lundi 25 avril 2011

Sermon du vendredi saint 22 avril 2011

Vendredi Saint Texte: Lc 23.39-46

Chants proposés :

Ouverture :

Ô monde, viens, contemple LlS 91 : 1-7

après l’A.T. :

Prosterné, je te révère, Sauveur LlS 81 : 1

après l’Epître :

Sauveur qui perdis la vie LlS 81 : 2

après l’Evangile :

Du haut de ce bois infâme LlS 81 : 3

après le Credo :

Chef couvert de blessures LlS 88 : 1-5

après la prédication :

Ô Christ, j’ai vu ton agonie, LlS 89 : 1-4

39 « L’un des malfaiteurs crucifiés avec Jésus l’insultait en disant : "Si tu es le Messie, sauve-toi toi-même, et nous avec toi !"

40 Mais l’autre le reprenait et disait : "N’as-tu aucune crainte de Dieu, toi qui subis la même condamnation ?

41 Pour nous, ce n’est que justice, puisque nous recevons ce qu’ont mérité nos actes, mais celui-ci n’a rien fait de mal."

42 Et il dit à Jésus : "Seigneur, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton Royaume."

43 Jésus lui répondit : "Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis."

44 C’était déjà presque midi, et il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures de l’après-midi.

45 Le soleil s’obscurcit et le voile du Temple se déchira par le milieu.

46 Jésus s’écria d’une voix forte : "Père, je remets mon esprit entre tes mains." Après avoir dit ces paroles, il expira. »


Chers rescapés, grâce au sacrifice de Jésus en croix !

Je me rappelle, dans mon enfance, quand quelqu’un mourait, cela se passait à la maison. Le mourant était couché dans le lit de l’alcôve contigu à la grande pièce de la ferme, la parenté et les amis les plus proches étaient assis en demi-cercle dans la pièce et assistaient le partant avec, de temps en temps, des promesses de l’Evangile et des prières. Bref, on ne laissait pas mourir quelqu’un dans la solitude et l’abandon.

On ne peut pas dire que notre Seigneur a eu cette chance. Oh ! du monde, il y en avait autour de sa croix ! Mais ces gens n’étaient pas là pour l’assister dans son agonie, tout au contraire : ils se moquaient de lui, ils lui faisaient sentir leur mépris, ils étaient tout contents d’avoir eu sa peau – du moins croyaient-ils l’avoir eue.

Où étaient ses proches ? Ils avaient fui. Ils avaient peur. Ils se planquaient (Jn 20.19). Il est vrai : pas tous. Le quatrième Evangile nous apprend : « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie de Magdala, » ainsi que Jean, « le disciple qu’il aimait » particulièrement (Jn 19.25-26).

Nous nous sommes réunis ce soir autour de sa croix, parce qu’il est inimaginable que, sans empêchement majeur, nous ne cherchions pas à être avec notre Seigneur bien-aimé en ce Vendredi Saint. Non, en ce jour, nous ne voulons pas nous tenir à l’écart de sa croix, mais prendre position à ses pieds. Nous voulons être

AUPRES DE JESUS, NOTRE SEIGNEUR,

A GOLGOTHA.

Et là, nous découvrons

1 la terrible puissance du péché,

mais, heureusement, plus encore

2 la puissance infiniment supérieure de notre Sauveur.


Auprès de Jésus, notre Seigneur,

à Golgotha

nous découvrons

X X X 1 X X X

LA TERRIBLE PUISSANCE DU PECHE

C’est vraiment là, au pied de sa croix, en voyant le Seigneur de l’univers se laisser crucifier comme le pire des criminels, que nous nous rendons compte qu’à Golgotha quelque chose d’énorme s’est joué, quelque chose de démesuré, de colossal, d’immense, quelque chose qui nous dépasse, tout en nous concernant directement.

Car c’est notre péché qui a provoqué cette tragédie démesurée, ce cataclysme divin. Quand on est tenté de minimiser le caractère terrible de son péché, il suffit de considérer le Maître de l’univers agoniser en croix. Si le péché était une bagatelle, le Fils de Dieu n’aurait pas eu à se sacrifier lui-même pour l’expier.

Minimiser son péché, ou en rejeter la faute sur un autre, en vouloir au monde entier pour ce qui m’arrive, c’est dans nos gênes, c’est inné, c’est une réaction naturelle de notre vieil homme. Cela m’évite de m’examiner moi-même, de faire mon examen de conscience.

Voyez « l’un des deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus » ! Il lui lança : « Si tu es le Messie, sauve-toi toi-même, et nous avec toi ! » (v. 39)

Notre nature, si nous n’y faisons attention, essaie de nous monter contre Dieu, de nous opposer à lui, de lui faire des reproches, de l’accuser pour ce qui nous arrive.

Grâce à Dieu, éclairés et guidés par le Saint-Esprit, nous savons écarter ce genre de réactions viscérales. Ce n’est pas toujours facile, surtout si nous avons l’impression que Dieu pourrait – ou aurait pu – changer le cours des choses.

Tenez : prenez le deuxième malfaiteur ! Il a été touché par la grâce. Ce que Jésus lui a donné de voir et d’entendre l’a convaincu qu’il était le Fils de Dieu, donc qu’il pourrait intervenir en leur faveur s’il le voulait. D’ailleurs, Jésus n’avait-il pas même ressuscité des morts ?

Ce malfaiteur a été touché par la grâce. Il a été éclairé par l’Esprit Saint. Il a été conduit à la repentance et à la foi en Jésus-Christ.

Et cela commence par une confession sincère qu’il adresse à son collègue criminel : « N’as-tu aucune crainte de Dieu, toi qui subis la même condamnation ? Pour nous, ce n’est que justice, puisque nous recevons ce qu’ont mérité nos actes, mais celui-ci n’a rien fait de mal. » (v. 40-41)

Il reconnaît que, contrairement à Jésus, eux ont « mérité » le châtiment infligé par la justice civile. Et il se sait aussi coupable devant Dieu. Il sait que le péché rend coupable devant Dieu. Sans exactement utiliser ces mots qu’écrira Paul plus tard, le malfaiteur repentant fait comprendre à l’autre que « le salaire du péché, c’est la mort. » (Rm 6.23), qu’il n’y a pas de quoi parader devant Dieu, qu’il vaudrait mieux le « craindre ».

Le malfaiteur révolté ferait mieux de reconnaître que le péché place la personne dans une situation désespérée, tellement désespérée que Dieu n’a pas eu d’autre solution que d’envoyer son propre Fils, que de jeter dans la balance la vie de son Fils bien-aimé. C’était le seul moyen de donner à notre fatale situation une issue libératrice, de transformer notre désespoir en espoir.

« C’était déjà presque midi, et il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à trois heures de l’après-midi. Le soleil s’obscurcit et le voile du Temple se déchira par le milieu. » (v. 44-45)

Ce qui se passait avec Jésus, le Fils de Dieu, était un événement d’une telle violence que son astre le plus lumineux pour nous, les humains, « s’obscurcit ». Le verbe grec utilisé montre bien que le soleil n’a pas été caché, qu’il ne s’est pas agi d’une éclipse, mais que le soleil lui-même s’est « affaibli », a « abandonné », a « cessé » de jouer son rôle. Aujourd’hui nous dirions : « a eu une chute de tension », « une baisse de régime ».

C’est comme si ce que vivait le Créateur de l’univers avait choqué et bloqué sa création, tant l’événement était violent.

De quoi s’agissait-il ? Dieu le Père a rejeté Dieu le Fils, parce que ce dernier avait pris les péchés du monde entier sur lui, parce qu’il s’était présenté comme le coupable de toutes nos transgressions de la Loi de Dieu. D’où ce cri du Christ en croix : « "Eli, Eli, lama sabachthani !" c’est-à-dire : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?" » (Mt 27.46)

Cette déchirure entre le Père et le Fils, ce rejet dans les souffrances de l’enfer, c’était là quelque chose de tellement horrible que le soleil s’est voilé la face. C’était là un spectacle que les humains n’auraient pu soutenir, tant les souffrances de l’enfer méritées par nos péchés sont inhumaines.

En venant méditer aujourd’hui près de la croix de Jésus à Golgotha, nous sommes effarés par la terrible puissance du péché, une puissance de mort, mais …

Avec Jésus, notre Seigneur, à Golgotha

nous découvrons surtout

X X X 2 X X X

LA PUISSANCE INFINIMENT SUPERIEURE

DE NOTRE SAUVEUR

Du fond de l’abîme dans lequel notre Seigneur se tord et agonise monte cependant une lumière et une chaleur sans pareilles : celles de son amour sauveur, de son pardon et de son salut.

Ecoutez le dialogue aussi bref que réconfortant entre les deux crucifiés que sont le malfaiteur repentant et Jésus !

« Il dit à Jésus : "Seigneur, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton Royaume." Jésus lui répondit : "Je te le dis en vérité : aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis." » (v. 42-43)

Peut-être que ce malfaiteur avait été élevé dans la foi de l’Ancien Testament, qu’il connaissait les prophéties messianiques, ces annonces de la venue du Sauveur des pécheurs, et qu’il a ensuite tourné le dos à Dieu.

Sans doute avait-il même entendu parler de Jésus – peut-être lui était-il même arrivé de le croiser – au cours des trois années où Jésus a sillonné la Palestine en drainant des foules derrière lui et en accomplissant des miracles.

La Palestine n’est finalement pas si grande que ça. On en a vite fait le tour : à peu près la surface de la Région Ile-de-France, mais en plus étiré, et bien moins que l’Ile-de-France, si on en ôte l’enclave de la Samarie où Jésus n’a fait que passer rapidement.

Peut-être que la prédication de Jésus remplissait ce malfaiteur de remords depuis un certain temps, mais n’avait pas suffit à le détourner d’une vie de délits.

Quoi qu’il en soit, là, ce qu’il voit et entend de Jésus le convertit totalement. Il voit en lui son « Seigneur », et un « Seigneur » capable de le faire entrer, par-delà la mort, dans « son Royaume », dans « le paradis » !

En d’autres mots, Dieu a fait la grâce à ce malfaiteur de voir subitement plus clair que les disciples déçus qui, eux, se sont enfuis et qui ne comprenaient toujours rien à ce qui se passait.

Ce malfaiteur a compris que, là, à côté de lui, Jésus de Nazareth est en train d’expier ses crimes à lui, tous ses péchés.

Ce malfaiteur comprend que le crucifié du milieu ne mérite pas les sarcasmes des badauds et du malfaiteur impénitent, et encore moins sa mise à mort. Ce malfaiteur a compris que Jésus ne mérite que du respect, même l’adoration. Il a compris : Jésus est là pour le sauver de la damnation éternelle, du rejet par Dieu, en se faisant damner et rejeter à sa place.

Quel réconfort au milieu de sa terrible agonie cela a dû être pour lui que de s’entendre promettre par Jésus : « Je te le dis en vérité : aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ! »

Et cette promesse, Jésus la fera à chacun de nous face à notre mort. Celle-ci ne pourra pas nous séparer de Dieu, car Jésus s’est laissé rejeter et « abandonner » à notre place. Celui qui croit que Jésus a expié ses péchés, celui-là verra son âme passer directement au « paradis » auprès de Jésus. Et le corps suivra après la résurrection.

Nous pouvons nous consoler avec cette certitude. Nous pouvons nous préparer à notre mort avec la certitude que notre péché ne nous sépare plus de Dieu. Jésus l’a expié.

Rappelons-nous : il n’y a pas eu que le miracle du soleil qui a perdu son éclat pendant trois heures ; il y a aussi eu le miracle de la déchirure du voile du Temple. « Le voile du Temple se déchira par le milieu. » (v. 45)

Ce « voile » séparait le premier des deux halls du Temple – « le saint » ou « Sacré » – du dernier hall – « le saint des saints » ou « Très-Sacré » (Ex 26).

Dans la première salle (« le Sacré »), les prêtres officiaient chaque jour. Mais ils n’avaient pas le droit de regarder dans la dernière salle (« le Très-Sacré »). Ceci était réservé au souverain sacrificateur ou grand-prêtre, et même là qu’une seule fois dans l’année, le grand jour des expiations.

En déchirant ce voile-écran au moment de la mort de Jésus, et en livrant aux yeux des prêtres le spectacle du lieu « Très-Sacré », Dieu a fait savoir qu’en expiant nos péchés Jésus nous a frayé le chemin vers le cœur du Père, vers son cœur et dans son « Royaume ».

Cela signifiait aussi que le rôle du souverain sacrificateur n’avait plus sa raison d’être. Que ce qu’il représentait, ce qu’il annonçait était arrivé : la venue du Grand-Prêtre Jésus-Christ et de son « expiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier » (1 Jn 2.2). Le sacrifice de Jésus rendait maintenant inutile la mise en scène prophétique du culte de l’Ancien Testament.

Un dernier mot à propos de la mort de Jésus. C’est d’ailleurs à Jésus que nous le laissons. Lorsqu’il sut que son œuvre était achevée, « Jésus s’écria d’une voix forte : "Père, je remets mon esprit entre tes mains." Après avoir dit ces paroles, il expira. » (v. 46)

Là encore, il demeure Maître de sa destinée. Il ne se laisse pas prendre la vie. Il ne meurt pas parce qu’il ne domine plus rien : sa « voix » est toujours « forte ». Il ne meurt pas non plus parce qu’il ne pourrait s’opposer à ses assassins ; non, comme il l’avait annoncé, il la « donne de lui-même » (Jn 10.18), c’est volontairement qu’il « remet son esprit entre les mains » de son Père

Il dépose sa vie dans la balance de la justice divine pour qu’elle soit portée à notre crédit, nous réconcilie avec Dieu, nous soustraie à la damnation et à la mort éternelle et nous procure la vie et le salut.

Ce pouvoir, le pouvoir de nous décrocher tout cela, seul Jésus l’avait.

Humilions-nous devant sa face, car ce sont nos péchés qu’il a ainsi expiés dans les souffrances de l’enfer.

Mais réjouissons-nous aussi de ce qu’il y soit allé volontairement, poussé par son amour pour nous ! Réjouissons-nous et soyons soulagés : il a tenu bon jusqu’au bout pour nous frayer le chemin vers son « Royaume » et son « paradis » !

Et comme nous avons recherché sa proximité auprès de sa croix en ce Vendredi-Saint, gardons l’habitude de rechercher sa proximité dans sa Parole et ses sacrements.

Et n’oublions pas : il n’avait pas seulement annoncé : « Je donne ma vie » ; il avait dit : « Je donne ma vie pour la reprendre ensuite ! » (Jn 10.17)

Cela, nous le célébrerons dans deux jours.

Vendredi-Saint sera alors couronné par Pâques !

Le Seigneur en soit loué !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

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