Jn 6. 29 + 32-35
+ 40 + 47-58
29 « Jésus leur répondit :
"L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. […]
32 En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel.
33 En effet, le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde."
34 Ils lui dirent alors :
"Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là !"
35 Jésus leur dit :
"C'est moi qui suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. […]
40 En effet, la volonté de mon Père, c'est que toute personne qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je la ressusciterai le dernier jour. […]
47 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle.
48 Je suis le pain de la vie.
49 Vos ancêtres ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts.
50 Voici comment est le pain qui descend du ciel : celui qui en mange ne mourra pas.
51 Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c'est mon corps, que je donnerai pour la vie du monde."
52 Là-dessus, les Juifs se mirent à discuter vivement entre eux, disant :
"Comment peut-il nous donner son corps à manger ?"
53 Jésus leur dit :
"En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas le corps du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'avez pas la vie en vous-mêmes.
54 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai le dernier jour.
55 En effet, mon corps est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment une boisson.
56 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
57 Tout comme le Père qui est vivant m'a envoyé et que je vis grâce au Père, ainsi celui qui me mange vivra grâce à moi." »
Chers frères et sœurs,
qui avez « goûté
combien l’Eternel est bon ! »
(Ps 34.9)
Le texte d’Evangile pour ce dimanche, ce sont les 15 premiers versets de ce chapitre 6 de l’Evangile selon Jean. Nous l’avons entendu tout à l’heure : il s’agit de la multiplication des pains.
C’est aussi le texte proposé pour la prédication de ce jour. Mais comme j’ai prêché sur ce texte ce même dimanche de l’an passé, je me suis permis de voir un peu plus loin dans ce chapitre 6, et j’ai opté pour les versets que je viens de lire, centrés sur l’affirmation de notre Seigneur : « Je suis le Pain de la Vie ! » (v. 35, 48), « Je suis le Pain Vivant ! » (v. 51)
Il y a une raison à cela, non, deux raisons :
La première, c’est que Jésus se trouve en face de gens qui ne cherchent auprès de lui que des bénédictions matérielles ; mais lui veut les amener à chercher en lui celui qui leur apporte le salut et la résurrection. A partir du pain qu’il leur a donné à manger, il veut les amener à croire qu’il est « le Pain Vivant descendu du ciel » (v. 51) qu’il faut recevoir avec foi pour « avoir la vie éternelle » (v. 40).
« Vous me cherchez, » dit-il à la foule le lendemain de la multiplication des pains, « parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Travaillez […] pour la nourriture qui subsiste pour la vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera. » (Jn 6.26-27)
La seconde raison du choix de ce texte – ceux qui participent aux études bibliques doivent s’en douter – c’est que nous nous trouvons dans une année Calvin (Jean Calvin est né il y a 400 ans), et qu’il a mal compris ce texte, ce qui l’a amené à élaborer une doctrine erronée de la Cène.
Voyons donc
ce quE JESUS DIT DANS ce texte
et ce qu’il n’y dit pas :
1. Ce qu’il dit :
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim
et celui qui CROIT en moi n’aura jamais soif ! »
(v. 35)
2. Ce qu’il ne dit pas :
Que « le corps » et « le sang »,
dans le style imagé de ce discours,
parleraient de la Cène
(v. 53-56).
X X X 1 X X X
Ce que Jésus dit dans ce texte : :
« celui qui vient a moi
n’aura jamais faim
et celui qui croit en moi
n’aura jamais soif !
Dès le départ, nous nous rendons compte que Jésus parle ici dans un style imagé, qu’il utilise des métaphores, des comparaisons. Personne ne songerait à dire qu’il est du pain, de la lumière, une porte, un gardien de moutons, un chemin, un cep, quand il dit ici : « Je suis le Pain de Vie » , ou ailleurs : « Je suis la Lumière du monde » (Jn 8.12 ; 9.5) ; « Je suis la Porte des brebis » (Jn 10.7+9) ; « Je suis le Bon Berger » (Jn 10.11+13) ; « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14.6) ; « Je suis le vrai Cep » (Jn 15.1+5).
