dimanche 5 février 2012

Sermon du Dimanche 5 Février 2012

Dimanche SEPTUAGESIME

1 Co 9.22-23

Chants proposés :

Gloire à ton nom, ô Dieu de paix LlS 9:1-3

Par grâce, ô Dieu, par ta clémence, LlS 223:1-5

Eternel, Roi des cieux, Eternel, notre Père LlS 188: 1-3

22 « J’ai été faible avec les faibles afin de gagner les faibles.

Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver de toute manière quelques-uns,

23 Et je fais cela à cause de l’Evangile, afin d’avoir part à ses bénédictions. »

Chers frères et sœurs

qui « avez part aux bénédictions de l’Evangile » !

Nous sortons tout juste du Temps de l’Epiphanie. Nous venons de célébrer la Fête de la Transfiguration. Nous aimerions bien, comme Pierre, nous trouver et demeurer loin du pullulement des foules, du stress de la vie quotidienne, seul avec notre Seigneur dans une espèce de septième ciel.

Mais non, ce n’est pas là ce que notre Seigneur attend de nous. Il a fait redescendre Pierre, Jacques et Jean de la montagne de la Transfiguration ; il les a ramenés au milieu du monde : c’est là qu’est la place des siens, c’est là qu’il veut qu’ils vivent au contact des autres (Mt 17.1-9).

Sans doute nous conseille-t-il de nous retirer dans un endroit tranquille, « notre chambre » par exemple, pour nous entretenir avec lui dans la prière (Mt 6.6) …

Mais ensuite il veut que nous en ressortions, de notre chambre, pour être « sel de la terre » et « lumière du monde » (Mt 5.13-14).

Sans doute attend-t-il de nous que nous nous retrouvions en paroisse autour de sa Parole et de ses sacrements, que nous venions l’y louer et adorer dans la communion des frères et sœurs dans la foi (Hé 10.25) …

Mais ensuite il veut que nous nous dispersions de nouveau dans le monde pour y « annoncer les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2.9).

Que notre Seigneur nous ait obtenu le pardon et le salut par pure grâce, sans que nous l’ayons mérité, sans que nous y soyons pour quelque chose, rien que parce qu’il a tout arrangé lui-même au prix de sa vie, cela nous remplit de joie, de foi et d’espérance, cela fait déborder notre cœur de gratitude, cela ne peut rester secret, il faut que nous le fassions savoir autour de nous.

N’empêche que la façon dont Paul en parle ici, ça nous surprend peut-être. « Je fais cela » – essayer « d’en sauver quelques-uns » « à cause de l’Evangile, afin d’avoir part à ses bénédictions. » (v. 23).

Ah ! bon ? Je fais cela pour être béni ? Je témoigne de ma foi pour être récompensé ? Je fais de l’évangélisation pour être sauvé ?

Cela ne signifie-t-il pas que mon salut dépend de mes mérites ? Paul ne se contredit-il pas avec ce qu’il ne cesse de répéter ailleurs ? Son leitmotiv, le message qui revient partout dans ses épîtres – comme dans le reste de l’Ecriture – n’est-il pas : « En effet, c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est pas par les œuvres, afin que personne ne puisse se vanter » ? (Ep 2.8-9)

Comment comprendre alors ce qu’il dit ici :

X X X 1 X X X

«Je fais cela »

– essayer « d’en sauver quelques-uns »

« à cause de l’Evangile,

afin d’avoir part à ses bénédictions » ?

Ce qu’est « l’Evangile », nous le savons, c’est la Bonne Nouvelle que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » (Jn 3.16)

« L’Evangile », c’est la Bonne Nouvelle de ce que Jésus a entrepris, au prix de sa vie, pour nous arracher à notre sort de pécheurs coupables et rejetés par Dieu, pour nous réconcilier avec Dieu et nous obtenir son pardon, la vie et le salut.

En rappelant ainsi ce qu’est « l’Evangile », nous avons aussi évoqué « ses bénédictions », ses bienfaits. Il n’y a que du bon dans « l’Evangile », c’est de la Bonne Nouvelle par excellence. Nous y apprenons que, sans que nous l’ayons mérité, rien qu’à cause de l’intervention massive de Jésus, Dieu a changé sa colère en bonté, sa malédiction en bénédiction, son hostilité en amour paternel.

