2ème Dimanche après la Trinité
1 Co
14.1-3+20-25
Chants proposés :
Dans ton temple,
ô mon Sauveur, LlS 2 : 1-3
Parle, parle,
Seigneur, ton serviteur écoute LlS
148 : 1-4
Préserve ta
Parole, Seigneur, à tes enfants LlS
178 : 1-3
+ 6-7
1 « Recherchez
l’amour. Aspirez aussi aux dons spirituels, mais surtout à la prophétie.
2 En
effet, celui qui parle en langue ne parle pas aux hommes mais à Dieu, car
personne ne le comprend, et c’est en esprit qu’il dit des paroles mystérieuses.
3 Celui qui
prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les encourage, les
réconforte.
4 Celui qui
parle en langue s’édifie lui-même, alors que celui qui prophétise édifie
l’Eglise.
20 Frères et
sœurs, ne raisonnez pas comme des enfants. Au contraire, pour le mal, soyez des
bébés, mais par rapport au raisonnement, soyez des adultes.
21 Il est
écrit dans la Loi : "C’est par les hommes d’une autre langue et par
des lèvres étrangères que je parlerai à ce peuple, et même ainsi, ils ne
m’écouteront pas" dit le Seigneur.
22 Par
conséquent, les langues sont un signe non pour les croyants, mais pour les
non-croyants ; la prophétie, quant à elle, est un signe non pour les non
croyants, mais pour les croyants.
23 Si donc,
alors que l’Eglise entière est rassemblées, tous parlent en langues et qu’il
entre de simples auditeurs ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes
fous ?
24 En
revanche, si tous prophétisent et qu’un non croyant ou un simple auditeur
entre, il est convaincu de péché pat tous, il est jugé par tous.
25 Ainsi,
les secrets de son cœur sont dévoilés, et il tombera alors le visage contre
terre pour adorer Dieu en déclarant que Dieu est réellement au milieu de
vous. »
Chers frères et sœurs en Christ,
On pense parfois que l’Eglise du temps des apôtres était une
Eglise idyllique où tout se passait dans un « amour » et une
concorde parfaites sous la conduite d’apôtres directement inspirés par le
Saint-Esprit. Il n’en est rien.
Luther a dit un jour que là où Dieu construit une Eglise le diable
dresse une chapelle à côté. Et si quelque chose a mis Satan en rage, c’est de
voir les apôtres semer l’Evangile pour arracher des âmes à l’enfer. Il s’est
donc pas mal acharné sur les premières communautés chrétiennes.
Le livre des Actes des Apôtres parle surtout des hostilités
et oppositions rencontrées à l’extérieur de l’Eglise. Les lettres de l’apôtre
Paul, quant à elles, montrent quels ont été les dommages que Satan a causés au
sein des communautés locales, dommages que l’apôtre essaye de guérir avec les
lettres qu’il leur adresse.
Et s’il est une Eglise où, à côté de grandes bénédictions et
richesses spirituelles (1 Co 1.4-7), il régnait le souk, c’était bien celle du
port grec de Corinthe. Une véritable situation multi-conflictuelle !
Il y a des partis dans la paroisse, certains entrant même en
conflit avec l’apôtre lui-même. Des clivages se forment entre riches et
pauvres. Certains font des procès à d’autres devant les tribunaux. On n’est pas
clair sur la façon de se comporter au sein de la société idolâtre. Même la
morale sexuelle est mise à mal. La célébration de la Cène dégénère. Il y en a
qui s’estiment plus forts et méprisent les faibles.
Et pour couronner le tout, certains ont des
« dons spirituels » (v. 1) et en tirent prétexte
pour mépriser ceux qui ne les possèdent pas.
Quand je disais que c’était le souk … Un vrai bazar ! Le
diable s’y donnait à cœur joie et se délectait de la zizanie qu’il avait réussi
à semer.
Aussi l’apôtre remet-il les pendules à l’heure. Son mot d’ordre,
ce par quoi commence notre texte, c’est :
« Recherchez l’amour ! » (v. 1) D’ailleurs, tout
le chapitre 13 précédent ne traite que de « l’amour ». Il est
le pivot des trois chapitres 12 à 14 où il parle des
« dons spirituels » miraculeux, particulièrement du
fameux « parler en langue » (v. 2).
Cette question a déjà dû vous turlupiner. Certaines églises et
sectes en font grand cas. Que faut-il en penser ?