Ailleurs, Jésus peut aussi parler directement en déclinant clairement son identité : Par exemple : « Je suis le Fils de Dieu » (Jn 10.36) ; « Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14.10) ; « Je suis sorti de Dieu. Je suis sorti du Père » (Jn 16.27-28) ; « Je suis Roi […] venu dans le monde » (Jn 18.37).
Et toutes ces présentations de son identité culminent dans celle-ci : « Je Suis ». « Avant qu’Abraham soit né, Je Suis. » (Jn 8.58). Jésus s’adressait en araméen ou en hébreu à son auditoire. « Je Suis » est la traduction du nom hébreu « Yahweh », nom réservé à Dieu seul.
Quand il s’est présenté comme le « Je Suis »,
son auditoire l’a traité de blasphémateur :
« ils prirent des pierres pour les jeter contre lui. »
(Jn 10.59)
Eh non ! il ne blasphémait pas. Il est « le Pain de Dieu qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » (v. 33).
La nourriture dont l’humanité pécheresse a besoin pour ne pas mourir de faim spirituelle, puis éternelle, pour « avoir la vie éternelle » et « ressusciter » (v. 40), c’est lui, Jésus, le Fils de Dieu.
Dans le domaine spirituel, c’est un peu comme dans le domaine physique.
Pour vivre il faut manger de la nourriture saine, des aliments sains qui nourrissent au lieu d’aliments avariés qui empoisonnent. Notre corps se porte plus ou moins bien selon que nous mangeons de façon plus ou moins saine, plus ou moins équilibrée.
Pour notre âme, c’est pareil : il faut lui éviter du pain avarié. Or, il n’y en a qu’un qui ne l’est pas, il n’y en a qu’un qui ne distille pas à doses plus ou moins fortes du poison pour l’âme. Il n’y en a qu’un qui n’est que « pain de vie » (v. 35 ; 48), que « pain vivant » (v. 51), un pain qui n’est pas inerte mais qui « a la vie en lui-même » (Jn 5.26) et « qui donne la vie » pour l’éternité, c’est Jésus, « le Pain de Dieu descendu du ciel et qui donne la vie au monde » (v. 33).
« Voici comment est le pain qui descend du ciel : celui qui en mange ne mourra pas. » (v. 50)
Bien entendu, un tel pain intéresse. Toute la recherche scientifique n’a actuellement que pour but ultime de repousser, voire – ah ! si on le pouvait ! – de supprimer la mort. Si un pain aussi miraculeux existait, on donnerait cher pour aller le trouver ! Pas étonnant que ses auditeurs « lui dirent : « Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là ! » (v. 34)
Et, surprise ! il existe. « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ! » (v. 51)
« Là-dessus, les Juifs se mirent à discuter vivement entre eux. » Avouez qu’on peut les comprendre. Cela fait des siècles que nous avons le Nouveau Testament et que nous connaissons les parole de notre Seigneur, mais eux, les Juifs de l’époque, ont été pris au dépourvu. « Ils dirent : "Comment peut-il nous donner son corps à manger ?" » (v. 52)
Mais Jésus ne reste pas dans le vague. S’il est « descendu du ciel » en tant que « Pain de Vie », il va bien indiquer comment on peut le recevoir, le « manger ».
Et là, nouvelle surprise : Jésus parlait en images. Maintenant il explique en quoi consiste manger le pain qu’il est : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. La volonté de mon Père c’est que toute personne qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle […]. Celui qui croit en moi a la vie éternelle » (v. 35-36+47).
Avec ses propres explications, l’image prend sens, cela devient clair : c’est par la foi – en croyant en lui et dans la vie qu’il donne – qu’on reçoit Jésus, « le Pain de Vie », « le Pain vivant » qui vivifie pour ce temps et pour l’éternité..
Avec ces paroles il insiste pour nous inviter à profiter de lui, à profiter de sa mort expiatoire, car, dit-il, « le pain que je donnerai, c'est mon corps, que je donnerai pour la vie du monde ». (v. 51
Croyez en moi ! Faites confiance à ce que j’ai fait pour vous ! Fondez votre espoir sur ce que j’ai enduré et accompli à votre place pour vous ! Venez trouver auprès de moi l’assurance que grâce à moi, et unis à moi par votre foi, vous ne manquerez de rien, de rien de ce qui est réellement nécessaire.
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » (v. 35) N’avons-nous pas faim de l’amour de Dieu, faim et soif de son pardon, soif de certitude que Dieu se tient à nos côtés dans la vie et qu’il nous recevra dans la félicité éternelle ?
Allons à Jésus avec repentance et foi ! Rassasions-nous auprès de lui, « le Pain de la Vie », de paix, de joie et de certitude, au milieu de cette vie faite d’incertitudes, de culpabilité et de peur !
« Goûtez et voyez combien l’Eternel est bon ! Heureux l’homme qui cherche refuge en lui ! » (Ps 34.9)
« En effet, » nous rassure ici notre Seigneur, « la volonté de mon Père, c'est que toute personne qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je la ressusciterai le dernier jour. » (v. 40)
Après avoir vu ce que Jésus nous dit dans ce texte, voyons maintenant
X X X 2 X X X
Ce que Jésus ne dit pas ici :
Que « le corps » et « le sang »,
dans ce style imagé,
parleraient de la Cène !
Une des règles à suivre en lisant la Bible, c’est de ne déduire des enseignements sur un sujet donné que de passages qui parlent clairement de la vérité en question. Exemples :
Pas tous les passages où apparaît le mot hébreu « messie » – celui qui a reçu l’onction – parlent du « Messie » divin : les rois étaient aussi oints, de même que les grands prêtres. Aussi peut-on rencontrer des passages où des rois sont appelés (mot à mot) « messie de l’Eternel » (1 S 26.9+11+16+23) et d’autres où des prêtres s’appellent « prêtre messie » (Lv 4.3) sans qu’il soit question du Fils de Dieu et Sauveur du monde. Il est vrai que les traducteurs, pour éviter tout malentendu, n’ont pas laissé le mot « messie » dans ces passages mais l’ont rendu par : « celui qui a reçu l’onction ».
Pareillement, tous les passages qui parlent d’« eau vive » (Jn 4.10) ne parlent pas du Baptême. Et tous les passages bibliques qui parlent de « pain », de « corps » et de « sang » ne parlent pas de la Sainte Cène.
Il faut y regarder de près et lire les passages imagés à la lumière des passages clairs.
Or, nous l’avons vu, dans notre texte, Jésus utilise un langage imagé, contrairement à ce qu’il fait quand il institue la Cène. Là-bas il parle de pain réel qu’il a « pris » sur la table, qu’il a « rompu » et distribué aux disciples (1 Co 11.23-24). Pareil pour le vin. Puis L’apôtre Paul clairement qu’ils ont « mangé du pain » et « bu de la coupe » (1 Co 11.25-26) Ce n’était pas imagé : ils ont réellement mangé du pain du boulanger et bu du vin du vigneron. – Première différence avec notre texte de Jean 6.
Quand Jésus institue la Cène, il dit clairement que « sous les espèces du pain et du vin » (Luther, Petit Catéchisme) il nous donne non pas une image de son corps et de son sang, mais bien « son corps rompu » ou « donné pour nous » (1 Co 11.24 ; Lc 22.19), son « sang versé pour nous » (Mc 14.24 ; Lc 22.20) « pour le pardon des péchés » (Mt 26.28).
