lundi 5 avril 2010

Sermon du vendredi saint (04 avril 2010)

VENDREDI SAINT

Texte :Mt 27.19

« Pendant que Ponce Pilate siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : "N’aie rien à faire avec ce juste, car, aujourd’hui, j’ai beaucoup souffert dans un rêve à cause de lui." »

Chers frères et sœurs en Jésus, notre Sauveur,

S’il y a une femme, dans l’histoire de la Passion de notre Seigneur, à laquelle nous ne pensons pas souvent, c’est bien la femme du gouverneur romain Ponce Pilate !

Peut-être que vous ne vous rappeliez même plus qu’elle intervenait aussi dans ce récit. C’est que, toute femme de gouverneur romain qu’elle était, elle ne fait que passer furtivement : notre verset, chez Matthieu, est le seul à parler d’elle dans les quatre Evangiles.

Et encore reste-t-elle dans l’anonymat ; nous n’apprenons pas son nom – la tradition l’appellera Claudia Procla – et elle n’apparaît pas elle-même : elle fait intervenir un messager.

Pourtant, cette femme cantonnée dans l’ombre a un message important à nous délivrer. Ce n’est pas pour rien que le Saint-Esprit a cru bon de faire consigner ce bref épisode dans l’un des quatre Evangiles. Là aussi, « ce qui a été écrit d’avance l’a été pour notre instruction. » (Rm 15.4)

Voyons comment

L’épisode de

la femme de Ponce Pilate,

nous apprend qu’il faut

1. mettre les autres en garde avec humilité ;

2. considérer avec humilité les mises en garde des autres.

1

L’épisode de

la femme de Pilate nous apprend

qu’il faut mettre les autres en garde

avec humilité.

Ce n’était pas facile, pour l’épouse de Pilate, d’intervenir auprès de son mari au cours du procès de Jésus. Ce n’était pas une affaire de famille. Vous voyez la femme d’un juge intervenir auprès de son juge de mari en pleine séance d’un procès ? Aujourd’hui aussi ce serait impossible.

Pourtant l’épouse de Pilate devait absolument le mettre en garde ! Que faire ? D’autres auraient baissé les bras. Devant des difficultés, on se résigne trop facilement avec l’excuse : « C’est impossible ! » Cela ne vous est-il pas déjà arrivé ?

Nous avons vu qu’un tel s’engageait dans une voie où il allait transgresser la loi du pays ou la Loi de Dieu, où il allait commettre une injustice et nuire à autrui … ou à lui-même. Nous aurions dû le lui dire, le mettre en garde. Mais voilà, ce n’était pas si facile.

Sans doute n’était-ce pas une loi qui nous en a empêchés, ou un règlement publique. Peut-être avions-nous seulement peur du désagrément : ce n’est pas agréable de devoir dire la vérité à quelqu’un. Peut-être avions-nous peur de perdre son amitié en le mettant en garde. Ou cela nous aurait demandé trop d’efforts. Peut-être étions-nous même contents d’avoir l’excuse facile : « Il s’est mis lui-même dans ce pétrin ; il n’a qu’à voir lui-même comment s’en sortir ! » Ou : « Ce n’est pas ma fonction, mais la sienne ! »

La femme de Pilate aurait pu raisonner ainsi. Mais son honnêteté, son amour du prochain, de son mari comme de Jésus, l’accusé, la poussèrent à trouver une solution, à contourner les obstacles et les difficultés pour faire ce que sa conscience lui dictait. « Elle fit dire » à Pilate – sans doute par un garde ou un huissier du tribunal – « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en rêve à cause de lui ! » (v. 19 ; NSB)

Peut-être vous dites-vous : « Voilà bien une de ces femmes riches et désoeuvrées qui a le temps de rêver et d’avoir des songes pendant que son mari est au travail ! » Seulement, il ne faut pas oublier que Ponce Pilate, on l’a réveillé avant 6h du matin. Il a dû se lever en catastrophe. Ou bien sa femme n’a pas eu le temps de lui faire part de son rêve fait auparavant, ou alors elle n’a fait ce rêve qu’une fois Pilate parti.

Ce rêve tournait autour de Jésus de Nazareth. En avait-elle déjà entendu parler auparavant ? Ce ne serait pas impossible. Pilate avait un efficace service de renseignements : il était certainement au courant de ce Jésus de Nazareth qui drainait de grandes foules derrière lui depuis trois ans.

Généralement, le gouverneur romain résidait à Césarée, ville nouvelle construite par Hérode le Grand en l’honneur de César Auguste, son protecteur. Césarée se trouve sur la côte de la Méditerranée en Samarie, dans une direction à environ 50 km de Nazareth et 90 de Capernaüm, dans l’autre direction à une centaine de km de Jérusalem.