Nous étions rejetés à cause de notre état pécheur, nous voilà, grâce à Jésus, adoptés par Dieu comme ses enfants. Nous devrions craindre sa colère, et voilà que nous pouvons nous appuyer sur son affection et sa fidélité. Au lieu de nous fermer le ciel, celui-ci nous est maintenant grandement ouvert, même une place nous y est déjà réservée !

Nous portons des noms tels que « enfants de Dieu » (Rm 8.14), « enfants de la promesse » (Ga 4.28), « enfants de lumière » (Jn 12.36), « les bénis du Père » (Mt 25.34), « cohéritiers de Christ » et « héritiers de Dieu » (Rm 8.17), même « prêtres royaux » (1 P 2.9) ! Et ce ne sont là que quelques-uns de nos titres glorieux.

Par Jésus-Christ nous avons été bénis, comblés au plus haut point. De « morts » spirituels (Ep 2.1+5) il a fait de nous des « pierres vivantes » à l’édifice de son Royaume (1 P 2.5).

Et cette « vie spirituelle à laquelle nous sommes nés » (Ga 6.1), nous la cacherions ? Nous ferions les morts … que nous ne sommes plus … et que nous ne voulons plus redevenir ? Ce serait un peu – pour parler comme Jésus lui-même – ce serait comme cacher le talent que Dieu nous a confié pour le faire fructifier (Mt 25.14-30).

Dieu ne nous a pas seulement bénis pour nous-mêmes, il nous a aussi bénis pour que nous soyons en bénédiction pour les autres. Oublier cela, c’est un peu oublier que « Dieu veut que tous les hommes » – pas seulement toi et moi – « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2.4).

« Les bénédictions de l’Evangile » nous ont été accordées par pure grâce, sans que nous y soyons pour quelque chose. Par contre, elles peuvent se perdre par notre propre faute.

Par exemple, le pardon de nos péchés nous a été obtenu par Jésus par pure grâce, mais nous pouvons le perdre « si nous ne pardonnons pas non plus aux autres leurs offenses » (Mc 11.26).

« Le talent » de la parabole – le trésor des bénédictions divines – nous a été remis par pure grâce, mais il peut nous être repris si nous le gardons égoïstement pour nous tous seuls.

C’est ce que Paul veut dire quand il écrit ici : « Je fais cela » – essayer « d’en sauver quelques-uns » « à cause de l’Evangile, afin d’avoir part à ses bénédictions. » (v. 23). Paul ne veut pas se mériter le salut par l’exercice de son apostolat, mais il ne voudrait pas perdre son salut par désobéissance ou paresse.

Nous n’avons pas été appelés à l’apostolat comme Paul, Pierre, Jean et d’autres. Dieu n’attend pas de nous la même chose que d’eux. Mais il nous a « appelés des ténèbres à son admirable lumière » pour que nous en « témoignions », pour que cela se voie et se sache.

Comment cela ? Paul nous dit comment il s’y prend. Et chacun de nous, là où Dieu l’a placé dans la vie, peut l’imiter. Que fait-il ?

X X X 2 X X X

« Je me suis fait tout à tous

afin d’en sauver de toute manière

quelques-uns. »

« Quelques-uns » … N’« en sauver » que « quelques-uns » ! Cela le rend déjà heureux. Paul sait que la tâche est dure. Nous le comprenons très bien. On a l’impression qu’il parle de notre pays, de notre situation en ce début de 3ème millénaire. « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » dirait le roi Salomon (Ec 1.9).

Cela signifie aussi que, nous, les « sauvés », nous ne sommes que « quelques-uns » dans la masse. Qu’étaient les quelques chrétiens après l’Ascension du Seigneur dans le vaste empire romain, pour ne parler que de l’empire et même pas de tout le reste du monde ? – « Quelques-uns ! »

« Quelques-uns ! » Mais pas « quelques » résignés, pas « quelques » hésitants, pas « quelques » recroquevillés sur eux-mêmes, mais « quelques » enthousiastes remplis du feu de la Pentecôte, du feu de l’Esprit Saint.