Il n’a pas expié nos péchés avec une image de son corps et de son sang, il ne nous a pas obtenu le pardon, la vie et le salut par une mise en scène trompeuse, mais bien en livrant son vrai corps dans la mort et en versant son vrai sang sur la croix.
Or, dans le discours qu’il tient dans notre chapitre 6 de l’Evangile selon Jean, « manger son corps et boire son sang » (v. 53-55) sont le langage imagé pour désigner la foi qui reçoit les bienfaits du sacrifice du Christ. – Deuxième différence.
Vient la troisième, peut-être, sous certains aspects, la plus décisive.
Là où Jésus a institué la Cène et où il parle en langage non imagé, il nous met en garde contre une participation indigne à la Cène. Ainsi l’apôtre Paul écrit aux Corinthiens : « Celui qui mange ce pain et qui boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun donc s’examine lui-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe, car celui qui mange et boit indignement, sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même. » (1 Co 11.27-29)
Bref, si l’on ne prend pas la Cène dans un état de repentance et de foi, on la prend « indignement », pour son « jugement » !
Or, dans notre texte, avec son langage imagé, Jésus dit : « Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai le dernier jour. » (v. 54) Ou : « Celui qui me mange vivra grâce à moi ! » (v. 57)
Ici, il n’y a pas d’exceptions malheureuses : tous ceux qui font ce qui est décrit de façon imagée par manger son corps et boire son sang, tous sans exception reçoivent « la vie éternelle » « grâce à lui ».
Jésus lui-même donne l’explication de ce langage imagé : « En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle ! » (v. 47)
Et bien entendu, tous ceux qui mangent spirituellement « le Pain de la Vie », tous ceux qui boivent spirituellement son sang en plaçant leur espérance en son expiation des péchés, tous ceux-là ont la bonne disposition du cœur, tous ceux-là sont « dignes et bien préparés » (Luther, Petit Catéchisme), car ils sont repentants et croyants. Tous ceux-là, sans exception, sont pardonnés et sauvés.
C’est là une façon imagée de manger et de boire, c’est la foi en Jésus-Christ, et aucun de nous qui croyons en Jésus-Christ ne sera condamné pour ses péchés.. Dans la Cène, par contre, nous recevons le vrai corps et le vrai sang du Christ. Et là on peut les prendre pour son jugement si on n’est pas repentant et croyant. – Voilà la troisième différence.
On aurait pu imaginer que Calvin comprenne notre texte imagé à la lumière des claires paroles d’institution de la Cène par notre Seigneur. Il a fait le contraire : il a déformé le sens des paroles d’institution en les pliant au langage imagé de notre texte.
Il en arrive ainsi – en opposition flagrante aux paroles claires de l’apôtre Paul – à dire que les incroyants ne reçoivent pas le corps et le sang du Christ dans la Cène et que les impénitents et les incroyants n’y reçoivent pas le corps et le sang du Christ pour leur jugement.
C’est malheureux, vu tout ce que Calvin a apporté aux Eglises de langue française. C’est malheureux qu’il ait été aveugle sur ce point, alors qu’il a – heureusement, pour le salut de nombreux croyants réformés ! – clairement annoncé le salut par la foi en Jésus-Christ par pure grâce, sans aucun mérite de notre part.
Que cela nous soit un encouragement
Ø à lire la Parole de Dieu avec soin,
Ø à apporter les sacrifices nécessaires pour que nos futurs pasteurs suivent une bonne formation théologique,
Ø à croître dans la connaissance pour pouvoir discerner le bon – et en remercier Dieu ! – du faux et pouvoir « dire la vérité avec amour » (Ep 4.15) !
Amen.
Jean Thiébaut Haessig
Chants proposés :
Je veux chanter de tout mon coeur, LlS 246 :1-5
Ø Liturgie d’entrée
Ô Dieu, si ton Fils bien-aimé LlS 223 : 1-2+8
Ø Prédication
L’Eternel est ma part, mon salut, LlS 221 : 1-2+5