X X X 1 X X X
Qu’est-ce
que c’était que ce
« parler en langues » ?
Remarquez que Paul ne met pas en doute
l’existence de tels dons exceptionnels accordés par le Saint-Esprit pour
fortifier les premiers chrétiens. Cela pouvait être un don authentique du Saint-Esprit.
L’apôtre avait lui-même ce don (v. 18),
mais il n’en fait pas grand cas. D’ailleurs, il n’existe aucun récit dans le
Nouveau Testament où Paul s’adresserait à ses Eglises dans des langues
incompréhensibles.
Il faut voir que, dans notre texte, il
ne l’encourage pas, au contraire, durant tout ce chapitre il met en garde
contre un usage détourné de ce don exceptionnel des premiers temps.
Que cela ait été un don des premiers
temps et non quelque chose que le Saint-Esprit voulait provoquer dans toute la
chrétienté dans tous les temps, cela se voit au fait que l’apôtre n’en parle
jamais dans ses autres lettres. Pourtant il lui arrive d’y énumérer les dons du
Saint-Esprit.
Mais que trouve-t-on dans ces
listes ?
« L’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la
foi, la douceur, la maîtrise de soi » (Ga 5.22). Aucun don sensationnel !
Le « parler en langue » était un langage inintelligible, un langage
incompréhensible. En effet, Paul constate : « Celui qui parle en langue
[…] personne
ne le comprend, […] il dit
des paroles mystérieuses. » (v. 2). La personne elle-même est
affermie dans sa foi, mais pas les autres. Ceux-ci n’en sont pas édifiés. Au
contraire, dit Paul, quelqu’un qui n’y comprend rien peut même prendre pour des
« fous » (v. 23) les chrétien qui parlent en langues
incompréhensibles.
Pour Paul, ce qui est important, c’est que les gens soient
« édifiés » dans la connaissance et la foi en
Jésus-Christ. « Puisque vous aspirez aux dons spirituels, » écrit-il
encore, « cherchez à posséder avec abondance ceux qui édifient
l’Eglise ! » « Que tout se fasse pour
l’édification ! » (1 Co 14.12+26)
« Le parler en
langue » pouvait être
bénéfique pour celui à qui le Saint-Esprit avait donné ce don, mais il
n’apportait rien aux autres. Aussi Paul préfère-t-il pousser ses auditeurs à « aspirer […]
surtout au don spirituel de la prophétie » (v. 1).
Pourquoi ? – Parce que « celui qui prophétise, au
contraire, parle aux hommes, les édifie, les encourage, les réconforte. […]
Celui qui prophétise édifie l’Eglise. » (v. 3-4)
Voyons donc
X X X 2 X X X
Qu’est-ce que ce
« don de prophétie » ?
προφητεύειν – le verbe
« prophétiser » en grec – signifie tout d’abord
transmettre le message de Dieu, annoncer sa volonté, sa Parole. Quand on lit
les prophètes de l’Ancien Testament, on se rend compte qu’ils appelaient
surtout le peuple à la repentance et à la foi.
Bien
entendu, leur annonce de la Parole de Dieu comportait aussi l’annonce des
grands faits de Dieu à venir, avant tout la venue du Messie sauveur. προφητεύειν –
« prophétiser » – en est donc aussi venu à signifier :
annoncer à l’avance des événements à venir. Mais ce n’est ni son seul sens, ni
même son sens premier.
Le « don »
de « prophétie » comprend donc avant tout la
faculté communiquée par Dieu d’interpréter l’Ecriture correctement, d’appliquer
la Loi et l’Evangile aux besoins des gens. C’est le don de dire ce qu’est la
volonté de Dieu dans une situation donnée.
Annoncer
l’Evangile du salut, voilà l’outil que le Saint-Esprit utilise pour
« édifier l’Eglise » par la foi sur le seul
fondement, Jésus-Christ. Voilà pourquoi Paul insiste toujours sur l’annonce de
l’Evangile. C’est le seul moyen d’édifier les gens dans la connaissance
salutaire.
A un
point tel que l’apôtre fait de « l’édification » dans la
foi le thème de notre chapitre. Cela revient une demi-douzaine de fois (vv.
3-5+12+17+26). C’est ça, l’important, pas le sensationnel. Pour Paul le critère
ultime pour juger d’un don spirituel est celui-ci : « Cela
édifie-t-il l’Eglise ? »
Paul
leur fait comprendre : Quand les gens vous entendent « prophétiser », quand
un incroyant vous entend annoncer la Parole de Dieu et la
« comprennent » (v. 2), quand il vous entend
témoigner de votre foi en Jésus-Christ, il est possible qu’il se rende compte
de son péché et de son incrédulité.
Le
résultat pourrait bien être qu’un tel se repente et adore Dieu, reconnaissant
ainsi publiquement « que Dieu est réellement présent au milieu de vous » (v.
25).
Ainsi, « prophétiser »,
annoncer la Parole salutaire de Dieu, annoncer la Bonne Nouvelle de
Jésus-Christ, cela peut avoir pour résultat de gagner des personnes à Christ,
d’ajouter des pierres à l’édifice spirituel de l’Eglise de Jésus-Christ, « d’édifier
l’Eglise ».
Il
devient donc clair :
X X X 3 X X X
Les critères
de notre attitude dans l’Eglise, ce sont
« l’amour » et
« l’édification de l’Eglise ».
Bien
des gens recherchent autre chose dans l’Eglise. Ils y viennent. Ils ne trouvent
pas ce qu’ils espéraient y trouver. Et ils repartent plus ou moins vite.
Bien
entendu qu’on peut désirer que l’Eglise soit active, qu’il y ait de la vie.
Mais cela ne peut être que le témoignage de l’envie « d’édifier
l’Eglise », de s’édifier soi-même et d’édifier les autres.
C’est
« l’amour » pour Dieu et « l’amour »
pour son institution, « l’Eglise »,
« l’amour » pour les autres paroissiens, pour les
contacts et les sympathisants qui nous poussent à participer au culte, aux
études bibliques, aux repas paroissiaux, ou à toute autre activité paroissiale.
Aussi vais-je
me poser la question :
Mon
attitude contribue-t-elle à édifier l’autre ou est-ce que je le conforte dans
un sentiment d’abandon en ne venant pas me joindre au culte ?
Mon
attitude contribue-t-elle à « édifier l’autre » (v. 17)
ou est-ce que je le laisse se dépatouiller seul en étude biblique, lui donnant
à penser que son affermissement dans la foi m’est indifférent ?
Mon
implication dans la paroisse montre-t-elle que je désire, comme l’écrit Paul,
« que tous soient instruits et que tous soient encouragés » ? (1 Co
14.31)
Mon
attitude dans la paroisse témoigne-t-elle de mon amour du prochain ou ne
suis-je préoccupé que de moi-même ?
A
Corinthe régnait une carence flagrante d’amour du prochain. Les uns étaient sinon
fiers du moins satisfaits de savoir plus que les autres qu’ils évitaient.
D’autres
étaient fiers de leurs dons exceptionnels, mais ne s’en servaient que pour leur
propre édification, pas pour celle des autres. Enfin, il y avait ceux qui se
permettaient de prendre des libertés éhontées avec la volonté de Dieu sur le
plan de la vie conjugale ou paroissiale.
Le
manque d’amour du prochain en était arrivé à faire éclater la paroisse en
différents clans, ce qui a complètement désarticulé la paroisse. Aussi l’apôtre
a dû leur écrire, quelques versets après notre texte :
« Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. […] Que tout
se fasse convenablement et avec ordre ! » (1 Co
14.32+40)
Chers
amis, il serait facile, à la fin de ce sermon, de se dire : « Quelle paroisse
pitoyable que celle de Corinthe ! » Ce ne serait pas seulement
facile, ce serait ne rien comprendre à la volonté de Dieu. Car
« tout ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction » (Rm
15.4).
En
chacun de nous, la Parole de Dieu veut « dévoiler les secrets
de son cœur », pour que nous nous en repentions et
« tombions aussi le visage contre terre pour louer Dieu en déclarant que
Dieu est réellement au milieu de nous » (v.
24-25), au milieu de nos cultes avec sa Loi mais aussi sa grâce et son pardon,
au milieu de nos études bibliques à la lumière de sa Parole et à travers les
échanges fraternels, au milieu aussi de nos séances d’instruction.
Fasse
Dieu que « l’amour » de Dieu et du prochain, en
particulier « l’édification de l’Eglise », « édifier
les autres, les encourager et les réconforter » (v. 4),
deviennent de plus en plus le critère, le mobile et le but de notre engagement
paroissial à chacun de nous !
Amen.
Jean
Thiébaut Haessig, Pasteur