18ème Dimanche après la Trinité
Texte : Ph 4.4-13
4 « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! Je le répète : Réjouissez-vous !
5 Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche.
6 Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications accompagnées de prières de reconnaissance.
7 Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre, gardera votre cœur et vos pensées en Jésus-Christ.
8 Enfin, frères et sœurs, portez vos pensées sur tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est digne d’être aimé, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est synonyme de qualité morale, et ce qui est digne de louange.
9 Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi et ce que vous avez vu en moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.
10 J’ai éprouvé une grande joie dans le Seigneur de ce que vous avez enfin pu renouveler l’expression de votre intérêt pour moi. Vous y pensiez bien, mais l’occasion vous manquait.
11 Ce n’est pas à cause de mes besoins que je dis cela, car j’ai appris à être satisfait de ma situation.
12 Je sais vivre dans la pauvreté et je sais vivre dans l’abondance. Partout et en toutes circonstances j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans le besoin.
13 Je peux tout par celui qui me fortifie, Christ. »
Bien chers frères et sœurs unis et réjouis par le Seigneur !
Vous avez tous déjà vu des reportages sur des prisons, ne serait-ce qu’au cours d’un journal télévisé. Faites maintenant un petit effort d’imagination : Essayez de vous représenter derrière les barreaux… Que ressentiriez-vous ? Comment vous sentiriez-vous ? Qu’écririez-vous à vos amis, à vos vrais amis, bien sûr, car les faux auront disparu depuis belle luette. Oui, que leur écririez-vous ? …
Je vais vous citer ce qu’un prisonnier a écrit à ses amis abattus : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! Je le répète : Réjouissez-vous ! » (v. 4)
Vous l’avez reconnu : il s’agit de l’apôtre Paul. – « Oui, mais lui était apôtre ! » m’objecterez-vous peut-être. C’est vrai. Et puis ? Pensez-vous qu’il n’était pas homme comme nous et n’aurait pas, de loin, préféré se déplacer en toute liberté, justement pour accomplir son ministère d’apôtre ?
Il était homme comme nous. Il ne l’a jamais caché dans ses lettres. Songez au 7ème chapitre de son Epître aux Romains : là il parle de ses luttes intérieures. Ne croyez surtout pas que son vieil homme, sa nature pécheresse innée, se réjouissait de sa captivité.
Et pourtant, dans cette affliction qu’aucun de nous ne désire connaître, Paul, « rempli de toute paix et de toute joie par la foi » (Rm 15.13) est assez fort pour inverser les rôles et interpeller les Philippiens : « Réjouissez-vous toujours » (à chaque instant, dans n’importe quelle situation) « dans le Seigneur ! Je le répète : Réjouissez-vous ! »
Posons-nous donc aujourd’hui la question … non, nous la poserons à Paul qui nous répondra dans notre texte :
QU’EST-CE QUE
CETTE « JOIE DANS LE SEIGNEUR » ?
cette joie si surprenante et merveilleuse chez ce prisonnier, cette joie qu’il nous demande de partager ? Ne dit-il pas : « Réjouissez- vous ! » ? « Vous ! » c’est nous !
De quelle joie s’agit-il ? De quoi dois-je me réjouir ?
Chacun de nous pourrait maintenant énumérer des moments heureux, des moments extraordinaires de sa vie. Paul ne parle pas de cela ; il écrit : « Réjouissez-vous toujours ! » « Toujours », cela signifie : dans les bons et dans les mauvais jours.
Dois-je donc aussi me réjouir de mes malheurs ? Dois-je considérer mes malheurs comme des bonheurs ? Non, mais dans les mauvais comme dans les bons jours, le chrétien sait qu’il n’est pas seul, … du moins devrait-il le savoir.
Trop souvent nous ne voyons que le malheur, la maladie, les accidents, les souffrances, la mort, les espoirs déçus, les projets contrecarrés, le péché à l’œuvre dans les relations humaines, notre tempérament qui nous cause du soucis, les difficultés à vivre, dans les études ou au travail.
Tout cela pèse parfois sur nous. Certains de ces fardeaux pèseront sur nous jusqu’à la fin de cette vie. Seul l’entrée dans la félicité éternelle nous débarrassera définitivement de certains de ces fardeaux.
En attendant, dans cette vie, le danger qui nous guette, c’est de nous laisser complètement accaparer par le poids de l’épreuve, de nous laisser complètement paralyser par les difficultés, et d’oublier le Seigneur dans tout cela. Paul, lui, ne l’avait pas oublié. Heureusement pour lui !
Les Philippiens par contre, eux, étaient abattus. Quoi, leur cher apôtre en prison ! « Quel malheur ! » se disaient-ils. « Qui va prendre la direction de toutes ces paroisses missionnaires à travers l’Asie Mineure, la Macédoine et la Grèce ? »
Le malheur leur avait fait oublier que l’Eglise n’appartient pas à Paul, mais au Seigneur, et ce Seigneur n’était pas en prison, mais puissamment à l’œuvre dans l’Eglise à travers la Parole et les sacrements. L’action de son Evangile ne saurait être ligotée, même si on ligote ses serviteurs.
« Quelle honte ! » ont peut-être aussi pensé certains Philippiens. « Que va-t-on penser de nous qui avons à notre tête un homme emprisonné ? »
Mais l’apôtre savait que les Juifs l’avaient faussement accusé de rébellion contre l’ordre public. En fait, ils se sont arrangés pour qu’il ne puisse plus prêcher l’Evangile du salut de Jésus de Nazareth.
Paul le sait. Mais il n’a pas changé d’avis depuis qu’il a écrit aux chrétiens de Rome, il ya a plusieurs années : « Je n’ai pas honte de l’Evangile de Christ ; c’est la puissance de Dieu pour le salut de tout homme qui croit. » (Rm 1.16) « Les autres peuvent croire et penser de moi ce qu’ils veulent. Si ce n’est pas vrai – et le Seigneur sait que ce n’est pas vrai – cela ne m’enlève pas "la joie dans le Seigneur". »
Cela, les Philippiens avaient besoin qu’on le leur répète encore et encore. « Réjouissez-vous toujours » (ne l’oubliez jamais !) « dans le Seigneur ! Je le répète : Réjouissez-vous ! »
Quelle vérité merveilleuse : Bien des choses peuvent nous freiner dans nos projets, nous limiter dans nos possibilités, peser sur notre cœur, nous lier jusqu’à nous empêcher de vivre librement. Cela peut être la prison, ce peut aussi être une infirmité ou une maladie, un manque de moyens financiers, un manque de formation, de connaissances ou d’expérience, un manque d’amis ou de compréhension.
Tout cela peut paralyser ou « emprisonner » notre vie. Mais, au milieu de l’épreuve, n’oubliez pas cette merveilleuse réalité : ceux qui placent leur foi dans le Seigneur et dans sa Parole, sont « dans le Seigneur », unis au Seigneur de la vie et de la mort. A ceux-là il dit : « Si vous demeurez dans ma Parole, vous êtes vraiment mes disciples ; vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
« Si donc le Fils vous rend libres, vous serez réellement libres, » que vous vous heurtiez encore à vos mauvais penchants ou à vos infirmités, à vos problèmes financiers, scolaires ou professionnels, même lorsque vous vous heurterez à la mort.
Voyez l’apôtre ! Là où d’autres seraient abattus, il est plein de joie. Bien qu’à l’étroit en prison, il se sait libre « en Christ ».
Ses geôliers pensent pouvoir l’enfermer et l’enchaîner. Mais son cœur et ses pensées sont « gardés en Christ Jésus », hors d’atteinte de ses geôliers. Tout son être est tourné vers celui qui l’a libéré des conséquences de son péché en les prenant sur lui, défait de sa culpabilité en s’accusant à sa place, délivré de la damnation éternelle en se faisant condamner à sa place. C’est cela qui lui permet d’être calme et serein.
Savoir que Jésus l’a réconcilié avec Dieu et rétabli la paix entre eux, cela calme l’apôtre et le réjouit. Cela rend son emprisonnement supportable. Il peut même, de sa captivité, inviter les autres à se réjouir avec lui « dans le Seigneur ».
Cela s’adresse aussi à nous. Ne nous a-t-il pas aussi été fait la grâce d’être « dans le Seigneur », d’avoir été reçu dans sa famille, dans sa communion, dans le peuple des graciés et libérés du Seigneur ?
Il est vrai, cela ne se remarque pas toujours dans la vie. Mais c’est justement là, souvent, notre erreur : nous voulons voir au lieu de croire. « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! » (Jn 20.29) a dit Jésus un jour.
Serions-nous parfois malheureux et manquerions-nous souvent de joie tout simplement parce que nous ne croyons pas assez au Seigneur et à sa Parole ?
Confessons alors cette faiblesse à notre Seigneur. Demandons-lui pardon de nous laisser parfois davantage impressionner par les difficultés que nous voyons que par ses promesses que nous entendons.
Laissons-nous toujours rappeler que, grâce à Dieu ! nous sommes « dans le Seigneur », unis à lui, que « le Seigneur est proche » avec sa grâce et son pardon, avec sa bonté et son assistance, avec sa fidélité et sa toute-puissance.
En nous rappelant cela, « la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, gardera nos cœurs et nos esprits en Christ Jésus » (Ph 4.7). Nous pourrons alors toujours nous réjouir de ces bénédictions du Seigneur.
Et cela ne restera pas sans effet sur nous. Oh ! notre moral ne sera pas toujours au beau fixe. Notre vie de foi a un profil en dents de scie. A certains moments, nous nous sentons plus confiants, plus forts, plus heureux, plus sensibles et émus par l’Evangile ; à d’autres moments, les circonstances de la vie tentent d’étouffer cela en nous.
Mais ‘est justement là que « la paix de Dieu » exerce sa grande force de réconfort et de joie. C’est dans ces instants difficiles que nous mesurons mieux quelles grandes bénédictions nous retirons de notre vie « dans le Seigneur », de la communion que nous vivons avec lui.
Cela ne peut rester sans effets. Plus nous méditons les bienfaits de Dieu en Christ, et davantage nous sommes portés à nous réjouir de ce qui nous arrive par pure grâce ; davantage aussi cela imprègne notre vie. Par exemple, dans trois domaines sur lesquels Paul attire notre attention : celui de la prière, celui des pensées et celui de notre attitude.
Dans le malheur, nous sommes tentés de broyer du noir, du noir pas beau du tout : il peut y avoir de l’impatience si ce n’est de la rébellion, de la jalousie si ce n’est de la haine, des reproches faits aux autres, si ce n’est à Dieu.
Mais Jésus jette une toute autre lumière dans nos épreuves. Aucune épreuve ne peut nous atteindre qu’il ne « fasse » finalement « concourir à notre bien » (Rm 8.28). Si nous ne renions pas l’alliance de grâce qu’il a conclue avec nous dans notre Baptême, rien ne pourra nous arracher à cette alliance, aucune épreuve, pas même la mort. Ne l’oubliez jamais.
Cela vous permettra d’avoir des pensées moins noires dans les épreuves, cela vous permettra de les chasser plus facilement. Nos pensées seront plus positives, plus aimables, plus charitables, plus édifiantes, aussi plus justes.
C’est à cela que Paul nous invite quand il écrit : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! » […] « portez vos pensées sur tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est digne d’être aimé, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est synonyme de qualité morale, et ce qui est digne de louange. » (v. 4+8)
Et si nous nous réjouissons toujours davantage de notre communion avec le Seigneur, nos prières prendront aussi une tournure plus confiante, malgré les problèmes qui peuvent nous rendre la vie difficile.
« Ne vous inquiétez de rien ! » (v. 6) nous rassure Paul. Nous ne pouvons même pas lui objecter : « Tu as beau parler, tu ne sais pas comment la vie peut être dure ! » Il se trouve injustement emprisonné depuis des années…
Dans le malheur, le croyant ne fait pas que gémir et appeler au secours dans ses prières ; ses prières seront toujours imprégnées de gratitude et de louange. Il sait que Dieu prêtera toujours une oreille attentive à ses prières, Dieu répondra toujours de la manière la plus propice à notre salut et à notre bonheur éternel.
Cette certitude fait que, même dans l’épreuve, l’enfant de Dieu prie avec confiance et joie, gratitude et louange. « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! » […] « Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications accompagnées de prières de reconnaissance. » (v. 6).
« Réjouissez-vous » de pouvoir compter sur lui « en Christ », et remerciez l’en dès le moment où vous l’appelez à votre aide.
Plus nous saurons nous réjouir de notre communion de vie avec notre Seigneur, et plus cela influera aussi sur notre comportement.
Notre joie dans le Seigneur s’alimente des promesses que Dieu nous fait dans la Parole et les sacrements. Notre « pratique » de la vie chrétienne aussi. D’où l’invitation de Paul : « Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi et ce que vous avez vu en moi, mettez-le en pratique, » vivez-le (v. 9).
Nous n’avons pas « vu » l’apôtre comme les Philippiens, mais, par la grâce de Dieu, nous avons « appris, reçu et entendu » les écrits sacrés « des apôtres et des prophètes » ; nous avons ainsi été « appelés, éclairés, sanctifiés et maintenus en Jésus-Christ dans l’unité de la vraie foi » (Martin Luther, Petit Catéchisme, 3ème Article).
Cette divine communion avec Jésus nous réjouit et nous aide à « être satisfaits de notre situation » (v. 11).
Te réjouis-tu et remercies-tu Dieu pour « ta situation », dans la famille, à l’école, au travail, dans la paroisse ? Sûr, partout tu rencontres des problèmes, partout cela pourrait sans doute aller mieux, parfois bien mieux. Mais songe à la grâce qui t’est faite d’appartenir à Jésus-Christ, d’avoir un Seigneur qui tient à toi et s’occupe de toi.
Plus cela sera présent à ton esprit, et plus ton comportement envers les autres sera imprégné de joie et de paix. Même, dit l’apôtre, ta « douceur sera connue de tous les hommes ». Et peut-être aussi la cause de cette douceur : ta certitude que « le Seigneur est proche » de toi. (v. 5)
Bref, « réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète : Réjouissez-vous ! »
Seigneur, pardonne notre manque de joie. Aide-nous, par la méditation de ta Parole, à nous réjouir en toi en toute circonstance.
Amen.
Jean Thiébaut Haessig
Chants proposés :
Dans ton temple, ô mon Sauveur LlS 2 : 1-3
Tu m’as aimé, Seigneur, avant que la lumière LlS 254 : 1-4
Mon cœur joyeux, plein d’espérance, LlS 249 : 1-5
Jérusalem, laisse passer le Roi, LlS 162 : 1-3