Mais pour la fête de la Pâque juive, pour surveiller la concentration de centaines de milliers de pèlerins parmi lesquels naissaient périodiquement des soulèvements contre Rome, pour la Pâque juive, le gouverneur venait s’installer à Jérusalem avec une forte armée.

Pilate et sa femme s’étaient-ils déjà entretenus de ce Jésus auparavant ? Peut-être, vu sa renommée. Ou sa femme n’a-t-elle été mise au courant de l’existence de Jésus que lors de ce songe ? La Bible ne le dit pas. Qu’importe : « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1.37).

Quoi qu’il en soit, dans ce songe, Dieu a présenté son Fils comme étant innocent et « juste ». Dieu connaissait Pilate, et sa femme le connaissait aussi. Ce que nous savons de lui des Evangiles et par d’autres documents historiques nous le présente comme un politicien qui gouvernait avec justice tant qu’il n’avait rien à y perdre. Quand son intérêt était en jeu, il pouvait être injuste et cruel.

Sa femme craignait-elle qu’il soit de nouveau injuste, rien que pour être bien vu par les chefs juifs qui l’avaient déjà accusé devant l’empereur Tibère par le passé ?

Dieu utilise cette femme honnête pour mettre Pilate en garde.

Certes, Jésus devait mourir pour expier nos fautes et nous en racheter, et il voulait se sacrifier pour nous, sinon il aurait très bien pu empêcher d’être arrêté au Jardin de Gehtsémané en foudroyant ses assaillants.

Il fallait bien que « le Juste […] souffre une mort humaine […] pour les injustes » comme nous (1 P 3.18). Notre salut était à ce prix, comme nous le verrons plus loin.

Mais Dieu n’oblige personne à être injuste pour que ses plans se réalisent, dans le cas présent, pour que Jésus expie nos péchés. Au contraire, Dieu met en garde ceux qui contribueront aux souffrances et à la mort du Christ. Il essaye de les détourner de leur crime de lèse-majesté.

Jésus a mis Judas en garde contre sa future trahison ; il a mis Pierre en garde contre son reniement futur. Il a aussi mis clairement Pilate en garde, en lui disant par exemple : « Toute personne qui est de la vérité écoute ma voix. » (Jn 18.37)

Et voilà que sa femme, elle aussi, le met en garde. Dieu multiplie les mises en garde. Ne disons jamais : « D’autres ont déjà mis celui-ci ou celle-là en garde ; je peux donc me dispenser de le faire ; je peux m’épargner ce moment désagréable. »

Une telle fuite devant nos responsabilités est encore plus coupable si nous connaissons bien les travers de celui qui va commettre la faute – comme la femme de Pilate connaissait les travers de son mari. Rien ni personne ne peut nous dispenser de notre devoir d’ouvrir les yeux à notre prochain, même si les modalités, la façon de s’y prendre, peuvent être diverses et doivent être recherchées dans la prière.

2

L’épisode de

la femme de Pilate nous apprend

qu’il faut considérer avec humilité

les mises en garde des autres.

En d’autres termes : nous devrions aussi être prêts à examiner avec humilité les mises en garde des autres.

Bien sûr, les autres peuvent se tromper, ou nous mettre en garde avec de mauvaises intentions. Ils sont pécheurs – mais nous aussi. L’humilité et le bon sens voudraient qu’on examine au moins, et avec soin, les mises en garde des autres.

Il y a une chose qu’on doit concéder à Pilate : il n’a pas bâclé son interrogatoire. Il a consciencieusement interrogé Jésus, étudié ses réponses et ses mises en garde.

Après un premier interrogatoire, « Pilate sortit de nouveau à la rencontre des Juifs et leur dit : "Pour ma part, je ne trouve en lui aucun motif de le condamner." » (Jn 8.38)

A ce moment-là, il aurait déjà pu l’acquitter et le libérer. Mais il recule devant les menaces des Juifs.

Après un deuxième interrogatoire, Pilate ressort et « dit aux chefs des prêtres et à la foule : "Je ne trouve chez cet homme aucun motif de le condamner." » (Lc 23.4) Pourtant, il n’ose toujours pas l’acquitter.

Au contraire, lâche et roué qu’il est, il croit avoir trouvé une échappatoire, une solution qui lui permet de ne pas avoir à condamner Jésus, tout en ne heurtant pas les Juifs de front : il fait transférer Jésus devant un autre tribunal. Celui qu’il a déclaré innocent et « juste » par deux fois, il l’envoie devant un autre tribunal ; il l’envoie à Hérode.

Manque de pot, sa manœuvre échoue : Jésus lui est renvoyé.

Dans un dernier sursaut d’honnêteté, Pilate déclare une troisième fois : « Je l’ai interrogé devant vous et je ne l’ai trouvé coupable d’aucun des actes dont vous l’accusez ; Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. Ainsi, cet homme n’a rien fait qui soit digne de mort. Je vais donc le relâcher après l’avoir fait fouetter » (Lc 23.14-16)

Malheureusement, dans sa lâcheté, il consent à cette injustice, il consent à torturer l’innocent pour apaiser la foule. Il leur a donné le petit doigt. La lâcheté ne paye pas. Il va bientôt leur céder et capituler sur toute la ligne.

Sa femme le sent. C’est là qu’elle lui fait parvenir son ultime mise en garde. Pilate n’en tient pas plus compte que des feux clignotants de sa propre conscience. Pourtant, la mise en garde de son épouse disait exactement ce que sa conscience et ses interrogatoires avaient révélé : Jésus de Nazareth est un « juste ».

La différence entre Pilate et sa femme, c’est que celle-ci avait encore une conscience que l’injustice faisait souffrir. Pilate, pour préserver sa place, par égard pour sa carrière politique, étouffait sa conscience.

« Sa femme lui fit dire : "[…] J’ai beaucoup souffert dans un rêve à cause de lui," » ça a été un vrai cauchemar que de voir en songe ce « juste » maltraité, et en plus, maltraité par son propre mari.

Pilate, lui, ne s’en est pas ému. « Il prit de l’eau, se lava les mains en présence de la foule » et crut pouvoir dégager sa responsabilité en déclarant de façon hypocrite : « Je suis innocent du sang de ce juste. C’est vous que cela regarde. » (Mt 27. 24)

N’est-ce pas frappant ? Il reprend exactement les mots de sa femme : « ce juste » ! D’ailleurs, ni elle ni lui ne pensaient si bien dire. Ils croyaient Jésus « juste » selon la loi civile, ce qui était vrai. Mais Jésus est bien plus : il est aussi « juste » aux yeux de Dieu ; il est aussi « juste » devant la Loi divine ! Il n’a jamais commis de péché en actes, ni en paroles, même pas en pensées !

Il est « le Saint d’Israël » annoncé dans l’Ancien Testament. Pour cette raison il y est aussi déjà appelé « ton Sauveur », « notre Rédempteur » (Es 41.14 ; 47.4).

C’est pour toi, pour moi, pour nous tous qu’il a mené sa vie en toute sainteté, en toute perfection. C’est avec sainteté et perfection qu’il a expié nos péchés à nous tous. Et c’est encore à cause de sa sainteté et de son innocence que Dieu a accepté son expiation de nos péchés comme suffisante pour notre pardon et notre salut.

« Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste ! » avait dit sa femme à Pilate. S’il l’avait écoutée, il aurait pu éviter d’être coresponsable de cette sale affaire judiciaire.

Mais même dans ce cas, il aurait été « mêlé à l’affaire de ce juste », comme nous tous y sommes « mêlés », car ce sont nos péchés qui l’ont poussé au sacrifice ; c’est eux qu’il est allé expier dans les souffrances de l’enfer.

Nous ne pouvons, pas plus que Pilate, dire que nous sommes « innocents du sang de ce juste », car « il était blessé à cause de nos transgressions, brisé à cause de nos fautes : la punition qui nous donne la paix est tombée sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. […] L’Eternel a fait tomber sur lui nos fautes à tous. » (Es 53.5-6)

Comment ne pas en être attristé ? Comment cela pourrait-il ne pas nous pousser à la repentance ?

D’un autre côté, nous sommes soulagés et heureux d’être « mêlés à l’affaire de ce juste ». Car il a conduit cette triste « affaire » à une glorieuse fin pour nous : Dieu est satisfait par l’expiation faite par son Fils ; il nous accorde son pardon en échange du sacrifice de Jésus. Dieu nous fait grâce parce que Jésus s’est substitué à nous et s’est fait condamner à notre place.

Quel bonheur, pour nous, que Jésus ait bien voulu nous « mêler » à son destin, terrible dans un premier temps, mais finalement et définitivement glorieux !

Qu’il nous envoie aussi des personnes comme l’épouse de Pilate pour nous mettre en garde quand nous le foulons aux pieds avec nos péchés !

Ainsi, dans une repentance de tous les jours, nous avancerons vers notre glorieuse éternité, unis à notre Seigneur et Sauveur pour toujours !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Chants proposés :

En Jésus j’ai placé ma confiance, AeC 458:1-3

Jésus en croix, Jésus mourant, AeC 461:1-7

Sur la croix où tu meurs pour moi, AeC 455:1-4

ou

Chef couvert de blessures, Tout meurtri, LlS 88:1-5

Pourquoi, Jésus, tes pleurs, ton agonie, LlS 92:1-4

Sacrifice expiatoire, Trépas qui fait mon bonheur LlS 96:1-6*

Aucun commentaire: