation avec Dieu et – et c’est là le miracle de l’Evangile ! – nous n’en avons pas besoin pour cela : grâce à Jésus, nous n’avons plus rien à nous mériter nous-mêmes !

« Nous savons que tout ce que dit la Loi, c’est à ceux qui vivent sous la Loi qu’elle le dit, afin que toute bouche soit fermée et que le monde entier soit reconnu coupable devant Dieu. En effet, personne ne sera considéré comme juste devant lui sur la base des œuvres de la Loi. » (Rm 3.19-20)

« Où est donc la raison de se montrer fier ? Elle a été exclue. Par quelle loi ? Par celle des œuvres ? Non, par la loi de la foi. En effet, nous estimons que l’homme est déclaré juste par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi » (Rm 3.27-28), par la foi « en Celui qui déclare juste l’impie ! » (v. 5)

« L’impie », au sens propre : l’irrévérencieux, celui qui n’a pas envers Dieu l’attitude qui s’impose, celle de l’adoration et de la foi, « l’impie » est celui qui est coupé de Dieu.

C’est ce que nous serions tous si nous cherchions à amadouer Dieu par nos œuvres, à nous le concilier par d’imaginaires mérites. Les échelles de nos œuvres sont bien trop courtes pour nous mener à Dieu.

Il existe cependant un médiateur qui est assez grand, parfait et saint pour rétablir le contact et les rapports entre Dieu et les pécheurs que nous sommes : Jésus-Christ !

Quiconque lui fait confiance peut subsister devant Dieu, celui-là Dieu l’agrée, l’accepte. C’est que Jésus a fait don de sa justice à tous ceux qui font confiance à l’œuvre qu’il a accomplie pour notre compte en se substituant à nous.

Dieu n’a rien à reprocher à cette justice que Jésus nous a obtenue et accordée : elle est parfaite, car en même temps divine. C’est ainsi que « celui qui ne fait pas œuvre » (NSB) « mais croit en celui qui déclare juste l'impie, sa foi lui est comptée comme justice. » Qui pourrait bien alors encore vouloir être un crâneur ?

Non, nous voulons nous tenir devant Dieu comme des croyants : pleins d’humilité et de contrition, mais aussi pleins de foi et de confiance dans l’œuvre du Christ, en croyant fermement qu’avec sa vie parfaite, aussi par « ses souffrances et sa mort innocentes » (Martin Luther, Petit Catéchisme), il m’a procuré la justice et la sainteté qui me manquaient pour pouvoir subsister devant Dieu.

« Mon Seigneur bien-aimé, je ne veux pas crâner devant toi. Je reconnais avec humilité mais aussi un immense soulagement et autant de joie que je te dois tout. Merci de m’avoir offert ta justice avec laquelle ton Père m’accepte dans cette vie comme dans l’éternité ! »

Avec cette disposition d’esprit nous nous trouvons dans la même situation qu’Abraham. Comme lui nous vivons « de la foi », de ce que nous plaçons notre foi en l’œuvre de rachat de Jésus, de ce que nous nous en remettons au pardon et à la grâce de Dieu fondées sur l’œuvre expiatoire de Jésus-Christ.

Abraham a mené une vie consacrée à Dieu, une vie riche en bonnes œuvres. En cela aussi il reste un exemple jusqu’à la fin des temps. Pourtant « ce n'est pas par la loi que la promesse de […] l’héritage a été faite à Abraham […], mais c'est par la justice de la foi, » (v. 13)

Il n’a pas obtenu le salut au moyen de sa vie de piété, mais « par la justice » du Messie promis, « justice » qu’il a obtenue parce qu’il a eu « foi » en ce que Dieu lui promettait.

Comme Abraham, nous aussi nous voulons vivre exclusivement « par la justice » du Christ promise à celui qui place sa « foi » en lui.

Pour nous, croyants, il n’y a pas de doute : « C’est par la foi que l'on devient héritier, pour que ce soit par grâce et que la promesse soit assurée. » (v. 16). Si notre salut n’était pas fondé sur « la grâce en Jésus-Christ » (1 Co 1.4), mais sur nos mérites, nous ne pourrions pas être sûrs de notre salut. Mais s’il est accordé « par grâce » à cause de l’œuvre parfaite de Jésus, nous n’avons pas de craintes à avoir : notre salut a un fondement solide.

Dieu merci ! nous pouvons êtres sûrs qu’il pardonne aux croyants que nous sommes, qu’il inscrit la justice de son Fils à notre compte et nous accorde la vie et la félicité éternelle, car il est « le Dieu qui donne la vie aux morts et appelle ce qui n'existe pas à l'existence. » (v. 17)

Cher ami qui places ta foi en Jésus-Christ, réjouis-toi ! Tu peux être assuré de ton salut car tu ne crânes pas devant Dieu avec tes propres mérites, mais tu fais confiance aux mérites du Christ portés à ton compte !

Soli Deo gloria ! A Dieu seul soit la gloire !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig


Chants proposés :

Il faut, grand Dieu, que de mon coeur LlS 232 : 1-3

Par grâce, ô Dieu, par ta clémence LlS 223 : 1-2+4+6

Le salut nous vient du Seigneur LlS 220 : 1+3+6-7*