Non, ils n’étaient pas nombreux, mais ils savaient qu’ils étaient appelés à se multiplier. Ils se savaient privilégiés – privilégiés par la grâce de Dieu, privilégiés par rapport à ceux qui demeuraient encore perdus, car sans Christ – et ils savaient que ce privilège divin et éternel, le Seigneur leur demandait de le partager, du moins d’essayer de le partager.

Et c’est encore ce à quoi nous sommes appelés aujourd’hui : faire le nécessaire « pour en sauver de toute manière quelques-uns ».

Au Moyen-âge, à une époque où bien peu de gens savaient lire, l’image, les vitraux et la sculpture ont dû remplacer la parole. « En sauver de toute manière quelques-uns » était représenté par les croyants sur le bateau de l’Eglise, en train de se pencher par-dessus bord pour hisser dans le bateau les personnes perdues qui se débattaient dans l’eau.

Le détail qui nous intéresse ici, c’est qu’il faut se pencher par-dessus bord pour essayer d’« en sauver quelques-uns ». C’est une image. Question : Comment se penche-t-on vers ceux qui sont en train de se noyer, en train d’être perdus pour l’éternité ?

Paul nous donne un tuyau. Il nous dit comment lui s’y prend : « J’ai été faible avec les faibles afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous. »

Juste avant notre texte, il donne encore d’autres exemples de son adaptation à ceux qu’il veut sauver : « Avec les Juifs, j’ai été comme un Juif […] ; avec ceux qui sont sous la loi de Moïse, comme si j’étais sous la loi […] ; avec ceux qui sont sans la loi, comme si j’étais sans la loi […]. »

Chaque fois il répète pourquoi il le fait : « afin de sauver le plus grand nombre » de la séparation d’avec Dieu et de la damnation éternelle et de les « gagner » pour une vie dans la foi suivie de la vie éternelle (1 Co 9. 19-22). Il le répète 6 fois en 5 versets.

« Parce que j’ai clairement et constamment ce but en vue, » indique-t-il, « je me suis fait tout à tous ». Cela ne veut pas dire que Paul est devenu une girouette, changeant de position selon ses auditeurs. Il ne parle pas du fond, du message. Là il pouvait être dur pour ceux qui s’écartaient de l’Evangile de Jésus-Christ.

Non, il parle de méthode, d’attitudes. Il s’est adapté à ses différents auditoires, il a présenté l’Evangile de façon à ce qu’ici un Juif le comprenne, mais que là un païen puisse aussi suivre sa présentation de la vérité salutaire.

Il s’est aussi adapté à leurs cultures respectives, se comportant différemment à Jérusalem qu’en Grèce, par exemple. Si on choque les gens d’emblée, comment voulez-vous qu’ils prennent votre main si vous la leur tendez ?

Nous devons avoir le cœur assez gros, l’esprit assez large pour laisser nos principes culturels derrière nous quand ils érigent des barrières inutiles entre nous et les incroyants.

Il faut s’opposer à ce que Dieu défend, mais on peut le faire en faisant sentir à ceux qui sont dans l’erreur qu’on les aime, qu’on veut leur bien et qu’on fait tout pour trouver un terrain de rencontre.

Un exemple tout bête : Si vous invitez un musulman et que vous avez un chien dans la maison, vous le choquez. Bien sûr que vous avez le droit d’avoir un chien, mais il faut savoir ce qu’on veut.

Ou si vous invitez un Juif et que vous servez du porc, vous faites le contraire de ce que Paul a fait.

Bref, si nous voulons « en sauver quelques-uns », apprenons à connaître le mode de vie et l’état d’esprit de ceux que nous voulons « gagner » à Jésus-Christ pour construire des passerelles en leur direction.

Que notre Seigneur nous pardonne nos inflexibilités là où elles ne sont pas requises et nous remplisse de beaucoup d’amour et d’une grande faculté d’adaptation à ceux qui ont besoin de nous pour ne pas se perdre éternellement !

Amen.

Jean Thiébaut Haessig

Aucun commentaire: